18 mai : Arming, François, Bâle

Le centenaire de Samson

Je l’avais anticipé le 17 mars dernier – Rédécouvrir Samson – c’est aujourd’hui le centenaire de la naissance du pianiste Samson François. On ne manquera pas le nouveau Portrait de famille que Philippe Cassard lui consacre aujourd’hui sur France Musique

Il y a dix ans (II) : halte à Bâle

Comme je le rappelais dans le premier épisode de la série Il y a dix ans, l’Orchestre philharmonique royal de Liège entreprenait au printemps 2014 une nouvelle tournée en Suisse et en Autriche, qui avait commencé à Bâle le 18 mai.

A propos de cette belle ville frontalière de la France et de l’Allemagne, je ne peux m’empêcher de raconter à nouveau une anecdote vécue sur l’antenne de France Musique, il y a heureusement bien longtemps. Un présentateur devait annoncer puis désannoncer un disque enregistré par Armin Jordan dirigeant l’orchestre symphonique de la ville suisse. En anglais comme en allemand, Bâle se dit Basel. Et la dénomination allemande de l’orchestre est : Basler Sinfonie-Orchester. Ce qui donna sur France Musique : « Armin Jordan(e) dirige l’orchestre Basler » ! Rien de grave franchement, juste amusant.

Donc, le 18 mai 2014, l’OPRL était à Bâle, et j’en avais profité pour dresser le portrait d’une personnalité exceptionnelle liée à l’industrie pharmaceutique qui a fait la fortune de la cité suisse, Paul Sacher. Lire Le mécène musicien.

On pourrait suggérer à Warner de rééditer le legs discographique passionnant de ce monument du XXe siècle :

La fidélité à un chef

Il y a cinq ans, j’avais assisté à Liège au dernier concert de Christian Arming en sa qualité de directeur musical de l’OPRL (lire Fidélité). C’est lui qui très logiquement dirigeait la tournée de l’orchestre au printemps 2014, j’en reparlerai dans quelques jours à propos de l’étape viennoise.

C’est encore Christian Arming que j’accueillerais plusieurs fois à Montpellier (voir Ils ont fait Montpellier : Top chefs), notamment en 2018 avec les Liégeois et en ouverture de programme le chef-d’oeuvre du compositeur Guillaume Lekeu (1870-1894)

Les raretés du confinement (XIII) : Karajan, Diepenbrock, Stravinsky, Cencic, l’été à venir

Toute la métropole est maintenant soumise au confinement qui ne dit pas son nom. Mais il y a maintes raisons d’espérer.

28 mars : Prokofiev et Karajan

Herbert von Karajan (1908-1989) a beaucoup enregistré. Dans son abondante discographie, on repère des enregistrements uniques, hors de son coeur de répertoire, comme cette Cinquième symphonie de Prokofiev… qui est, pour moi, en tête de toute la discographie de cette oeuvre. Tout y est, l’esprit de Prokofiev, la rythmique implacable, une réalisation orchestrale fabuleuse.

29 mars : l’enfant a grandi

Quelques rares chefs ont fait appel à une voix de jeune garçon pour le 4ème mouvement de la 4ème symphonie de Mahler (notamment Bernstein). Ce fut aussi le choix du chef slovène, Anton Nanut, disparu en 2017 (lire : Milan et Anton). Reconnaîtrez-vous l’enfant qui chante « Das himmlische Leben »?

30 mars : Les roses du Sud

L’une des plus belles valses de Johann Strauss, Rosen aus dem Süden/ Roses du Sud, date de 1880. Elle reprend des thèmes d’une opérette complètement oubliée aujourd’hui, Le mouchoir de dentelle de la Reine / Das Spitzentuch der Königin.Elle commence par un thème majestueux (de ceux que Brahms enviait à Johann Strauss), elle a trouvé en Karl Böhm (1894-1981) son interprète de référence. Personne mieux que lui n’a fait rugir cors et cordes des Wiener Philharmoniker, enregistrés en 1972 dans l’acoustique exceptionnelle de la Sofiensaal aujourd’hui détruite. Il n’est que d’écouter l’articulation serrée, la tenue corsetée, aristocratique, en même temps qu’un inimitable parfum viennois, de cette interprétation.

