Les raretés de l’été (VI) : Arrau et Cherkassky à Pasadena

Hollywood, Malibu, Santa Monica, Beverly Hills… des lieux mythiques, des « quartiers » de l’immense cité des anges, Los Angeles. Mais Pasadena qui connaît ? J’ai un souvenir, à l’automne 1987, d’un trajet qui me parut très long, vers cette banlieue universitaire, où l’Orchestre de la Suisse romande et Armin Jordan devaient donner un concert à l’Auditorium de la ville.

Dans cet ensemble, la grande salle – le Civic Auditorium – fait 3000 places, la plus petite, l’Ambassador Auditorium, appelée par certains le’ « Carnegie Hall de l’Ouest » se targue d’avoir accueilli Claudio ArrauVladimir AshkenazyHoracio GutierrezAlicia de LarrochaArthur RubinsteinAndrés SegoviaYo-Yo MaJean-Pierre RampalGerhard OppitzBing CrosbySammy Davis JuniorFrank Sinatra, les Vienna Philharmonic,  Vienna Symphony,  Berlin Philharmonic avec Herbert von Karajan (qui y dirigea la 9e symphonie de Mahler en 1982 !). Tout cela appartient au passé, l’ensemble ayant été mis en vente en 2024 !

J’évoque Pasadena parce qu’un petit éditeur anglais – First Hand Records – vient de publier, à quelques semaines d’intervalle, deux précieux coffrets, disponibles – ce n’est pas négligeable – à petit prix.

Ce cher Shura

Ceux qui me suivent savent mon admiration pour ce personnage hors normes, ce pianiste inclassable, qu’était Shura Cherkassky (1909-1995). C’est dire si je me suis précipité sur les 5 CD de ce coffret :

29 APRIL 1981 CD1 [74:09] Frédéric CHOPIN (1810–1849) 1. Ballade No. 1 in G minor, Op. 23 2. Nocturne No. 2 in E flat major, Op. 9, No. 2 3. Nocturne No. 15 in F minor, Op. 55, No. 1 4–5. Andante spianato et Grande Polonaise brillante in E flat major, Op. 22 Interval 6. Fantaisie in F minor, Op. 49 7. Impromptu No. 2 in F sharp major, Op. 36 8. Fantaisie-impromptu in C sharp minor, Op. 66 9. Scherzo No. 2 in B flat minor, Op. 31 Encores: 10. Nocturne No. 3 in B major, Op. 9, No. 3 11. Waltz No. 5 in A flat major, Op. 42, ‘Grande valse’

13 JANUARY 1982 CD2 [71:06] Jean-Baptiste LULLY (1632–1687) 1–5. Suite de Pièces Felix MENDELSSOHN (1809–1847) 6. Scherzo a Capriccio in F sharp minor, Op. 5 Pyotr Il’yich TCHAIKOVSKY (1840–1893) 7–10. Grand Sonata in G major, Op. 37 Interval Frédéric CHOPIN 11. Polonaise No. 7 in A flat major, Op. 61, ‘Polonaise-fantaisie’ 12. Ballade No. 4 in F minor, Op. 52

CD3 [72:19] Józef (Josef) HOFMANN (1876–1957) Charakterskizzen, Op. 40 (1908) 1. No. 4. Kaleidoskop Franz LISZT (1811–1886) 2. Réminiscences de Don Juan, S418 (1841) Encores: Shura CHERKASSKY (1909–1995) 3. Prélude pathétique (1922) Frédéric CHOPIN 4. Waltz No. 5 in A flat major, Op. 42, ‘Grande valse’ (1840) Recorded 18 NOVEMBER 1987 César FRANCK (1822–1890) 5–7. Prélude, Choral et Fugue, M. 21 (1884) Robert SCHUMANN (1810–1856) 8–28. Carnaval, Op. 9 (1834–35)

CD4 [53:26] Sergey RACHMANINOV (1873–1943) 1. Variations on a Theme of Corelli, Op. 42 (1931) Józef (Josef) HOFMANN Charakterskizzen, Op. 40 (1908) 2. No. 4. Kaleidoskop Frédéric CHOPIN 3. Nocturne No. 15 in F minor, Op. 55, No. 1 (1844) 4. Barcarolle in F sharp major, Op. 60 (1846) Franz LISZT 5. Valse de l’opéra Faust de Gounod, S407/R166 (1861) Encores: Isaac ALBÉNIZ (1860–1909) España, Op. 165 (1890) 6. II. Tango (arr. 1921 Leopold GODOWSKY (1870–1938)) RACHMANINOV 7. Polka de W.R. (arr. of Lachtäubchen, Scherzpolka, Op. 303 by Franz BEHR, 1837–1898) Pyotr Il’yich TCHAIKOVSKY The Seasons, Op. 37a (1876) 8. No. 10. October: Autumn Song Recorded 2 NOVEMBER 1989

