J’avais fait une halte dans cette charmante sous-préfecture des Pyrénées-Orientales le 14 juillet dernier et j’avais visité l’abbaye de Saint-Michel-de-Cuxaoù se tiennent la plupart des concerts du festival (lire Loin du monde).
Les affiches des trente premières années du festival font évidemment rêver.
La période 1980-2020 durant laquelle le festival fut animé par le clarinettiste Michel Lethiec est chichement documentée, peu de disques, encore moins d’échos de concerts sur YouTube, Durant quelques saisons, le festival de Prades eut même une résidence au théâtre des Champs-Elysées.
Depuis 2020, on sent un festival revivifié par Pierre Bleuse. Un festival qui heureusement s’expose à un large public via YouTube en particulier.
Plus en été qu’en d’autres périodes de l’année, j’aime me retrouver loin du monde, loin de la foule. C’est dans l’un de ces lieux complètement à l’écart, qu’on atteint qu’après plusieurs kilomètres de lacets dans la montagne que j’ai appris la mort, le 14 juillet, de Thierry Ardisson : le prieuré de Serrabone
Contraste absolu avec l’opulente Abbaye de Fontfroide, dont j’avais évidemment souvent entendu parler – un projet de collaboration entre le festival Radio France et Jordi Savall qui y programme quelques concerts en juillet avait même été esquissé mais abandonné pendant la crise sanitaire -. Le massif forestier qui entoure Fontfroide a été quelques jours menacé par les feux qui ont ravagé près de 2000 hectares dans l’Aude, il reste sous surveillance, mais en ce dimanche 13 juillet après les orages et les pluies torrentielles de la veille, ce sont plutôt les flaques d’eau qu’on devait éviter pour visiter le vaste site de l’abbaye. On y apprend que c’est toujours une propriété privée, appartenant aux descendants de Gustave Fayet qui avait entrepris au début du XXe siècle une formidable réhabilitation d’un site exceptionnel.
La veille, revenant de Collioure (photos à voir ici), j’avais fait halte à Elne, juste à temps pour m’abriter des pluies incessantes qui allaient arroser le Roussillon tout l’après-midi.et visiter un cloître qui témoigne de la longue histoire religieuse de la cité. Photos à voir ici
J’ai aussi le souvenir d’un festival de piano auquel le festival Radio France prêtait naguère son concours.
Après la montée à Serrabone, il était impossible de ne pas pousser jusqu’à Prades (voir ma brève de blog du 14 juillet). La petite cérémonie sur la place de la mairie venait de se terminer, ce n’était pas Jean Castex, mais son successeur à la mairie de Prades qu’on surprit en discussion avec un sous-préfet. Je n’étais jamais venu à Prades, lieu pourtant mythique pour le mélomane que je suis, puisque nul ne peut ignorer le festival de Prades, fondé en 1950 par Pablo Casals.
C’est à l’extérieur de Prades qu’on trouve l’abbaye Saint-Michel-de-Cuxa où ont lieu la plupart des concerts du festival.
On est aussi loin du monde quand on s’avise de visiter la ville natale de Gabriel Fauré (1845-1924) : lire La naissance de Fauré. Le 15 juillet à Pamiers on n’est pas submergé par la foule, et la ville ne semble pas exagérément fière de l’enfant du pays. Une sculpture inaugurée l’an dernier est bien cachée au fond de la cour intérieure de la mairie !
Il faut un peu chercher la stèle installée près de la cathédrale (fermée pour les visites !)
Quant à la maison natale de Fauré, elle est située au 17 de la rue Gabriel… Péri (anciennement rue Major)
J’ai dû récemment corriger la fiche Wikipedia consacrée au compositeur César Franck. Il y était écrit, en effet, qu’il était né belge le 10 décembre 1822 – et qu’il avait été naturalisé français en 1870. Sauf que Liège, sa ville natale, n’était pas belge en 1822, puisque le royaume de Belgique n’a été fondé qu’en 1831. La famille quitte Liège en 1835 et s’installe à Paris, où le jeune et très doué César, entré au Conservatoire de Paris en 1837, aura tôt fait d’empocher toute une série de premiers prix. En 1845 il se libère du joug pesant de son père qui lui voyait une destinée à la Wolfgang Amadeus. La suite à lire dans les bons ouvrages comme la somme de Joël-Marie Fauquet (Fayard)
Hulda
On l’aura compris, Liège n’a pas fini de célébrer le bicentenaire de l’enfant du pays. C’est ainsi que, mercredi soir, au Théâtre des Champs-Élysées, l’Orchestre philharmonique royal de Liège, le choeur de chambre (?) de Namur et une belle brochette de solistes, donnaient à entendre la résurrection de l’opéra Hulda, dûment cornaqués par le Palazzetto Bru Zane qui assure avoir créé ici la première intégrale complète sans coupures de l’oeuvre.
