Le français de François

En préambule, ce rappel – parce que la faute est si courante, même chez des amis qui pourtant écrivent et parlent bien ! – on ne met pas systématiquement de majuscule lorsqu’on évoque la nationalité d’une personne ou d’un groupe. La majuscule est de rigueur seulement lorsqu’il s »agit d’un substantif et d’une personne. Ainsi : « Le Français que je suis, et le Suisse que je suis aussi, parle le français. Mes amis belges (et non « Belges ») de Liège font de même » ou encore cette citation prêtée au général de Gaulle : « Les Français sont des veaux » !

J’en profite aussi pour remettre d’actualité un article écrit ici il y a presque huit ans : Les pièges du français. Je n’ai pas à en changer une ligne

La maison du français à Villers-Cotterêts

Le président de la République a inauguré le 30 octobre dernier la Cité internationale de la langue française dans le château, entièrement rénové, de Villers-Cotterêts, qui fut l’une des résidences de François Ier, où le souverain édicta la fameuse Ordonnance d’août 1539 sur le fait de la justice et ses articles 110 et 111, jamais abrogés, qui obligent à écrire tous les actes de justice « en langage maternel français et non autrement » .

J’avais suivi cette inauguration à la télévision, le discours – beaucoup trop long comme d’habitude – d’Emmanuel Macron, et les reportages qui l’avaient précédée et suivie donnaient de cette nouvelle « Cité internationale – et non musée ! – de la langue française » une image des plus flatteuses. J’ai eu envie d’aller vérifier sur place…

Première impression perceptible dès le porche d’entrée et son portique de sécurité. Tout le personnel – jeune – a manifestement été bien formé à l’accueil, aimable et souriant, du public. On le souligne parce que ce n’est pas toujours la vertu la plus répandue dans des musées ou monuments plus célèbres…

On arrive dans une cour recouverte d’un étonnant velum.

Le français pour le plaisir

J’avoue avoir été un peu méfiant en pénétrant dans ce qu’on nous annonçait comme le contraire d’un musée, un parcours « ludique », une exploration en réalité augmentée de l’histoire du français et de ses mille manières de le parler à travers le monde. J’ai vite rendu les armes, d’abord en me prêtant moi-même à une suite de séquences interactives, remarquablement conçues, qui attiraient autant les plus jeunes visiteurs – heureux de voir le nombre de familles présentes ce dimanche matin – que les plus anciens, bénéficiant des techniques les plus récentes de projection, de diffusion du son et de l’image.

Tous les supports de la langue française, d’hier et d’aujourd’hui, sont mis en valeur – le cinéma, le théâtre, la chanson, l’opéra, le livre bien sûr – d’immenses rayonnages s’offrent à qui veut ouvrir, feuilleter un livre – .

Il faut saluer cette complète réussite non seulement du contenu et du parcours proposés au visiteur, mais aussi tous les à-côtés souvent négligés ou remis à plus tard : sur place on a trouvé un joli café-restaurant où rien ne manquait, l’accueil chaleureux et le service empressé, une petite carte de très bonne qualité, qui n’a pas oublié les enfants, pour des prix très modiques. Au printemps il y aura une jolie terrasse s’ouvrant sur un beau jardin en voie d’achèvement.

La restauration du logis royal

L’installation de la Cité internationale de la langue française dans cette ancienne demeure royale, qui avait servi de dépôt de mendicité sous Napoléon, puis jusque dans les années 2010 de maison de retraite en voie de grand délabrement, a été liée à la très remarquable restauration de l’unique château Renaissance de Picardie, le château de Villers-Cotterêts, que François Ier décide de faire édifier en 1528, en bordure de la forêt de Retz où il aime chasser.

L’ancienne chapelle du logis royal.

Vive la maison du français chez François !

Seul regret, l’autre grand homme du lieu n’est autre qu’Alexandre Dumas, dont la statue trône sur la place centrale de Villers-Cotterêts, il y a un Musée Dumas qui doit être intéressant. Mais il n’est apparemment pas encore venu à l’esprit de ses responsables (la municipalité ?) que ce serait intelligent de faire coïncider les jours et horaires d’ouverture avec ceux de la Cité internationale. Le dimanche c’est fermé !

Les mots justes

Mon amour des mots, des langues, n’est pas récent. Plus d’une chronique en témoigne (AcadémiqueHautes figuresLe lièvre au pays des malices).

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L’un des derniers-nés de la collection Le goût des mots est tout sauf l’oeuvre d’un redresseur de torts, contrairement à ce que le titre pourrait suggérer.

