Les raretés de l’été (VII) : Zinman chez les Suisses

Je ne pourrai pas cette année non plus souhaiter une joyeuse Fête nationale à ma mère, mais je peux le faire à cette grande famille éparpillée de cousins, cousins et autres descendants de la branche maternelle des Zemp, et en particulier à mon cousin Joseph, auteur prolifique d’un blog passionnant (dernier article paru sur Arthur Honegger !)

En ce 1er août, honneur donc à la Suisse et à l’un de ses orchestres – je n’ai pas écrit « le meilleur » parce que la discussion s’envenime toujours lorsque, à Genève, Bâle, ou Zurich, il s’agit de s’attribuer le titre ! – Mais l’orchestre de la Tonhalle – qui, comme celui d’Amsterdam, porte le nom de la salle de concert où il se produit – compte dans le paysage musical européen : je lui avais d’ailleurs consacré tout un article (Tonhalle) à l’occasion de son 150e anniversaire en 2018.

Pour peu que vous soyez un peu collectionneur, de disques, de livres, de DVD, vous savez ce que c’est : vous achetez un coffret, vous l’écoutez en tout ou partie, et vous le posez dans votre bibliothèque, le destinant parfois à un repos éternel. C’est un peu ce qui m’est arrivé avec le bien mal intitulé coffret qui regroupe tous les enregistrements réalisés pour les labels américains RCA / Arte Nova / Sony par le chef américain David Zinman avec la Tonhalle dont il fut le directeur musical, vingt ans durant, de 1995 à 2014.

Pourquoi avais-je délaissé ce coffret ? et du coup, perdu de vue l’originalité, la qualité, l’intelligence de la démarche interprétative de ce chef dans un répertoire où la concurrence est vive : des intégrales des symphonies de Beethoven, Brahms, Schubert, Schumann et Mahler et un admirable bouquet de poèmes symphoniques de Richard Strauss.

Quand on célèbre – ou pas – son successeur (Paavo Järvi) dans les mêmes répertoires, quand on rappelle les mérites de feu Roger Norrington dans son intégrale Beethoven, on doit absolument se replonger dans ce legs prodigieux, où on a le sentiment que Zinman réinvente ce qu’il dirige, subtilement, sans grands effets de manche : l’articulation, l’impulsion, le phrasé, et un travail sur les rythmes internes à un mouvement.

Trois exemples éloquents :

La toute première phrase de la 8e symphonie de Beethoven est vraiment un « allegro vivace con brio », qui donne furieusement envie de poursuivre l’écoute.

La comparaison avec un autre chef que j’admire, Karl Böhm, est, comment dire, bien peu convaincante.

Même choc à l’écoute de la si rabâchée symphonie « inachevée » de Schubert. David Zinman n’en fait pas, comme tant de ses confrères, un monument brucknérien. Le 2e mouvement est une pure poésie, et surtout écoutez bien ce que font le hautbois et la clarinette, leurs ornements subtils qui ôtent à ce mouvement la dimension tragique qu’on y entend trop souvent :

Pour être tout à fait honnête, j’avais laissé de côté les symphonies de Mahler – une intégrale – de David Zinman. Quelle erreur ! En commençant par la 9e, j’ai vraiment très envie de découvrir tout le corpus, parce que j’ai l’impression qu’en suivant à la lettre les indications du compositeur – très précises et nombreuses dans ses partitions – Zinman en restitue parfaitement l’esprit.

Et puisque mon cousin évoque aujourd’hui Arthur Honegger, compositeur aussi français que suisse (et inversement !), je signale ce très beau disque… de David Zinman et la Tonhalle.

L’une des premières oeuvres que j’ai programmées à Liège était la Pastorale d’été. C’était en juin 2001, j’avais invité Stéphane Denève et Sophie Karthäuser, l’une et l’autre à l’orée d’une carrière formidable, dans un programme qui comprenait outre la Pastorale d’été, les Nuits d’été de Berlioz, la suite de Pelléas et Melisande de Fauré et la 2e suite de Bacchus et Ariane de Roussel !

Je vais évoquer la figure de Bob Wilson, disparu hier, sur mes brèves de blog

L’admirable John Nelson

Quand je dis Nelson je pense spontanément à mes amis pianistes, le très regretté Nelson Freire, et le toujours bien vivant Nelson Goerner. Mais ce soir je repense avec émotion au chef américain John Nelson (1941-2025) qui vient de disparaître après une terrible maladie qui l’avait défiguré et pourtant pas empêché de poursuivre sa tâche jusqu’au bout de ses forces

Je veux d’abord citer Alain Lanceron, le patron de Warner et Erato :

« Nous n’oublierons pas le véritable amour qu’il éprouvait pour la musique et les musiciens, et pour ses deux compositeurs fétiches, Haendel et Berlioz. Nous n’oublierons pas non plus son enthousiasme, sa bonté, son humanité. John Nelson est mort lundi, un mois seulement avant les séances d’enregistrement que nous avions prévues à Strasbourg pour achever son cycle Berlioz. J’ai la chance de pouvoir me rappeler les 20 projets sur lesquels nous avons travaillé ensemble sur une période de trois décennies. La plupart d’entre eux étaient avec l’Ensemble Orchestral de Paris dont il a été directeur musical pendant 11 ans (de 1998 à 2009), et avec l’Orchestre philharmonique de Strasbourg pour un cycle Berlioz qui constitue un jalon dans l’histoire de l’enregistrement, en particulier Les Troyens avec Joyce DIDonato, Michael Spyres, Marie-Nicole Lemieux et une superbe équipe de chanteurs français. Juste y penser me fait venir les larmes aux yeux« 

Série à laquelle il faut ajouter une de mes références de toujours des Nuits d’été de Berlioz

J’ai deux souvenirs personnels forts de John Nelson.