Johann Strauss : Rosen aus dem Süden Wiener Philharmoniker dir. Karl Böhm

31 mars : par ici la sortie ?

Je me suis fait la promesse – qui n’engage que moi ! – de ne plus évoquer, sur aucun réseau dit « social », le COVID-19. Je fais une exception très momentanée, pour dire – promis je ne le referai pas ! –

  • que j’en ai ras-le-bol- de cette crise qui dure
  • de la multitude des Yaka et Faucon qui ont envahi, submergé le débat public sur la crise sanitaire
  • de ces vieux réflexes pourris consistant à accabler Macron et le gouvernement pour tout ce qu’ils disent/ne disent pas, tout ce qu’ils font/ne font pas
  • de ces irresponsables qui se foutent des mesures barrière, qui se contaminent joyeusement entre eux et qui vont grossir les rangs des réanimations
  • de ces artistes – ouh là je ne me vais pas me gagner des amis ! – qui se plaignent de leur sort, se lamentent sur la fermeture des lieux de spectacle, comme s’ils vivaient hors sol, alors que, comme tous les secteurs de la société, ils bénéficient d’une aide publique sans équivalent dans le monde
  • Oui marre de ces gens qui passent leur temps à se plaindre, à gémir, à imputer la responsabilité de ce qui nous arrive à ces salauds qui nous gouvernent.
  • Je dis juste ceci, parce que je le pense, et que je me pose chaque jour la question : qu’aurais-je fait à la place du président, du gouvernement, si j’avais été confronté à pareille crise ?
  • Oui bien sûr je râle parce que les promesses de vaccination massive ne soient pas suivies d’effets, de faits, oui bien sûr je râle parce que les restaurants, les cafés, les salles de spectacle soient fermés, oui bien sûr je râle parce qu’on a – tous gouvernements confondus depuis vingt ans – laissé la technocratie s’emparer de la gestion de la santé publique. Mais, en ce moment, aujourd’hui, râler ne sert à rien.Bientôt j’annoncerai l’édition 2021 de mon festival. Je fais fi de toutes les prudences, de tous les conseils qui me susurrent que je devrais attendre d’être certain qu’on soit sûr de…Je suis encore un homme libre, et j’ai encore la liberté de provoquer le destin. Vive l’été qui vient !
J’ai pris cette photo de la statue de Jean Jaurès, bien seule depuis des mois, sur une place de Montpellier, d’ordinaire noire de monde et de terrasses de cafés et restaurants. Je la reprendrai bientôt, dès que possible !

1er avril : Gaîté parisienne

Grâce aux recherches de Jean-Christophe Keck on sait maintenant qu’Offenbach – dont le vrai nom était Têtedeboeuf – a puisé l’essentiel des thèmes de ses opérettes dans les cantates de… Bach !

Cette filiation Bach-Offenbach est encore plus évidente dans cette Gaîté Parisienne qui a fait la gloire (et la fortune) de Manuel Rosenthal (lire : Petits et grands arrangements : les Français)

Eblouissante version de Heribert Ritter von Karajan à la tête du Philharmonia Orchestra

2 avril : Beethoven à Amsterdam

Au milieu d’une fabuleuse intégrale « live » des symphonies de Beethoven, où se retrouvent Blomstedt, Bernstein, Kleiber, Norrington, Harnoncourt… (lire : Beethoven : Les géants d’Amsterdam/) une Neuvième symphonie survoltée, dirigée en 1985 par Antal Dorati :

Beethoven, Symphonie #9, finale

Roberta Alexander, soprano

Jard Van Nes, mezzo soprano

Horst Laubenthal, ténor

Leonard Mroz, basse

Concertgebouworkest dir. Antal Dorati

3 avril : Le premier Messie

En 1966, Colin Davis (1927-2013) enregistrait une version du Messie de Haendel qui marquait une révolution dans l’interprétation de ce célèbre oratorio.