« Le langage exact reste la condition nécessaire d’une pensée claire. Les mots sont des outils de précision, utilisez-les à bon escient, veillez à leur sens, à leurs différences, à leurs distinctions subtiles. Ne soyez ni puriste, ni laxiste, soyez exact » (Alfred Gilder)

En quatorze chapitres, l’auteur ne rate aucun de nos tics de langage, mots employés de travers, locutions creuses et verbeuses, clichés pénibles, néologismes malvenus, barbarismes, pléonasmes, oxymores incongrus, tournures ambiguës, contresens. mais toujours avec un humour ravageur, et finalement bienveillant.

Pris au hasard, en ces temps de grève des transports publics et de bouchons monstres :  » « Trafic ou circulation ?

Les automobilistes ne sont pas des trafiquants, ni la circulation automobile une activité illégale. Aussi est-ce une drôle d’idée d’avoir, au milieu du XIXème siècle, emprunté à l’anglais traffic le sens de « mouvement général des trains » puis de « circulation des véhicules ».

Trafic voulait d’abord dire « négoce, commerce », puis il signifia, en mauvaise part, profit qu’on tire de certaines choses, commerce clandestin, immoral, illicite : trafic d’esclaces, d’armes, de drogues.

Pour désigner le mouvement des voitures, des trains, des bateaux, des avions, c’est bien le mot circulation qui s’impose »

 

Ainsi fonts font fond…ou fonds !

Il y a quatre ans, je m’amusais à proposer ici La dictée verte de Cendrillonen réaction à une faute courante : la pantoufle de verre au lieu de vair (quoique le débat reste ouvert sur le choix du matériau opéré par Charles Perrault !).

Dans plusieurs articles récents, et des interventions d’amis sur Facebook, je vois une confusion fréquente entre fond et fondsD’où l’idée de cette nouvelle dictée de mon cru, pour tester votre orthographe et celle de vos proches, dans la bonne humeur !

Dans le fond

« Me remémorant mes belles années à Liège, et les amitiés que je m’y suis faites, je me disais que les animateurs du Fonds Léon Frédéricq avaient bon fond – ils se reconnaîtront -, se dévouant à fond à la cause de la recherche médicale de fond, et à la recherche de fonds pour alimenter ce fonds ! Ceux-là, quand ils font quelque chose, ils le font à fond

Je me rappelle aussi la réouverture de l’imposante Collégiale Saint-Barthélemy de Liège, en 2006, et la redécouverte de ses fonts baptismaux.

800px-Renier_de_Huy_JPG00Encore aujourd’hui, je fonds littéralement à la vue de pareil chef-d’oeuvre. Un trésor de l’art mosan qui n’appartient pas au fonds d’art religieux aujourd’hui réuni au Grand Curtius.voisin. Qui n’a pas non plus bénéficié, pour sa rénovation, des fonds d’un fonds souverain, tant mieux peut-être !

Dans le fond, pour bien gérer nos fonds personnels ou secrets – le conseil vaut aussi pour  le responsable des fonts baptismaux de Liège ! – il faut deux qualités : avoir bon fond, et disposer d’un fonds de roulement, ou d’un fond de caisse qui permette de voir venir…en dégustant un fond d’artichaut ! » (Jean-Pierre Rousseau)

 

(La reproduction de tout ou partie de ce texte est interdite sauf accord exprès de l’auteur)

L’amour circonflexe

Il en faut peu pour enflammer les réseaux sociaux, un seul accent, mais circonflexe, une réforme (?) ressortie (par qui? pour quoi ? pourquoi maintenant ?) des cartons où elle dormait depuis 1990.

J’ai aussitôt repensé à une chanson qu’Hélène Delavault avait repris de Marie Dubas : « L’amour au passé défini »

C’est sur la place de la Madeleine
Que nous nous connûmes un beau soir
Vous aviez une allure hautaine
Et moi, j’avais des souliers noirs

Vous traversâtes
Vous vous retournâtes
M’examinâtes
Un soir, un soir
Vous m’attendîtes
Vous me sourîtes
Et vous blêmîtes
Un soir, un soir
Comme je n’ vous parlais pas, vous n’ répondîtes rien
Mais l’aveu de mon coeur, vous l’ devinâtes bien
Et vous le crûtes
Lorsque vous l’ sûtes
Car vous vous tûtes
Un soir, un soir

Nous prîmes le porto en silence
Vous grignotâtes quelques anchois
Puis ensuite sans trop d’ résistance
Vous m’accompagnâtes chez moi

Vous vous assîtes
Vous éteignîtes
Vous m’étreignîtes
Un soir, un soir
Vous m’énervâtes
Vous m’affolâtes
Vous m’épatâtes
Un soir, un soir
Vous frôlâtes mes lèvres en m’appelant « Mon rat »
Vous fermâtes les yeux et soudain dans vos bras
Vous me reçûtes
Et puis vous m’eûtes
Tant que vous pûtes
Un soir, un soir

Hélas, les amours sont fragiles
Je le reconnais maintenant
Bientôt je rompis notre idylle
Et je vous trompai lâchement

Vous m’ soupçonnâtes
Vous m’épiâtes
Vous me pistâtes
Un soir, un soir
Puis vous surgîtes
Vous me surprîtes
Et vous m’haïtes 
Un soir, un soir
Vous me traitâtes à tort de menteuse et d’indigne
Et de votre gousset sortîtes un Browning
Vous m’ajustâtes
Mais vous m’ ratâtes
Et vous caltâtes
Un soir, un soir.

