Paris passé présent avenir

L’Orchestre de Paris est dans l’actualité (on ne parle pas d’un orchestre qui n’existe pas, sauf pour le Nouvel Obs, le « Philharmonique de Paris, cf. ma brève de blog) : son chef actuel, le futur comme le passé.

La rentrée de Klaus M.

Après avoir couvert le premier concert des Prem’s (lire Des Prom’s aux Prem’s) pour Bachtrack, j’assiste ce soir au dernier de la série, avec, comme il se doit, l’Orchestre de Paris et son chef actuel, Klaus Mäkelä.

Un programme « signature » – comme il y a des plats « signature » chez les grands chefs… de cuisine ! – : Copland, Gershwin, Varèse et deux créations.

L’après Mäkelä

C’est donc un compatriote de Mäkelä qui a été choisi pour lui succéder à la tête de l’Orchestre de Paris en 2027, puisqu’on sait depuis qu’il a été annoncé à Amsterdam puis à Chicago que le jeune Finlandais ne resterait pas à Paris. Le contraste générationnel est patent : Esa-Pekka Salonen aura 69 ans lorsqu’il prendra ses fonctions de « chef principal » (la nuance est d’importance, la charge est a priori moins lourde que celle de « directeur musical »).

C’est sans doute un très bon choix, je n’ai toujours eu que des éloges à faire lorsque j’ai entendu Salonen, récemment (Les tableaux symphoniques de Salonen), ou il y a quelques années (Salonen fait un Mahler).

Je me suis replongé cet été dans le coffret publié par Sony à l’occasion de son 60e anniversaire (voir le détail ici : Salonen le maître du XXe siècle)

J’y ai redécouvert un disque vraiment singulier, qui m’avait échappé, une version pour ténor et baryton du Chant de la Terre de Mahler. Et pas n’importe quels chanteurs : je connaissais l’incroyable immensité du répertoire de Placido Domingo au moins au disque, mais je me rappelais pas qu’il s’était aventuré dans Mahler. Ce n’est sans doute ma version de référence, mais cela mérite au moins d’être écouté !

Hommage à Christoph von Dohnányi

Tout a été dit et écrit – pour une fois sans erreur ni approximation – dans les médias sur la disparition du chef Christoph von Dohnányi à la veille de son 96e anniversaire. Decca annonce la parution prochaine d’un coffret des enregistrements du chef allemand avec les Viennois, après ceux de Cleveland (voir Authentiques)

Il a été rappelé que le chef allemand a été de 1998 à 2000 « conseiller musical » de l’Orchestre de Paris. Il reste quelques précieux témoignages de sa présence à Paris, en particulier le tout dernier concert qu’il y dirigea le 23 octobre 2019. que la Philharmonie a republié sur son site : https://philharmoniedeparis.fr/fr/live/concert/1104230-orchestre-de-paris-christoph-von-dohnanyi

Ici un extrait de répétition de la 3e symphonie de Brahms, avec le très regretté Philippe Aïche au premier violon.

L’année précédente c’était un programme Ligeti-Beethoven-Wagner que dirigeait le chef.

Authentiques

Je m’apprêtais à évoquer la figure singulière du chef Christoph von Dohnányi et un nouveau coffret (voir ci-après) lorsque j’ai appris le décès, ce 9 octobre, d’un autre chef très singulier, le Finlandais Leif Segerstam

Leif Segerstam (1944-2024)

Le chef et compositeur finlandais Leif Segerstam est mort le 9 octobre, sans susciter de réaction notable en France où il a été plutôt rare. Mais nul discophile n’ignore son nom.

J’ai un souvenir personnel de ce chef à Genève. Je ne me rappelle plus pourquoi (ni par qui) il avait été engagé pour diriger l’Orchestre de la Suisse Romande dans le studio Ansermet de la maison de la Radio suisse romande, bd Carl Vogt. Mais c’est moi qui avais « négocié » une partie du programme, l’autre étant imposée (un concert UER ?). En première partie, une symphonie (la 21e ou 25e ?) parmi les 371 (oui 371 !) qu’a laissées le chef-compositeur, la création d’un concerto pour trompette d’un compositeur ayant remporté, je crois, le concours de composition Reine Marie-José* – le soliste étant Jouko Harjanne – et en deuxième partie les quatre Légendes de Sibelius.

