Chère dictée

Cela fait longtemps que je ne me suis pas amusé à l’exercice de la dictée (lire La dictée verte de Cendrillon et Ainsi fonts font fond…). C’est un panneau à l’entrée d’une rue du centre historique du Puy-en-Velay qui m’a donné l’idée de celle qui suit. Et puis on est à la veille de la rentrée scolaire : si certains professeurs veulent s’en servir, qu’ils n’hésitent pas !

Couleur chair

« Il y a une discipline qui ne coûte pas cher, mais qui m’est très chère depuis que j’ai l’âge d’écrire : l’orthographe. Dieu sait si la langue française est complexe, puisque pleine d’homophones.

Ce n’est pas à Bourges, ni au bord du Cher, ni même dans le département du Cher que j’ai découvert un panneau qui faisait allusion à une compagnie locale – les Cornards du Puy-en-Velay, qui aimait faire bombance. Mais en aucun cas ces Cornards n’étaient cannibales ni amateurs de chair humaine, fût-elle bonne. L’histoire ne dit pas si ces Cornards allaient à l’église le dimanche et écoutaient religieusement le sermon du curé en chaire, ou si l’un d’entre eux fût jamais titulaire d’une chaire universitaire. À l’époque déjà, les études coûtaient cher et l’on comprend bien qu’au Puy-en-Velay comme ailleurs dans nos chères bourgades de France et de Navarre, les plaisirs de l’existence étaient ceux du bon vin et de la bonne chère. On ajoutera qu’en ces temps reculés, ils avaient la chance de ne pas être abrutis par les chansons de Cher, seule ou en couple avec son cher Sonny ! Je l’avoue, j’ai toujours préféré l’art du pianiste Cher…kassky ! » (Jean-Pierre Rousseau, 31 août 2025 / Reproduction interdite sauf accord exprès de l’auteur*)

Happy #50 Daniel !

Le chef d’orchestre Daniel Harding fête aujourd’hui ses 50 ans. Il peut être fier de son parcours d’homme et de musicien. J’ai hâte de le retrouver bientôt au pupitre de l’un de nos orchestres parisiens !

La Colombie dans Paris-Match

Amusante coïncidence que celle de lire dans le dernier numéro de Paris Match un article très documenté – Colombie, la caféine plutôt que la cocaïne – qui rejoint le constat que j’ai fait dans mon propre article – Retour de Colombie -, l’auteur dudit article étant Nicolas Delesalle dont j’avais loué l’excellent Valse russe dans mon papier Après l’Alaska.

(*) Si vous souhaitez utiliser/reproduire ce texte, il suffit de poster un « commentaire » en ce sens, auquel je répondrai directement.

Pour les humeurs et les bonheurs du jour, ce sont toujours mes brèves de blog

La grande porte de Kiev (XIV): après l’Alaska

J’ai inauguré cette série – La grande porte de Kiev – au lendemain de l’invasion de l’Ukraine par les troupes de Poutine. Je ne peux ni ne veux laisser passer ce qui s’est passé ce 15 août à Anchorage, cette rencontre Trump-Poutine qui a, logiquement, suscité autant que commentaires que d’attentes et de déceptions.

Avant de prendre l’avion le 4 août dernier, avant donc de savoir que ce sommet aurait lieu, j’ai acheté un peu par hasard ce petit bouquin.

J’ignorais tout de l’auteur – Nicolas Delesalle – et du sujet de ce livre paru en 2023.