A l’opposé de l’emphase victorienne qui caractérisait les versions de ses illustres aînés (Boult, Beecham), effectifs allégés, tempi alertes, même sans le recours à un instrumentarium d’époque.

Une version qui n’a rien perdu de sa pertinence !

Haendel : Messiah

Heather Harper, Helen Watts, John Wakefield, John Shirley-Quirk

London Symphony Orchestra dir. Colin Davis

4 avril : La grande pâque russe

Rimski-Korsakov écrit en 1887/1888 « La grande pâque russe« , une « ouverture sur des thèmes de l’église russe pour grand orchestre ».

Un chef-d’oeuvre souvent enregistré. Peu de versions restituent la dimension mystique autant que la flamboyance orchestrale de l’oeuvre.

Lire : La grande pâque russe

C’est le cas de Lovro von Matačić (1899-1985) qui dirige le Philharmonia en 1959.

5 avril : Le Hollandais oublié

Le compositeur Alphons Diepenbrock est né à Amsterdam en 1862 et mort dans la même ville il y a cent ans exactement le 5 avril 1921.

Admirateur et ami de Mahler, Richard Strauss, Debussy, DIepenbrock a dédié l’essentiel de son oeuvre à la voix. Un compositeur à découvrir absolument : Le Hollandais oublié

Die Nacht (1911) est un somptueux poème symphonique avec voix soliste. Ici dans l’interprétation de Janet Baker et de Bernard Haitink dirigeant le Concertgebouworkest

6 avril : Stravinsky et Karajan

Stravinsky est mort il y a 50 ans le 6 avril 1971.

Herbert von Karajan (né lui le.. 5 avril 1908) a relativement peu dirigé le compositeur, à l’exception du Sacre du printemps (2 versions studio et plusieurs « live » exceptionnels), et d’une poignée d’oeuvres.

Karajan ne pouvait que succomber au charme néo-classique du Concerto en ré Majeur pour cordes, que Paul Sacher commanda à Stravinsky à la fin de la Seconde guerre mondiale, et qu’il créa avec l’Orchestre de chambre de Bâle en 1947.

La douce nostalgie du 2ème mouvement de ce Concerto en ré devrait rappeler quelques souvenirs de radio (lire : Jean-Michel Damian: une voix de radio) aux plus fidèles auditeurs de France Musique.

7 avril : L’invitation au voyage

L’invitation au voyage de Baudelaire, c’est l’une des plus belles mélodies de Duparc. Et d’inoubliables interprètes.

Le même poème a été mis en musique par le compositeur néerlandais Alphons Diepenbrock, mort il y a cent ans, le 5 avril 1921 (lire :Le Hollandais oublié) et cela donne une mélodie très différente, mais très intéressante, surtout quand elle est interprétée par l’immense Aafje Heynis (1924-2015)

Et ce jeudi c’est l’annonce d’un été de fête !

Retour à la vie

C’était l’événement, le premier concert dans le monde dans une salle de concert devant un vrai public – 600 personnes ! – depuis le début du confinement. Ce 25 juin, Michel Orier, le directeur de la Musique et de la Création de Radio France, a eu les mots justes : « 105 jours sans vous, c’est long, trop long », après qu’une puissante salve d’applaudissements a salué l’arrivée sur la scène de l’Auditorium de Radio France les musiciens de l’Orchestre National de France.

IMG_0820

Le temps retrouvé

IMG_0832

Un orchestre qui ne peut encore (mais bientôt ?) jouer en grande formation, notamment avec les vents et les cuivres, des pupitres de cordes donc très sollicités.

IMG_0833

Un programme admirable, idéalement conduit par François-Xavier RothPeu sont capables comme lui de passer d’une symphonie du plus original des fils Bach, Carl Philip Emanuel au Divertimento de Bartók

Je me rappelle toujours avec bonheur – même si l’aventure fut de courte durée – les programmes imaginés dans l’enthousiasme avec le chef français pour son concert inaugural de directeur musical de l’Orchestre philharmonique royal de Liège en 2009 : Haendel (Royal fireworks), Haydn (symphonie n°96) et Holst (Les Planètes) ! Pas moins !