CD5 [46:05] George Frideric HANDEL (1685–1759) 1. Keyboard Suite No. 5 in E Major, HWV 430 (1720): IV. Air and Variations, ‘The Harmonious Blacksmith’ Robert SCHUMANN Fantasy in C major, Op. 17 (1838) 2. III. Langsam getragen. Durchweg leise zu halten Interval Pyotr Il’yich TCHAIKOVSKY 6 Morceaux, Op. 19 (1873) 3. VI. Thème original et variations Sergey RACHMANINOV 7 Morceaux de salon, Op. 10 (1894) 4. III. Barcarolle in G minor Franz LISZT 5. Hungarian Rhapsody No. 2 in C sharp minor, S244/R106 (1847) Encores: Isaac ALBÉNIZ España, Op. 165 (1890) 6. II. Tango (arr. 1921 Leopold GODOWSKY (1870–1938))

On y entend, dans un son magnifiquement restitué, tout ce qui faisait l’art de ce pianiste : la variété du répertoire, l’originalité de l’approche, et le chic absolu de tous ses « bis », échos d’une époque définitivement révolue…

L’éditeur n’en est pas à son coup d’essai avec Shura Cherkassky, puisqu’il avait réédité ce double CD des enregistrements du pianiste pour His Master’s Voice

Claudio Arrau « live »

La plus récente parution au coeur de l’été est une formidable occasion d’entendre ce que donnait le grand pianiste chilien Claudio Arrau (1903-1991) en concert dans ses dernières années. Une fois de plus le « live » avec ses imperfections me paraît tellement plus éloquent que les disques de studio.

February 1977 CD1 [51:12] Ludwig van BEETHOVEN (1770–1827) 1–3. Piano Sonata No. 30 in E major, Op. 109 Franz LISZT (1811–1886) 4–7. Sonata in B minor, S178

CD2 [57:24] Johannes BRAHMS (1833–1897) 1–5. Piano Sonata No. 3 in F minor, Op. 5 10 February 1981 Ludwig van BEETHOVEN Piano Sonata No. 13 in E flat major, Op. 27, No. 1, ‘Quasi una fantasia’

CD3 [63:58] Robert SCHUMANN (1810–1856) 1–18. Symphonic Etudes, Op. 13 interval Claude DEBUSSY (1862–1918) 19–21. Estampes Frédéric CHOPIN (1810–1849) 22. Fantaisie in F minor, Op. 49

CD4 [71:31] Franz LISZT Années de pèlerinage, deuxième année – Italie, S161 1. Après une lecture du Dante, ‘Fantasia quasi Sonata’ 18 February 1986 Ludwig van BEETHOVEN 2–5. Piano Sonata No. 7 in D major, Op. 10, No. 3 6–8. Piano Sonata No. 23 in F minor, Op. 57, ‘Appassionata’

CD5 [45:20] 1–3. Piano Sonata No. 26 in E flat major, Op. 81a, ‘Les Adieux’ 4–6. Piano Sonata No. 21 in C major, Op. 53, ‘Waldstein’

Indispensable !

Humeurs et réactions sur mes brèves de blog

Carmen est de la revue

Dira-t-on en cette année qui célèbre le sesquicentenaire de la création de Carmen, et subséquemment du décès brutal de son auteur, Georges Bizet, que trop de Carmen tue Carmen ?

C’est bien possible, sinon probable. Je connais des amis qui ne supportent plus ni d’écouter, ni de voir Carmen. Je n’en suis pas, même si je ne cours pas après toutes les Carmen qui se présentent. Après le dossier très complet que consacre Diapason, dans son numéro d’avril, à « l’opéra le plus aimé au monde », je me suis amusé à réexaminer ma discothèque personnelle.

Comme Diapason, je mets depuis longtemps tout en haut de la pile la version Beecham, dont j’avais raconté les aventures et mésaventures (L’impossible Carmen)

Pas loin je place Rafael Frühbeck de Burgos avec un couple Carmen/Don José étonnant

C’est la même Grace Bumbry et les mêmes comparses qui seront du film réalisé à Salzbourg sous la direction de Karajan.

On mettra loin derrière le remake plantureux de Karajan pour DGG avec Agnes Baltsa, tout comme la version de 1964 avec Leontyne Price.

