Vacances 2022 : Napoléon et l’île d’Elbe

Quatre jours en bord de mer à Punta Ala, et juste en face de nous l’île d’Elbe. Une visite s’imposait.

La fascination Napoléon

J’ai, à l’égard de Napoléon, ou j’ai eu jusqu’à présent, une attitude que les spécialistes de l’âme humaine pourraient qualifier de fascination/répulsion. J’ai peu lu sur lui – c’est une erreur que je répare peu à peu – je ne lui voue pas un culte comme pas mal de mes amis, et pourtant le personnage, ce qu’il a été, ce qu’il a laissé, ne laisse pas de m’intriguer.

L’île d’Elbe au moins je savais que c’était le premier exil de l’empereur (lire l’excellente notice de la Fondation Napoléon) du 4 mai 1814 au 26 février 1815. Il y avait au moins deux lieux liés à la présence de Napoléon sur l’île à visiter, mais j’avais oublié que les musées italiens évitent de travailler lorsque l’affluence touristique est la plus forte. Tout est fermé le week-end à partir du samedi 13h ! Je n’ai donc pu visiter que l’une des résidences napoléoniennes, à San Martino, dans la montagne à quelques kilomètres du chef-lieu de l’île Portoferraio : la Villa Napoleonica.

Impossible de visiter l’autre résidence de Napoléon sur les hauteurs de Portoferraio, sur la Piazza dei Mulini. Mais on aura pû gouter l’excellente eau minérale de la source Napoléon !

Napoléon et la musique

Contrairement à mes précédents billets, aucun rapport ici avec la musique – y a-t-il même un compositeur né sur l’île ? -. Pour ce qui est de Napoléon et la musique, je renvoie à l’article que j’avais publié lors du bicentenaire de la mort de l’empereur.

Dans cet article, j’ai oublié les deux oeuvres les plus spectaculaires et bruyantes écrites respectivement par Beethoven – la Victoire de Wellington – et Tchaikovski – l’Ouverture 1812 – inspirées à leurs auteurs par de cuisantes défaites napoléoniennes…

On sait pourtant l’admiration que portait Beethoven au général Bonaparte, au point d’avoir songé lui dédier sa Troisième symphonie, pour finalement rayer rageusement sa dédicace lorsque Bonaparte devint Napoléon 1er. La Victoire de Wellington, qui n’est franchement pas un chef-d’oeuvre, célèbre la victoire du duc de Wellington sur les troupes napoléoniennes le 21 juin 1813 à Vitoria-Gasteiz en Espagne.

Quant à l’ouverture solennelle 1812 (« L’ouverture sera très explosive et tapageuse. Je l’ai écrite sans beaucoup d’amour, de sorte qu’elle n’aura probablement pas grande valeur artistique. » dixit Tchaikovski lui-même !), écrite en 1880, pour « célébrer » le désastre de la campagne de Russie en 1812, avec la fameuse citation de la Marseillaise !

Ratages officiels

J’évoquais hier (Quelle histoire ! le courageux pied-de-nez que Chostakovitch avait fait à Staline au sortir de la Deuxième Guerre mondiale. On attendait de l’auteur des monumentales et dramatiques 7ème (1941) et 8ème (1943) symphonies une oeuvre en forme de célébration grandiose de la victoire de l’Armée rouge sur l’Allemagne nazie. Et on a eu tout le contraire, une symphonie presque modeste, ironique, malgré un poignant mouvement lent.

Pourtant Chostakovitch comme bien d’autres compositeurs a commis des oeuvres « de circonstance » qui sont le plus souvent très en deçà du génie de leurs auteurs. Le fait qu’elles soient souvent jouées ne corrige pas leur banalité.

Petite revue non exhaustive de quelques-uns de ces ratages :

L’Ouverture de fête op.96 de Chostakovitch, qui reçoit en 1954 la distinction d’Artiste du Peuple de l’URSS. Plus creux et ronflant que ça… difficile, et pourtant si souvent enregistré !

Toujours chez les Russes, autre « tube » irrésistible des concerts de plein air, l’Ouverture 1812 de TchaikovskiLe compositeur lui-même avouait : « L’ouverture sera très explosive et tapageuse. Je l’ai écrite sans beaucoup d’amour, de sorte qu’elle n’aura probablement pas grande valeur artistique. »

Très souvent jouée dans sa seule version orchestrale, avec canons de pacotille, je dois reconnaître que cette Ouverture a une tout autre allure dans sa version primitive avec choeurs :

Pas grand chose à sauver en revanche dans cette pièce bruyante et creuse écrite pour le couronnement du tsar Alexandre III.

Du côté de Richard Strauss, le Festliches Praeludium composé en 1913 pour l’inauguration du Konzerthaus de Vienne sonne sacrément indigeste :

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Il arrive, en revanche, qu’une oeuvre de circonstance libère le compositeur du carcan dans lequel il pourrait se trouver enfermé. Quand Johannes Brahms est fait docteur honoris causa de l’université de Breslaul’actuelle Wroclaw, on lui fait comprendre qu’une oeuvre de sa main serait bienvenue : ce sera son Ouverture pour une fête académiqueRien d’académique justement, ni de chantourné ou de guindé dans cette joyeuse collection de chansons estudiantines.