Conjurer l’angoisse

Comme Daniele Gatti le 11 juin dernier avec la 2ème symphonie d’Honegger (1941), le programme d’hier soir reprenait deux oeuvres quasi-contemporaines, écrites en 1939-1940, à la demande du chef et mécène suisse Paul Sachercomme de Double concerto pour cordes, piano et timbales de Martinů.

Le compositeur explique la frénésie de ce concerto par la pesanteur des années précédant la Seconde Guerre mondiale : « J’ai voulu me dégager de cette oppression, me défendre par mon travail et lutter contre cette menace qui devrait tourmenter chaque artiste et chaque homme dans ses convictions les plus profondes »

IMG_0837

Cédric Tiberghien avait rejoint les cordes et le timbalier de l’Orchestre National de France. Et ce fut sans doute une découverte pour une majorité du public présent comme de celui qui suivait le concert sur France Musique et/ou sur ArteConcert.

Concert à réécouter/revoir dans son intégralité ici sur francemusique.fr

Le Divertimento de Bartók

C’est dans le chalet de son commanditaire, Paul Sacher, près de Saanen (en Suisse), que Bartókcompose du 1er au 17 août 1939, cette oeuvre au titre paradoxal, qui n’a vraiment rien d’un aimable divertissement qui exprime « l’angoisse de l’auteur confronté à la guerre qui menace ». L’oeuvre est créée le 11 juin 1940 par l’orchestre de chambre de Bâle. Deux mois plus tard le compositeur s’exile aux Etats-Unis où il mourra en 1945 au terme d’un véritable chemin de croix physique et moral.

Il se trouve que c’est l’oeuvre qui m’a fait découvrir et aimer Bartok, lors de l’un des rares concerts auxquels j’ai pu assister, adolescent, à Poitiers (La découverte de la musique)Et à la différence du Concerto pour orchestre ou de la Musique pour cordes, percussions et célesta, elle reste peu programmée au concert.

IMG_0838

C’est donc avec une intense émotion que j’ai entendu ce Divertimento hier soir. Une vision, une version d’anthologie, sous la houlette de la merveilleuse Sarah Nemtanu – qui chantait dans son arbre généalogique – et de François-Xavier Roth restituant idéalement douleur et nostalgie, effroi et espérance, d’une partition si profondément bouleversante

43tsst3s

Au disque, des chefs d’origine hongroise pourtant comme Ormandy ou Solti ont trop gommé les aspérités, les racines populaires du Divertimento. Boulez à Chicago est tellement dans la musique pure qu’il passe à côté de l’oeuvre.

Pour moi, il n’y a guère que deux références, Sandor Vegh (1912-1997) et Antal Dorati (1906-1987).

61VOJqczCwL

414AA01YPtL._AC_

Après le concert

Comme un bonheur n’arrive jamais seul, on a retrouvé, après le concert, une adresse qu’on avait tellement aimée et qu’on avait vu lentement dépérir ces derniers mois – Chaumette rue Gros, rouverte il y a trois semaines sous un autre nom, mais avec le même décor, le même chef, cette cuisine joyeuse et goûteuse, ces vins aimables servis à la ficelle, comme dans la bonne tradition lyonnaise. Des serveurs virevoltant d’une table à l’autre, dans la bonne humeur et l’efficacité. On aura de nouveau plaisir à y revenir…

IMG_0840

Fidélité

Il y a huit ans, j’annonçais la nomination de Christian Arming comme directeur musical de l’Orchestre philharmonique royal de Liège

Il y a cinq ans, avant de quitter la direction de l’OPRL, j’annonçais la prolongation du mandat de Christian Arming.

IMG_3325

Hier, je tenais à être à Liège pour le dernier concert d’abonnement du chef autrichien en sa qualité de directeur musical de la phalange liégeoise, qui entamera, à la rentrée, un nouveau chapitre de sa belle histoire avec l’arrivée de Gergely Madaras.