À Besançon en 1995, comme je l’ai raconté sur ce blog  » je reçois une nouvelle invitation à siéger au Concours de jeunes chefs d’orchestre (j’y avais déjà siégé en 1992) Entre-temps je suis devenu directeur de France Musique (depuis l’été 1993), une absence d’une semaine de Paris n’est pas très bien vue par mes patrons de Radio France, mais le prestige du concours, etc… Cette année-là le jury est présidé par John Nelson. Personne parmi les candidats ne se détache vraiment, certains ne sont pas prêts – c’est le cas du fils d’un chef d’orchestre français, qui depuis a pris un bel envol, mais à qui John Nelson et d’autres membres du jury avaient dû expliquer amicalement qu’il devrait mûrir et s’aguerrir ). Un premier prix est attribué à un jeune Japonais, dont je n’ai plus jamais entendu parler depuis…

C’est finalement le lot de tous les concours, qui ne sont jamais une garantie de carrière pour les lauréats, mais qui, parfois, révèlent d’authentiques talents. Et pour qui a, comme moi, eu la chance de siéger dans plusieurs jurys, c’est sans doute l’expérience la plus enrichissante sur le plan artistique et humain. On ne voit plus jamais les artistes de la même manière, on mesure le courage, l’énergie, l’abnégation qu’il faut à un jeune musicien, au-delà de ses qualités musicales, d’abord pour affronter ces compétitions inhumaines, ensuite pour se lancer dans une carrière complètement aléatoire.« 

L’attitude de John Nelson pendant toutes les épreuves du concours, sa bienveillance, même quand nous manifestions notre impatience ou notre mécontentement face à l’impréparation manifeste de. certains candidats, est restée pour moi une leçon d’humanité.

Le second souvenir c’est l’invitation que j’avais faite à John Nelson de venir diriger la 6e symphonie de Mahler à Liège en 2005 (lire la critique de ResMusica).

Et puis bien sûr d’autres concerts à Paris, avec l’Ensemble orchestral de Paris auquel il aura assuré une renommée internationale. Souhaitons que Warner/Erato réédite une belle collection d’enregistrements qui font honneur à ce grand chef.

Ravel #150 : Shéhérazade

Bref retour sur le premier billet de cette mini-série consacrée à Ravel et à son fameux Boléro.

Je m’attendais à beaucoup d’écrits, de célébrations, d’hommages – mais il n’y a apparemment pas eu une note de Ravel, ni de Boulez dans la cérémonie des Victoires de la Musique classique du 5 mars dernier ! – mais rien qui m’eût laissé supposer un témoignage… d’Anne Hidalgo, la maire de Paris, publié avant-hier, le jour du 150e anniversaire du compositeur ! Je ne savais pas la bientôt ex-maire mélomane, mais dès lors qu’elle signe un texte, elle doit en assumer les termes. J’ignore qui a pu lui inspirer pareille navrance, des mots et des expressions aussi risibles (« fredonner une interprétation »). A moins qu’il ne faille comprendre, en filigrane, une auto-célébration, puisque honorer Ravel le Parisien, c’est honorer Paris, et par voie de conséquence honorer sa maire ! A lire à la fin de cet article.

En revanche, j’ai été heureux de découvrir sur Instagram les photos que Louis Langrée a prises lors de sa visite très privée, le 7 mars, de la maison de Ravel à Montfort-l’Amaury. Il faudra vraiment que je m’organise pour m’intégrer à une prochaine visite, puisque, vu l’étroitesse et la fragilité du lieu, ce ne peut pas être un musée qu’on visite à son gré.

Le piano de Ravel

J’ai songé à faire un billet spécial sur l’oeuvre pianistique de Ravel. Mais je ne m’en sens ni le talent ni l’envie. Ravel est interdit aux mauvais pianistes. Je ne connais pas une mauvaise intégrale. J’ai lu que la soirée du 7 mars à la Philharmonie de Paris, où Bertrand Chamayou a donné tout l’oeuvre pour piano, a été une formidable réussite. Je n’en suis pas surpris.

Et quand je veux écouter Gaspard de la nuit, je me tourne vers Samson François et Martha Argerich

Shéhérazade

J’ai une affection, un attachement sans borne pour le cycle de mélodies Shéhérazade , créé le 17 mai 1904. J’ai compté 25 versions différentes (par 22 chanteuses) de l’œuvre dans ma discothèque. Et j’en ai sûrement oublié.

