Variables d’ajustement

Censure

J’ai pris le parti de ne plus commenter ici les péripéties de la vie politique française. Mais je n’en pense pas moins et lorsque la raison s’exprime, par la voix d’un homme respecté et respectable, en l’occurrence l’ancien premier ministre Lionel Jospin, je ne peux que l’approuver. L’explication est lumineuse.

Pour une fois, je m’abstiens de commenter l’attitude de l’animatrice de cette émission, quoiqu’elle ait de nouveau osé cette bourde en parlant d’un reportage « en immersion » chez les pompiers d’Ille-et-Vilaine… submergée par les inondations !

Variables d’ajustement

Je trouve ce matin sur Linkedin un texte (Les discours, les symboles et les faits) de Nicolas Bucher, le patron du Centre de Musique Baroque de Versailles. Comme je le notais moi-même dans mon journal (brevesdeblog), je suis soulagé de ne plus être aux responsabilités, mais je compatis pleinement à ce qu’exprime Nicolas Bucher. Extraits :

Pfiou…
quelles deux dernières semaines de lessiveuse, où on a l’impression de passer de la théorie à la pratique !
…./

Entre les alertes répétées, ressassées, les pactes ceci, les plans cela, non aboutis, non signés, et le licenciements des artistes du chœur à l’Opéra de Toulon, ou tout simplement l’arrêt immédiat et sans préavis des services civiques ou l’apprentissage.

Entre le discours de la Ministre hier sur la énième réforme du Pass Culture et la panique d’hier sur la part collective, le seul truc qui ne marche pas trop mal dans ce système, et qui est désormais gelé, mettant les plus fragiles des structures culturelles et des collèges dans des difficultés catastrophiques.

J’en passe et des meilleures (coucou la Région Pays de Loire, les départements de la Charente-Maritime et de l’Hérault, l’été culturel des campings, etc.)

Pendant ce temps, la popote continue, comme si de rien n’était
 » (Nicolas Bucher)

Plus que l’indignation, c’est le découragement qui saisit lorsqu’on est confronté, comme responsable d’un festival, d’une entreprise culturelle, à ces changements de cap, ces décisions budgétaires annoncées au dernier moment, parce qu’ils révèlent in fine l’ignorance, quand ce n’est pas le mépris pour la culture.

Et comme en France on fait tout bien, sans jamais regarder comment ça marche chez les voisins, je voudrais juste rappeler deux faits, deux situations que j’ai vécus professionnellement.

En Suisse d’abord, parmi les missions qui ne figuraient pas sur ma fiche de poste à la Radio suisse romande (Souvenirs), à la fin des années 80, j’eus à négocier le retrait progressif de la Radio du financement de l’Orchestre de la Suisse romande et de l’Orchestre de chambre de Lausanne. Personne n’a été pris par surprise, les deux institutions ont eu le temps de se préparer à cette échéance, parce que les objectifs et les méthodes avaient été clairement formulés.

En Belgique ensuite, mes années à Liège que j’ai souvent racontées ici m’ont appris que, malgré tous ses défauts – on a bonne mine, nous en France, de se moquer de nos voisins qui ont mis près de 8 mois à former un gouvernement fédéral ! – l’organisation institutionnelle du pays met à l’abri notamment la Culture des soubresauts de la politique. Ainsi l’Orchestre philharmonique royal de Liège est « gouverné » par des contrats-programmes pluri-annuels. Durant mon mandat, j’en ai négocié quatre, dans des contextes budgétaires toujours serrés, et ai obtenu à chaque fois des paliers d’augmentation. Certes chaque contributeur (Région, Province, Ville) pouvait – annualité budgétaire oblige – décider de réduire son apport, mais le cadre d’un contrat-programme signé et public rendait la manoeuvre quasi-impossible.

En France, le monde de la Culture est toujours soumis aux aléas des politiques locales ou nationales, et quoiqu’en disent, la main sur le coeur, tous les responsables, de droite comme de gauche, la Culture reste une variable d’ajustement, un accessoire… (lire Ceinture pour la culture)

On est sur du lourd

Cela faisait un moment que ça me démangeait (Les mots/maux du samedi), que je note aussi souvent que possible les mots, les expressions à la mode. Et voici que mon hebdomadaire préféré du mercredi me tend une perche :

Quel régal ! On pourrait bien y rajouter : « Bonne dégustation » (« bon appétit » ça fait trop cheap !).

Enjeux et accompagnement

La langue qu’affectionnent tout ensemble les politiques, l’administration, les services dits publics – liste absolument non exhaustive ! – évolue elle aussi. Il suffit de lire par exemple les annonces de nominations du Ministère de la Culture : ce sont toujours les mêmes mots, les mêmes expressions passe-partout, qui ne veulent finalement rien dire, qui n’expriment aucun point de vue.

Exemple récent (on a masqué les noms et les lieux) :

« Elle propose un projet artistique et culturel pluridisciplinaire intitulé « Imaginons ensemble », qui prône l’éclectisme, prend en compte les enjeux contemporains liés à l’environnement, aux mutations technologiques, au rapport au vivant ou encore à l’inclusion./…./ D’autres artistes, d’esthétiques différentes, seront associés, choisis pour leur capacité d’ouverture, leur engagement et leur générosité en direction des publics les plus divers… pour raconter le monde.

