La mort de JFK, Orlando au musée

Retour sur ce jeudi 23 janvier (lire brevesdeblog)

Le JFK français

J’ai quelquefois brièvement approché et salué Jean-François Kahn, disparu hier. La dernière fois c’était pour célébrer les 25 ans de l’émission de Benoît Duteurtre Etonnez-moi Benoît à Radio France. Je l’avais trouvé physiquement fatigué, mais dès qu’un micro s’ouvrait, le visage, la parole s’animaient comme je les avais toujours connues.

Dans tous les articles qu’on lui a consacrés, on évoque sa passion pour la chanson française, mais JFK avait une connaissance encyclopédique de la musique, et pas seulement de la chanson.

Réécouter absolument cette émission de France Musique du 19 juin 2021 : Jean-François Kahn et Benoît Duteurtre

On veut imaginer que ces deux-là qui s’aimaient se retrouvent maintenant là où ils sont pour poursuivre une complicité que la mort ne peut éteindre.

L’un des très beaux hommages rendus à notre JFK français, est de la plume de l’ami Joseph Macé-Scaron

« Généreux dans tous les domaines, il ne se contentait pas de prodiguer des conseils. D’ailleurs, l’âge venant, il aimait répéter la phrase de Vauvenargues : «Les conseils de la vieillesse éclairent sans réchauffer comme le soleil d’hiver». Il aura influencé tant de journalistes qu’il est impossible de tous les citer (Franz-Olivier Giesbert, Éric Zemmour, Laurent Joffrin, Elisabeth Lévy, Natacha Polony…). Avec bon nombre d’entre eux, il se sera fâché, puis réconcilié, avant de s’engueuler à nouveau. Encore et toujours frotter sa cervelle à celle des autres, sa passion constante« 

J’ai beaucoup lu les essais de Jean-François Kahn, j’ai lu et me suis même abonné à L’événement du jeudi, puis à Marianne, lorsqu’il en était le directeur. Le premier a disparu, le second a mal tourné.

Dois-je verser dans une pré-nostalgie ? Ceux qui comme moi pleurent aujourd’hui Jean-François Kahn ont naguère pleuré celle de Jean-François Revel, et doivent bien constater que lorsque les octogénaires Philippe Labro, Alain Duhamel, Catherine Nay ou Michèle Cotta, et le guère plus jeune Franz-Olivier Giesbert auront disparu (et comme le disait le général de Gaulle lors de l’une de ses célèbres conférences de presse « ça ne manquera pas d’arriver » !), notre paysage culturel, intellectuel, et journalistique, sera bien dépeuplé.

Les nus de Suzanne

J’ai eu la chance de visiter l’exposition que propose le Centre Pompidou, l’une des dernières avant sa fermeture pour (longs) travaux en septembre), autour de la figure de Suzanne Valadon (1865-1938). Je dois bien avouer que l’artiste ne m’avait intéressé qu’occasionnellement et que je n’y avais porté qu’une attention distraite à l’occasion de mes visites de musée. La rétrospective qui est proposée à Beaubourg a, sinon changé ma perception de son oeuvre, du moins actualisé ma connaissance d’une personnalité finalement assez singulière.

Suzanne Valadon : La chambre bleue (1923)

Valadon : Autoportrait

Suzanne Valadon consacré plusieurs toiles à sa famille, sa mère, mais aussi son amant André Uttar, son fils Maurice Utrillo (1883-1955)

Deux toiles à consonance musicale, dont le célèbre portrait d’Erik Satie (1893), avec qui Valadon entretint une brève et tumultueuse liaison, qui laissa le compositeur dévasté et lui fit écrire ses extraordinaires Vexations… qui furent l’une des attractions du festival Radio France en 1995, comme le relate un article du New York Times (on trouve vraiment de tout sur la Toile !)

Suzanne Valadon doit aussi sa réputation et son originalité au nombre de nus féminins qu’elle a peints, des nus éloignés de toute préoccupation esthétique, qui parfois se rapprochent de ceux de Degas ou Toulouse-Lautrec. Seule exception, dans cette exposition, à la profusion de nudité féminine, cette grande toile qui représente le même personnage, en l’occurrence le compagnon de Valadon, André Utter, dans trois postures différentes. On nous dit que la peintre, craignant d’être refusée à un salon, a pudiquement masqué le sexe de son amant derrière le filet de pêche !

Un opéra au musée

Après le Centre Pompidou, direction le Châtelet pour la première d’Orlando de Haendel, dirigée par Christophe Rousset à la tête de ses Talens lyriques, dans une mise en scène de Jeanne Desoubeaux.