En concert, j’ai eu la chance de l’entendre assez souvent, et je n’ai jamais manqué une occasion de le programmer quand j’avais la combinaison idéale chef-chanteuse.

Je m’en veux d’avoir manqué ce concert du 6 octobre 2023 :

Magnifique Fatma Said, mieux que magnifiquement « accompagnée » par Pietari Inkinen et l’orchestre philharmonique de Radio France.

Beaucoup de mes versions préférées sont le lot de chanteuses de langue anglaise. J’ai toujours été frappé par la qualité de la diction française d’interprètes qui parfois, dans la vie courante, ne parlent pas un mot de français. Souvenir d’une tournée en Amérique du Sud, en 2008, avec l’orchestre de Liège et Susan Graham chantant les Nuits d’été de Berlioz à la perfection, et ne parlant qu’anglais dans nos conversations.

Admirable Marilyn Horne en 1975 au théâtre des Champs Elysées avec l’Orchestre national de France et Leonard Bernstein

Jessye Norman, plus placide mais somptueuse de voix, avec Colin Davis et le London Symphony

Disparue il y a six ans, la soprano irlandaise Heather Harper m’a toujours séduit, quelque soit le répertoire abordé. Elle trouve en Pierre Boulez un partenaire idéal.

Oui j’en reviens souvent à Armin Jordan, tant son intégrale Ravel reste une référence. Peu se souviennent en revanche de la Shéhérazade qu’il grava avec la grande Rachel Yakar, disparue il y a deux ans. Armin Jordan récidivera plus tard avec Felicity Lott.

Anne Hidalgo : Ravel et moi

« Génie de la musique, la vie, l’art et la mémoire du grand Maurice Ravel sont intimement liés à Paris.

Arrivé en 1875 à Paris, Maurice Ravel y trouve son terrain d’inspiration.

Dès son entrée au Conservatoire de Paris et poussé par l’effervescence culturelle parisienne, il puise ses influences aux côtés de Fauré ou de Debussy. C’est de là que naissent à la fois ses premières compositions et ses premiers succès.

Mais c’est sans aucun doute avec son célèbre Boléro qu’il joue le 22 novembre 1928 à l’Opéra de Paris, que Maurice Ravel accède au rang des plus grands musiciens du monde. Cette interprétation que nous continuons encore aujourd’hui de fredonner marquera à jamais l’histoire de la musique.

Le Boléro est largement inspiré par la musique andalouse qui a bercé mon enfance et que j’aime tant.

Le Boléro, est sans doute l’œuvre la plus écoutée au monde, toujours réinventée ou réinterprétée. Partout où l’on va il n’est pas rare d’entendre le Boléro.

Ce morceau est pour moi l’incarnation de l’esprit de Paris, cette ville qui ne cesse de se réinventer, baignée par toutes les influences du monde, une ville où l’on marche, où l’on court parfois, où on se mélange, où on fait des rencontres improbables à toute heure ; bref c’est tout cela à la fois le Boléro. C’est Paris.

Alors que nous célébrons le 150e anniversaire de sa naissance, à travers lui, c’est la ville lumière que nous célébrons, moderne et ouverte sur le monde qui a su au fil des siècles accompagner les artistes et donner toute sa place à l’art et à la culture.

Merci Maurice Ravel.« 

Anne Hidalgo (Facebook 7 mars 2025)

Pour rappel le petit frère de ce blog : brevesdeblog

Vous les femmes…

Prendre pour titre de ce billet l’une des chansons les plus ringardes du chanteur le plus ringard du siècle passé* m’expose à des critiques et des quolibets que le contenu de cet article, je l’espère, ne justifiera pas.

L’anniversaire de Françoise P.

75 ans de mariage, ce sont des noces d’albâtre. 75 ans de vie de musique et de talent, c’est l’anniversaire que vient de fêter, sans aucunement s’en cacher, la cantatrice française Françoise Pollet. Qu’attendent les éditeurs de disques qui l’ont enregistrée au sommet de sa gloire pour rééditer ces trésors et lui rendre l’hommage qui lui est dû?

Tiens, puisque j’évoque l’albâtre, écoutez ce Spectre de la rose, la deuxième des Nuits d’été de Berlioz,

Je n’oublie évidemment pas ce grand moment du Festival Radio France 2021 : la Masterclass impériale de Françoise Pollet, si riche d’humanité, d’humour et d’expérience.

Une déclaration à Marthe K.

Je crois que j’ai toujours été secrètement amoureux de Marthe Keller, j’ai aimé tous ses films

(avec une tendresse particulière pour Fedora de Billy Wilder)

Je ne me rappelle pas l’avoir vue sur scène, mais je l’ai très souvent aperçue au concert assise dans le public. Et je n’ai jamais osé lui avouer mon admiration (qu’en aurait-elle eu à faire ?).