Segerstam à l’époque – vers la fin des années 80 – portait déjà barbe nourrie et embonpoint certain. En le voyant se mouvoir et diriger, j’avais toujours l’image de Brahms à la fin de sa vie.

On ne peut pas dire que la comparaison soit forcée !

Les deux ou trois fois où j’ai entendu et vu diriger Leif Segerstam comme les disques que j’ai de lui, laissent l’empreinte d’une personnalité profondément originale, d’un musicien qui n’a cure d’aucun dogme, d’aucune convenance dans sa manière d’approcher une oeuvre. Et cela donne toujours, toujours, un résultat étonnant. Surtout ne pas limiter Segerstam à la sphère scandinave, où il est bien entendu chez lui, mais pas seul. Il n’est que d’essayer de consulter sa discographie pour constater qu’il a embrassé un répertoire incroyablement vaste.

J’ai ainsi découvert l’oeuvre symphonique du Français Louis Aubert (1877-1968) grâce à lui

J’aime beaucoup, même si ce n’est pas mon premier choix, sa version de l’opéra de Korngold, Die tote Stadt

Et puisque mon premier souvenir au concert des quatre Légendes de Sibelius, c’est à lui que je le dois, je découvre avec bonheur cette récente captation de concert à Turku, dont il était le chef depuis 2012.

On ne peut d’un seul article faire le tour d’une personnalité aussi protéiforme, mais encore un mot de son oeuvre de compositeur. Le nombre de ses symphonies fait sourire : 371 achevées. Voici au hasard l’une d’elles… sans chef !

Impossible d’établir une discographie. Quelques indispensables néanmoins pris dans ma discothèque :

Christoph von Dohnányi #95

Je l’annonçais à l’occasion d’un billet sur Bruckner. Il a fallu attendre qu’il fête ses 95 ans le 8 septembre dernier pour que son éditeur de toujours – Decca – songe à honorer Christoph von Dohnányi ! Pourquoi n’a-t-on retenu que les enregistrements réalisés à Cleveland, alors qu’en y adjoignant ceux de Vienne (avec les Wiener Philharmoniker) on n’aurait pas vraiment alourdi le coffret ?

Contenu du coffret :

CDs 1–5 MOZART
Symphonies 35, 36, 38, 39, 40, 41
Bassoon Concerto K.191
Clarinet Concerto K.622
Flute & Harp Concerto K.299
Oboe Concerto K.314 
Serenade No.13 “Eine kleine Nachtmusik”
Sinfonia concertante K.364

CD 6
BERLIOZ Symphonie fantastique
WEBER/BERLIOZ L’Invitation a la valse

CDs 7 & 8 SCHUMANN
Symphonies 1–4

CD 9
BRAHMS Violin Concerto
SCHUMANN Violin Concerto

CDs 10–16 BRUCKNER
Symphonies Nos. 3–9

CDs 17–22 WAGNER
Das Rheingold
Die Walküre

CD 23 R. STRAUSS
Ein Heldenleben
Till Eulenspiegels lustige Streiche

CDs 24–28 MAHLER
Symphonies Nos. 1, 4, 5, 6 & 9

CD 29 SMETANA
Dvě vdovy (The Two Widows): Overture & Polka
Hubička (The Kiss): Overture
Libuše: Overture
Prodana nevěsta (The Bartered Bride):
Overture & 3 Dances
Vltava (The Moldau)

CDs 30–36
BARTÓK Concerto for Orchestra
Music for strings, percussion & celesta
DVOŘAK Symphonies 6, 7, 8 & 9 ・ Scherzo capriccioso
Slavonic Dances Opp. 46 & 72
JANAČEK Rhapsody for Orchestra “Taras Bulba”
Capriccio
LUTOSŁAWSKI Concerto for Orchestra ・ Musique funebre
MARTINŮ Concerto for string quartet & orchestra
SHOSTAKOVICH Symphony No.10