X. accompagnera la jeune création dans le cadre du dispositif Emergences, et les compagnies régionales bénéficieront de soutiens en résidence. Une attention particulière sera apportée à la jeunesse, par des formes dédiées pour les adolescents, et un festival dédié aux pratiques amateurs.« 

Cette phraséologie, ce vocabulaire, sont le lot commun de tous les rapports, documents administratifs.

Deux termes m’irritent particulièrement : l’enjeu a remplacé, en fréquence d’usage, le mot sujet – plus neutre sans doute que « problème » ou « question ». Pas un ministre, un responsable public qui n’évoque les « enjeux » du moment… Pire sans doute, le détournement du mot « accompagner » : on vous annonce une mauvaise nouvelle (la perte d’un emploi, une maladie, une situation conflictuelle, etc.), ne vous inquiétez pas, on va vous « accompagner« ….

Ce petit bouquin de Jean-Loup Chiflet est toujours d’actualité

Chiflet aime faire la chasse aux mots flous et vagues, creux et inutiles, qui polluent, qui irritent, bref, qui agacent notre langue au quotidien !

« Il s’inscrit donc en faux contre ce n’importe quoi qui le gave gravesi vous voyez ce qu’il veut dire, mais il juge personnellement qu’il existe au jour d’aujourd’hui un consensus franco-français au niveau de cette dangerosité. Voilà. C’est clair ? Y a pas de soucis ? Alors, bon courage ! A plus ! Et bonne fin de journée !« 

Le Suisse de Paris

En avril dernier, l’Orchestre symphonique de Cincinnati annonçait le nom du successeur de Louis Langrée à sa direction musicale, Cristian Măcelaru et j’écrivais : Pas d’information pour l’heure du côté du National… puisque le chef roumain est l’actuel titulaire de l’Orchestre national de France.

Aujourd’hui l’information que j’espérais, est tombée : Philippe Jordan prendra les rênes du National à partir de 2027.

Le 9 avril 2002, à la veille du 1er tour de l’élection présidentielle, l’encore ministre de la Culture, Roselyne Bachelot remettait les insignes de Chevalier de la Légion d’honneur à Philippe Jordan.

J’ai été bien placé pour savoir que tant qu’une nomination n’est pas confirmée et reconfirmée, elle n’est pas faite, même si, cette fois-ici, rien ne semble avoir entravé un processus dont le chef lui-même situe la source au 6 octobre 2022. Tristan Labouret dans Bachtrack l’avait écrit au terme du premier concert que le chef suisse avait dirigé à Radio France : « qu’on revoie bien vite le maestro à la tête d’une phalange parisienne… non plus pour un seul concert mais bien pour un mandat ! »

Philippe Jordan m’avait confié son impatience et sa joie de diriger l’ONF. Le sourire et le clignement d’yeux qui avaient répondu à ma question : « Alors tu reviens à Paris ? » avaient été éloquents.

Moi-même j’écrivais (Le monde d’hier) : Le chef obtient un triomphe, et l’on voit tant dans les yeux des musiciens que du public ou des personnalités présentes autour de Sibyle Veil, la PDG de Radio France, le souhait manifeste que cette « première » ne soit pas une dernière.

Il dirige de nouveau ce jeudi soir l’Orchestre national de France, je me réjouissais d’y être, jusqu’à ce que la neige à Paris me prive d’être rentré à temps de Montpellier (où il ne neige pas !).

Même pas drôle

Je me demandais, en refermant le dernier livre de l’ex-ministre de la Culture, si je serais le seul à le trouver nul et non avenu. En dehors de son nombril, la spirituelle et pétulante Roselyne Bachelot – c’est l’image qu’elle donne et veut donner d’elle – déteste tout le monde, balance des méchancetés sans nom sur à peu près tous ses « amis », y compris ceux qui l’ont nommée, hier et avant-hier, à des postes de ministre. Le mépris dans lequel elle tient tous ces braves gens, élus locaux, responsables culturels, qu’elle a dû se farcir pendant son mandat, est abyssal (ces gens-là Madame ne sont capables que de cadeaux « hideux » etc.)

Ministre de la Culture, c’était son rêve, et chacun de complaisamment relayer son goût et sa prétendue expertise pour la chose lyrique. Mardi j’écoutais par hasard Les Grosses têtes sur RTL quand Laurent Ruquier s’avisa, à propos d’une question sur les deux grandes rivales des années 50, Callas et Tebaldi, de tester Roselyne Bachelot en faisant entendre un extrait de Casta diva. On comprit vite pourquoi elle ne voulait pas se soumettre à ce test. Ruquier insista, et n’importe quel amateur d’opéra put reconnaître immédiatement Tebaldi dans le premier extrait diffusé… sauf Bachelot qui, péremptoire, annonça Callas. Fous rires et réflexions désobligeantes de toutes les autres Grosses Têtes.

Hier soir ce fut Yann Barthès dans Quotidien sur TMC qui nous régala d’un festival de citations de toutes les vacheries dispensées dans ce bouquin en forme d’auto-justification d’une non-politique culturelle.