Je l’aime plus encore maintenant que j’ai lu ce qui ressemble à des mémoires, mais qui sont plutôt une suite d’instantanés, très bien écrits – pas de « gras », pas de circonvolutions, à la pointe sèche -. Les souvenirs de stars sont rarement passionnants, la vie de Marthe Keller est, au contraire, fascinante. Et son amour, sa connaissance de la musique et des musiciens – son travail avec Ozawa par exemple, ses mises en scène d’opéra, ses créations – ne font renforcer mon admiration. Et puis ce délicieux accent suisse allemand qui me la rend si proche…

Les sons d’Elsa

Jusqu’à jeudi dernier, je ne savais pas grand chose ni de la personnalité ni de la musique d’Elsa Barraine (1920-1999). Il a fallu que l’Orchestre national de France et son chef Cristian Măcelaru décident d’inscrire à leur programme de rentrée la 2e symphonie de la compositrice française pour que je découvre une auteure vraiment originale. Lire ma critique sur Bachtrack : L’ouverture de saison contrastée du National à Radio France

Comme me le confiait le chef à l’issue du concert, un disque d’oeuvres symphoniques d’Elsa Barraine vient d’être enregistré par l’Orchestre national, avec notamment Le fleuve rouge, un poème symphonique de 1945. Cristian Măcelaru s’amusait du caractère très « communiste » de ce nouvel enregistrement, qu’on attend avec d’autant plus d’impatience que la discographie de la compositrice est pour le moins étique.

En bis, jeudi soir, l’Orchestre national et son chef offraient un extrait du ballet Callirhoé de Cécile Chaminade.

Tout au long de la saison, le chef et l’orchestre proposeront ainsi des « bis » de compositrices, reprenant ainsi la formidable idée du Palazetto Bru Zane qui nous avait fait le cadeau d’un coffret de 8 CD d’inédits au printemps 2023.

*Julio Iglesias

La jolie fille de Madame Angot

C’est encore l’exploit des infatigables Alexandre et Benoît Dratwicki qu’il faut saluer. La présidente et l’état-major de la Fondation Bru/Palazzetto Bru Zane, ce centre de musique romantique française installé à Venise, et les musicologues jumeaux qui en sont l’âme et la caution artistique, étaient installés dans la loge d’honneur du théâtre des Champs-Elysées, ce dernier soir de juin, pour la recréation de l’opérette de Charles Lecocq, La fille de Madame Angot.

Avouons-le d’emblée : je ne connaissais de l’ouvrage que quelques airs, toujours les mêmes, qu’on retrouve dans toutes les « compils » d’opérette française, et je n’imaginais pas être à ce point agréablement surpris par toutes les qualités, d’abord musicales, de cette « Fille ».

Pas de longueurs, les figures obligées bien sûr de ce genre d’ouvrage, mais parfaitement troussées, des mélodies, des airs, des ensembles qui fusent sans relâche.

Comme l’écrit Emmanuelle Giuliani dans La Croix : Face à un livre, un film ou un spectacle joyeux et bienfaisant, on aime à dire qu’il « devrait être remboursé par la Sécurité sociale »… Au sortir du Théâtre des Champs-Élysées, ce mercredi 30 juin, un sondage rapide aurait sans nul doute ajouté la représentation de La Fille de Madame Angot sur la liste de ces médecines artistiques à l’efficacité garantie. Il suffit d’évoquer les applaudissements nourris d’un auditoire qui ne voulait pas laisser les artistes retourner en coulisses, souhaitant les fêter et les remercier tant et plus !

Voici la jeune Clairette, adorable fausse ingénue promise au perruquier Pomponnet. Si la noce enthousiasme le promis, la fiancée en aime un autre, le poète royaliste Ange Pitou (2) dont les vers brocardent le nouveau régime. Larivaudière, un financier véreux sensible au beau sexe, Mademoiselle Lange, comédienne qui sait « se placer » auprès des puissants, quelques conspirateurs et autres policiers dépassés par les événements… la joyeuse compagnie entonne airs, duos, ensembles et chœurs ciselés avec art par un compositeur fort habile. Dans le programme, le musicologue Gérard Condé cite l’un de ses confrères d’antan, Paul Landormy : « Charles Lecocq est un plus grand musicien qu’on ne le croit d’ordinaire et qu’il ne le croyait lui-même ». (La Croix, 1er juillet 2021)

Parce que, évidemment, le succès de la soirée, et du livre-disque à venir (Alexandre Dratwicki me confiait que cette « Fille » avait été mise en boîte en février dernier), tient à une distribution exceptionnelle, qu’on tient à citer complètement :

Anne-Catherine Gillet | Clairette Angot 
Véronique Gens | Mademoiselle Lange 
Artavazd Sargsyan | Pomponnet 
Mathias Vidal | Ange Pitou 
Matthieu Lécroart | Larivaudière 
Ingrid Perruche | Amarante / Babette / Javotte 
Antoine Philippot | Louchard 
Flannan Obé | Trenitz 
David Witczak | Cadet / Un Incroyable / Un Officier

Sébastien Rouland | direction 
Orchestre de chambre de Paris
Chœur du Concert Spirituel

