Les inattendus (III) : Maazel l’Espagnol

Je ne peux avoir oublié la date de sa mort, le 13 juillet 2014, la veille du « concert de Paris » le 14 juillet 2014 avec l’Orchestre National de France, le choeur et la Maîtrise de Radio France et toute une pléiade de stars du chant sous la Tour Eiffel.

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(Seule « survivante » de cette photo prise ce 14 juillet 2014, la maire de Paris Anne Hidalgo,  à sa gauche, Bruno Juilliard son ex-premier adjoint, François Hollande, JPR ex-directeur de la musique de Radio France, Manuel Valls. Figuraient aussi sur la photo Mathieu Gallet, ex-PDG de Radio France et Rémy Pflimlin, ex-PDG de France-Télévisions prématurément disparu en 2016)

Nous avions décidé de dédier ce concert à Lorin Maazel, cet Américain de Paris, né à Neuilly le 6 mars 1930, mort dans sa maison de Virgine le 13 juillet 2014. Pour une double raison, d’abord parce qu’il avait été le directeur musical de fait de l’Orchestre National de France de 1977 à 1991 – même si Maazel avait pris soin de gommer cette période de sa biographie officielle, en raison des conditions calamiteuses de la fin de son contrat à Radio France – mais aussi parce que son premier enregistrement symphonique avait été réalisé en 1957 avec l’Orchestre National !

Les jeunes années

Dans un article d’août 2015 – Les jeunes années – à l’occasion de la réédition des premiers enregistrements réalisés par Lorin Maazel pour Deutsche Grammophon, j’écrivais ceci :

« Les références sont par exemple L’Enfant et les sortilèges de Ravel, un petit miracle jamais détrôné depuis 50 ans, la poésie des timbres de l’Orchestre National, une distribution parfaite, une sorte d’état de grâce permanent. Mais, bien moins cités, une 3eme symphonie de Brahms emportée, vive, presque violente, la plus rapide de toute la discographie, comme une Ouverture tragique de la même eau. Toutes les « espagnolades » d’une puissance, d’une acuité rythmique, en même temps d’un raffinement, d’une transparence, inouïs : Capriccio espagnol de Rimski-Korsakov, Tricorne et Amour sorcier de Falla, époustouflants. »

Rimski-Korsakov, Falla

Je viens de réécouter ces « espagnolades »

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en commençant par le Capriccio espagnol de Rimski-Korsakovle type même d’ouvrage « exotique » qu’on écoute distraitement en complément en général de la Shéhérazade du même Rimski.

Ecoutez ce qu’en fait un Lorin Maazel de 28 ans, écoutez ce qu’il tire d’un orchestre philharmonique de Berlin qui, entre Furtwängler et Karajan, était loin de sonner avec cette vivacité, cette transparence, cette alacrité. Plus jamais Maazel ne retrouvera ce « jus » – lorsqu’il récidive vingt ans plus tard à Cleveland, c’est empois et boursouflure !  –

L’Amour sorcier capté avec l’autre orchestre de Berlin-Ouest, celui du RIAS (Rundfunk im Amerikanischen Sektor) devenu ensuite Radio-Symphonie-Orchester Berlin, puis après la chute du Mur, Deutsches Symphonie-Orchestre Berlinà la même époque, et avec la toute jeune Grace Bumbryest de la même veine.

Les danses du Tricorne sont moins exceptionnelles, mais elles ne déparent pas cette collection.

Disques d’été (VII) : Nuits dans les jardins d’Espagne

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L’oeuvre est centenaire, pas vraiment un concerto, ni un poème symphonique, une suite de trois tableaux, de trois évocations plutôt. C’est en 1915 que Manuel de Falla écrit ses Nuits dans les jardins d’Espagne, qu’il dédie à son compatriote, le pianiste Ricardo Viñes. Ce n’est pourtant pas lui qui crée l’oeuvre le 9 avril 1916 au Teatro Real de Madrid mais José Cubiles avec l’orchestre symphonique de Madrid dirigé par Enrique Fernandez Arbos.

Le premier volet a un rapport direct avec Grenade et les photos ci-dessus : En el Generalife / Dans les jardins du Generalife, le palais d’été des princes Nasrides, leurs jardins fleuris de jasmins et de roses, leurs fontaines (https://fr.wikipedia.org/wiki/Généralife)

Les deux autres volets ou mouvements sont intitulés : Danza lejana et En los jardines de la sierra de Cordoba.