À lire ma critique sur Bachtrack : Orlando passe la nuit au musée au Châtelet

Mises au poing

Dès l’adolescence, a fortiori pendant mes années estudiantines, j’ai été un lecteur assidu des hebdomadaires qui faisaient poids dans le paysage politique français, L’Express de JJSS et Françoise Giroud, Le Nouvel Obs de Jean Daniel, plus épisodiquement du Point de Georges Suffert.

Inutile de verser dans la nostalgie d’un supposé âge d’or du journalisme, les grandes plumes, qui faisaient la fierté, la réputation et souvent la ligne de ces journaux, ont disparu, à quelques rares exceptions près. Giroud, Imbert, Revel… 

Au Nouvel Obs, devenu L’Obs, on laisse encore, par intermittences, le cacochyme Jean Daniel (bientôt 98 ans !) soliloquer avec lui-même. Je n’ai jamais aimé les prêches du vieil homme… mais il n’a jamais été remplacé comme éditorialiste, comme le souligne cruellement Aude Lancelin dans son essai-règlement de comptes au vitriol : Le Monde libre

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L’Express, j’ai fini par laisser tomber, j’aimais bien, de temps à autre, les saillies de Christophe Barbier, nettement moins bon dans son vrai-faux feuilleton de la Macronie.

Marianne, je n’ai jamais accroché au style, à la mise en pages, quelque amitié que j’aie pour Joseph Macé-Scaron, qui en fut un temps le directeur de la rédaction.

Finalement retour au Point, Franz-Olivier Giesbert survit dans le désert éditorial de la presse hebdomadaire. Le Point qui ose encore afficher des positions discordantes (cf. l’affaire récente de sa une : Quand les soutiens d’Erdogan s’en prennent au Point)

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Le numéro de cette semaine est particulièrement riche.

Deux entretiens décapants, l’un avec l’ex-secrétaire général de Force OuvrièreJean-Claude Mailly, l’autre avec le penseur allemand Peter Sloterdijk (prononcer Slo-ter-daille-k).

Du premier, des confessions cash sur sa centrale syndicale, les politiques qu’il a côtoyés, rencontrés pendant quinze ans, aucune langue de bois dans ses portraits de Hollande, Macron, Sarkozy… et de ses collègues de la CGT ou de la CFDT. Des éléments intéressants, inédits même, sur les lois El-Khomry et les ordonnances Macron sur le travail…

Et du second, pas une ligne, pas une réflexion qui ne mérite d’être lue, digérée, considérée. Sur l’Europe, sur la politique, une analyse, des perspectives, décoiffantes et nécessaires. A lire absolument…

« L’Europe est un centre de réadaptation où l’on apprend à 500 millions de perdants comment exister, se redresser dans un monde post-héroïque »…. Le problème de la politique, aujourd’hui, c’est qu’elle est mue par l’idée compulsive, enfantine, du remplacement ».

Et puisque je citais Jean-François Revel, qui m’a beaucoup nourri avec ses divers essais, une belle réédition dans la collection Bouquins de ses Mémoires. Pour qui veut comprendre les tenants et les aboutissants de l’histoire mouvementée du XXème siècle, une somme.

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Petites phrases

Un week-end d’abstinence de petites phrases, de journaux télévisés et de « commentaires » sur les réseaux sociaux. La nature, le soleil, et le temps de lire ou d’achever certaines lectures.

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, l’exercice du portrait d’un créateur ou d’un interprète est tout sauf facile. Tous ne réussissent pas à éviter le triple écueil de la complaisance, de l’anecdote ou du jargon. J’avais apprécié les Soeurs Labèque sous la plume de Renaud Machart (Les soeurs aimées), un peu moins moins ce qu’Olivier Bellamy avait écrit sur Felicity Lott (Retour au calme).

Dans l’excellente collection’Actes sud Classica, j’ai fait mon miel ces dernières semaines de deux petits bouquins qui s’attachent (s’attaquent ?) à deux des plus grandes stars classiques du XXème siècle : Karajan et Horowitz.

 

Voici ce que dit Sylvain Fort de l’exercice de style auquel il s’est livré :

A tort ou à raison, Herbert von Karajan s’est imposé comme le chef d’orchestre majeur de l’après-guerre. Sa notoriété, sa stature, sa production discographique ont éclipsé tous ses concurrents. Les polémiques nées autour de sa proximité avec le régime nazi pendant la Seconde Guerre mondiale ont ajouté à cela un parfum de soufre. Nombre de livres se sont emparés de ce parcours si riche pour raconter la vie d’un témoin et acteur de près d’un siècle de musique. D’un texte à l’autre émerge toutefois une évidence : le matériau de première main, c’est-à-dire ce que Karajan a pu raconter, est fort maigre. Toute biographie tente de masquer l’évidence d’une très grande pudeur, prise parfois pour un goût maniaque du secret. D’où le pari du présent livre : tenter une autobiographie imaginaire du chef d’orchestre. Tel est le moyen employé pour que la vie de Karajan prenne sens ; pour que son travail s’inscrive dans une dynamique cohérente et compréhensible ; mais surtout pour que la musique prenne sa juste place dans l’existence d’un homme qui parut souvent la mettre à son service alors qu’en réalité il n’eut de cesse de la servir.