Le rôle-titre, Clairette, la fille de cette mystérieuse Madame Angot, est chantée et jouée par Anne-Catherine Gillet, dont la voix a gagné en profondeur sans jamais rien perdre de la jeunesse et de la justesse qu’on lui connaît depuis ses premières apparitions sur les scènes belges. Ses deux amoureux, deux ténors, le perruquier Pomponnet, Artavazd Sargsyan et le poète Ange Pitou, Mathias Vidal, excellent dans leurs rôles de caractère. Tous les autres pétillent, et, toujours très grande dame, saisie par le comique de situation, Véronique Gens ne cesse de nous étonner en demi-mondaine (c’est une habituée du Festival Radio France et des ouvages rares)

On a hâte de retrouver cette belle équipe au disque. Enfin une version complète et récente d’un ouvrage qui n’encombre pas les rayons des disquaires…

Quant à Anne-Catherine Gillet, je conseille à ses fans d’écouter ce très beau disque réalisé avec l’Orchestre philharmonique royal de Liège et Paul Daniel il y a un peu plus de dix ans

Quant à Ange Pitou, je me demande si je ne vais pas me replonger dans une lecture qui m’avait captivé adolescent, le roman d’Alexandre Dumas.

Le prince Igor et la reine Lear

Le grand art d’Evelyn Lear

Commençons par un petit bijou, une fois de plus signalé par J-C.H. sur Facebook. Aucune actualité particulière, mais, pour ce qui me concerne, une découverte.

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Je l’avoue, j’avais une connaissance relative de cette grande soprano américaine (1926-2012°

Evelyn Lear naît dans l’arrondissement de Brooklyn à New-York sous le nom d’Evelyn Shulman dans une famille juive originaire de Russie. Elle étudie le piano, le chant.. et le cor à la Juilliard School.

Après un premier mariage avec le physicien Walter Lear dont elle divorce, elle découvre l’opéra pour la première fois à Washington D.C. avec Down in the Valley de Kurt Weill. 

Elle se remarie avec le baryton-basse américain Thomas Stewart (1928-2006), rencontré à la Juilliard School. Ils décrochent une bourse Fulbright qui permet au couple de s’envoler pour l’Europe à la « Hochschule für Musik » de Berlin où la chanteuse étudie avec Maria Ivogün. C’est en Allemagne que sa carrière dans l’opéra décolle. En 1958, elle est engagée au Städtische Oper Berlin où elle chante Ariadne auf Naxos de Richard Strauss

Entre 1959 et 1992, elle va chanter plus de quarante rôles différents, interprétant même les trois rôles féminins (La Maréchale, Sophie, Octavian) du Chevalier à la rose de Richard Strauss. E n1955, tout juste sortie de la Juilliard, Evelyn crée le rôle de Nina, dans Reuben, Reubende de Marc Blitzstein. La légende raconte que Leonard Bernstein a prénommé sa fille Nina en référence à cette œuvre. En 1961, elle crée le rôle-titre de Alkmene de Giselher Klebe à Berlin. À la même époque, elle aborde Lulu d’Alban Berg, son rôle fétiche, au Theater an der Wien, sous la baguette de Karl Böhm, dont elle sera une interprète d’élection

En 1963, à l’occasion de la réouverture du Théâtre National de Munich, elle est la première Jeanne dans Die Verlobung in San Domingo de Werner Egk.

En 1965, à Covent Garden, elle est Donna Elvira dans Don Giovanni. L’année suivante, elle fait ses débuts à l’Opéra lyrique de Chicago dans Le Couronnement de Poppée

Puis elle intègre le Metropolitan Opera de New-York et chante Lavinia Mannon lors de la première de Mourning Becomes Electra, opéra de l’américain Marvin David Levy. En dépit de problèmes vocaux qui affectent la clarté de sa voix, elle continue de créer des rôles jusque dans les années 1990. Elle meurt le dans une maison de repos à Sandy Spring, dans le Maryland, à l’âge de 86 ans.

La discographie d’Evelyn Lear est bien pauvre, en dehors de quelques albums DGG et de « live » heureusement récupérés par le label américain VAI. Celui que je salue aujourd’hui illustre la versatilité d’un art que j’ai eu bien tort de méconnaître jusqu’à ce j’écoute, fasciné, ce disque où Berlioz côtoie Berg et Strauss !

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Extrait des Nuits d’été, dirigé par Dean Dixon à Francfort en 1972

Troisième des Vier letzte Lieder de R. Strauss, capté à Vienne en 1964, Karl Böhm dirigeant les Wiener Philhamoniker !

Le Prince Igor à l’assaut de Bastille

Double première hier soir à l’Opéra Bastille : l’entrée du Prince Igor de Borodine au répertoire de l’Opéra de Paris (!) et première de la nouvelle production mise en scène par Barrie Kosky et dirigée par Philippe Jordan.

On est un tout petit peu moins enthousiaste que Laurent Bury sur Forumopera (Fais moi mal, Barrie !sur la direction du maître des lieux.