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J’ai découvert l’oeuvre par la version mythique de Clara Haskil et Igor Markevitch, à la grande époque de l’orchestre des Concerts Lamoureux. La discographie n’est pas surabondante, mais on trouvera son bonheur dans ces six versions qui savent jouer des ombres et des lumières de l’oeuvre de Falla. Liste non exhaustive, classée par ordre de mes préférences ! Orozco/Colomer (Valois), Larrocha/Commisiona (Decca), Haskil/Markevitch (Philips/Decca), Soriano/Frühbeck de Burgos (EMI/Warner), Rubinstein/Jorda (RCA), Weber/Fricsay (DGG).

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Une version sans doute pas idiomatique, mais attachante : Barenboim au piano, Placido Domingo à la direction :

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La porte du vin

Les souvenirs sont traîtres. Enfant, on voit tout plus grand, plus vaste – maisons, paysages, personnages – qu’ils ne sont en réalité. Adulte, on fait l’inverse, la mémoire sélectionne, réduit. À tort !

Je n’étais pas revenu à Grenade depuis 1999, et si je n’y avais pas été convaincu de le faire, je n’aurais probablement pas revisité l’Alhambra. Ces vacances andalouses devaient rester à l’écart des attractions touristiques. J’ai parfois d’étranges réflexes – besoin de solitude, d’anonymat – j’aurais longtemps regretté de ne pas céder à une aussi bénéfique invitation. Parce que, précisément, le souvenir gardé de mes précédentes visites était très en deçà de la réalité de cette journée dans Grenade et plus précisément à l’Alhambra.

La première fois, c’était, il faut bien le dire, une folie qu’on aurait du mal à imaginer aujourd’hui : tout un week-end de France Musique à Grenade. Claude Samuel* m’en a rappelé les dates précises : 22,23,24 juin 1996. Une folie, mais en même temps une fierté pour Radio France et sa chaîne musicale !

Le grand intérêt de ce week-end dédié à Manuel de Falla (https://fr.wikipedia.org/wiki/Manuel_de_Falla) était la reconstitution sonore et visuelle d’une partition inachevée (elle le sera par Ernesto Halffter), une « cantate scénique », L’Atlantide. Sur le parvis de la cathédrale de Grenade. Et comme c’était un dimanche soir, impossible de recourir au soutien technique de la Radio nationale d’Espagne… qui ne travaillait pas le dimanche. Ce fut donc toute une équipe de Radio France qui assura non seulement le direct pour les auditeurs de France Musique, mais aussi la sonorisation du concert ! De l’oeuvre elle-même et de la prestation des artistes ce soir-là, je n’ai pas gardé un souvenir marquant…

En revanche, si nous avions eu peu de temps pour parcourir l’Alhambra au pas de course, nous avions pu bénéficier d’une visite émouvante de la maison où Falla s’était installé à partir de 1921 sur le flanc de la colline de l’Alhambra, aujourd’hui transformée en musée (Attention aux heures d’ouverture ! j’ai voulu y retourner avant-hier, j’ai trouvé porte close !)

J’étais revenu en Andalousie à Grenade, Malaga, Cordoue et Séville à l’occasion de la Semaine Sainte en 1999. Mais j’avais gardé une mémoire imprécise ce que j’avais vu à Grenade. Mémoire abondamment rafraîchie et enrichie ce 18 août. IMG_0717 IMG_0730 IMG_0813C’est cette fameuse Puerta del Vino qui inspira à Debussy le 3eme de son second livre de Préludes, Debussy qui écrivit La soirée dans Grenade – deuxième de ses Estampes – sans parler de la deuxième de ses Images pour orchestre, Iberia, sans jamais avoir mis les pieds en Espagne…

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On reviendra bientôt sur une oeuvre centenaire, ces fameuses Nuits dans les jardins d’Espagne de Falla, écrites en 1915 (alors que le compositeur n’habitait pas encore Grenade), dont le premier volet est une évocation des jardins du Generalife de l’Alhambra.

*Claude Samuel, directeur de la Musique de Radio France de 1989 à 1996.

P.S. Perdu dans la sierra proche de Malaga, je dois me  contenter d’une liaison internet très lente et aléatoire. Pour plus de photos et de documents, il faudra attendre le retour à Paris !

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