France Musique : 30 ans ont passé, les souvenirs restent

J’ai déjà raconté ici – L’aventure France Musique – les raisons et les circonstances de mon arrivée à France Musique le 23 août 1993, il y a donc exactement 30 ans !

J’invite ceux que cela intéresse à relire mon article d’il y a cinq ans…

J’ai découvert un peu par hasard que le 6e épisode du podcast La Maison de la Radio : 60 ans de musique et de partage évoque cette période et le rôle que j’ai pu jouer (à écouter ici ou en direct le 26 août à 9 h sur France Musique)

Je garde de précieux souvenirs des presque six années que j’ai passées à la tête de la station, mais je n’éprouve ni nostalgie ni regrets. Encore moins ce qui malheureusement alimente souvent les souvenirs de ceux qui ont été « en responsabilité », l’aigreur ou la rancoeur. Ce sont des sentiments qui me sont, qui m’ont toujours été étrangers.

Oui il m’arrive de penser que j’aurais pu faire plus, mieux, plus longtemps dans les fonctions qui m’ont été confiées, mais j’éprouve plus souvent la satisfaction de voir que les projets qu’on a lancés, les transformations qu’on a opérées – et il y en a eu beaucoup à France Musique – sans heurts, sans atteinte à la dignité des personnes, sont ancrés dans l’histoire de la chaîne et dans la mémoire de ceux qui ont participé à l’aventure, et qui pour beaucoup en font encore partie.

Deux grilles etc.

Anne-Charlotte Rémond évoque dans cet épisode la grille que j’étais chargé de préparer pour janvier 1994 (sous la supervision de Claude Samuel). Elle aurait pu ajouter ma pleine et entière responsabilité dans celle qui a été établie, cette fois avec Pascal Dumay, pour la rentrée 1997. Les principes sont restés les mêmes, mais – il y a prescription – je voudrais raconter une anecdote qui illustre l’état de tension, d’incertitude que génère inévitablement l’exercice de la refonte d’une grille de programme chez les producteurs. Dumay et moi nous étions isolés pendant un week-end à l’écart de Paris pour « finaliser » le dispositif et bien entendu nous étions convenus, au moins implicitement, que nos discussions resteraient secrètes, tant que la grille ne serait pas validée, sachant que tous guettaient le moindre signe. Dans la semaine qui suivit, mon cher assistant, Sylvain Lopez (tragiquement disparu dans un accident de voiture à l’été 1999), me rapporta des « bruits » de couloir alarmistes, forcément alarmistes, sur nos travaux du week-end! Je parvins à identifier la source de ces bruits, une jeune productrice dont on me dit qu’elle était très proche du directeur de la musique…Je me retrouvai dans la très délicate situation de devoir dire innocemment (!) à ce dernier mon incompréhension quant aux fuites qu’on me rapportait. Penaud, il me promit de mettre fin à cette situation ! Finalement, « notre » grille fut très bien accueillie tant par la « maison » que par la presse.

J’ai précieusement gardé l’article de Christian Leblé paru dans Libération en janvier 1996, quelques mois avant que Claude Samuel ne soit remplacé par Pascal Dumay à la direction de la musique de Radio France : France Musique mue et remonte. Les problématiques qui se posaient demeurent peu ou prou et la nécessité de faire une « radio à l’écoute de ses auditeurs » plus évidente que jamais.

Mémoire retrouvée

Ainsi à l’occasion du récent décès de Renata Scotto, France Musique a rediffusé quelques épisodes d’une série « Mémoire retrouvée » que j’avais lancée dès l’été 1994, sur un principe simple. En radio, la plupart des personnes interviewées le sont parce qu’elles sont dans l’actualité ou parce qu’elles ont une « promo » à faire. Mais quid de celles et ceux qui ont quitté les feux de la rampe, et qui ont des tas de souvenirs à livrer… et qu’on interroge rarement ? J’avais donc proposé à tous les producteurs de la chaîne une formule et un format inédits (j’avoue que j’ai eu un peu de mal à convaincre la structure de production, déstabilisée par la liberté que je tenais à laisser aux équipes) : j’ai demandé à chacun(e) une liste de personnalités qu’il/elle souhaiterait interroger. Une fois d’accord, les producteurs prenaient contact avec elles et nous ne fixions la durée de l’émission qu’après que la rencontre entre interviewés et producteurs avait eu lieu. Ainsi, par exemple, la même productrice fit face à deux cas de figure opposés : après avoir rendu visite à un célèbre ténor (Alain V.), elle me dit qu’avec le matériau récolté, elle tiendrait tout juste une heure. En revanche, avant même d’en avoir terminé avec la grande Renata T., elle m’annonça qu’elle en aurait bien pour cinq émissions, toute une semaine. Je ne voulais surtout pas enfermer les uns et les autres dans un format.

C’est ainsi qu’avec Renata Scotto, en 1997, Mildred Clary put réaliser trois émissions : Mémoire retrouvée de Renata Scotto, à réécouter ici

Je regrette que mon successeur Pierre Bouteiller ait interrompu une série qui constitue, encore aujourd’hui, une formidable source d’archives exclusives sur le monde musical de la fin du XXème siècle.