Rien à redire à la formidable qualité d’ensemble de l’orchestre et des choeurs (qui auraient pu être mieux coachés pour la prononciation du russe), mais quelque chose de l’ordre de la couleur si profondément russe de la musique de Borodine m’a manqué, comme si Philippe Jordan s’en tenait à distance.

Pour le reste, je souscris complètement à la critique de Laurent Bury. Cette « actualisation » du Prince Igor est tellement téléphonée, qu’on n’en est même pas surpris.

On avait évidemment gardé un tout autre souvenir lorsque Valery Gergiev était venu donner au Théâtre des Champs-Elysées toute une série d’opéras russes, dont Le Prince Igor, en février 1996.

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La grande Sophie

Mercredi soir, à l’Auditorium du Louvre, Julien Chauvin et son Concert de la Loge nous conviaient à un de ces programmes dont ils ont le secret : une des symphonies « parisiennes » de Haydn – la 84ème – entrecoupée d’airs, de scènes, d’extraits de ballets de quelques contemporains de l’illustre Viennois, habitués du Concert de la Loge olympique.

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Avec une invitée de grand luxe, la soprano belge, ma très chère Sophie Karthäuser.

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Cette vidéo n’existe pas

(Extrait de l’opéra Phèdre de Jean-Baptiste Lemoyne, donné en bis à la fin du concert du 9 octobre 2019, à l’auditorium du Louvre)

Je connais Sophie Karthäuser depuis mon arrivée à la direction de l’Orchestre philharmonique de Liège il y a vingt ans (lire Liège à l’unanimité).

Dès le printemps 2001, elle chante ses premières Nuits d’été de Berlioz aux côtés d’un jeune chef français Stéphane Denève  (lire Les Nouveaux modernes), en décembre de la même année, avec Louis Langrée devenu directeur musical de la phalange liégeoise en septembre, elle forme avec une autre toute jeune soprano belge, Céline Scheen, un duo de rêve, dans la Messe en ut mineur de Mozart.

Sophie retrouvera Louis Langrée un an plus tard dans le Requiem de Mozart, puis, en décembre 2004 à Bruxelles et à Liège, pour une Création de Haydn, restée dans toutes les mémoires (Werner Güra et Reinhard Hagen complétaient la distribution. Une Création restée dans la mémoire du public liégeois pour une autre raison : nous avions pris le parti d’illustrer l’oeuvre de Haydn au premier degré, et soumis à cette fin à un jeune photographe liégeois une idée simple. Pouvait-il trouver un homme et une femme jeunes qui accepteraient de poser, de dos, dans la tenue d’Adam et Eve ? Il en résulta une très belle photo qui s’afficha dans tout Liège. Qui me valut une ou deux lettres de vieux ronchons qui trouvaient que, tout de même, ce n’était pas « convenable », et, à l’inverse, un nombre considérable de félicitations. Certains s’étaient même demandé si le chef (Louis Langrée) et la soprano (Sophie Karthäuser) avaient servi de modèles, leurs noms étant imprimés sur l’affiche juste sous les pieds d’Adam et Eve !

Sophie Karthäuser revient à Liège fin mai 2006 pour un concert dont ni elle ni moi ne pouvions supposer que ce serait l’un des derniers que dirigerait Armin Jordan – disparu le 20 septembre 2006. Un programme prémonitoire, composé tout exprès pour la soprano et le chef suisse: Les Illuminations de Britten et la Quatrième symphonie de Mahler qui se conclut par cette mélodie, tirée du Knaben Wunderhorn, intitulée… la Vie céleste. La seule remémoration de cette soirée me bouleverse encore (Une soirée magique).

Dans les années qui suivront, les présences de la soprano s’espaceront un peu, en raison de ses engagements de plus en plus nombreux sur les grandes scènes d’opéra, mais le fil ne se distendra jamais entre l’OPRL et elle. Témoin ce concert de 2018 avec Christian Arming.

Je n’oublie pas que Sophie était présente à la soirée que les Liégeois avaient organisée, le 3 octobre 2014, pour mon départ de l’orchestre (Merci). 

Je n’oublie pas non plus cette représentation du Freischütz de Weber, dans la version française de Berlioz, que dirigeait John Eliot Gardiner à l’Opéra comique à Paris en mai 2011, où Sophie chantait admirablement le rôle d’Agathe. Ce fut la dernière fois que je vis Pierre Boulez, déjà très fatigué, mais la curiosité toujours en éveil.

On l’aura compris, j’ai pour Sophie Karthäuser une profonde affection, doublée d’une admiration sans bornes pour son art bien sûr, la sûreté et la sagesse avec laquelle elle mène une carrière exemplaire depuis plus de vingt ans. Sa discographie en témoigne éloquemment. Petit échantillon non exhaustif.

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Ouvertures

A Radio France, comme ailleurs, on « rentre ». Il y a des sortes de pré-rentrées, l’Orchestre National de France s’est déplacé à Bucarest (Festival Enesco), à Lucerne, mais à Paris c’était hier le soir de rentrée.