Mais Fabrice Bollon qui a donné Hulda le 16 février 2019 à l’opéra de Fribourg-en-Brisgau (Allemagne) dit la même chose ! Y aurait-il donc des intégrales plus intégrales que d’autres ?
Quoi qu’il en soit la version des Liégeois – bientôt attendue en disque – a déjà une supériorité évidente sur la version allemande : tous les chanteurs sont de parfaits francophones, en particulier le rôle-titre tenu par l’Américaine Jennifer Holloway qui a été, pour moi, la révélation de la soirée de mercredi.
Pour le reste, autant je peux être convaincu de l’utilité de restituer et d’enregistrer dans leur intégralité des oeuvres oubliées – et Hulda le mérite à l’évidence – autant je reste dubitatif sur la nécessité d’infliger au public ce qui s’apparente à un pensum souvent indigeste. Je partage assez l’avis de François Laurent qui écrivait hier dans Diapason : Hulda de Franck peine à pleinement convaincre.
Si je reconnaissais avec plaisir les sonorités rondes et chaudes d’un Orchestre philharmonique royal de Liège (dont j’ai quitté la direction il y a déjà 8 ans (Merci), la clarinette suprême de Jean-Luc Votano, je me disais, mercredi soir, qu’il manquait une baguette plus expérimentée dans l’art de conduire ces vastes fresques – je n’ai pas cessé de penser à un Patrick Davin ou à un Louis Langrée -. Un opéra en version de concert, c’est souvent compliqué, surtout s’il est long – on en sait quelque chose au Festival Radio France, puisque c’est notre spécialité depuis bientôt quarante ans ! -. Raison de plus pour avoir un maître d’oeuvre qui entraîne, emporte, convainque, surmonte les faiblesses de la partition.
Souvenir d’une belle co-production dirigée par Patrick Davin.
Dans le beau disque – Diapason d’Or – enregistré en 2011 par Christian Arming avec l’OPRL, il y avait déjà les musiques de ballet de Hulda
Bicentenaire
On attend pas mal de nouveautés et/ou rééditions à l’automne comme cette César Franck Edition annoncée par Warner
Les Belges de Fuga Libera ont publié deux coffrets (pas très bon marché d’ailleurs), qui comportent certes des rééditions mais aussi pas mal de premières au disque.
Dans la musique de chambre, en dehors de la sonate pour violon et piano (avec les excellents Lorenzo Gatto et Julien Libeer) et du quintette avec piano (Jonathan Fournel, Augustin Dumay, Shuichi Okada, Miguel Da Silva et Gary Hoffman !), ce sont beaucoup de découvertes qui attendent l’amateur
Pour la musique symphonique, des rééditions bienvenues (mais pourquoi ne pas avoir retenu les versions de Pierre Bartholomée et Louis Langrée de la Symphonie ? la comparaison entre les trois versions enregistrées par l’Orchestre philharmonique royal de Liège eût été passionnante !) et des premières concertantes (sous les doigts virtuoses de Florian Noack).
On a confié à l’actuel directeur musical de l’OPRL l’enregistrement du splendide Psyché – un vaste poème symphonique avec choeur en trois parties composé en 1887).
Louable intention mais la comparaison avec le disque légendaire (devenu introuvable) de Paul Strauss (EMI, 1975) n’est pas à l’avantage de la nouveauté.
Avec un peu de chance, on retrouvera ce Psyché dans le coffret Warner ?.
Pour le plaisir, comment ne pas rappeler l’exceptionnel « franciste » qu’est Louis Langrée, et cette fois une vidéo captée avec l’Orchestre de Paris :