Mises en boîtes : Copland, Mendelssohn

Le CD est mort, paraît-il, mais les éditeurs continuent de mettre en boîtes leurs fonds d’archives, parfois récentes. Et c’est une opération bien pratique pour qui a des rayons encombrés de trop de galettes individuelles.

Pour une fois, il n’y a pas eu besoin d’anniversaire prétexte pour sortir deux coffrets remarquables.

Copland by Copland

Aaron Copland (1900-1990), mort quelques semaines après son cadet Leonard Bernstein (lire Bernstein ou le génie à vif), est l’archétype du compositeur américain, l’inventeur d’une musique qui plonge toutes ses racines dans la terre américaine. Il est l’un des seuls à avoir bénéficié d’une notoriété mondiale, à défaut d’une vraie célébrité. Même si on connaît mal son oeuvre, on connaît son nom.

J’avais déjà dans ma discothèque plusieurs des CD où le compositeur dirige ses propres oeuvres, le plus souvent à la tête d’orchestres londoniens ! Sony vient de rééditer l’intégrale de ce précieux legs en 20 CD et à petit prix, il faut le relever puisque cela n’a pas toujours été le cas naguère.

C’est évidemment une somme inestimable, qui donne à connaître un créateur plus complexe que ne le laissent deviner ses oeuvres les plus connues (Appalachian Spring, Billy the Kid, Rodeo…) qui sont évidemment les plus descriptives, les plus « natives » !

Quelle chance ont eue les enfants qui, ce jour-là, assistaient à l’un des Young People Concerts animés et présentés par Leonard Bernstein, lorsqu’ils ont découvert le compositeur Aaron Copland jouant son propre concerto pour piano !

A Liège, après la restauration en 2005 de l’orgue Schyven de la Salle philharmonique, j’aurais souhaité programmer la symphonie avec orgue de Copland. Je n’y suis jamais parvenu, et mes successeurs non plus jusqu’à présent !

Mendelssohn sur les ailes du chant

C’est devenu une habitude chez Warner Classics de consacrer de forts coffrets à des compositeurs, certes les plus souvent à l’occasion d’un anniversaire. Dans le cas de Felix Mendelssohn-Bartholdy (1809-1847), aucun prétexte particulier, sauf pour réunir en 40 CD des versions déjà connues, publiées par les différents labels qui font partie aujourd’hui du groupe Warner : EMI, Electrola, Teldec, Erato, etc.

Les pièces pour piano – pour l’essentiel les cycles de Romances sans paroles – sont dues Daniel Adni avec quelques raretés bienvenues, des Etudes et caprices joués par Annie d’Arco et surtout une Première sonate avec la pianiste argentine Silvia Kersenbaum (grâce à qui j’avais découvert le 2e concerto pour piano de Tchaikovski).

C’est Marie-Claire Alain qui avait jadis gravé une part malheureusement peu connue de la production de Mendelssohn, son oeuvre pour orgue

Pour la musique de chambre, Warner n’a pas eu de mal à trouver les meilleures versions : Frédéric Lodéon (violoncelle), Maxim Vengerov (violon), le trio Fontenay, l’élégant sextuor avec piano capté lors d’un festival Argerich à Lugano, les quatuors sont partagés entre les Berg, Artemis et Cherubini.

Les concertos pour piano sont ceux de Cyprien Katsaris et Kurt Masur, une version plusieurs fois couronnée, celle que nous avions retenue, il y a bien longtemps, dans l’émission Disques en Lice (lire Une naissance) :

Sans surprise, le corpus des « grandes » symphonies est confié à Kurt Masur et à « son » Orchestre du Gewandhaus de Leipzig (qui donnent aussi un magnifique Songe d’une nuit d’été) les symphonies de jeunesse étant dévolues au Concerto Köln.

Deux absolues raretés, deux brefs ouvrages lyriques – Die beiden Pädagogen et Die Heimkehr aus der Fremde – dirigées par Heinz Wallberg avec des stars de l’époque, Peter Schreier, Dietrich Fischer-Dieskau… tout un bouquet de mélodies composite, et tout un récital du grand Fischer-Dieskau accompagné par Sawallisch au piano. L’oeuvre chorale est dévolue à Michel Corboz.

Seul regret, pour les deux grands oratorios, Paulus et Elias, il y a mieux que les honnêtes Conlon et Frühbeck de Burgos proposés ici.

La somme est admirable, ce coffret unique, donc hautement recommandé !

Les années Herreweghe

Il est tellement discret, et peu soucieux de sa « com », qu’on a loupé son 70ème anniversaire. Pourtant on aurait dû être alerté par la parution, au printemps dernier de cette « Conversation » menée par Camille de Rijck.

51MjU2auQML

Philippe Herreweghe est donc septuagénaire depuis le 2 mai 2017. On a peine à le croire, tant le chef de choeur et d’orchestre gantois, qui a fait ses débuts à Liège (il a créé et animé l’éphémère choeur symphonique qui devait compléter l’orchestre philharmonique de Liège)  a conservé un air d’éternel adolescent.

Avec d’autres moyens, par d’autres voies moins impérieuses, moins radicales qu’un Harnoncourt, Herreweghe a ravivé, ressourcé notre écoute des grandes partitions baroques et classiques, et quand il s’est aventuré dans le romantisme, d’aucuns lui ont reproché une certaine timidité, une absence d’extraversion, alors que nous aimions cette approche fraternelle, empathique, de l’intimité de Beethoven, Schubert, Mendelssohn ou Schumann.

81AjBR6CjDL._SL1210_

Un très beau et copieux coffret, à très petit prix, nous restitue, en 30 CD, près de 30 ans d’aventure discographique partagée entre Philippe Herreweghe et Harmonia Mundi. couvrant quatre siècles de répertoire : de la Renaissance (Palestrina, Hassler…) au XXème siècle (Pierrot Lunaire de Schoenberg, Das Berliner Requiem de Weill), en passant par les Requiem de Fauré, Mozart, Brahms, la Passion selon Saint Matthieu et le Magnificat de Bach, les Nuits d’été de Berlioz, entre autres chefs-d’œuvre.

8108ILxXwDL._SL1203_

Détails du coffret à voir ici : Philippe Herreweghe 70 : Les années Harmonia Mundi