CD 37 WEBERN
Fuga (Ricercata) aus dem Musikalischen Opfer
Im Sommerwind ・ Passacaglia ・ 5 Pieces Op.10 ・ 6 Pieces Op.6a
Symphony Op.21 ・ Variations Op.30

CDs 38 & 39
CRAWFORD SEEGER Andante for Strings
IVES Orchestral Set No.2
Symphony No.4
Three Places in New England (Orchestral Set No.1)
The Unanswered Question
RUGGLES Men and Mountains ・ Sun-treader
VARESE Ameriques

CD 40
BIRTWISTLE Earth Dances
HARTMANN Adagio (Symphony No.2)
SCHOENBERG 5 Orchesterstücke Op.16

Tous ces disques ont été à un moment ou un autre disponibles, mais plus dans les pays anglo-saxons qu’en France, où pourtant le chef allemand a officié plusieurs années à la tête de l’Orchestre de Paris. On m’a rapporté naguère que son mauvais caractère ne lui avait pas toujours attiré les sympathies des musiciens…

Je vois sur le site de la Philharmonie de Paris la captation d’un concert de 2019 – que j’ai manqué ! – où l’on remarque avec émotion la présence à la première chaise du regretté Philippe Aïche, disparu il y a deux ans déjà (lire Les morts et les jours)

https://philharmoniedeparis.fr/fr/live/concert/1104230-orchestre-de-paris-christoph-von-dohnanyi

Ecouter Dohnanyi c’est comme respirer une tradition venue en ligne directe d’Europe centrale, un style, une rigueur, une puissance, qui conviennent autant à Haydn ou Mozart qu’à Brahms, Schumann, Bruckner, Mahler ou à Schoenberg. On a de tout cela dans ce coffret, et bien sûr le son inimitable de Cleveland.

Cette captation de la 2e symphonie de Schumann au Carnegie Hall de New York en 2000 est d’autant plus émouvante qu’elle est introduite par celui qui fut l’inamovible président de la mythique salle, le violoniste Isaac Stern, déjà très fatigué par la maladie qui allait l’emporter quelques mois plus tard.

* Marie-José de Belgique (1906-2001), dernière reine d’Italie par son mariage avec Umberto II qui a régné 35 jours de mai à juin 1946, vit à partir de 1947, séparée de son mari, au château de Thônex dans la banlieue de Genève, et participe activement à la vie musicale et culturelle de la région. C’est ainsi qu’elle fonde en 1959 un Prix international de composition musicale.Elle est la grand-tante de Philippe, l’actuel roi des Belges,

Les morts et les jours

Octobre n’est pas fini et on pleure déjà trop de morts.

Lari et France Musique

Le 28 septembre, sur Facebook, j’écrivais : J’apprends par ma chère Arièle Butaux le décès hier après-midi de notre ami Michel Larigaudrie.

De lui, nous qui avons eu la chance de le côtoyer à Radio France, à France Musique, nous pouvons dire : nous l’avons tant aimé.

Jusqu’au bout, dans sa retraite toulonnaise, il est resté un citoyen engagé, exigeant (à l’égard notamment de ses jeunes collègues du service public), révolté souvent par les injustices du monde, plein d’affection et d’attentions pour ses proches et ceux qu’il aimait.

Adieu Lari !

Ces dernières années, Michel Larigaudrie, Lari pour les intimes et comme il signait ses messages, ne manquait pas une occasion de me rappeler les jours heureux, les siens, les miens, de France Musique, m’envoyant les photos qu’il avait prises en maintes circonstances, documentant ainsi précieusement des émissions, des rencontres, qui n’auraient, sinon, pas laissé de traces autres que sonores.

Lire Fortes têtes, Les politiques au micro.