J’étais d’autant plus intéressé à lire ce bouquin qu’il est censé relater l’action – ou l’inaction – du ministère de la Culture pendant une période qui a durement éprouvé tous ceux qui travaillent pour et vivent de la culture et que j’ai traversée comme directeur d’un festival. Festival superbement ignoré par la ministre, qui avait trouvé le moyen de se déplacer jusqu’à Montpellier au cours de l’été 2021 – élus prévenus au dernier moment – pour aller se goberger dans le nouvel établissement des frères Pourcel, sans même chercher à rencontrer les responsables des trois grands festivals de Montpellier, ni évidemment assister à un concert…

Ce bouquin compile quantité de notes et bilans écrits par les conseillers de l’ex-ministre, mais à aucun moment ne transparaît la moindre empathie pour les artistes, le milieu culturel en général. Ne parlons même pas des politiques que Madame Bachelot se targue de tutoyer, d’appeler par leurs prénoms, fussent-ils présidents de la République (Jacques, François, Nicolas…). Dès qu’un compliment point, on est sûr que le dézingage arrive dans la phrase suivante. Tout le monde y passe, y compris Brigitte Macron à propos d’un projet de flèche pour Notre-Dame !

D’ailleurs j’aurais dû lire la « présentation de l’éditeur ». Roselyne Bachelot ne craint pas le ridicule !

« 682, c’est le nombre de jours que Roselyne Bachelot a passés au ministère de la Culture sous la présidence d’Emmanuel Macron. Dans ce journal d’une ministre, Roselyne Bachelot fustige le bal des hypocrites, ceux qui n’ont pas voulu reconnaître la culture comme « bien essentiel », ceux qui lui ont mis des bâtons dans les roues alors qu’elle luttait pour garder en vie les salles de spectacles, le cinéma, les troupes de théâtre. Elle n’oublie pas les technos de tout poil et les obsédés de l’ordre sanitaire, qui laissaient circuler les rames de métro bondées mais interdisaient l’ouverture des théâtres et des cinémas. Elle égratigne certains artistes qui ont joué les victimes sacrifiées alors que l’argent public coulait à flot et décrit sans complaisance les complots misérables de politiciens en perdition. Roselyne tire à vue« 

Elle n’a manifestement pas supporté d’être remplacée par la conseillère culture d’Emmanuel Macron. C’était très perceptible lors de la passation de pouvoir. Voici ce que j’écrivais le 23 mai dernier : « Ainsi, à écouter la longue, très longue, litanie d’autojustification de la ministre de la Culture sortante, la si médiatique Roselyne Bachelot, on pouvait avoir le sentiment d’y perdre au change avec l’arrivée d’une conseillère de l’ombre, inconnue du grand public, dotée d’un patronyme qui signale la « diversité », Rama Abdul Malak. Ceux qui ont eu affaire au ministère de la Culture ces dernières années n’ont pas du tout la même perception du bilan de la rue de Valois pendant la pandémie…En revanche, la nouvelle ministre c’est moins de paillettes mais plus de sérieux. Le milieu culturel ne l’a pas encore dézinguée. De bon augure ? »

Madame Bachelot qui aime tant parsemer ses ouvrages de références littéraires, sait d’évidence de qui est cette célèbre phrase : « La vieillesse est un naufrage ».

Ministère

Météo capricieuse en cette veille de second tour de l’élection présidentielle. Les colonnes de Buren qui peuplent la cour carrée du Palais Royal à Paris avaient été copieusement arrosées.

L’honneur pour le chef

Nous n’étions qu’une poignée à nous retrouver samedi après-midi dans le salon Joseph Bonaparte du ministère de la Culture à Paris. L’invitation n’était arrivée que la veille : celle qui est encore ministre pour quelques jours, Roselyne Bachelot, nous avait conviés in extremis à la cérémonie de remise de la Légion d’Honneur à Philippe Jordan, directeur musical de l’Opéra de Paris de 2009 à 2021 (lire Ce n’est qu’un au revoir).

Joie de retrouver, dans ce cadre intime et propice aux échanges, l’ami Philippe qui, dans son petit discours de remerciement, invoquait l’ombre tutélaire et affectueuse de son père Armin Jordan.

Plaisir d’échanger aussi avec la ministre sortante de la Culture qui, en politique aguerrie, se montrait plutôt optimiste quant à l’issue du second tour, mais plus circonspecte sur les législatives à venir, en raison de la décomposition des forces politiques traditionnelles.

Le vrai ministre

Présent à cette cérémonie, un récent retraité, avec qui, pendant des années, je n’avais souvent échangé que des propos rapides et convenus, un personnage avec qui j’avais construit, en 1995, une belle journée radiophonique (lire Boulez vintage), Laurent Bayle, qui a porté, contre vents et marées, puis dirigé la Philharmonie de Paris (inaugurée le 14 janvier 2015, lire Philharmonie)

La constance de son engagement pour ce projet, sa ténacité et son habileté à déjouer les pressions, les changements de cap des politiques, avaient fait de Laurent Bayle celui que tout le milieu musical et culturel désignait comme le vrai ministre de la Culture.

C’est ce que je lui rappelai samedi, en faisant une gaffe : je l’incitais à écrire ses souvenirs, à raconter par le menu les coulisses de l’exploit, ce à quoi il me répondit qu’il n’avait pu tout dire… dans le livre de souvenirs qu’il avait publié en janvier dernier ! J’avoue que j’avais raté cette parution, et que je n’en avais pas lu de critique ou de présentation dans la presse.