IMG_3313Un programme « signature » pour Christian Arming, qui faisait se côtoyer deux oeuvres contemporaines, mais d’esthétiques pour le moins opposées (!), la Musique pour cordes, percussion et célesta de Bartók – créée à Bâle en janvier 1937 par son commanditaire, Paul Sacher – et les célébrissimes Carmina Burana de Carl Orff créées, elles, en juillet 1937 à Francfort.

Le Bartók était un choix courageux: la pièce est extraordinairement difficile, pas seulement parce qu’elle confronte deux orchestres à cordes, mais surtout parce qu’elle expose en pleine lumière le quatuor d’orchestre, singulièrement les altos. C’était d’ailleurs la première fois que cette Musique pour cordes, percussion et célesta était jouée depuis plus de vingt ans ! Le concert d’hier soir montrait que Christian Arming avait eu raison de faire confiance à « son » orchestre, même si l’interprétation est restée de bout en bout trop prudente, manquant de feu intérieur. C’est le type même de partition qu’il faut jouer et rejouer pour y atteindre la liberté et l’élan qu’elle requiert.

Et quand on a, comme moi, dans l’oreille, une version jadis découverte… aux Etats-Unis, une extraordinaire prise de concert réalisée au Conservatoire de Moscou en 1965, avec Evgueni Mravinski et son Philharmonique de Leningrad, difficile de faire des comparaisons…

Mais la seconde partie allait combler toutes les attentes d’une Salle philharmonique comble. Orchestre en grand apparat, formidable Choeur philharmonique tchèque de Brno, excellente Maîtrise de l’Opéra royal de Wallonie, un baryton un peu sous-dimensionné (et surtout peu investi dans le « rôle »), ténor et soprano parfaits.

Erreur
Cette vidéo n’existe pas

Ces Carmina Burana sont redonnés ce dimanche après-midi.

IMG_3322

Mais une soirée à la Salle Philharmonique c’est toujours pour moi l’occasion de revoir nombre de visages connus dans le public, les musiciens, les collaborateurs de l’Orchestre, qui m’ont « supporté » pendant quinze ans (!), et puis des amis que je ne m’attendais pas à voir, comme Boris Belkinl’immense violoniste, sur qui les années ne semblent avoir aucune prise, devenu un ami cher et un compagnon de nombre d’aventures musicales. Boris habite à Liège depuis longtemps, il y a sa famille et ses attaches. Il enseigne au conservatoire de Maastricht, où il fait grandir quelques élèves talentueux, naguère Janine Jansen, et plus récemment le plus célèbre recalé de l’actuel Concours Reine ElisabethDaniel Kogan (lire mon billet : De l’utilité des concours (suite) ou la disparition de Daniel K.

Le disciple et le maître étaient au concert hier soir !

IMG_3314

J’ai déjà pris date avec le petit-fils de Leonid Kogan pour l’édition 2020 du Festival Radio France !

Tchèque, Français ou Américain ?

Si l’on vous demande, à brûle-pourpoint, de citer des compositeurs tchèques, les noms de Dvořák*, Smetana, Janáček vous viendront immédiatement. En insistant, vous rajouterez Bohuslav Martinů.(1890-1959).

Un compositeur que je ne me rappelle pas avoir déjà évoqué – ou alors par allusion (Wiener Waltersur ce blog, alors que j’aime et pratique son oeuvre depuis longtemps. Je me rattraperai bientôt sur bestofclassic à propos de son oeuvre symphonique.

Je saisis l’occasion d’un double CD écouté ce week-end pour évoquer une personnalité dont la vie et l’oeuvre sont profondément marquées par les cahots de l’Histoire.

81RJU9t7TRL._SL1210_

71ruflRgyxL._SL1200_

Né à Polička dans l’actuelle République tchèque, Martinů a été naturalisé Américain, mais a vécu le plus longtemps, avant et après la Seconde Guerre mondiale… en France !

Peut-on dès lors l’assimiler à un compositeur tchèque ? Le débat sur la nationalité ou l’appartenance à une esthétique « nationale » n’a, en réalité, pas beaucoup d’intérêt ni de pertinence. Surtout dans le cas de MartinůQui a subi, s’est nourri de plusieurs influences, évidemment pendant ses années de formation à Prague, puis à Paris. Mais qui a composé l’essentiel de ses symphonies aux Etats-Unis.