« Derrière la fenêtre de son compartiment, un Français d’origine russe regarde les forêts d’Ukraine défiler. Autour de son cou, une croix orthodoxe que lui a offerte sa mère, professeure de russe. Une mère qui l’accompagnait déjà lors de son premier voyage scolaire à Kiev en pleine guerre froide, échangeant des jeans Levi’s contre du caviar. Et qui, en tant qu’interprète fantasque, l’assistait pour son premier reportage dans la Russie des années 2000. Aurait-il pu l’imaginer alors interrogée par le KGB à dix-sept ans à Sébastopol ?
À quelques centaines de kilomètres de ce train, un vieil Ukrainien porte lui aussi une croix orthodoxe autour du cou. Ils ne se connaissent pas encore mais, bientôt, les deux hommes vont partager un secret et ainsi approcher le mystère des origines, entre fierté, désenchantement et honte.
 » (Présentation de l’éditeur)

Jusqu’alors je partageais le drame des Ukrainiens par le truchement d’Andrei Kourkov. Le livre de Nicolas Delesalle, dont ni le nom ni le prénom ne trahissent les origines russes, m’a bouleversé. L’écriture est d’un ciselé magnifique, l’émotion surgit au détour d’une ponctuation. Empoignez-le, il ne vous lâchera plus.

La concomitance de cette lecture et du sommet russo-américain m’oblige à écrire ceci aujourd’hui, en réaction à tous les commentaires que j’entends et lis.

Les salauds nécessaires

Ça doit faire du bien à ceux qui déversent sur les réseaux sociaux les pires adjectifs sur le président américain comme sur le russe. Oui, ils sont tout cela assurément. Ce n’est pas ici que je vais commencer à défendre l’un ou l’autre.

Mais ils sont là, à la tête de deux puissances nucléaires qui, depuis 1945, s’étaient partagé l’Europe en terme de protection militaire – OTAN contre Pacte de Varsovie.

Si l’on n’a pas la mémoire longue, on ne peut rien comprendre à ce qui se joue en Ukraine depuis 2014 – l’annexion de fait de la Crimée par la Russie – et le 24 février 2022. Je citais le dernier bouquin de François Reynaert dans mon dernier article (Trois ans après).

Comprendre n’est pas excuser, encore moins légitimer. Mais on ne peut pas oublier que la génération actuellement au pouvoir en Russie, les Poutine, Lavrov, ont connu, vécu, la déliquescence de l’Union Soviétique, l’émancipation de toutes les républiques dites soviétiques – dont les trois baltes, Lituanie, Lettonie, Estonie, qui n’avaient jamais formellement accepté leur inclusion dans l’URSS, la dislocation du pacte de Varsovie et donc de la zone d’influence russe. L’Union européenne d’une part – avec la réunification de l’Allemagne – s’est installée au contact direct de l’ex-empire soviétique, et l’OTAN est aux marches de la Russie.

Je sais ce qu’on va m’objecter : rappelant cela, je reprends le « narratif » de Poutine qui répète depuis trois ans – et encore hier à Anchorage – que c’est l’Occident (et Biden) qui est la cause de la guerre en Ukraine. Non je ne suis le porte-voix de personne, de Poutine encore moins. Mais l’histoire est là, qu’on ne peut pas refaire à son gré. Comme on ne peut pas nier que la Russie est née.. à Kiev (lire la Rus’ de Kiev).

Je me rappelle une discussion, en 2019, avec l’ambassadeur d’un pays balte à Paris, ancien ministre de La Défense de son pays, qui m’avait expliqué avec une clarté de diamant la situation géopolitique, les risques à court et moyen terme de la confrontation entre la Russie et les pays nouveaux membres de l’OTAN, comme le sien. A l’époque, la Finlande était encore un pays non-aligné, neutre en quelque sorte par rapport à la Russie dont elle partage une frontière de plusieurs centaines de kilomètres. Peu ont relevé le fait que la Finlande a rejoint l’OTAN le 4 avril 2023.

Enfin, ne jamais oublier qu’aucun tsar depuis Pierre le Grand, aucun dirigeant de l’ère soviétique, à commencer par Staline, et maintenant Poutine, n’a jamais abandonné le mythe de la Grande Russie. Mythe sur lequel ils s’appuient pour gouverner sans partage, au prix de tous les sacrifices pour des peuples si longtemps asservis.

Voilà pour tenter d’expliquer – encore une fois sans aucunement la légitimer – la position invariable de la Russie de Poutine.

