Alain Lompech postait il y a quelques jours sur Facebook une vidéo qu’il trouve à juste titre extra-ordinaire : Nelson Freire jouant le 2ème concerto de Saint-Saëns avec l’orchestre de la Suisse italienne.
Cela m’a rappelé que j’ai dans ma DVDthèque un coffret de 10 DVD (avec des suppléments audio sur chacun), sans doute acheté un jour en Allemagne pour un prix dérisoire, et que j’avais sans doute négligé de regarder plus avant.
Ce ne sont que des pépites, de véritables trésors, des captations faites par la télévision suisse italienne dans son grand studio de Lugano dans les années 70 et 80.
Je viens de vérifier sur les sites de la FNAC et d’Amazon, le dit coffret plat est disponible chez des revendeurs chevronnés à des prix dérisoires.
Le contenu est incroyablement alléchant. A chaque fois c’est l’Orchestra della Svizzera italiana (Orchestre de la Suisse italienne) qui joue. La plupart des solistes invités sont dans leurs jeunes années. Qu’on en juge :
DVD 1 Beethoven concerto n°5 (Homero Francesch, piano), Brahms symphonie n°3 / Dir. Serge Baudo
DVD 2 Chopin concerto n°1 (Tzimon Barto, piano), Beethoven symph.n°3 / Dir. Roderick Brydon
DVD 3 Fauré Masques et bergamasques, Franck Variations symphoniques (Nelson Freire), Bizet Jeux d’enfants, Saint-Saëns Concerto n°2 (Nelson Freire, piano) / Dir. David Shallon. David Shallon était un chef israélien, incroyablement doué, qui avait dirigé notamment l’orchestre de Jérusalem et le philharmonique du Luxembourg, mort à 50 ans, en l’an 2000, dans des conditions atroces d’une crise d’asthme foudroyante sous les yeux impuissants de son épouse d’alors, l’altiste Tabea Zimmermann.
DVD 4 Haydn Symphonie n°103, Mozart concerto n°20 (Maria Tipo, piano) / Dir. Peter Maag
DVD 5 Lebrun concerto hautbois n°1 (Omar Zoboli), Mozart Symphonie 35 / Dir. Frans Brüggen
DVD 6 Mozart La Clemenza di Tito ouv., Concerto n°21 (Mikhail Rudy, piano), Schubert Symph.n°3 / Dir. Christof Escher
DVD 7 R.Strauss Der Rosenkavalier suite valses, Burlesque (Bernd Glemser, piano), Brahms Symph n°2 / Dir. Nicolas Carthy
DVD 8 Récital Zoltan Kocsis (Mozart, Beethoven sonate 32, Schubert sonate D 960
DVD 9 Roland de Lassus Les larmes de Saint-Pierre, Ockeghem Missa pro defunctis / Hilliard Ensemble, Consort of Musicke
DVD 101 Récital Marilyn Horne (Gluck, Meyerbeer, Saint-Saëns, Rossini, Bizet) / Dir. Martin Katz
Depuis la disparition de Mariss Jansons(lire La grande tradition) je me suis replongé dans ma discothèque pour y retrouver non seulement les grandes références laissées par le chef letton (voir Mariss Jansons une discographie) mais aussi quelques CD plus rares ou moins souvent cités comme représentatifs de son art.
De précieux « live »
D’abord un enregistrement précieusement conservé depuis le début des années 90, lorsque, au lieu des traditionnelles et lourdes bandes magnétiques, la BBC avait fait parvenir aux radios membres de l’UER, un double CD du concert donné par Mariss Jansons et l’orchestre philharmonique de Saint-Petersbourg dans le cadre des Prom’s, le 31 août 1992 au Royal Albert Hall de Londres.
Programme des plus classiques : Ouverture de La pie voleuse de Rossini, le Deuxièmeconcerto de Rachmaninov (avec Mikhail Rudy en soliste), et une Cinquième symphonie de Chostakovitch où chef et orchestre se couvrent de gloire.
Avec trois bis qui ne pouvaient manquer d’enflammer le public du Royal Albert Hall de Londres, dont le fameux menuet de Boccherini(déjà évoqué dans mon précédent billet)
Avec Oslo, Jansons réalisera d’ailleurs un disque de « bis » (des Encores comme on dit en anglais !) comme plus personne n’en fait plus, qui sort vraiment des sentiers battus (et qui se négocie aujourd’hui sur certains sites à plus de 30 € !)
Autre disque qui est une vraie rareté, par son programme et les circonstances de son enregistrement (un disque naguère trouvé en Allemagne à petit prix, aujourd’hui proposé à près de 100 € !)
Dans le cadre de cette académie d’été au bord de l’Attersee, le plus grand lac d’Autriche situé dans le Salzkammergut, où les jeunes musiciens sont coachés par leurs aînés des Wiener Philharmoniker, Mariss Jansons dirigeait, le 31 août 2002 au Grosses Festspielhaus de Salzbourg, des oeuvres qu’il n’enregistrera jamais au disque, le Double concerto de Brahms et la Sinfonietta de Zemlinsky.