Et pourtant, à l’instar d’un Poulenc, Martinů est immédiatement reconnaissable, sa musique ne ressemble à aucune autre, même si elle peut emprunter des traits, des tournures, des figures à celle de ses contemporains. Comme ce Double concerto pour deux orchestres à cordes, piano et timbales

Un petit air de Musique pour cordes, percussion et célesta de Bartók ? Oui, certes, et les circonstances de la commande et de la création des deux oeuvres ne sont pas étrangères à ces apparentes proximités. Les deux sont, en effet, des commandes de Paul Sacher, le mécène musicien de Bâle, Bartók est créé le 21 janvier 1937, Martinů le 9 février 1940, par le commanditaire et son orchestre de chambre de Bâle.

Pour en revenir au double CD qui vient de paraître – pensée émue pour celui a sans doute encore participé à l’élaboration de ce très copieux album et qui avait fondé le label Praga Digitals, Pierre-Emile Barbier – c’est, par son programme, et le choix des interprètes, sans doute la meilleure introduction qui soit à l’univers singulier de MartinůUn authentique indispensable de toute discothèque !

Il manque encore un ouvrage de référence en français. Le cher Harry Halbreich qui a établi le catalogue raisonné des oeuvres de Martinů n’aura pas eu le temps de faire pour lui ce qu’il avait fait pour Honegger ou Messiaen.

41rb7rwrrjl

Seul est disponible (?) dans la collection Actes Sud l’essai que lui avait consacré Guy Erismann.

41B4Y6RN5XL

Dans un prochain billet, j’évoquerai le lien de Martinů avec… Montpellier ! 

*Pour la prononciation deDvořák, lire Comment prononcer les noms de musiciens ?

Les jeunes Français sont musiciens

C’était une émission que les moins de 40 ans ne peuvent pas connaître, qui était emblématique du France Musique des années 60/70 : Les jeunes Français sont musiciens, chaque semaine, sous la houlette de son producteur François Serrettedressait une cartographie d’une France musicale encore balbutiante dans son organisation territoriale, mais où même dans les plus petits conservatoires, de valeureux pédagogues s’efforçaient, non sans succès, d’initier des générations d’enfants à la musique classique. J’ai, pour ma part, les meilleurs souvenirs de mes années au Conservatoire – qui n’était pas encore « à rayonnement régional »! – de Poitiers, et justement de deux émissions que Serrette était venu enregistrer en 1973, après qu’un jeune élève, auditeur de France Musique, lui eut écrit pour l’inviter – sans l’autorisation de ses professeurs ni de la direction de l’établissement !

Lundi soir, au concert de l’Orchestre français des jeunesà la Cité de la Musique, je me disais que bien du chemin avait été fait depuis lors, et que peut-être cette émission y avait contribué.

En tous cas, le concert de lundi qui réunissait le violoncelliste Marc Coppey, le chef américain Dennis Russell Davies et l’OFJ, attestait une nouvelle fois de la formidable vitalité de l’enseignement musical et de l’engouement des jeunes musiciens français.

15541100_10154862516706118_3244329993557916367_o

Avec un programme qui était tout sauf facile ou évident : une orchestration de brèves pièces de Gabrieli due à Bruno Madernale concerto pour violoncelle Tout un monde lointain de Dutilleux (1916-2013) et la 3ème symphonie de Rachmaninov.

L’oeuvre de Dutilleux a beau être devenue un classique, j’ai le sentiment de la redécouvrir à chaque écoute, comme si ses mystères ne se dévoilaient qu’avec parcimonie. Longue ovation au soliste et à l’orchestre, grâce à laquelle Marc Coppey offrit en bis deux des trois Strophes que Dutilleux avait écrites, à la demande de Mstislav Rostropovitch, pour honorer le grand mécène et musicien suisse Paul Sacher.