Directs de New York et de Lyon.

Parmi les réalisations dont je reste fier, deux semaines vraiment exceptionnelles à l’automne 1998 ont marqué l’histoire de la chaîne. Anne-Charlotte Rémond évoque dans son podcast l’incroyable semaine en direct de New York avec Renaud Machart et Claude Carrière : je l’ai racontée ici lorsque Claude Carrière est mort (lire La belle carrière de Claude). Avec un incident dont je n’ai pas lieu d’être fier…

Quelques mois après l’expédition new-yorkaise, France Musique installait ses micros à l’Opéra de Lyon, pour une semaine de directs de l’amphithéâtre de la scène complètement refaite par Jean Nouvel en 1993.

Pour la première fois, les auditeurs de la chaîne allaient découvrir en direct plusieurs stars d’aujourd’hui : Karine Deshayes, Stéphane Degout, Stéphanie d’Oustrac…et l’ouvrage de Paul Dukas, Ariane et Barbe-Bleue, avec lequel le nouveau directeur général, Alain Durel, et son nouveau directeur musical, Louis Langrée, inauguraient leur mandat, Françoise Pollet incarnant glorieusement le rôle réputé inchantable d’Ariane.

Un dernier hommage à Michel Larigaudrie, disparu il y a bientôt un an, qui m’envoyait régulièrement des photos des émissions de France Musique qu’il réalisait. Je retrouve celle-ci au moment de conclure cet article : je ne reconnais pas tout le monde, sauf bien sûr à droite de la photo Rolf Liebermann (1910-1999), entre autres ancien directeur de l’Opéra de Paris, et tout à gauche Michel Larigaudrie et Olivier Morel-Maroger qui m’a lointainement succédé à la direction de la chaîne (de 2011 à 2014). Je me demande bien ce que j’étais en train de raconter à l’époque…

Les Belges sur France-Musique

Vive le podcast !

Dimanche dernier, l’ami Christian Merlin – lire. – consacrait son émission dominicale – Au coeur de l’orchestre – sur France Musique aux orchestres belges ! Et je l’ai manquée, mais on ne manque plus rien ni en radio ni en télévision grâce au podcast.

On peut donc entendre ou réentendre iciLes orchestres belges – la totalité de cette émission qui dresse un panorama aussi exhaustif qu’équilibré des formations orchestrales belges, mais on ne pourra m’empêcher de penser que, connaissant Christian Merlin, il a gardé le meilleur pour la fin. Il ne s’en cache d’ailleurs pas, et à partir d’ 1h36, il évoque l’Orchestre philharmonique royal de Liège (qui célèbre ses 60 ans cette année : Anniversaires public/privé).

Christian Merlin rappelle la glorieuse histoire d’une phalange, à laquelle je reste fier d’avoir consacré quinze ans de ma vie, de 1999 à 2014 – lire Liège à l’unanimité -, à laquelle me lient, pour toujours, tant de souvenirs, d’amitiés, d’émotions (Les beaux jours). Crise sanitaire oblige, j’aurai manqué, en cette triste année 2020, à la promesse que je m’étais faite de retourner, une à deux fois par an, rendre visite à mes amis liégeois, mais ce n’est que partie remise !

Pour illustrer son propos à propos de l’Orchestre philharmonique royal de Liège, Christian Merlin propose deux extraits musicaux : l’étude symphonique n°2, Ophélie, de Guillaume Lekeu, dirigée par Pierre Bartholomée.

et le finale de la Symphonie en ré mineur de César Franck, dirigée par Louis Langrée.

Merlin rappelle qu’une Tribune des critiques de disques de France Musique, à laquelle il participait d’ailleurs, avait, à l’issue d’une écoute à l’aveugle, distingué cette version comme la nouvelle référence interprétative dans une discographie surabondante.

Une anecdote – il y a prescription ! – : j’ai évidemment suivi, de bout en bout, la conception, l’enregistrement et la fabrication de ce disque qui regroupe les symphonies de Chausson et Franck. Je me rappelle une visite dans les bureaux d’Universal France, juste derrière le Panthéon à Paris, pour valider la pochette du disque… et mon étonnement lorsqu’on me présente un visuel ainsi rédigé : Franck CHAUSSON : Symphonies. Le graphiste devait penser qu’après Frank Michael, une gloire belge de la chanson, Franck Chausson devait être la nouvelle star promue par Universal !! J’ai quand même dû insister un peu pour qu’on rétablisse une parfaite égalité graphique entre les deux compositeurs… et rappeler que Chausson se prénommait Ernest !

Pour être complet sur cette Symphonie de Franck, qui est l’emblème de l’OPRL, rappelons que la dernière version enregistrée en 2012 par Christian Arming a obtenu un Diapason d’or (lire L’or des Liégeois)

Et puisque Christian Merlin le cite dans son émission, mentionnons le Diapason d’or 2019 décerné à Jean-Luc Votano pour ce très beau disque, en particulier pour son superlatif concerto pour clarinette de Lindberg.

Bonne écoute : France Musique, Au coeur de l’Orchestre avec Christian Merlin : Les orchestres belges