Du côté américain, il faut, me semble-t-il, se garder tout autant des simplismes faciles : Trump est un idiot, qui change d’avis toutes les cinq minutes. Croit-on vraiment qu’il se serait fait élire deux fois président des Etats-Unis si ce n’était qu’un sombre crétin ?. Je crois au contraire qu’il faut se méfier de lui, du soubassement idéologique très puissant de son action – qui n’est pas juste une variante populiste de la « grande Amérique » – et que l’agitation permanente autour de sa personne, du moindre de ses faits et gestes, qui sature les plateaux de télévision du monde entier, est destinée à masquer la réalité d’une politique puissamment réactionnaire, qui n’a pas fini de faire des dégâts aux Etats-Unis.

Et maintenant ?

Il y avait tout à craindre, pour l’Ukraine, du sommet de ce 15 août. Que Trump brade l’Ukraine pour obtenir à tout prix un cessez-le-feu, sur le dos des Ukrainiens. Finalement, il a assumé de ne pas conclure cette rencontre par un « accord », et compris que rien n’avancerait sans les Européens et le premier concerné, Zelensky lui-même*

Dans Le Monde d’aujourd’hui l’ancien ministre des affaires étrangères d’Ukraine, Dmytro Kuleba, réagit à la réunion d’hier:

« Le bon côté, c’est qu’aucun accord n’a été conclu qui irait à l’encontre des intérêts de l’Ukraine ou du reste de l’Europe. En fait, cette réunion a produit plus de brouillard que de clarté. Ils auraient pu conclure un accord, mais ils ne l’ont pas fait, parce que Trump comprend une chose : il n’a aucun levier pour imposer un accord que l’Europe et l’Ukraine jugeraient inacceptable. C’est pour cela qu’il n’ira pas jusqu’à un accord avec Poutine. Il doit tenir compte de l’Europe et de l’Ukraine. La seule nouvelle qui pourrait vraiment compter, ce serait si Poutine acceptait une rencontre avec Zelensky, Trump et, idéalement, des représentants européens. Parce qu’il serait presque impossible de sortir de cette rencontre sans un accord. Ce serait le signal que la situation change » (Le Monde, 16 août 2025)

* Dans les campagnes de désinformation dans lesquelles les Russes sont passés maîtres depuis longtemps, l’une d’elles est à relever, parce que plus subtile que d’autres et reprise par de grands médias occidentaux (comme Le Monde). On a vu fleurir titres et articles sur le fait que Zelensky était déstabilisé dans son propre pays, qu’il était mis en cause pour sa « faiblesse » dans la mise en place d’institutions anti-corruption en Ukraine, qu’il avait dû limoger des proches, etc… Il y a certainement du vrai dans tout cela, mais la bonne vieille technique de la calomnie à bas bruit a encore de beaux jours devant elle.

Le roi et le président

Suis-je définitivement déconnecté de la réalité ?  Si je revenais aujourd’hui d’un séjour d’un mois sur une île déserte, je trouverais à la une des journaux télévisés ou papier deux événements essentiels. La conférence mondiale sur le climat ? la lutte contre le terrorisme ? Non évidemment.

Il n’est question que du bond spectaculaire de popularité du président de la République française et du séjour balnéothérapeutique du roi des Belges. Pour être complet, juste après, l’affaire Benzema/Valbuena, et la percée du Front National aux élections régionales de dimanche (un détail sans doute)

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Si j’ai bien lu, Philippe et Mathilde de Belgique sont accusés d’avoir séjourné en Bretagne, sous un nom d’emprunt (mais celui qui a volé la photo et l’a vendue, sans doute pour un bon prix, est resté anonyme !) alors que le gouvernement belge allait décider de hausser le niveau d’alerte au maximum, le lendemain de l’arrivée du couple royal…

Si j’ai bien lu aussi, le roi – qui n’a aucun pouvoir de gouvernement – est rentré à Bruxelles dès que sa sécurité a pu être assurée, et, scandale absolu, il s’est abstenu d’apparaître dans les médias, respectant en cela les prérogatives du gouvernement fédéral.