Haydn et Schubert
Quant aux répertoires, en dehors de Beethoven et Brahms, on ne s’attend pas à entendre Jansons dans Haydn, Schubert et même Gounod (la messe de la Sainte-Cécile).
Mariss Jansons aborde les symphonies de Schubert sur le tard, la 3ème est de belle venue, sans bouleverser la discographie, mais la surprise – la mienne ! – vient de la 9ème symphonie, donnée en concert en mars 2018, comme propulsée par une énergie, une vitalité qui font défaut à d’autres gravures de cette période.
Incursions limitées mais pas négligeables dans la Seconde école de Vienne (Im Sommerwind de Webern et La Nuit transfigurée de Schoenberg)
(Schönberg, Verklärte Nacht)
Requiem
Le XXème siècle
En dehors de Chostakovitch, les compositeurs du XXème siècle sont rares, mais bien choisis, dans le répertoire de Mariss Jansons, comme en témoignent quelques beaux enregistrements de concert.
Concerto pour orchestre de Lutoslawski, la superbe 3ème symphonie de Szymanowski, et la 4ème symphonie, chorale elle aussi, du complètement inconnu compositeur russe, Alexandre Tchaikowsky (né en 1946).
Dans ce coffret censé dresser un portrait de celui qui fut le directeur musical de l’orchestre de la Radio bavaroise de 2004 à sa mort, on trouve par exemple Amériques de Varèse
On note que le premier CD – Haydn – de ce coffret a été inexplicablement amputé : pourquoi le seul menuet de la symphonie n°88 qui figurait en entier dans le disque original (cf. ci-dessus), mais que les CD 4 et 5 dépassent 80 minutes.
Poèmes symphoniques
J’ai déjà évoqué les Honegger, Kurt Weill, Varèse, Bartok, Hindemith, abordés par Jansons pour la plupart en concert (Mariss Jansons une discographie). Il est d’autres oeuvres que le chef avait dirigées pour le disque, mais jamais reprises en concert (en tous cas pas dans ceux qui ont été édités !). Panorama quelque peu hétéroclite, mais le plus souvent passionnant.
Mariss Jansons a très peu dirigé à l’opéra. Exception, cette belle version de La Dame de pique de Tchaikovski.
Comme accompagnateur, on le retrouve au côté de solistes qui ont en commun avec le chef le refus de l’épanchement facile – Leif Ove Andsnes, Frank Peter Zimmermann, Midori, Truls Mork (on doit citer aussi Mikhail Rudy dans Rachmaninov, Tchaikovski, Chostakovitch, pas très intéressant). Sur le dernier disque du clarinettiste star Andreas Ottensamer, Mariss Jansons lui offre le plus romantique des écrins dans le 1er concerto pour clarinette de Weber.
Isabelle Georges (voir Isabelle au Bal) y reprenait le spectacle créé avec l’Orchestre philharmonique royal de Liège le 31 juillet 2014 au Concertgebouw d’Amsterdam et repris à Liège à la veille de Noël 2014. Avec les mêmes partenaires Frederik Steenbrink (chant), Guillaume Naud (piano), Gilles Barikosky (saxophone), Jérome Sarfati (contrebasse), David Grebil (batterie), et à la baguette Fayçal Karoui qui, ce jeudi soir, dirigeait l’Orchestre de chambre de Paris. Un triomphe, une fois de plus !
Juste avant le spectacle, j’avais fait un saut à l’exposition Gauguin au Grand Palais
Avec l’impression de me retrouver dans les salles du Metropolitan Museum of Art de New York (voir Les trésors du Met) où Gauguin et tous ses illustres camarades occupent presque tout un étage…
(Gauguin, Autoportrait au chapeau, 1893, Musée d’Orsay)
Déjeuner ce vendredi dans une excellente table du centre de Paris, pour évoquer le festival Radio France 2018 avec une complice de toujours. Assis par le hasard des réservations à côté d’un pianiste jadis célèbre, qui a toujours soigneusement cultivé son accent russe.
Et dans la soirée, alors que la concurrence était forte (Noël à Broadwayà Radio France), j’avais choisi l’anti-« spectacle de fête » par excellence : Patrick Timsit, à l’exact opposé de son personnage d’amuseur public, dans un beau monologue d’extraits du Livre de ma mèred’Albert Cohen, mis en scène par Dominique Pitoiset. Au théâtre de l’Atelier.
Les premières vingt minutes sont parfois laborieuses, comme si le comédien avait besoin de s’imprégner de la gravité du texte face à un public qui n’attend qu’une occasion de rire. Puis Timsit trouve son rythme, le ton juste, et c’est alors l’émotion qui gagne tous les spectateurs. Je n’ai personnellement jamais été un lecteur de Cohen, il faudrait peut-être que je m’y mette après ce spectacle, à conseiller à ceux qui veulent échapper à la fête obligatoire.