Berlioz Krivine

Rentré trop tard de Montpellier, j’ai manqué la soirée. Emmanuel Krivine dirigeait un programme tout Berlioz. A réécouter ici : France Musique : concert de rentrée de l’Orchestre National de France.

J’eusse aimé entendre, dans l’acoustique chaleureuse de l’Auditorium de Radio France, le velours corsé de la chanteuse québecoise Marie-Nicole Lemieux dans Les Nuits d’été, le plus beau cycle de mélodies avec orchestre jamais écrit par un compositeur français.

La voix de Marie-Nicole Lemieux

Surtout après avoir écouté le tout récent disque qu’elle signe avec Paul Daniel et l’Orchestre national Bordeaux-Aquitaine, une authentique réussite qui tient autant à l’originalité du couplage qu’au somptueux mariage de la voix de Marie-Nicole Lemieux et des moirures orchestrales que le chef britannique dessine amoureusement.

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On se demande bien pourquoi nul n’a jamais songé auparavant à un couplage qui tient pourtant de l’évidence entre les Sea Pictures d’Elgar (1899) et le Poème de l’amour et de la mer de Chausson (1892). La rareté ici est La Mer, cycle de quatre mélodies, de Victorin de Joncières (1839-1903), un compositeur dont, grâce aux travaux du Palazzetto Bru Zane, on redécouvre l’oeuvre.

Nuits d’été

Un disque à écouter et réécouter absolument. J’en profite pour remettre en lumière un autre beau disque, passé malheureusement un peu inaperçu à sa sortie. Là aussi un couplage très original, un chef – Paul Daniel – complètement à son aise dans les trois partitions à la tête d’une phalange idéale dans ces répertoires, l’Orchestre philharmonique royal de Liège, et une chanteuse, Anne-Catherine Gillet, qui trace un chemin sûr sur les meilleures scènes d’opéra.

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Ce soir, c’était une autre ouverture, celle de l’Orchestre de chambre de Paris, avec Don Giovanni de Mozart. On en reparle demain !

Un début en catastrophe

Le dimanche 17 août 2008 au petit matin, lorsque les musiciens de l’Orchestre philharmonique de Liège aperçurent par les hublots de l’avion qui les amenait de Roissy, une colonne de feu qui s’élevait du centre de São Paulo, ils ne pouvaient imaginer que la tournée qu’ils entreprenaient dans le continent sud-américain, sous la direction de Pascal Rophé, allait commencer en catastrophe.

J’étais arrivé la veille à Rio de Janeiro pour rencontrer les organisateurs de la tournée et nos agents locaux et j’allais rejoindre l’orchestre à São Paulo lorsque, juste avant le départ de mon avion, je reçus un message du directeur de production de l’orchestre : « Vol bien passé mais la salle de concert a brûlé, infos suivent » Tout juste le temps de fixer une réunion de crise en fin de matinée avant que le vol Rio-Sao Paulo ne décolle.

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Pour ne pas affoler les musiciens, le grand patron de la Societa et du Teatro Cultura Artistica, Gerald Perret, un Suisse installé au Brésil depuis la fin des années 70, était venu en personne accueillir l’orchestre, alors que son beau théâtre finissait de se consumer. Lorsque j’arrivai à mon tour à l’hôtel où l’OPL était hébergé, Gerald était reparti sur les lieux du drame. Consigne de silence absolu avant une rencontre en tout petit comité en début d’après-midi.

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(Les restes de la Sala Cultura artistica le 17 août 2008)

L’OPL devait donner deux concerts dans cette salle les 18 et 19 août ! J’avais eu le temps depuis le matin d’envisager tous les scénarios possibles : le plus probable était l’annulation pure et simple, un scénario catastrophe pour un début de tournée dans la plus grande ville du Brésil… à moins que l’un des deux concerts puisse être déplacé dans une autre salle ?

C’était sans compter sur la personnalité et l’influence de Gerald Perret. Tout autre que lui, après avoir vu son théâtre disparaître dans les flammes, aurait baissé les bras, surtout pour un orchestre étranger. Etonnamment calme lors de notre première réunion,   il demanda à notre petite équipe de ne pas nous inquiéter, de ne rien dire aux musiciens, promettant qu’il allait sauver la situation ! Il me confia avoir reçu des dizaines de témoignages des plus hautes autorités de l’Etat, de la ville, de ses collègues et confrères, tellement choqués par ce drame. De retour à l’hôtel en fin d’après-midi ce dimanche 17 août 2008, Gerald nous annonça que le concert du 18 aurait lieu à l’Opéra municipal de Sao Paulo – la direction et toute l’équipe technique avaient proposé d’ouvrir le théâtre exceptionnellement un lundi et d’accueillir le concert de l’OPL – et que celui du 19 se déroulerait dans la merveilleuse Sala São Paulo, construite dans une ancienne gare, siège de l’Orchestre symphonique de Sao Paulo, dotée d’une des meilleures acoustiques du monde.