« Des années 1980 à nos jours, le paysage culturel et musical français a connu des métamorphoses puissantes, entre audace artistique et volonté politique. C’est de cette période passionnante et passionnée que Laurent Bayle témoigne dans ce livre éclairant.
Son parcours singulier, qui l’a mené à créer et à diriger la Philharmonie de Paris, est celui d’un engagement de plus de quarante ans au service de la musique. Il raconte ici un foisonnement artistique où sont à l’œuvre des personnages exceptionnels, dont il livre des portraits sensibles : de Pierre Boulez à Patti Smith, de Daniel Barenboim à Jean Nouvel, c’est le récit personnel d’un homme qui a bâti, avec d’autres, une certaine vision de la culture.
 » (Présentation de l’éditeur).

Ce témoignage est d’autant plus passionnant, qu’il restitue une période, que j’ai aussi connue, qui nous paraît rétrospectivement constituer une sorte d’âge d’or pour la création, le foisonnement culturel, le début des années 80. Les jeunes années de Laurent Bayle l’illustrent à merveille.

Un samedi à la Philharmonie

C’est justement dans la grande salle de la Philharmonie que j’ai passé la soirée de samedi, retrouvant avec bonheur l’Orchestre national de France, son chef Cristian Macelaru, et un magnifique violoniste que je n’avais plus entendu en concert depuis mes années liégeoises, Sergey Khatchatryan.

Programme original que Pascal Dusapin et Florence Darel assis à côté de moi n’étaient pas les derniers à apprécier : Amériques de Varèse, le premier concerto pour violon de Max Bruch, et Petrouchka de Stravinsky. De concert en concert, chef et orchestre manifestent une cohésion, une dynamique collective, qui ne cessent de m’impressionner.

J’en suis d’autant plus heureux que l’Orchestre national de France, Cristian Macelaru, ainsi que le Choeur de Radio France, seront les héros de l’une des soirées les plus emblématiques du prochain Festival Radio France Occitanie Montpellier (FROM pour les intimes), le 21 juillet, avec les Sea Pictures d’Elgar (avec Marianne Crebassa) et la grandiose Sea Symphony de Vaughan Williams (réservation vivement recommandée : www.lefestival.eu)

Présidentielles

Je viens de terminer deux bouquins, de lire des extraits de plusieurs autres, qui parlent de politique, et comme par hasard de l’élection présidentielle de 2022 (pourquoi, dans la plupart des médias, l’usage systématique du pluriel « élections présidentielles » ? on ne vote que pour un seul président, au contraire des élections municipales, départementales, régionales ou législatives !).

Je vais continuer à m’abstenir d’évoquer ici cette échéance – j’ai failli écrire « déchéance ».

Grâce aux réseaux sociaux, j’en avais suivi pas à pas le projet, puis sa réalisation : Adrien Goetz vient de publier un livre magnifique… et unique.

Cet ouvrage dévoile pour la première fois les restaurations récentes et l’ameublement actuel des résidences présidentielles, du palais de l’Elysée à ces sites mythiques et encore très secrets que sont le pavillon de la Lanterne à Versailles et le fort de Brégançon sur la Côte d’Azur. Lieux de représentation et de retrait, machines de gouvernement et boîtes à secret, décors de réception et de solitude, de cérémonie et d’action, théâtres de la grande et de la petite histoire, ces monuments ont remplacé la galerie des Glaces, ils sont des miroirs qui racontent une histoire de France. C’est là que se déploie aujourd’hui l’excellence des artistes et des artisans travaillant pour le Mobilier national et les manufactures qui perpétuent la grande tradition française des arts décoratifs (Présentation de l’éditeur)

Unique, parce que je ne pense pas qu’il ait d’antécédent ni d’équivalent. Unique aussi par la richesse et la beauté des photographies d’Ambroise Tézenas qui s’attarde sur mille détails ornementaux, nous fait pénétrer dans des lieux, des pièces, qu’on ne voit jamais à la télévision lorsque l’actualité traite de l’activité du président de la République. L’actuel président et son épouse – qui n’est pas pour rien, c’est un euphémisme, dans le grand coup de jeune qui a été donné à l’Elysée – ne sont ni montrés, ni même cités dans cet ouvrage qui n’est pas, ne peut pas être pris pour complaisant à l’égard de l’actuel locataire de ces résidences présidentielles !

Il se trouvera bien quelques grincheux pour trouver un tel ouvrage inutile ou trop cher (65 € ce n’est pas bon marché certes, mais le contenu et la qualité de l’édition les valent). Il y aura probablement beaucoup d’acheteurs attirés par la curiosité – et j’en fais partie ! – Ils découvriront le lien, souvent ignoré ou mésestimé, entre les nécessités de confort et d’adaptation aux fonctions des hôtes de ces lieux, et la promotion, la préservation, de métiers, d’artisanats, le soutien à la création artistique qui résulte des décisions d’aménagement de ces maisons présidentielles.

L’histoire a retenu le rôle de Georges et Claude Pompidou dans la modernisation de la partie privée du palais de l’Elysée. Comme le salon commandée à Pierre Paulin (1927-2008) – j’ai eu le privilège, il y a quelques mois, de saluer sa veuve à Montpellier.

Mobilier contemporain que Valéry Giscard d’Estaing s’était empressé de faire remiser dans les caves du Mobilier National.

Lors d’une cérémonie amicale au ministère de la Culture il y a quelques mois, Roselyne Bachelot n’avait pas été peu fière de nous montrer son bureau de ministre, qui n’est autre que celui que François Mitterrand, président de la République, avait commandé au même Pierre Paulin.