La Carmen de Maria Callas, n’est peut-être pas idiomatique, mais elle est d’abord très bien entourée et dirigée, et elle m’évoque un souvenir très particulier. Au cours de l’été 1973, j’étais au fin fond de la Roumanie dans un camping, avec pour seule liaison avec le « pays », un poste à transistor et en longues ondes France Inter. Un dimanche soir, la radio diffusait Carmen chantée par Callas. Surréaliste mais vrai !

Puis au hasard d’une Tribune des critiques de disques de France Musique, j’ai découvert la version de Georg Solti, à laquelle je n’ai cessé au fil des ans de trouver de plus en plus d’atouts, à commencer par l’incarnation si juste et touchante du rôle-titre par Tatiana Troyanos

Lorin Maazel, qui n’a pas toujours eu la main heureuse dans ses enregistrements d’opéra, réussit parfaitement la bande-son du film de Francesco Rosi. Julia Migenes n’est peut-être pas la plus grande chanteuse, avec ses partenaires elle incarne une Carmen plus que cr’édible

Lorin Maazel, quelques années plus tôt, a gravé une autre Carmen avec une interprète capiteuse à souhait, à laquelle il est difficile de résister, Anna Moffo

On s’étonnera peut-être que je ne place qu’ici, en tout cas pas dans les priorités, la version toujours présentée comme une référence de Claudio Abbado avec Teresa Berganza et Placido Domingo. Je n’ai jamais partagé l’engouement général pour cette version, que je trouve certes bien réalisée, mais trop statique, pas assez vivante. Et des soucis de prononciation rédhibitoires.

Très exotique aussi, mais pour d’autres raisons, la version de Thomas Schippers, grand chef de théâtre s’il en fut, avec une Carmen impossible en la personne de Regina Resnik, caricature de cantatrice et de Carmen en même temps. Rien ne va dans cet album, à part la direction racée de Schoippers et la rigueur de l’Escamillo de Tom Krause.

Je ne suis pas non plus très fan de la version de Michel Plasson, avec une Carmen vraiment peu crédible malgré (ou à cause de) la présence d’une Angela Gheorghiu que je n’arrive pas à me représenter en Carmen. Si Roberto Alagna fait un Don José émouvant, Thomas Hampson (Escamillo) et Inva Mula (Micaela) ne m’ont jamais convaincu.

En bonne dernière, malgré l’admiration qu’on nourrit pour le chef – Leonard Bernstein – et l’interprète principale – Marylin Horne – il faut bien reconnaître le ratage de cette Carmen.

En DVD il y a plusieurs versions qui ne manquent pas d’intérêt. J’en ai 4 dans ma bibliothèque (Karajan/Price), Philippe Jordan avec la blonde Anne-Sofie von Otter à Glyndebourne, Anna-Caterina Antonacci avec John Eliot Gardiner, et la plus surprenante Carlos Kleiber à Munich avec un « cast » étonnant autour de l’éternel Placido Domingo, Elena Obraztsova (!) en Carmen, Isobel Buchanan en Micaela

Et toujours le quotidien sur : brevesdeblog

MTT le chef sans âge

On a bien cru qu’il n’atteindrait pas son 80e anniversaire le 21 décembre prochain. Les nouvelles qu’on lit dans le dernier numéro de BBC Music Magazine, sur Radio Classique récemment, et surtout cette vidéo datant d’il y a quelques semaines montrent que le chef américain Michael Tilson Thomas qui souffre d’un cancer du cerveau depuis trois ans semble bénéficier d’une rémission que nous espérions tous.

Je n’ai jamais évoqué longuement sur ce blog la figure, la personnalité, la carrière de l’un des seuls chefs « natifs » des Etats-Unis à avoir, avec son contemporain James Levine (1943-2021), atteint une célébrité internationale.

Pourtant nombre de ses disques, les premiers pour Deutsche Grammophon, puis tous les suivants pour CBS, Sony ou RCA, ont été les premiers à figurer dans la discothèque que je me constituais adolescent.

Mon premier Carmina Burana, partagé avec deux ou trois copains dans ma petite chambre d’étudiant, c’était lui

Mon premier Sacre du printemps c’était lui, et c’était aussi un de ses tout premiers disques avec Boston !

Mes premiers Debussy à l’orchestre c’était lui :

Et puis il y aura la 1ere symphonie de Tchaikovski, et tant d’autres…

J’ai eu une seule fois le bonheur de le voir diriger à Paris, à moins que j’aie enfoui des souvenirs antérieurs (à Pleyel ?), j’en ai gardé le même souvenir qu’Alain Lompech (Les débuts souverains de TIlson-Thomas à l’Orchestre de Paris).

Ses éditeurs historiques ont eu la bonne idée de rééditer la presque intégralité de son legs discographique.