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Un pot d’accueil pour les musiciens était prévu dimanche en fin d’après-midi. La plupart d’entre eux s’étaient égayés en ville ou reposés dans leurs chambres. Nous avions décidé de mettre leurs délégués dans la confidence des événements du jour. Rien n’avait filtré jusqu’à cette fin de journée, et le récit que Gerald Perret fit devant une assistance ébahie et admirative. Longue ovation bien méritée pour celui qui, en moins de 24 heures, avait enduré le pire cauchemar qui puisse arriver à un directeur de salle de concert, et sauvé les débuts de la tournée de l’Orchestre philharmonique de Liège.

Ce lundi 18 août 2008, il y a tout juste dix ans, je crois avoir entendu, à l’Opéra municipal de Sao Paulo, sans doute le concert le plus chargé d’émotion de l’OPL. Le très vieux et respectable président de la Societa Cultura Artistica, 95 ans, était monté sur scène, devant une salle comble et un parterre garni de tous les officiels de la ville, affirmer qu’il ne mourrait pas avant d’avoir vu son théâtre renaître de ses cendres. Je ne sais pas s’il a pu tenir sa promesse – le théâtre a été reconstruit à partir de 2010 et rouvert en 2012.

Pascal Rophé dirigeait l’ouverture Le Corsaire, suivie des Nuits d’été de Berlioz – sublime Susan Graham ! – et, comme il se devait, la Symphonie de Franck

https://www.youtube.com/watch?v=c3aX4Wfz59g

Le français chanté

Je n’ai pas recensé les chroniques de ce blog, où j’évoque le français, la langue française, mon amour des langues, et de cette langue en particulier. Et même si je peste contre cette  mode contemporaine des « journées », je dois reconnaître que la Journée internationale de la Francophonie ce 20 mars, couplée à une Semaine de la langue françaisea été illustrée de belle manière, en particulier par le président de la République sous la coupole de l’Académie française.

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Comme le relève ce matin un ami journaliste belge, à propos du discours d’Emmanuel Macron : Enfin un dirigeant français qui a compris ce qu’est la francophonie.

Je n’ai pas pu suivre l’allocution présidentielle. J’étais au même moment retenu au cimetière du Père-Lachaise par les obsèques d’une belle personne, la grand-mère maternelle de mes petits-enfants, née au Cambodge, victime avec sa famille des persécutions de Pol Pot, atterrie un jour de 1976 à Roissy alors qu’elle pensait rejoindre les Etats-Unis. La France devient sa nouvelle patrie, le français la langue qu’elle partagera exclusivement avec son mari et ses trois enfants, puis ses petits-enfants, la langue de l’amour familial.

Oui le discours du président dit bien la vraie puissance du français : lire  La francophonie est une sphère dont le France n’est qu’une partie.

L’édition 2018 du Festival Radio France Occitanie Montpellier (voir lefestival.eu) consacrera une large place au chant français, à la mélodie, à la chanson française, au français chanté dans tous ses éclats.

Parmi quantité de concerts où le chanté français sera mis à l’honneur, une soirée qui promet d’aussi belles émotions que ce disque, avec Marianne Crebassa et Fazil Say :

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Mais pour illustrer le propos présidentiel, faut-il rappeler que le « bien chanter » français n’est pas l’apanage des seuls artistes francophones ? Nous en avons eu encore la preuve lors de la Table d’écoute de Musiq3 du 25 février dernier consacrée aux Quatre poèmes hindous de Maurice Delage. Les deux chanteuses « vainqueuses » de l’écoute anonyme sont… Felicity Lott et Anne-Sofie von Otter !

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J’ai encore un souvenir très lumineux de la tournée qu’avait faite il y a dix ans, en août 2008, l’Orchestre philharmonique royal de Liège en Amérique du Sud, sous la direction de Pascal Rophé, avec une soliste magnifique, dans un répertoire qui n’allait pas de soi même devant les publics cultivés de Sao Paolo, Montevideo ou Buenos Aires : Susan Graham chantait les Nuits d’été de Berlioz. À la perfection, et si j’osais, mieux quant à la précision du texte, de la diction, que nombre de ses consoeurs francophones ! Car, en dehors de la scène, Susan Graham ne parlait pas un mot de français…

https://www.youtube.com/watch?v=c3aX4Wfz59g

Dans une riche discographie, où tout est à écouter, je retiens, pour les conseiller vivement, ces deux albums

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Autre preuve de la qualité du français chanté par une non-francophone, ce célèbre air de Louise de Charpentier – le plus érotique de la littérature lyrique française – chanté par celle qui fit les beaux soirs mozartiens d’Aix-en-Provence, l’inoubliable Sophie du Rosenkavalier de Karajan, l’Américaine Teresa Stich-RandallA-t-on jamais mieux évoqué l’émoi amoureux ? Et comme pour ne pas faire oublier que le français n’était pas sa langue native, l’auditeur attentif relèvera juste une coquetterie de prononciation « l’âme encore – prononcée comme Angkor – grisée »… mais combien d’illustrissimes chanteurs ont trébuchéé sur ces diphtongues qui sont l’un des charmes et des difficultés du français, les on, en, in, an…

https://www.youtube.com/watch?v=XrSX0Z3YvZ0