Juste pour s’amuser au jeu du « qui a copié qui ? », cette ouverture vraiment très peu connue de Suppé, Flotte BurscheAprès avoir écouté l’ouverture académique de Brahms, écoutez celle-ci à partir de 3’15″…. comme un air de parenté évidemment puisque Suppé cite aussi Gaudeamus igiturcet hymne des étudiants.

Pour en revenir aux musiques « officielles », et en particulier aux hymnes nationaux, les réussites sont très inégalement réparties.

Il n’a échappé à personne qu’Emmanuel Macron avait choisi dimanche soir d’apparaître devant la pyramide du Louvre sur fond d’hymne européen.

Ce que peu savent, c’est que cet extrait célébrissime de la 9ème symphonie de Beethoven a été arrangé, à la demande du Conseil européen, par un chef d’orchestre – Herbert von Karajan – dont les compromissions avec le régime nazi n’étaient un mystère pour personne…

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Pas de commentaire sur La Marseillaisesauf le frisson qui me parcourt à chaque fois que je l’entends.

Il y a de quoi faire tout un billet sur les hymnes nationaux et leurs sources d’inspiration. Pour mes amis belges par exemple, savent-ils que leur Brabançonne est citée par Debussy dans sa Berceuse héroïque, écrite en 1914 « pour rendre hommage à S.M. le Roi Albert Ier de Belgique et à ses soldats » ?

 

La victoire en chantant

Depuis la nuit des temps, le résultat d’une guerre ou d’une bataille se traduit par la victoire pour les uns, la défaite pour les autres. C’est ce que m’a opportunément rappelé ma visite de l’Ermitage à Saint-Petersbourg il y a une semaine, quand j’ai découvert cette impressionnante galerie :

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Dans cette Galerie 1812 ou Galerie Militaire – c’est son nom – sont accrochés 329 portraits, réalisés par le peintre anglais George Dawe, de généraux, maréchaux, soldats russes, héros de la Guerre patriotique de 1812.

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1812 ça ne vous rappelle rien ? Cet autre tableau, toujours accroché à l’Ermitage de Saint-Petersbourg, vous rafraîchira la mémoire

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(Peter von Hess, La traversée de la Berezina le 17 novembre 1812)

C’est évidemment l’un des épisodes les plus marquants des guerres napoléoniennes, et selon certains, le début de la fin des rêves de grandeur de l’Empereur. Pour les Russes, c’est une des grandes victoires de leur Histoire, pour les Français, ce n’est pas exactement le souvenir qu’ils en ont gardé !

Cette année est aussi synonyme d’une oeuvre musicale célèbre : l’Ouverture solennelle « L’année 1812 » op.49 – pour reprendre son titre exact et complet – de Tchaikovski. C’est en prévision de l’inauguration de la Cathédrale du Saint-Sauveur de Moscou, en 1882, pour célébrer la victoire de la Russie sur la Grande armée de Napoléon soixante-dix ans plus tôt, que cette oeuvre de circonstance a été commandée à Tchaikovski.

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Le compositeur qui n’imagine pas la célébrité posthume, et universelle, de l’œuvre, se montre assez lucide : « L’ouverture sera très explosive et tapageuse. Je l’ai écrite sans beaucoup d’amour, de sorte qu’elle n’aura probablement pas grande valeur artistique. »

De fait, on a connu Tchaikovski plus raffiné et surtout plus inspiré. De quoi se compose cette Ouverture 1812 comme on l’appelle maintenant ?

L’Ouverture solennelle 1812 commence par le chant militaire russe Dieu, sauve ton peuple, annonçant l’entrée en guerre de la Russie contre la France. Celui-ci est suivi de chants solennels évoquant la victoire pour la Russie. Ensuite vient le thème des armées en marche annoncé par les cors. La victoire française à la bataille de la Moskova et la prise de Moscou sont représentées par l’hymne national français : La Marseillaise. Ensuite, deux thèmes issus de chants populaires russes annoncent les futurs revers de Napoléon. Un diminuendo représente la retraite de Napoléon hors de Moscou (octobre 1812). Arrivent enfin les coups de canon représentant l’avancée russe à travers les lignes françaises. Puis, les cloches et les salves de canon célèbrent la victoire de la Russie et la défaite française. Dieu sauve le tsar, l’hymne impérial russe, retentit alors, en opposition avec La Marseillaise entendue précédemment. Durant la période soviétique, le thème de l’hymne Dieu sauve le tsar fut souvent remplacé par celui du chœur final de l’opéra Une vie pour le tsar de Mikhaïl Glinka.

Deux versions incontestables au disque, toutes deux avec choeurs (même si la version purement orchestrale est la plus fréquemment jouée) :

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