La naissance de Fauré

Gabriel Fauré est né le 12 mai 1845, il y a donc 180 ans, à Pamiers (Ariège).

La statue de Gabriel Fauré, due au sculpteur Sébastien Langloÿs, inaugurée il y a six mois à Pamiers

On a beaucoup parlé de Fauré, l’an dernier (voir Le vrai Fauré), parce que c’était le centenaire de sa mort. La vie culturelle, musicale, les sorties de disques, les expositions, tout est désormais rythmé par les anniversaires (lire Du bon usage des anniversaires).

Aujourd’hui personne ne parlera de Fauré, le jour de sa naissance, puisqu’on semble avoir épuisé le sujet pour le centenaire de sa mort. Et, à vrai dire, on s’en fiche…

Je veux juste en profiter pour ressortir de ma discothèque quelques raretés, oeuvres ou interprètes.

Nathalie et Catherine

L’un des plus beaux disques de mélodies de Fauré rassemblant Nathalie Stutzmann (60 ans depuis quelques jours !) et la très regrettée Catherine Collard

Le bouquet de mélodies gravées par Victoria de Los Angeles m’émeut toujours

C’est par Yves Montand qu’adolescent j’ai découvert Les Berceaux de Fauré !

J’avais déjà écrit ici mon admiration pour le pianiste américain Grant Johannesen (1921-2005) et son interprétation de la Ballade pour piano et orchestre

J’ai consacré pas mal d’articles à l’oeuvre pour piano de Fauré.

Juste cette pépite, cet Impromptu n°2 capté au festival de Montreux en 1988. Quatre ans plus tard pour les 90 ans d’Hugues Cuénod, Nikita Magaloff qui devait disparaître quelques temps après, en donna une version inoubliable, d’une beauté crépusculaire.

Masques et bergamasques est une pièce tardive de Fauré, elle résiste aux baguettes qui n’en saisissent pas l’esprit, mais évidemment pas à Armin Jordan, qui l’a enregistrée avec l’Orchestre de chambre de Lausanne. Merci à l’OSR et à la télévision suisse de nous restituer cette vision de concert

Pénélope oubliée

On ne peut pas dire que l’unique opéra de Fauré, Pénélope, créé en 1913 à Monte Carlo, encombre les programmes d’opéra ni les discothèques.

C’est dire si la version de Charles Dutoit, avec son fabuleux cast, est précieuse.

Fauré à Bâle

Il faut saluer le travail que fait le chef britannique Ivor Bolton sur la musique française depuis qu’il préside aux destinées de l’Orchestre symphonique de Bâle (Basler Sinfonie-Orchester), avec notamment ce très beau disque :

Et toujours les échos de mon week-end à Athènes et autres impressions : brèves de blog

Souvenirs (I): Hugues Cuénod

Au fil de mes activités professionnelles, j’ai beaucoup déménagé, emportant dans des cartons de précieux souvenirs enregistrés sur des cassettes audio et vidéo. Et puis lorsque je me suis fixé il y a quelques années dans une jolie maison près de la dernière demeure de Vincent et Theo Van Gogh, j’ai posé ces cartons dans ma cave, en attendant, en repoussant plutôt, le jour où j’aurais et prendrais le temps de les ouvrir. Ce jour est enfin venu, et j’ai trouvé près de chez moi un professionnel qui a accepté de numériser une série de vidéos qui ont plus ou moins bien résisté à l’usure du temps, à l’humidité, aux déménagements successifs.

Premier de ces documents exceptionnels, la soirée d’anniversaire que la radio et la télévision suisse romande avaient concoctée pour les 90 ans du plus illustre des Veveysans, le ténor Hugues Cuénod (1902-2010).