Pour qui s’intéresse à l’Elysée et à ses locataires successifs, un indispensable – actualisé et désormais disponible en poche – dû à mes amis Jacques Santamaria et Patrice Duhamel

Quant à l’auteur de ces Résidences présidentielles, Adrien Goetz, je dois avouer que je l’ai d’abord découvert comme auteur d’intrigues policières qui sont toujours le prétexte à de passionnantes excursions historiques et/ou artistiques.

Surprise

La nostalgie aurait pu me gagner, lorsque Facebook me montre les photos prises et publiées il y a un an, deux ans, etc… Toujours des photos qui correspondent au début d’une édition du Festival Radio France Occitanie Montpellier.

Le 24 avril dernier j’annonçais l’annulation de l’édition 2020 (Le coeur lourdet après de longues semaines marquées par les hésitations, les atermoiements du ministère de la Culture, mais aussi par un formidable travail – à distance – d’une équipe du Festival plus motivée que jamais, le 17 juin nous évoquions un Festival Autrement.

Voici qu’aujourd’hui, à la date initialement prévue pour l’ouverture de l’édition 2020, nous ouvrons ce Festival Autrementd’abord avec une radio – la Radio du Festival – qui commence à émettre aujourd’hui à 16 h et qui sera disponible 24h/24

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Radio écoutable grâce à une appli téléchargeable.

Dès lundi 13 juillet, c’est au tour de France Musique d’entrer dans la danse pour deux semaines, avec chaque jour ou presque à 16h et 20 h la rediffusion des grandes heures du Festival.

Mais il y aura d’abord, pour les Montpelliérains – et les auditeurs de la Radio du Festival – la surprise de deux concerts en public de l’Orchestre National Montpellier Occitanie, le pilier, le partenaire historique du Festival, ce soir et demain à l’Opéra Berlioz.

Et le week-end prochain une dizaine de concerts en plein air avec des artistes déjà engagés pour l’édition « normale ».  On passera sur la complexité de la mise en place de ces concerts, pour ne retenir que la joie qui sera celle du public, des musiciens… et de l’équipe du Festival.

 

 

Déconfiné

Impressions en vrac après une semaine de « déconfinement »

Vers le Sud

J’avais deux bonnes raisons de profiter de la parcelle de liberté recouvrée lundi dernier, l’une professionnelle – régler sur place les questions liées à la réouverture du bureau du Festival Radio France à Montpellier – l’autre familiale – revoir ma mère, 93 ans dans quelques jours, chez elle à Nîmes. Ni train, ni avion, j’ai préféré la voiture.

Sentiment de liberté, ce lundi 11 mai, l’A 86, que je dois emprunter pour rejoindre l’A 10 puis l’A 75, est quasiment vide. Est-ce un effet de la tempête qui secoue la région parisienne depuis 24 heures ? la prudence des déconfinés ?

Vers Orléans, ma voiture affiche une température extérieure de 5° ! Les aires d’autoroute ont partiellement rouvert. Sur ce trajet magnifique qui traverse le Berri, le Massif central, les Cévennes, j’ai mes petites habitudes. Je m’arrête sur l’aire du viaduc de Garabit. Personne. La Truyère, la rivière que franchit le pont métallique conçu par les équipes de Gustave Eiffel, scintille sous le soleil.

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J’ai, comme toujours en prévision d’un long voyage, téléchargé sur mon téléphone portable des éléments de ma discothèque. J’aime réentendre l’art si libre et rhapsodique du chef Constantin Silvestri. 

Dans une oeuvre aussi rabachée que les Préludes de Liszt, Silvestri fait dresser l’oreille.

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Montpellier désert

Le choc en arrivant à Montpellier. La place de la Comédie déserte. Jamais vu depuis plus de trente ans que je viens à Montpellier.

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Terrasses, cafés, restaurants fermés comme partout ailleurs, mais pour une cité qui vit dehors toute l’année, le contraste est saisissant. Le déconfinement n’est pas d’actualité.

Mardi je retrouve avec plaisir quelques-uns des piliers de l’équipe du festival à Montpellier pour mettre en place le processus de réouverture de nos bureaux. Se voir, se parler sans le truchement d’un écran d’ordinateur ou de téléphone, mesurer la chance qui est la nôtre de n’avoir eu aucun malade dans toute l’équipe, réfréner l’impatience de ceux qui voudraient revenir tout de suite au bureau. Je mesure, plus que jamais, la responsabilité qui est la mienne.

Même si le festival 2020 ne ressemblera pas aux autres, même si le joyeux brouhaha qui s’empare des bureaux de Montpellier dès le début juin et s’amplifie dès que le festival bat son plein en juillet, même si ce brouhaha manquera tristement, il faut que les équipes qui préparent le festival « autrement » puissent réintégrer des espaces de travail reconfigurés selon les nouvelles normes sanitaires.

Une journée chez ma mère

Je n’avais pas revu ma mère depuis la fin février. Je la trouve en bonne forme à l’approche de son 93ème anniversaire. La tête fonctionne parfaitement, le corps me semble plus alerte qu’il y a quelques mois. Le virus ne l’a pas touchée, pas plus que les infirmières et aides à domicile qui la visitent chaque jour. Elle évoque, à ma demande, des souvenirs d’autrefois, de sa si nombreuse famille suisse. Plus intéressants que la conversation sur le présent…

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Infantilisation

Je ne supporte plus les journaux télévisés que j’avais l’habitude de suivre sur France 2. Ces reportages « au plus près du terrain », ces « envoyés spéciaux » dépêchés sur… le trottoir du ministère de la Santé, de Matignon ou de l’Elysée pour nous dire ce qu’ils auraient pu dire en studio, et ce ton infantilisant des présentateurs qui commencent toujours par les sujets d’inquiétude…

Heureusement il y a encore C à vous sur France 5, des journalistes qui bossent leurs sujets, des débats contradictoires. Et puis les bouffées d’information non formatée, d’humour, les interviews qu’on n’attend pas et qu’on n’entend nulle part ailleurs, dans Quotidien de Yann Barthès sur TMC.