De toute façon le débat était piégé d’avance : s’il était intervenu, les mêmes commentateurs n’auraient pas manqué de dénoncer cette entorse aux règles institutionnelles du Royaume. Aurait-il dû annuler son séjour breton ? sur la base de quelles informations ? et dans quel but ?

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Quant à François Hollande, selon Le Monde, il « conquiert » désormais la moitié des Français : « Bond de popularité pour le président de la République. La cote de François Hollande a augmenté de 22 points en un mois pour atteindre 50 % d’opinions positives, son meilleur score depuis juillet 2012, selon le tableau de bord IFOP/Fiducial pour Paris Match et Sud Radio réalisé après les attentats du 13 novembre et publié mardi 1er décembre » . À la toute fin de l’article, en tout petit, on lit ceci : Enquête réalisée par téléphone du 27 au 28 novembre 2015, sur un échantillon de 983 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas.

J’ai tout de même entendu un journaliste dire qu’il n’était peut-être pas très « décent » de gloser sur les raisons de ce rebond.

Ah oui, il y a aussi ce curé de l’Ariège qui a piqué l’argent de ses paroissiens (on dirait un scénario pour Jean-Pierre Mocky) et un reportage sur place. Et puis l’attente impatiente des révélations que doit faire aujourd’hui le maître à penser du sport français, Karim Benzema…

Un mardi presque idéal en somme !

 

Non ou l’impossibilité du oui

Les humoristes ont fait leurs choux gras de cette célèbre apostrophe du premier ministre de l’époque, Jean-Pierre Raffarin

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C’était à l’occasion du référendum voulu par Jacques Chirac en 2005 : les Français devaient approuver le nouveau traité constitutionnel européen. Tous les responsables politiques, à l’exception des extrêmes, appelaient à voter OUI.

Paris Match avait même réuni sur la même photo de couverture le premier secrétaire du PS et le président de la nouvelle UMP :

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Et ce fut le NON qui l’emporta.

Pourquoi rappeler cet épisode d’il y a dix ans ? Parce que le parallèle entre ce vote français et le référendum grec de dimanche dernier est saisissant. Il suffit de relire/revoir analyses, commentaires, débats des deux événements…

A l’heure du café du commerce généralisé et de la toute-puissance des réseaux sociaux, il n’y a plus place pour l’argument, le développement d’une pensée, la référence à un corpus de doctrine, voire à un idéal. Les raisonneurs, les intellectuels, les penseurs n’ont plus rien à faire dans ces pseudo-débats. Puisque le vote est devenu un simple exutoire.

Les Grecs ont voté NON, mais non à quoi ? J’emprunte à Sylvain F. ce « post » sur FacebookSi je résume, il y a ceux qui sont pour le Grexit et ceux qui sont contre le Grexit, ceux qui sont pour l’euro sans la Grèce, ceux qui sont pour l’euro avec la Grèce, ceux qui sont contre l’euro avec ou sans la Grèce, ceux qui sont pour l’euro avec la Grèce mais sans l’Allemagne, ceux qui sont contre l’euro mais avec l’union européenne, ceux qui sont contre l’union européenne en général…. Et tous avancent la même raison, très nuancée : c’est ça ou le chaos.

Cet échange musclé résume plutôt bien la situation :

Déjà l’élection présidentielle de 2012 a été gagnée par le NON, les analystes sont à peu près unanimes : les électeurs ont rejeté la personne, plus que la politique, de Sarkozy, ils n’en ont pas pour autant adhéré au projet ni à la personnalité de François Hollande (ce qui explique que le nouveau président ait aussi vite et durablement dévissé dans les sondages de popularité).

Toutes les élections locales depuis lors ont été gagnées sur le rejet, et non l’adhésion.

Beaucoup plus préoccupant encore que cette impossibilité pour le politique de conquérir l’adhésion, l’assentiment des électeurs, l’abstention de plus en plus forte et du même coup le poids croissant des minorités les plus bruyantes. Quand la résignation prend le pas sur l’expression démocratique, il y a de quoi verser dans le pessimisme.