César Franck #200

C’est aujourd’hui le bicentenaire de la naissance, le 10 décembre 1822 à Liège, de César Auguste Franck.

En dehors de sa ville natale, et de quelques concerts parisiens, on ne peut pas dire que cet anniversaire ait bénéficié de grandes célébrations. Pas très vendeur sans doute le père Franck.

Après le point fait sur la discographie – lire Ave César -, mes choix purement subjectifs, et quelques pépites bien cachées ou oubliées.

Symphonie

L’unique symphonie, en ré mineur, de César Franck, achevée en 1888 et créée le 17 février 1889, bénéficie d’une discographie pléthorique. J’ai déjà ici souvent exprimé mes préférences, corroborées par la critique.

Je ne peux évidemment pas revoir, sans une profonde émotion, ces deux vidéos pourtant si différentes : l’Orchestre national de France exalté par le geste conquérant de Leonard Bernstein, l’Orchestre de la Suisse romande et Armin Jordan si authentiques.

J’ai fait le compte, j’en ai 43 versions dans ma discothèque (en CD) sans compter les téléchargées. Dont les trois enregistrées par Carlo-Maria Giulini, à Londres, à Berlin et à Vienne. On admire immensément ce chef, mais sa lecture hiératique, chargée d’intentions, statufie un peu plus le père Franck !

La sonate pour violon

Définitivement le duo Christian Ferras – Pierre Barbizet dans leurs deux versions EMI (1958) et DG (1965)

Psyché avec ou sans choeur

Déjà écrit (Ave Cesar), pour ceux qui voudraient sortir de la Symphonie, la trop justement méconnue symphonie qui ne dit pas son nom, le « poème symphonique avec choeur » Psyché.

Malheureusement pas grand chose à tirer ni à entendre de la toute récente et bien banale version des Liégeois dirigés par leur actuel chef, mais tout à redécouvrir grâce à la réédition d’un enregistrement de 1976 avec le même orchestre de Liège et son chef de l’époque, l’Américain Paul Strauss, pour la version complète avec choeur :

Et pour la version sans choeur, un enregistrement que j’écoutais hier dans un taxi – c’est rare un taxi branché sur France Musique ! – et qui m’enthousiasmait sans que je parvienne à le reconnaître. Lorsque j’entendis, à la fin de l’extrait, « désannoncer » Armin Jordan et l’orchestre symphonique de Bâle. (et pas, comme je l’entendis jadis sur cette même chaîne, l’orchestre Basler !!), je n’en fus pas surpris. Comme dans la symphonie, Armin Jordan est un chef qui a tout saisi du caractère de la musique de Franck, né au carrefour des cultures germanique et latine.

Le chasseur maudit

Sans doute l’oeuvre la plus « romantique » de César Franck, un poème symphonique d’une quinzaine de minutes où rodent les ombres de Berlioz, de Weber et du premier Wagner.

Michel Plasson et « son » Capitole de Toulouse en donnent une vision frémissante :

Piano et orchestre

Franck a écrit plusieurs pièces pour piano et orchestre, un concerto notamment (on les retrouve dans le coffret anniversaire OPRL/Fuga Libera. Seules restent jouées les Variations symphoniques – en réalité un concerto bref en trois parties – et Les Djinns.

J’ai longtemps été rebuté par le début empesé, lourd, de beaucoup de versions des Variations symphoniques, malgré l’excellence des pianistes et des chefs. Et à chaque fois je reviens à mon tout premier disque, inégalé, inégalable : Artur Rubinstein en 1957 et un chef Alfred Wallenstein qui ne se croit pas obligé d’embrumer Franck.

Pour le reste, je renvoie à l’esquisse de discographie déjà dressée dans Ave Cesar.

Petit cadeau pour cet anniversaire, une version vraiment inattendue de l’une des mélodies (genre qu’il a peu cultivé) de Franck, son Nocturne :

Quatorze ans après

J’évoquais dans mon dernier billet – Des hommes bien – la belle figure du musicien Bruce Richards, cor solo de l’Orchestre philharmonique royal de Liège, décédé le week-end dernier.

J’ai emprunté à Emilie Belaud, aujourd’hui à l’Opéra de Paris, alors violon solo de l’OPRL, cette photo prise à Rio de Janeiro (le pain de sucre !) en août 2008, où l’on voit à gauche Bruce Richards (et à droite son collègue trompettiste Philippe Ranallo)

La fête à Sao Paulo

Ce soir, l’OPRL donne le premier concert de sa tournée en Amérique du Sud, à Sao Paulo.