Michael Ponti l’intrépide

Michael Ponti (1937-2022), j’en ai entendu parler pour la première fois à Genève. C’était son partenaire de musique de chambre, Robert Zimansky, à l’époque violon solo de l’Orchestre de la Suisse romande, qui s’était étonné auprès de moi que ce pianiste à la virtuosité exceptionnelle ne soit jamais invité par l’OSR ! Je ne l’ai jamais entendu en concert, surtout depuis qu’à la fin des années 90 un accident vasculaire l’avait contraint à réduire considérablement son activité. Il est mort le 17 octobre dernier en Allemagne où il vivait.

Mais il laisse un nombre impressionnant d’enregistrements d’oeuvres concertantes, qu’il fut parfois le seul, souvent le premier, à graver. On conseille en particulier ce coffret qui regroupe notamment tous les disques enregistrés pour le label américain Vox :

Jean Teulé le dégingandé

Je ne le croiserai plus dans les rues du Marais, où il avait ses pénates. C’est bête de mourir d’une intoxication alimentaire. C’est ce qui est arrivé à Jean Theulé, 69 ans.

Je n’étais pas ce qu’on peut appeler un « fidèle lecteur », plutôt occasionnel. Je vais rattraper mon retard.

Philippe Aïche, le dernier violon

Je me demandais pourquoi, depuis un bon moment, je ne voyais plus Philippe Aïche à la première chaise – c’est ainsi qu’on nomme la place à laquelle est assis le premier violon, le Konzertmeister, d’un orchestre – de l’Orchestre de Paris. Christian Merlin en révèle la triste raison ce matin dans Le Figaro. Une tumeur au cerveau et la disparition annoncée hier, à 59 ans, d’un musicien, entré en 1985 à l’orchestre, qui récolte l’hommage unanime de toute la profession. Encore une mort injuste.

Philippe Aïche, David Gaillard, répètent la Symphonie concertante de Mozart avec l’orchestre de Paris dirigé par Gianandrea Noseda.

J’ai plein de souvenirs évidemment de Philippe Aïche, mais un tout particulier, lorsqu’il créa, en 1997 je crois, le 2ème concerto pour violon d’Eric Tanguy.

Condoléances à sa famille et ses collègues de l’Orchestre de Paris.

Pauvre hommage

Voici bientôt un an que Nelson Freire a quitté cette vie (voir L’admirable Nelson). Decca annonce des inédits à paraître ces jours-ci.

J’aurais aimé dire du bien d’un livre qui était attendu par tous les admirateurs et les amis du pianiste brésilien – et ils sont nombreux -. Je regrette presque de l’avoir acheté.
Voici comment l’éditeur le présente :

« Doté de fabuleux moyens, le Brésilien Nelson Freire est depuis son plus jeune âge l’un des plus grands pianistes au monde. Sa carrière a pourtant mis du temps à se hisser à la hauteur de son talent. Hypersensibilité maladive, caractère indocile et une sorte de malédiction l’ont maintenu à part, jusqu’à l’apothéose des dernières années.

Son jeu noble, puissant, sensuel et coloré a fini par lui valoir l’amour du public en plus de l’admiration des musiciens. Très proche de Martha Argerich, avec laquelle il a formé un duo de légende, il reste un interprète miraculeux de Chopin, Schumann, Brahms, Debussy ou Villa-Lobos.

En octobre 2021, sa mort soudaine a plongé le monde musical dans la sidération. Après une enquête minutieuse, Olivier Bellamy retrace son fascinant parcours et lève le voile sur l’un des secrets les mieux gardés du piano« 

Les raisons de ma colère ? Je n’ai rien appris que je ne connusse déjà (et qui était déjà écrit dans le bouquin que le même auteur a consacré à Martha Argerich). Mais quand on a eu la chance d’approcher des êtres comme Nelson Freire, de partager parfois leur amitié, on ne se répand pas en anecdotes douteuses, en détails intimes, qui n’apportent rien à la connaissance de l’artiste et s’apparentent à une violation de la vie privée d’un mort et de ses proches. Je dois être trop old school..