Indécence

En une du Canard enchaîné de mercredi – introuvable à Montpellier pour cause de grève de la distribution des journaux nationaux (comme si la presse avait besoin de ça!), cet article qui dit tout de l’indécence contemporaine :

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Douce France

Le 16 mai 2018, on avait choisi le siège de la Garde républicaine à Paris pour présenter l’édition 2018 du Festival Radio France Occitanie Montpellier , placée sous l’égide de la Douce France chantée par l’enfant de Narbonne, Charles Trenet. Le Choeur de l’armée française nous avait fait la surprise de quelques chansons.

Erreur
Cette vidéo n’existe pas

Comme on le sait, pas d’édition « physique » du festival l’été prochain. Mais quelque chose d’autre, de différent. On y met toute notre énergie.

Rien pourtant ne remplacera ce qui fait l’essence du spectacle, du concert, des interprètes qui jouent pour le public, et ce public qui partage en un même lieu, à un même moment, des émotions qu’aucune transmission, aucun écran ne produiront jamais à pareil degré.

Cette annonce hier : Une fête de la musique « sans prendre de risques » ! Même plus envie de réagir…

Revoir Paris

Passage chez un coiffeur de Montpellier : accueil chaleureux, respect des consignes avec le sourire.

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Et retour vers la région parisienne. La route est longue,  mais tellement belle, les genêts en fleur ensoleillent le Massif central.

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Brève halte non loin de Sévérac-le Château

Et vendredi, pour quelques courses qu’on avait différées, retour à Paris. Sentiments mitigés. Paris ne m’avait pas manqué pendant le confinement. J’avais, au contraire, apprécié ma maison, mon jardin, les roses, les fleurs qui profitaient de ce printemps si ensoleillé… Peu de monde dans les rues autour de la Madeleine, comme si on était au mois d’août. Des commerçants heureux de rouvrir, un kiosque à journaux qui offre le café.

On ne sait pas si on souhaite un retour « à la normale », au Paris d’avant. Aura-t-on tiré quelque enseignement de ces semaines confinées ? Trop tôt pour l’affirmer.

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On croise l’ami Paul Meyer et l’un de ses fils. On s’était parlé, Paul et moi, il y a peu. Plus rien, plus de concert, plus d’invitation, tous les projets sont annulés. Difficile d’envisager demain, pour lui comme pour des milliers d’artistes. Pourtant, comme les sportifs de haut niveau, il continue de s’entraîner, de travailler, pour le jour où…

 

 

 

Remaniement

Trop souvent dans le passé, remaniement a rimé avec reniement. Oubliées les promesses de campagne, perdus de vue les enthousiasmes des débuts, reniées les alliances politiques.

Celui qui vient d’intervenir, après une attente qui a paru insupportable au microcosme médiatique, a au moins le mérite d’échapper à cette sinistre litanie. On ferait presque le reproche au président de la République de conforter sa majorité, de mieux s’appuyer sur ses alliés, de faire plus largement confiance à des élus de terrain, au détriment de ces fameux représentants de la « société civile » qui ont toujours, cette fois comme par le passé, démontré leurs limites dans l’exercice d’une fonction ministérielle (qui se rappelle Pierre Arpaillange à la Justice, Francis Mer à l’Economie, Luc Ferry à l’Education ?).

Souvenons-nous, ce n’est pas si loin que ça, de la nomination surprise par Nicolas Sarkozy de Frédéric Mitterrand au ministère de la Culture en 2009.

 » Je suis devenu ministre par surprise. C’est sans doute vrai puisque je l’ai entendu dire un peu partout. Enfin, j’ai essayé de faire de mon mieux et j’ai quand même tenu trois ans. Avec le recul, ce qui m’a plu dans cette aventure c’est d’avoir osé sauter dans la cage aux lions. Ce fut à la fois dangereux, excitant et amusant.
J’ai reçu pas mal de coups de griffes mais j’en suis sorti sain et sauf.
J’ai retrouvé ma vie d’avant sans regrets ni amertume pendant qu’ils continuent à s’entredévorer. À condition d’apprécier ce type de sport et d’apprendre à courir plus vite que les grands fauves, ça vaut vraiment le coup d’essayer.
L’existence n’offre pas beaucoup de récréations de ce genre…  »
Frédéric Mitterrand

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Une expérience ministérielle doublement racontée par Frédéric Mitterrand.

