Chez Tante Léonie et les favorites

J’ai mis à profit le week-end du 11 novembre pour visiter une région pourtant proche de la mienne, où je n’ai longtemps fait que passer sans m’arrêter. Quatre étapes : le château de Diane de Poitiers à Anet, malheureusement non visitable, puis la « Maison de Tante Léonie » autrement dit le Musée Marcel Proust à Illiers-Combray , le château de Maintenon, sur les traces de l’épouse morganatique de Louis XIV, et bien sûr Chartres.

Le château de Diane

Je m’étais toujours demandé pourquoi la favorite du roi Henri II était nommée Diane de Poitiers, alors qu’elle est originaire du Dauphiné. J’ai eu la réponse en lisant l’excellente notice Wikipedia qui lui est consacrée : la Maison de Poitiers-Valentinois tire son nom non de la capitale du Poitou, mais d’une déformation du lieudit Peytieux à Châteauneuf-de-Bordette dans l’actuel département de la Drôme.

C’est donc pour cette Diane dauphinoise qu’Henri II fait construire le château d’Anet, un magnifique ensemble Renaissance (voir l’album photos complet ici

L’enfance de Marcel Proust

Je ne suis un lecteur intermittent de Proust, je me fais régulièrement la promesse de reprendre La Recherche. Après cette visite, je vais peut-être finir par l’honorer ! J’ai en fait suivi les aventures du très actif président de la Société des Amis de Marcel Proust, Jérôme Bastianelli, dont je connais surtout les casquettes musicales, qui ne s’est pas ménagé pour faire rénover et rouvrir cette fameuse « Maison de Tante Léonie« , que le jeune Marcel visitait enfant, à Illiers-Combray.

Il ne faut pas s’arrêter à Illiers-Combray, à une vingtaine de kilomètres au sud-ouest de Chartres, pour ses bonnes tables. Il n’y en a que de médiocres. En revanche, tout est fait pour qu’on se passionne pour ce musée qui n’est pas réservé, loin s’en faut, aux seuls lecteurs de Proust. Voir l’album complet ici

Comme la musique n’est jamais loin de Proust, j’ai trouvé ce roman que j’ai hâte de lire :

Jérome Bastianelli invente une biographie de l’auteur de cette fameuse sonate, si souvent évoquée par Proust. On veut bien croire l’éditeur qui la présente comme un premier roman brillant et surprenant, qui, si on n’a pas lu Proust, peut se lire comme la biographie imaginaire d’un grand musicien et qui, si on l’a lu, se révèle comme une délicieuse interprétation critique d’un des plus grands romans du XXe siècle,

La marquise et sa nièce

A quelques kilomètres à l’est de Chartres, c’est une autre résidence d’une autre célèbre favorite, qui se visite, et qui vaut vraiment le détour. C’est le château qu’acquiert en 1674 Françoise d’Aubigné, plus connue comme marquise de Maintenon, d’abord gouvernante des enfants illégitimes de Louis XIV et de Madame de Montespan, puis épouse morganatique du monarque après la mort de la reine Marie-Thérèse. Le château porte surtout la marque de la famille de Noailles, descendante de la nièce de Madame de Maintenon, Françoise.

La marquise de Maintenon et sa nièce Françoise, devenue duchesse de Noailles

Il faut absolument visiter le château et ses nombreuses pièces meublées avec goût (pour l’essentiel au XIXe siècle à l’initiative du maréchal Paul de Noailles), et de somptueux jardIns. Voir l’album photos complet ici.

On a évidemment repéré ce superbe clavecin Albert Dellin (Tournai 1768) laissé en dépôt par le grand claveciniste canadien Kenneth Gilbert (1931-2020)

Un millénaire à Chartres

Le chef-lieu du département d’Eure-et-Loir célèbre cette année le millénaire des fondations de sa célèbre cathédrale.

La restauration/rénovation dont a bénéficié la cathédrale depuis vingt ans laisse imaginer ce que nous découvrirons à Paris dans l’autre Notre-Dame. Très impressionnant ! Voir les photos ici.

Le centre ville n’est pas grand et malgré les bombardements de 1944 conserve quelques beaux témoignages de la ville ancienne, notamment dans sa partie basse.

Des morts vivants, Chéreau, Rorem etc.

Les Amandiers

Il y a un mois j’avais beaucoup aimé son film L’Innocent. Louis Garrel est de retour, et pas dans n’importe quel rôle, dans le film de Valeria Bruni-Tedeschi, Les Amandiers, il y incarne Patrice Chéreau, qui fut le directeur de ce théâtre, devenu mythique, de Nanterre.

J’ai beaucoup aimé, l’histoire, la réalisation, les acteurs et actrices. Comme le journaliste qui interroge ici Valeria Bruni-Tedeschi :

« Patrice Chéreau est le plus vivant de tous les morts« 

Ce film montre avec tant de justesse les élans, les espoirs, les douleurs de cette bande de jeunes apprentis acteurs, n’évite aucun des chocs de l’époque, la drogue, le SIDA. On a plus d’une fois été ému, sinon bouleversé. Les interprètes sont tous formidables, y compris les filles et fils de…Mention particulière pour celle qui est censée représenter VBT, Nadia Tereszkiewicz, et peut-être surtout Sofiane Bennacer, dans sa descente aux enfers. Je n’ai pas arrêté de penser à Patrick Dewaere… Evidemment Louis Garrel est plus Chéreau que nature jusque dans les attitudes, les tics, le langage ! Ne pas oublier celui qui fut son adjoint comme directeur de l’école de théâtre des Amandiers, Pierre Romans, ici incarné par Micha Lescot, emporté par le SIDA à 39 ans.