Les puristes relèveront un certain nombre d’inexactitudes factuelles, les autres apprécieront l’exercice sans complaisance qui ne prétend à aucune exhaustivité (Pour cela on en restera à l’ouvrage en anglais de Richard Osborne Karajan, A Life in musicle Karajan de Pierre-Jean Rémy étant truffé d’erreurs et d’approximations). Ceux qui suivent les éditoriaux de Sylvain Fort sur Forumopera.com – lorsqu’il avait encore le temps d’en écrire ! – ne seront pas surpris par la virtuosité de sa plume.

Quant à Jean-Jacques Groleau, rien d’imaginaire dans sa biographie de Vladimir Horowitz, une chronologie qui épouse au plus près la vie tourmentée d’un artiste en proie perpétuelle au doute, le contraire du batteur d’estrade, du virtuose tape-à-l’oeil comme notre époque en produit (ne suivez pas mon regard…). L’auteur manque parfois de concision, les redites ne sont pas rares, mais son Horowitz se lit passionnément.

Et puis je me délecte d’un petit livre rouge, que je consomme avec modération. Le titre est tout un programme : L’énigme des premières phrases de Laurent Nunez.

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« Aujourd’hui, maman est morte. »
« DOUKIPUDDONKTAN, se demanda Gabriel, excédé. »
Voilà deux célèbres premières phrases de livres ô combien célèbres. Elles ouvrent L’Étranger et Zazie dans le métro. Ce livre en contient quinze autres (plus deux interludes) que Laurent Nunez examine mot après mot. Tout ce que l’on peut deviner d’une œuvre, et de son auteur, n’est-il pas contenu dans « sa » première phrase ?
Aussi instructif qu’ironique, aussi passionnant que savant, ce livre nous parle plus que des livres, il nous parle de l’amour, de la séparation, de la perte, de la vie même. Italo Calvino avait écrit Pourquoi lire les classiques ?, voici le « comment (re)lire les classiques ? » des temps nouveaux.

Nunez n’a pas choisi la facilité, certes la célébrissime ouverture d’À la recherche du temps perdu (« Longtemps je me suis couché de bonne heure ») y figure en bonne place, mais le tout aussi célèbre incipit de Bonjour tristesse (« Sur ce sentiment inconnu dont l’ennui, la douceur m’obsèdent, j’hésite à apposer le nom, le beau nom grave de tristesse ») en est absent.  Mais de Racine à Roland Barthes, en passant par Rousseau, Mallarmé, Aragon, Duras, Louis-René des Forêts ou Gide (et pas nécessairement les ouvrages les plus connus de ces derniers) le spectre est large et l’exploration gourmande. J’aurais adoré avoir Nunez comme professeur de français – et pourtant j’en eus d’excellents – De l’art d’être savant sans être pédant. Régalez-vous !

 

 

 

Les voix de Marianne

Je ne sais pas quel visage aura l’emblème de notre République dans six mois (Primaire : effets secondaires), je sais que, lundi soir, c’est une Marianne rayonnante qui nous a enchantés salle Gaveau à Paris.

L’essentiel du programme de Marianne Crebassa reprenait les airs mozartiens de son premier disque.

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Marianne Crebassa est une fidèle du Festival de Radio France Montpellier, où elle a fait ses débuts à 21 ans. En 2015, elle était « le » Fantasio d’Offenbach (lire : Le Fantasio de Montpellier), qu’elle sera à nouveau pour la réouverture de la saison de l’Opéra Comique en 2017.

Sa récente interview dans Le Monde témoigne, s’il en était besoin, de l’intelligence et de la réflexion de la jeune musicienne sur son métier, son avenir. On souhaite à notre Marianne une longue et belle vie !

 

So long Leonard !

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Je ne sais pas si la disparition de Leonard Cohen donnera lieu aux mêmes excès de traitement médiatique que celle de David Bowie (lire La dictature de l’émotion), et peu m’importe finalement !