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« Qu’est-ce qu’être ministre de la Culture et de la Communication à l’heure où la politique culturelle est un des grands enjeux des élections, et où le ministère comme son occupant actuel sont l’objet de vives controverses ? En nous livrant un témoignage direct sur son action aujourd’hui, Frédéric Mitterrand revient sur les conditions de son arrivée au ministère, depuis la direction de la Villa Médicis à Rome et son baptême du feu avec le vote de la loi HADOPI, et sur tous les domaines de son action : la préservation de son budget, les défis du numérique, du livre à la télévision, l’action culturelle outre-mer, les grands chantiers, le patrimoine, le cinéma, les langues, le spectacle vivant, les coopérations internationales… Un témoignage très personnel sur des sujets parfois méconnus des citoyens, comme les relations avec les parlementaires et les élus locaux, les arcanes des négociations budgétaires, les relations de l’État avec les créateurs. Une invitation à découvrir de l’intérieur la vie d’un ministère cher aux Français depuis sa création par André Malraux en 1959 »

Je ne sais pas si le nouveau ministre de la Culture, Franck Riestera lu son prédécesseur, mais il a pour lui de particulièrement bien connaître plusieurs des dossiers qu’il devra traiter (il a été le rapporteur à l’Assemblée Nationale des lois HADOPI , dont F. Mitterrand parle comme de son « baptême du feu » !). Il a pris, par ailleurs, des positions courageuses sur des sujets de société qui l’ont isolé au sein de sa famille politique d’origine.

Franck Riester remplace Françoise Nyssenque les mêmes qui avaient salué sa nomination décrivent comme fragilisée par les polémiques et manquant de charismeUn politique avisé remplace une professionnelle respectée. Souhaitons-lui bonne chance !

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L’Absente

C’est peu dire qu’elle est absente du débat présidentiel : la Culture n’est plus un sujet, ni un enjeu.

« Ils sont étonnants, nos candidats à la présidentielle, quand ils parlent de culture. On les imagine assis cinq minutes dans un coin, se gratter la tête et interroger deux conseillers : « Que peut-on inventer de neuf ? » Sans trop se soucier du vieux. Le vieux, c’est ce qui existe, c’est ennuyeux, c’est l’institution. Le système.

Pouah ! Ce sont nos musées, salles de concerts, monuments, opéras, théâtres, maisons de la culture, festivals… Personne ou presque n’interroge ces lieux qui absorbent pourtant les quatre cinquièmes des budgets avant même de lever le petit doigt. Un peu comme si nos candidats parlaient du social en oubliant le chômage, de la santé sans évoquer les hôpitaux, de l’islam sans un mot sur l’islamisme. » (Michel Guerrin, Le Monde 3 février 2017)

Le même Michel Guerrin récidive dans Le Monde d’aujourd’hui :

Quand tout le monde ou presque était au lit, en clôture du débat présidentiel à la télévision, le lundi 20 mars, Emmanuel Macron a lâché : « Le projet que je porte donne accès à la justice, au droit, à l’éducation, à la culture… » La culture ! Un mot banni depuis des lustres, absent des élections de 2007 et de 2012 et des primaires de 2017, était enfin prononcé par un candidat au trône. Bon, c’est juste un mot, pas de quoi grimper aux rideaux. Mais quand même. A une époque où personne ne parle de culture afin de ne pas donner l’impression de défendre une élite contre le peuple, ça fait du bien.
C’est navrant, affligeant et, pourtant, s’il y a un sujet à mettre en avant en France, un sujet surtout qui devrait cimenter l’Europe, c’est celui des valeurs culturelles, de la défense des créateurs et de la liberté d’expression – Macron est le seul à le dire dans son programme. Du reste, les Européens circulent bien en Europe, les marchandises aussi, et les œuvres culturelles encore plus. Pourquoi ne pas le dire haut et fort ?
(Tout l’article à lire : La Belle et la bête ou comment la culture pourrait souder l’Europe

Ne soyons pas injuste. Plusieurs candidats se sont exprimés, ont fait des propositions,  mais quelle ambition portent-ils pour la Culture, en ont-ils même une ? Certains silences sont éloquents…

Plus rien ne bouge

Depuis dix ans, ce n’est faire insulte à personne que de constater que rien n’a bougé, aucun projet ambitieux n’a été lancé par les présidents et les gouvernements qui se sont succédé.

J’écoutais lundi dernier Renzo Piano évoquer sur France Inter (à écouter ici : Boomerangles 40 ans du Centre Pompidou et la personnalité, l’ambition de l’ancien président de la République. On célèbre dans le même temps la création de l’IRCAM et de l’Ensemble IntercontemporainGiscard décida le Musée d’Orsay, Mitterrand le nouveau Louvre, la Grande Arche, la Bibliothèque de France, Chirac le musée du quai Branly et la Philharmonie de Paris.  Depuis plus rien d’aussi ambitieux.

1601593_10152652484972602_3864765384190557457_n(L’inauguration de la Philharmonie le 14 janvier 2015)

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On m’opposera – à juste titre – qu’une politique culturelle ne se résume pas à de grands projets présidentiels, comme des résurgences d’Ancien régime. Mais dans notre système de monarchie présidentielle, dénoncé par Jean-Luc Mélenchon, rien ne se décide ni ne s’entreprend sans l’impulsion du sommet de l’Etat.

Une architecture dépassée

Comme le rappelle Michel Guerrin (cf.supra)  « personne ou presque n’interroge ces lieux qui absorbent pourtant les quatre cinquièmes des budgets avant même de lever le petit doigt », personne ne fait, en effet, l’état des lieux de culture, d’une politique qui n’a guère changé dans ses fondamentaux depuis Malraux et ses Maisons de la Culture. De colloque en colloque, on s’est certes beaucoup interrogé sur les pratiques culturelles, les publics, sans que jamais on en tire d’autres conclusions que de pieuses promesses.