Impayable non ?

Honnêtement, si la langue française doit évoluer – je l’ai souvent évoqué sur ce blog – c’est en la débarrassant des inepties orthographiques qui n’ont aucune raison linguistique ou sémantique. On pourrait ainsi éviter à des imbéciles de prononcer des imbécillités et à des futiles de dire des futilités !

 

Incollable ?

L’actualité mortuaire nous laissant un peu de répit, retour à une de mes marottes, la langue française, comme on la parle, comme on la vit.

Alain Rey, activement secondé par Stéphane de Groodt, publie un nouvel opus, appelé à devenir un bestseller. Voir ci-dessous.

Je me suis amusé, à partir de cet ouvrage, à pondre ce texte, évidemment bourré de fautes. Saurez-vous les repérer, les corriger ? J’attends vos pointages et commentaires…

Par acquis de conscience, je veux placer ce texte sous les meilleures auspices et ne pas risquer l’amande que pourrait m’affliger l’Académie française. Pour ceux qui tirent tous azimuths, ce conseil de prudence : pensez à l’arrière-banc du ban de touche, à ceux qui sont pendus à vos Basques, évitez de leur monter le bourichon, faites plaisir aux boutentrains, invitez-les plutôt à faire bonne chair avec vous autour d’une bonne table.

Vous êtes dans le coltard, vous avez mal dormi ? Qu’à cela ne tienne, pour ne pas rater le coach, inutile de réclamer votre petit déjeuner à corps et à cris, surtout si vous avez oublié de payer votre écho quand vous étiez frais et moulu, ça ne risque pas d’amuser la gallerie. On sonne à la porte ? C’est la femme de ménage ? On espère que ce n’est pas une sainte N’y-touche, parce qu’à vous voir dans votre plus simple appareil, après une nuit de Noubbah, elle en tomberait des nus en poussant des cris d’or frais. Maintenant qu’elle est là, vous avez intérêt à vous manier le train en cinq sept. Autant pour vous, vous avez l’excuse de mener une vie de patte à Chong, et même de bâton de chaise , toujours par Mons et par Vaux (oui je sais que vous êtes Belge !)… (Copyright Jean Pierre Rousseau@2016)

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La dictée verte de Cendrillon

J’aime m’amuser avec les subtilités de la langue française (lire : https://jeanpierrerousseaublog.com/2014/01/17/au-courant/). C’est en lisant sur le mur Facebook d’un ami cette faute malheureusement très fréquente – la pantoufle de verre de Cendrillon – que j’ai eu l’idée de cette nouvelle dictée… écologiste, puisque le Vert et tous ses homonymes y sont à l’honneur !

La poupée de verre

Lors de ma mise au vert, n’ayant ni le physique d’un vert Adam ni l’aura d’un ver luisant, j’ai fait des vers pour séduire la poupée de verre qui représente Cendrillon derrière la façade toute en verre de l’Opéra Bastille. Des vers, de la poésie quoi, pas des vers de terre, ni des vers solitaires, ni des verres à double foyer…

J’adore Cendrillon et son soulier de vair. J’aime quand elle s’habille de vert, envers et contre toutes les traditions du théâtre. Le vert porte malheur sur une scène, paraît-il, mais on dit bien : « Un vert ça va, trois verts bonjour les dégâts! » Mais je m’égare, ça c’était une plaisanterie d’un ancien ministre à propos des écologistes…

Charles Perrault, le père de Cendrillon, n’était ni d’Auvers, ni d’Anvers, pas plus d’ailleurs que de Vers (dans le Lot ou en Bourgogne), de Vers-sur-Méouge, de Vers-en-Montagne ou de Vers-sur-Selles, j’ai vérifié, il n’a visité ni l’imposant château de Vayres en Dordogne

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ni celui qui m’était beaucoup plus familier, tout près de Poitiers, le château de… Vayres !

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Je me consolerai d’avoir perdu la trace de Cendrillon et de son géniteur en buvant un bon verre de graves-de-vayres. Nu comme un ver, comme il se doit (pour un vert Adam)…

Et je reverrai avec bonheur la chorégraphie de Noureiev et réécouterai l’enregistrement d’Ashkenazy de la célèbre Cendrillon de Prokofiev !

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