Allez voir ce film, vraiment !

Presque centenaire

Il y a fort à parier que, si Renaud Machart n’avait pas contribué à le faire connaître en France, notamment en traduisant l’un de ses Diaries, le nom de Ned Rorem (1923-2022) serait resté quasi inconnu.

« Un matin de mai 1949, un jeune Américain à la beauté ravageuse débarque au Havre. Comme beaucoup de jeunes gens de sa génération venus d’outre-Atlantique, le compositeur et écrivain Ned Rorem ne compte passer en France que quelques mois. Il y restera jusqu’en 1955. Ce sont ces années que retracent ce Journal parisien, un texte fameux aux Etats-Unis, qui, depuis sa parution, en 1966, n’avait jamais été encore traduit en français. Le Journal parisien fit scandale par la liberté de ton de son auteur, son insolence et sa cruauté, et par des indiscrétions qui ne furent pas appréciées de tous. Ned Rorem fait très vite la connaissance de Marie Laure de Noailles, qui deviendra sa plus sure alliée et sa plus chère amie à Paris. Elle le prendra sous son aile et le présentera au Tout-Paris artistique. Eberlué et crâne, séduit mais méfiant, le jeune compositeur fréquente Francis Poulenc, Salvador Dali, Georges Auric, Henri Sauguet, Jean Cocteau, Julien Green, Pablo Picasso, Julius Katchen, Paul Eluard, Pierre Boulez, Alice Toklas et la colonie américaine de Paris. Des années partagées entre le travail, la boisson, la rencontre de jeunes hommes ; la France, le Maroc (mais aussi l’Angleterre et l’Allemagne d’après guerre) ; l’amour, le désespoir. Le tout noté au fil d’une plume d’une redoutable précision de trait » (Présentation de l’éditeur)

Le compositeur américain est mort à New York ce samedi à l’âge respectable de 99 ans.

Quelques repères discographiques pour se faire au moins une petite idée de ce que Ned Rorem a représenté dans la musique du XXème siècle.

Les larmes de Leila K.

Il serait sans doute resté inconnu du grand public, si l’excellente Leila Kaddour – qui présente le journal télévisé de France 2 le samedi et le dimanche midi – n’avait pu retenir son émotion en annonçant sa mort.

Je ne connaissais pas personnellement, je n’ai jamais eu l’occasion de travailler avec lui, mais la brutale disparition de Pascal Josèphe, à 68 ans, a rappelé l’importance de celles et ceux qui, dans l’ombre, font vivre la télévision, et c’est tout aussi vrai pour la radio, les médias en général, les structures culturelles. Il y a ceux qui sont dans la lumière – Pascal Josèphe l’avait tenté, en se présentant à la présidence de France Télévisions en 2015 – et ceux, il en était, qui créent, donnent leur chance, promeuvent, innovent. C’est pour cela que sa mort bouleverse autant de monde…

Douleur et gloire

J’avais rarement vu pareille unanimité dans l’encensement critique du dernier film de Pedro Almodovar : Douleur et gloire

J’ai attendu le creux d’un week-end changeant pour aller me faire ma propre idée. Dans une salle de quartier clairsemée – mais la concurrence est rude, notamment avec la Palme d’or , Parasite.

Comment dire le sentiment très mélangé que j’éprouve ? Oserai-je avouer même une certaine déception ? Alors que j’admire inconditionnellement le cinéaste madrilène.

Tout est bien dans ce film, le scénario – une sorte d’autoportrait sans complaisance du réalisateur bientôt septuagénaire – les acteurs – Antonio Banderas justement récompensé à Cannes – une image léchée, des plans bien construits. Mais service minimum de la part d’Alberto Iglesias, qui nous avait habitué à des partitions plus convaincantes.

Et pourtant je n’ai pas retrouvé les flamboyances, les audaces, les dérapages de Kika, de Talons aiguilles, La loi du désir, même de Parle avec elle ou des Amants passagers.

61fNIl83dmL._SL1000_Presque un film d’Almodovar…sans Almodovar !

Souvenir – puisque la nostalgie baigne ce dernier opus – d’un restaurant en 2006. . Dans l’ancien hôtel particulier de Marie-Laure de Noailles, place des Etats-Unis à Paris, inhabité pendant de longues années après la mort de la célèbre mécène, le Cristal Room Baccarat avait ouvert une galerie et un restaurant, que n’avait pas encore repris Guy Martin. Je ne sais plus pourquoi la conversation roulait sur Penelope Cruz, lorsque mon vis-à-vis m’annonce : « La voici qui arrive !« … L’actrice s’installait en effet à la table voisine de la nôtre, et pas seule : avec Pedro Almodovar et cinq ou six autres convives ! C’était à la veille de l’inauguration de la rétrospective/exposition Almodovar organisée à la Cinémathèque ! Je n’osai rien dire au cinéaste et à son actrice fétiche… Timidité quand tu nous tiens, mais je m’en fus à la Cinémathèque dès le lendemain.

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