L’architecture institutionnelle de la Culture est aujourd’hui totalement inadaptée d’abord aux attentes et aux pratiques des citoyens, ensuite à l’organisation territoriale telle qu’elle se dessine depuis la loi NOTRe.

13445760_10153732374762602_7305182103276171635_n(Vue des fenêtres du Ministère de la Culture sur les colonnes de Buren)

Des perspectives, réforme ou révolution ?

Il est plus que temps de retracer des perspectives, de réformer (de révolutionner ?) les organisations et les structures, qui ne sont pas là pour préserver des droits acquis mais pour servir les pratiques et les attentes de nos concitoyens.

Il est plus que temps de redessiner une géographie des responsabilités : qui fait quoi ? et comment ? Entre l’Etat, les nouvelles régions, les départements, les métropoles, les communes.

Il est plus que temps de repenser l’usage de l’argent public, le nôtre, celui des contribuables, en matière de Culture. Est-ce la vocation de l’Etat et des collectivités publiques d’accompagner, voire de soutenir une industrie du loisir, du divertissement, dominée par les géants du Web ? Est-ce leur mission de surfer sur les modes, d’épouser les démagogies du temps ?

Il est plus que temps de reformuler l’idée généreuse de l’accès à la Culture partout et pour tous.

Je rencontrais ce jeudi des étudiants de l’institut des  Hautes Etudes de Journalisme de Montpellier, 20 ans de moyenne d’âge. Je leur ai posé plusieurs questions sur leurs pratiques culturelles et leurs réponses ne m’ont pas surpris.

A la question : Ecoutez-vous régulièrement de la musique ? Presque 100% de réponses affirmatives ! Pour cela, écoutez-vous régulièrement une chaîne de radio ? Réponse 0 %. C’est le régime unanime de la playlist sur les sites spécialisés.  Allez-vous au concert ? 80 % oui, une à deux fois par an lorsqu’il s’agit d’un événement, d’un chanteur, d’un groupe qu’on ne veut pas manquer. Mais jamais à un concert « classique ».

A la question : Allez-vous au cinéma ? Oui pour la quasi-totalité. Pourquoi allez-vous dans une salle alors que vous avez tout à disposition sur le Web ? Parce que ce sont des sorties entre amis, qu’on est bien ensemble avec les autres dans un lieu convivial.

Plus de culture virtuelle, plus de culture réelle

La réaction de ces jeunes dit à peu près tout des enjeux de l’époque : plus nous disposons de sources d’information, de divertissement, d’accès à toutes les dimensions de la science et de la culture – c’est le fabuleux avantage du Net – plus nous avons besoin, comme êtres humains, sociaux, de contact réel avec le savoir, les artistes, les interprètes, la culture qui se partage. Dans le domaine qui est le mien, j’en fais le constat tous les jours, le festival dont j’ai la charge fait le plein d’auditeurs, de spectateurs, qui se déplacent, parfois de loin, pour rencontrer, écouter, vibrer, apprendre, en vrai, en direct, alors qu’ils pourraient rester chez eux devant leur écran.

Il y a , dans toutes les couches de la population, dans toutes les classes d’âge, un besoin, un désir, une envie de Culture, qui peine parfois à s’exprimer, qui ne trouve pas toujours à s’assouvir dans l’offre qui est proposée (Le grand public).  

Mais pour répondre à ce besoin, il faut changer nos logiques de production et de diffusion de la culture.

Et commencer par le commencement : combien de lois sur l’éducation artistique, la culture à l’école  jamais suivies d’effet ? Une mesure simple, concrète, applicable partout et pour tous les écoliers de France : une heure de chant choral par semaine en CE 1 dans toutes les écoles. Tout y est : l’apprentissage de l’écoute, de la discipline, du respect du groupe, le partage d’une émotion musicale, un instrument que tout le monde possède et qui ne coûte rien – la voix -. De l’emploi pour des centaines, des milliers d’enseignants et de musiciens.

Autre idée simple, le principe de Lagardère (le chevalier !) : si tu ne viens pas à la Culture, c’est la Culture qui vient à toi. Les inégalités dans l’accès à la Culture restent criantes. Inégalités sociales, géographiques, même si, en matière muséale notamment, de vrais efforts ont été faits. J’avais, à Liège, usé d’une formule qui ne me semble pas périmée : porter la musique partout où elle peut aller, j’écrirais maintenant plutôt partout où elle est attendue.

En effet, s’il faut tout faire pour rendre les lieux de culture familiers au plus grand nombre,  il faut, dans le même mouvement, faire entrer la culture dans le cercle familier de ceux qui en sont les plus éloignés, les territoires ruraux, les petites villes. C’est très concrètement ce que fait depuis 2006 (à l’instigation de celui qui était alors le bouillonnant maire de Montpellier et président de la Région Languedoc-Roussillon Georges Frêche) le Festival Radio France Occitanie Montpellier : en juillet prochain, il se déploiera dans 56 communes et 65 lieux différents de la grande région Occitanie. En dix ans, on a pu mesurer combien la musique est désirée, attendue, aimée là où elle est trop rare parce que hors des circuits et des réseaux traditionnels de diffusion.

Un souhait, pas un voeu pieux : qu’on profite des quelques semaines qui restent avant l’élection présidentielle et les élections législatives pour remettre la Culture au coeur du débat ! Chiche.