Il faut écouter la version de Marc Coppey au disque, non seulement parce que c’est une belle réussite, que le couplage en est original, mais aussi parce qu’il contient une longue et belle interview de Dutilleux !

419h0eygmml

En seconde partie, on attendait évidemment chef et orchestre au tournant, la troisième et dernière symphonie de Rachmaninov (1936) étant particulièrement difficile à appréhender et à restituer. D’une grande complexité d’écriture – le compositeur tente d’y conjuguer plusieurs styles – elle ne se livre pas facilement ni aux interprètes, dont la virtuosité et la rigueur rythmique sont très sollicitées, ni aux auditeurs. On connaît quelques ratages au disque ! Et de rares réussites…

Chapeau bas au chef américain et à ses jeunes musiciens français ! Non seulement ils se sont bien sortis de tous les pièges de la partition, mais ils en ont donné une vision tour à tour émue et flamboyante.

71ps4iehxcl-_sl1200_

L’actualité tragique nous a vite rattrapés. Déjà pendant le concert s’affichaient sur mon téléphone les premières informations de l’attentat de Berlin… L’horrible impression d’une répétition de la tragédie, Paris, Nice, et tous les jours des victimes au Proche Orient…

La découverte de la musique (V) : Lucerne I

En ce jour de Fête nationale suisse, comment ne pas évoquer l’été fabuleux que j’ai passé à Lucerne en août et septembre 1974 ? Trois semaines comme ouvreur (on dirait personnel de salle aujourd’hui) du prestigieux Festival de Lucerne. Je devais ce privilège – très recherché – à un cousin bien introduit auprès de la direction du festival (il en serait plus tard le président du conseil d’administration). Jamais plus je ne verrais un tel défilé de stars de la baguette, du clavier ou du violon, jamais plus je n’entendrais d’aussi formidables concerts soir après soir. Je n’imaginais évidemment pas un instant, à l’époque, que, douze ans plus tard (en 1986) ma vie professionnelle se conjuguerait à ma passion de la musique.

Les concerts avaient lieu dans l’ancien Kunsthaus, remplacé en 2004 par le monumental KKL de Jean Nouvel (Palais de la culture et des congrès).

resized_800x533_800x533_galerie_kkkl

C’est Sergiu Celibidache qui ouvrait le bal avec l’orchestre suisse du Festival. Le personnel de salle est autorisé à assister à la première répétition. Le maître, lunettes noires sur le nez, arrive sur le podium, pose ses partitions sur le pupitre, il ne les ouvrira jamais. Un programme sportif : 6ème symphonie de Schubert, Variations op.31 de Schoenberg et 2ème symphonie de Brahms. Celibidache commence par un laïus qui m’a paru bien long sur les équilibres sonores qu’il veut atteindre dans Schubert, reprend à l’infini tel trait, tel passage, sans que je perçoive, moi le novice, de changement significatif dans le jeu de l’orchestre. Après la pause, il s’attaque à Schoenberg, toujours sans partition : les musiciens sont visiblement bluffés quand le chef les fait reprendre à telle mesure, tel chiffre (les partitions d’orchestre sont toujours chiffrées, de sorte que musiciens et chef puissent très vite s’y retrouver). Je ne comprends rien à cette musique, il me faudra encore quelques années. Le concert fait un triomphe, comme prévu.

71xX1TtG52L._SL1106_.jpg

Ma mémoire n’a pas retenu la chronologie des concerts, mais les moments les plus forts, les plus surprenants.

Un jour nous sommes conviés à une excursion en bateau sur le lac des Quatre-Cantons avec les musiciens du Los Angeles Philharmonic et leur chef d’alors Zubin Mehta. Ma timidité naturelle m’interdit d’oser leur parler, mais les voir de près, les entendre parler de leur métier, de leurs impressions de tournée, suffit à mon bonheur. Bonheur qui sera à son comble le soir lorsque Daniel Barenboim jouera le 3ème concerto de Beethoven. C’est la première fois que j’entends en concert ce concerto qui m’a marqué à tout jamais depuis que j’ai vu et revu le film de François Reichenbach consacré à Artur Rubinstein L’amour de la vie (1970) : lire Un amour de jeunesse. Je sors complètement bouleversé, sans voix, ému comme on peut l’être quand le coeur déborde…

Malgré les tempi du vieux Klemperer, je garderai toujours une affection particulière pour la version que le jeune Barenboim avait enregistrée à Londres.