J’ai eu l’immense chance de rencontrer plusieurs fois ce merveilleux personnage qui avait coutume de dire, quand on s’étonnait de sa forme vocale à un âge avancé « Je n’ai pas perdu ma voix, je n’en ai jamais eu ». C’est grâce à François Hudry et à l’émission Disques en Lice de la Radio suisse romande que je fis sa connaissance : je me rappelle en particulier une émission exceptionnelle sur Pelléas et Mélisande , pour laquelle François avait convié deux immortels interprètes de l’unique opéra de Debussy, Irène Joachim et Jacques Jansen… ainsi que leur aîné Hugues Cuénod.

Et il y eut bien d’autres occasions, radiophoniques ou privées, l’octogénaire ténor nous éblouissant à chaque fois par sa forme de jeune homme, ses souvenirs et ses réparties d’une drôlerie insolente. J’ai retrouvé dans mes cartons le joli livre d’entretiens que François Hudry avait réalisés avec lui… et une dédicace qui m’a profondément ému et que je garde pour moi.

Et comme on le constate dans cette vidéo, notre chanteur, mort à 108 ans dans le manoir qu’il a toujours habité à Vevey, est, à 90 ans, dans une forme exceptionnelle. Cette vidéo est aussi très émouvante parce qu’elle montre un autre géant du XXe siècle, le pianiste Nikita Magaloff (1912-1992), un voisin de Cuénod, tout juste octogénaire… quelques mois avant sa mort. C’est l’ultime témoignage dont on dispose de cet immense musicien, au piano bien sûr, mais aussi de son parler si particulier qui insistait sur ses origines russes; On remarquera aussi un tout jeune Michel Dalberto, et un autre « collègue » et voisin d’Hugues Cuénod, le ténor Nicolai Gedda (lire Le tsar Nicolai) à l’époque âgé de seulement 67 ans (!).

Et puis, bien entendu, le plus spectaculaire ce sont les prestations de Cuénod lui-même, dans des extraits du Bestiaire et de L’histoire de Babar de Poulenc, et la conclusion magnifique de l’émission, que je laisse découvrir.

Soirée d’hommage à Hugues Cuénod pour ses 90 ans / Juin 1992 / Droits réservés JPR

D’autres souvenirs suivront : Karajan, Martha Argerich, etc.

L’autre Nikita

Pour toute une génération, Nikita c’est le film de Luc BessonPour les amateurs d’histoire, c’est le prénom du successeur de Staline à la tête de l’Union Soviétique, au nom imprononçable (six lettres en russe : Хрущёв, deux fois plus en français : Khrouchtchov – relire Comment prononcer les noms étrangers ?)

Pour les mélomanes, Nikita c’est le prénom d’un très grand pianiste, né en 1912 à Saint-Pétersbourg, mort fin 1992 à Vevey, celui dont tant de musiciens d’aujourd’hui parlent encore avec tant de révérence et d’affection, Nikita Magaloff.

J’ai un souvenir encore très vif de sa dernière apparition sur la scène du petit théâtre de Vevey, quelques mois avant sa mort, à l’occasion d’une soirée surprise pour les 90 ans du ténor Hugues Cuénod :  Magaloff déjà très affaibli nous avait livré un Impromptu de Fauré comme dans un rêve.

La discographie du pianiste russe n’a jamais été à la mesure de l’immensité de son répertoire, mais on ne peut que saluer le travail d’Universal Italie qui vient de rééditer non seulement la très belle intégrale Chopin gravée par Magaloff pour Philips dans les années 70 (reparue sous le label Newton Classics), mais aussi les quelques enregistrements réalisés pour Decca et Philips, et plus récemment pour la Radio suisse romande.

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J’ai toujours beaucoup aimé les Chopin de Magaloff, un grand style droit et sobre, l’art de faire chanter le piano sans mièvrerie.

Magaloff, ce fut aussi le maître admiré, qui ne ménageait ni son temps ni son aide aux jeunes musiciens venus apprendre un peu de lui de la longue histoire du piano du coeur de l’Europe. Michel Dalberto (qui est au côté de Nikita Magaloff dans l’intégrale Chopin pour les pièces à 4 mains), et Philippe Cassard parlent encore aujourd’hui avec effusion de leurs rencontres avec lui.

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