Les photos des musiciens, à l’aéroport et à l’hôtel (le même qu’en 2008!) ne font que raviver les souvenirs de la précédente tournée sud-américaine que j’avais eu la charge et la chance d’organiser.

Fort heureusement, les circonstances dramatiques qui avaient marqué l’arrivée de l’orchestre il y a quatorze ans ne se sont pas reproduites. Récit et photos à voir ici : Un début en catastrophe.

Les Liégeois seront en bonne compagnie, ils ont choisi le magnifique Nikolai Lugansky qui jouera le premier concerto de Chopin.

Et comme il se doit, le programme des concerts de l’OPRL s’ouvre avec un chef-d’oeuvre, l’Adagio pour quatuor d’orchestre du compositeur belge Guillaume Lekeu, emporté par la fièvre typhoïde à 24 ans..

Quand Liège n’était pas belge ou de César à Hulda

J’ai dû récemment corriger la fiche Wikipedia consacrée au compositeur César Franck. Il y était écrit, en effet, qu’il était né belge le 10 décembre 1822 – et qu’il avait été naturalisé français en 1870. Sauf que Liège, sa ville natale, n’était pas belge en 1822, puisque le royaume de Belgique n’a été fondé qu’en 1831. La famille quitte Liège en 1835 et s’installe à Paris, où le jeune et très doué César, entré au Conservatoire de Paris en 1837, aura tôt fait d’empocher toute une série de premiers prix. En 1845 il se libère du joug pesant de son père qui lui voyait une destinée à la Wolfgang Amadeus. La suite à lire dans les bons ouvrages comme la somme de Joël-Marie Fauquet (Fayard)

Hulda

On l’aura compris, Liège n’a pas fini de célébrer le bicentenaire de l’enfant du pays. C’est ainsi que, mercredi soir, au Théâtre des Champs-Élysées, l’Orchestre philharmonique royal de Liège, le choeur de chambre (?) de Namur et une belle brochette de solistes, donnaient à entendre la résurrection de l’opéra Hulda, dûment cornaqués par le Palazzetto Bru Zane qui assure avoir créé ici la première intégrale complète sans coupures de l’oeuvre.

Mais Fabrice Bollon qui a donné Hulda le 16 février 2019 à l’opéra de Fribourg-en-Brisgau (Allemagne) dit la même chose ! Y aurait-il donc des intégrales plus intégrales que d’autres ?

Quoi qu’il en soit la version des Liégeois – bientôt attendue en disque – a déjà une supériorité évidente sur la version allemande : tous les chanteurs sont de parfaits francophones, en particulier le rôle-titre tenu par l’Américaine Jennifer Holloway qui a été, pour moi, la révélation de la soirée de mercredi.

Pour le reste, autant je peux être convaincu de l’utilité de restituer et d’enregistrer dans leur intégralité des oeuvres oubliées – et Hulda le mérite à l’évidence – autant je reste dubitatif sur la nécessité d’infliger au public ce qui s’apparente à un pensum souvent indigeste. Je partage assez l’avis de François Laurent qui écrivait hier dans Diapason : Hulda de Franck peine à pleinement convaincre.

Si je reconnaissais avec plaisir les sonorités rondes et chaudes d’un Orchestre philharmonique royal de Liège (dont j’ai quitté la direction il y a déjà 8 ans (Merci), la clarinette suprême de Jean-Luc Votano, je me disais, mercredi soir, qu’il manquait une baguette plus expérimentée dans l’art de conduire ces vastes fresques – je n’ai pas cessé de penser à un Patrick Davin ou à un Louis Langrée -. Un opéra en version de concert, c’est souvent compliqué, surtout s’il est long – on en sait quelque chose au Festival Radio France, puisque c’est notre spécialité depuis bientôt quarante ans ! -. Raison de plus pour avoir un maître d’oeuvre qui entraîne, emporte, convainque, surmonte les faiblesses de la partition.

Souvenir d’une belle co-production dirigée par Patrick Davin.

Dans le beau disque – Diapason d’Or – enregistré en 2011 par Christian Arming avec l’OPRL, il y avait déjà les musiques de ballet de Hulda

Bicentenaire

On attend pas mal de nouveautés et/ou rééditions à l’automne comme cette César Franck Edition annoncée par Warner

Les Belges de Fuga Libera ont publié deux coffrets (pas très bon marché d’ailleurs), qui comportent certes des rééditions mais aussi pas mal de premières au disque.