91xIblQaUCL._SL1358_

Un autre soir, le festival quitte le Kunsthaus pour le jardin du Löwendenkmal / Monument au lion.

1024px-Lion_MonumentC’est le célèbre chef et mécène suisse Paul Sacher qui dirige un programme de sérénades. Je découvre et suis immédiatement séduit par la grande sérénade K.320 dite « du cor de postillon »de Mozart. 

51WPov3HHqL

La suite de mon été lucernois demain…

Le mécène musicien

Image

ImageImageImage

Première étape de la tournée de l’OPRL le 18 mai dernier, Bâle est la ville natale d’un personnage considérable, né en 1906, mort il y a quinze ans jour pour jour, en 1999 : Paul Sacher. 

Le nom ne dit peut-être plus grand chose aux jeunes générations (http://www.universalis.fr/encyclopedie/paul-sacher/) . Si l’on commence à énumérer la liste des 300 oeuvres qu’il a commandées à la presque totalité des grands compositeurs du XXème siècle, on prend conscience de l’importance, du rôle décisif de ce musicien, devenu riche par son mariage en 1934 avec Maja Stehlin, l’héritière de la firme pharmaceutique Hoffmann-La Roche. Bartok, Martinu, Honegger, Boulez, Rihm, Tippett, Moret, Frank Martin, Dutilleux, et tant d’autres vont bénéficier non seulement de ses commandes, mais aussi d’un soutien artistique, amical très précieux.

Pour lui rendre hommage, Mstislav Rostropovitch, qui a lui aussi bénéficié des largesses de Paul Sacher, incite, en 1976, douze compositeurs à écrire des pièces pour violoncelle sur le nom de SACHER. Cela donne un joli bouquet :

Compositeur Œuvre
Alberto Ginastera Puneña n° 2, op. 45
Wolfgang Fortner Zum Spielen für den 70. Geburtstag : Thema und Variationen für Violoncello Solo
Hans Werner Henze Capriccio
Conrad Beck Für Paul Sacher : Drei Epigramme für Violoncello solo
Henri Dutilleux Trois Strophes sur le nom de Sacher
Witold Lutosławski Sacher-Variationen
Luciano Berio Les Mots sont allés
Cristobal Halffter Variationen über das Thema eSACHERe
Benjamin Britten Tema « Sacher »
Klaus Huber Transpositio ad infinitum, für ein virtuoses Solocello
Heinz Holliger Chaconne, für Violoncello Solo
Pierre Boulez Messagesquisse, pour 7 violoncelles

J’ai eu la chance de voir et d’entendre quelquefois Paul Sacher. Personnage imposant à tous les sens du terme. Premier souvenir, pendant le festival de Lucerne en 1974, il dirigeait un concert sérénade (à la tête du Collegium musicum de Zurich) dans les jardins du Monument au Lion (Löwendenkmal). Je me le rappelle d’autant mieux que j’ai découvert ce soir-là la Posthorn-Serenade de Mozart.

ImageImage

Aujourd’hui la Fondation Paul Sacher, à Bâle, est une source inépuisable de documentation et d’information pour tous les apprentis musicologues, musiciens et compositeurs.

Image

J’imagine qu’on en a déjà eu l’idée, mais cela vaudrait le coup de se pencher sur les rapports particuliers de la pharmacie et de la musique. Sacher donc, mais aussi Poulenc (Rhône-Poulenc), Beecham (les célèbres pilules… laxatives Beecham !), et aujourd’hui, à Venise, le Palazzetto Bru-Zane / Centre de musique romantique française, branche de la Fondation Bru (http://www.fondation-bru.org/docteurs-bru/une-reussite-exemplaire.php).

ImageImage(L’hôtel de ville de Bâle)