C’est un souvenir très personnel qui remonte à ma mémoire. Mon père, mort d’un infarctus foudroyant en décembre 1972, était professeur d’anglais, et j’ai appris après sa mort par plusieurs témoignages de ses collègues ou de ses élèves qu’il était parfois audacieux dans ses choix pédagogiques : à ses élèves de première ou terminale il faisait étudier des textes contemporains… comme des Songs de Leonard Cohen ! Nous n’en avions jamais parlé ensemble…

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https://www.youtube.com/watch?v=oIpF-RPw0pw

Je n’écoute jamais Suzanne sans en être profondément remué.. ni bien d’autres de ses chansons.

https://www.youtube.com/watch?v=2FpwjQLZTTs

Merci Monsieur Cohen…

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Bashing

Bashing : mot qui désigne en anglais le fait de frapper violemment, d’infliger une raclée, expression utilisée en français pour décrire le « jeu » ou la forme de défoulement qui consiste à dénigrer collectivement une personne ou un sujet. Lorsque le bashing se déroule sur la place publique, il s’apparente parfois à un lynchage médiatique. Le développement d’Internet et des réseaux sociaux a offert au bashing un nouveau champ d’action, en permettant à beaucoup plus de monde de participer dans l’anonymat t à cette activité collective (Source : Wikipedia).

J’aurai beau ici m’indigner, protester, dénoncer cette « mode », je sais bien que cela ne servira à rien. Mais ça fait toujours du bien de l’écrire !

Internet, les réseaux sociaux se sont transformés en gigantesque café du commerce, où chacun se croit permis d’avoir un avis sur tout et sur tous, voire d’insulter, de calomnier, de créer ou d’alimenter la rumeur. C’est le revers de la liberté d’expression, mais – il faut le rappeler – la loi s’applique aussi aux réseaux sociaux, l’impunité n’existe pas… contrairement à ce que certains usagers de ces réseaux croient.

Mais ce n’est pas ce phénomène qui m’inquiète outre-mesure, c’est le relais que lui donnent les médias… La presse écrite est, paraît-il, en fâcheuse posture, les ventes baissent, des journaux disparaissent, et on a le sentiment que, sous le coup de la panique, les médias font du « bashing » leur bouée de sauvetage.

De quoi parle-t-on ces derniers jours après l’installation de nouvelles équipes à Matignon et à l‘Élysée ? Un peu des quelques milliards à trouver, un peu – mais si peu – de l’Europe, mais surtout et beaucoup, au choix, des « décolletés » proscrits par Ségolène Royal, des primes de cabinet de Manuel Valls, ou des cigarettes que fume le nouveau conseiller com de François Hollande… ah oui, j’allais oublier, les pompes d’Aquilino Morelle ! Passionnant non ?

Remarquable article de Joseph Macé-Scaron dans Marianne :

http://www.marianne.net/Royal-cachez-ce-dessein_a238314.html

ImageConclusion de l’article de JMS :

« Faut-il en rire ou en pleurer ? Nous autres journalistes avons donc mis deux ans pour nous apercevoir qu’Aquilino Morelle faisait cirer ses chaussures à l’Elysée et deux semaines seulement pour savoir que Ségolène Royal interdisait les décolletés. C’est curieux, quand il s’agit d’une femme exerçant des responsabilités, les enquêtes sont toujours plus rapides. Si c’est pas du progrès, ça, coco…Ce sont les mêmes qui viendront après vous parler d’égalité de traitement. Et à part çà, la politique ? Euh, la quoi ? Le nouveau cap pris par la locataire du ministère de l’Ecologie. Rien. Pensez donc ! Royal ne va en plus prétendre nous parler de politique. Cachez Madame, ce dessein qu’on ne saurait voir ! »

Gaspard Gantzer est à peine nommé responsable de la communication à l’Élysée que quelqu’un s’avise de dénicher une ancienne photo de ce jeune homme où il tient une cigarette suspecte… et suivez mon regard, encore un coup dur pour Hollande ! Déjà que le Président tolérait à ses côtés un conseiller amateur de belles chaussures, qui, bien avant l’Élysée, avait semble-t-il conseillé un labo pharmaceutique… ne me dites pas que Hollande n’était pas au courant, il a forcément des fiches secrètes sur tout et tout le monde, hein mon bon monsieur !

Ce matin, dans ces mêmes médias on découvre, grâce à Europe 1, le geste incroyablement politique posé, osé même, par Nicolas Sarkozy en visite à New York. Rendez-vous compte : il a fait deux tours de calèche à cheval dans Central Park avec sa fille Giulia…. pour provoquer le nouveau maire de New York qui voudrait – mais personne n’a vérifié la validité de cette « info » – interdire ces attelages un peu folkloriques qui font la joie de tous les touristes… Pas vrai ce que j’affirme ? Mais si, puisque c’est écrit :

http://www.europe1.fr/Politique/Nicolas-Sarkozy-en-balade-avec-Giulia-a-New-York-2101593/

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Affligeant ? Oui. Vraiment affligeant.