Dans la musique de chambre, en dehors de la sonate pour violon et piano (avec les excellents Lorenzo Gatto et Julien Libeer) et du quintette avec piano (Jonathan Fournel, Augustin Dumay, Shuichi Okada, Miguel Da Silva et Gary Hoffman !), ce sont beaucoup de découvertes qui attendent l’amateur

Pour la musique symphonique, des rééditions bienvenues (mais pourquoi ne pas avoir retenu les versions de Pierre Bartholomée et Louis Langrée de la Symphonie ? la comparaison entre les trois versions enregistrées par l’Orchestre philharmonique royal de Liège eût été passionnante !) et des premières concertantes (sous les doigts virtuoses de Florian Noack).

On a confié à l’actuel directeur musical de l’OPRL l’enregistrement du splendide Psyché – un vaste poème symphonique avec choeur en trois parties composé en 1887).

Louable intention mais la comparaison avec le disque légendaire (devenu introuvable) de Paul Strauss (EMI, 1975) n’est pas à l’avantage de la nouveauté.

Avec un peu de chance, on retrouvera ce Psyché dans le coffret Warner ?.

Pour le plaisir, comment ne pas rappeler l’exceptionnel « franciste » qu’est Louis Langrée, et cette fois une vidéo captée avec l’Orchestre de Paris :

Philippe Boesmans (1936-2022)

J’apprends ce matin par le témoignage de David Kadouch dans la matinale de France Musique la disparition du compositeur belge Philippe Boesmans.

Je suis triste comme on peut l’être de la mort d’un ami, même si je ne peux me revendiquer d’une amitié pour une personnalité si généreuse, attachante, drôle, profondément aimable au premier sens du terme. Je rappelais dans un article de ce blog, dont le titre même pourrait être une forme d’hommage – Les beaux jours – quelques aventures menées avec Philippe Boesmans à Liège.

Ainsi dans ce documentaire magnifique de Laurent Stine, réalisé à l’occasion des 50 ans de l’Orchestre philharmonique royal de Liège, on y voit et entend Philippe Boesmans évoquer bien sûr sa relation avec l’orchestre, la création de son concerto pour violon, et la commande que je lui avais passée d’un double concerto pour piano avec les soeurs Labèque. Et on comprend immédiatement pourquoi cet homme attirait à ce point la sympathie. Voir à partir de 7′

On entend surtout Philippe Boesmans s’exprimer sur son métier, son art de compositeur : « Quand on écrit une nouvelle oeuvre, on pense à ceux qui vont l’entendre ».

Pour entendre ou réentendre l’oeuvre concertante de Philippe Boesmans, ce disque magnifique :

et celui-ci pour retrouver les créateurs, Richard Piéta et Pierre Bartholomoée, de son concerto pour violon en 1980

David Kadouch et l’orchestre philharmonique royal de Liège créaient en décembre 2019 l’ultime oeuvre concertante de Philippe Boesmans Fin de Nuit :

Au moment au Philippe Boesmans nous quitte, on ne peut oublier celui qui l’a si souvent servi et dirigé, l’ami Patrick Davin, si brutalement disparu il y a dix huit mois (Un ami disparaît).

Critiques

En une semaine j’ai assisté à deux concerts et un opéra. Et je n’en ai pas parlé ici.

Ce n’est pas que je n’ai pas de point de vue sur ce que j’ai vu et entendu, mais je ne peux ni ne veux être juge et partie. Et comme la langue de bois m’est étrangère, je préfère m’abstenir.

Le théâtre du Vrijtof à Maastricht

Vendredi dernier c’était le concert inaugural de Duncan Ward à Maastricht avec le toujours excellent Cédric Tiberghien comme soliste (Concerto en sol de Ravel)

Dimanche après midi je retrouvais la Salle philharmonique de Liège et une acoustique plus flatteuse que jamais. Un public pas très jeune pour écouter la Quatrième symphonie de Mahler, l’Orchestre philharmonique royal de Liège étant dirigé par son actuel directeur musical, Gergely Madaras.

Et mercredi je me réjouissais de voir et d’entendre sur la scène de l’Opera Bastille l’absolue rareté qu’est devenu l’opéra d’Enesco, Œdipe – pourtant créé à l’Opéra de Paris!

Je ne suis pas sûr de partager le point de vue d’Alexandre Jamar sur Forumopera (https://www.forumopera.com/oedipe-paris-bastille-symphonie-lyrique) sur « l’indispensabilité » de ce « chef-d’œuvre « . Pour le reste sa critique est pertinente.