CD 1
TCHAIKOVSKY Symphony No. 1
Boston Symphony Orchestra / Michael Tilson Thomas

CD 2
GRIEG · SCHUMANN Piano Concertos
Jean-Marc Luisada; London Symphony Orchestra / Michael Tilson Thomas

CD 3
DEBUSSY Images; Prélude à l’après-midi d’un faune
Boston Symphony Orchestra / Michael Tilson Thomas

CD 4
DEBUSSY Violin Sonata; Cello Sonata; Sonata for Flute, Viola and Harp; Syrinx 
Boston Symphony Chamber Players; Michael Tilson Thomas, piano

CD 5
IVES Three Places in New England
RUGGLES Sun-treader
Boston Symphony Orchestra / Michael Tilson Thomas

CD 6
STRAVINSKY Le Roi des étoiles; Le Sacre du printemps
Boston Symphony Orchestra / Michael Tilson Thomas

CD 7
PISTON Symphony No. 2
WILLIAM SCHUMAN Violin Concerto
Paul Zukofsky, violin; Boston Symphony Orchestra / Michael Tilson Thomas

CD 8
SHOSTAKOVICH Cello Concertos Nos. 1 & 2
Mischa Maisky, cello; London Symphony Orchestra / Michael Tilson Thomas

CD 9
BERNSTEIN On the Town
Frederica von Stade; Tyne Daly; Marie Mclaughlin; Thomas Hampson & supporting cast
London Symphony Orchestra / Michael Tilson Thomas

CD 10
BERNSTEIN Arias and Barcarolles; A Quiet Place; Symphonic Dances from West Side Story
Frederica von Stade; Thomas Hampson
London Symphony Orchestra / Michael Tilson Thomas

CD 11
ELVIS COSTELLO Il sogno
London Symphony Orchestra / Michael Tilson Thomas

CD 12
TANGAZO – MUSIC OF LATIN AMERICA
Chávez; Copland; Roldán; Revueltas; Caturla; Piazzolla; Ginastera
New World Symphony / Michael Tilson Thomas

CD 13
INGOLF DAHL Concerto for Alto Saxophone; Hymn; Music for Brass Instruments; The Tower of Saint Barbara
John Harle; New World Brass; Ertan Torgul; Gregory Miller; Tisha Murvihill
New World Symphony / Michael Tilson Thomas

CD 14
MORTON FELDMAN Piano and Orchestra; Cello and Orchestra; Coptic Light
Alan Feinberg; Robert Cohen
New World Symphony / Michael Tilson Thomas

Le coffret Sony est évidemment beaucoup plus important : 80 CD pour 80 ans.

(Tracklist à consulter sur Amazon.it)

Mais, il y a un gros mais, comment a-t-on pu « oublier » une magnifique intégrale de Casse-Noisette, gravée avec le Philharmonie de Londres, tout comme Le Lac des cygnes qui lui est bien dans le coffret ! Il semblerait que cet « oubli » résulte d’une question de droits… qui n’est explicitée que dans le livret en anglais inséré dans le coffret !

Pour ceux qui comme moi pensaient posséder à peu près toute la discographie de MTT, le coffret Sony réserve pas mal de surprises, soit des disques qu’on avait oubliés (suites de Tchaikovski), soit des compositeurs américains, peu ou jamais distribués en Europe (une « intégrale » Ruggles)

Si je devais caractériser d’un mot l’art de ce très grand chef – gageure impossible ! – ce serait l’absence de poids de traditions européennes qu’assumaient, chacun avec leur génie propre, tous les grands chefs du XXe siècle qui ont fait la réputation des grands orchestres américains, la très grande majorité nés sur le continent européen. Même Bernstein en était tributaire. J’ai toujours eu l’impression que MTT se réappropriait le répertoire classique (une intégrale des symphonies de Beethoven, bien oubliée voire méprisée, alors qu’elle renonçait au grand orchestre) ou romantique, voire Debussy, Stravinsky, avec une sorte de fraîcheur, de naturel bienfaisants.

Je découvre sur YouTube, avec une vive émotion, ces captations très récentes de Michael Tilson Thomas avec l’orchestre de jeunes – le New World Symphony, basé en Floride, qu’il a fondé en 1997 et dont il a cédé la direction musicale en 2002 à Stéphane Denève. Dans un répertoire que le chef n’a jamais abordé au disque.

Heureux finalement de pouvoir dire notre admiration et à notre gratitude de manière anthume à celui que nous continuerons de nommer par ces trois lettres MTT !

PS Je signale que le coffret Sony est en France vendu à plus de 200 €, en Italie il est à 159 €… Vive l’Europe !

Mon Puccini

Giacomo Puccini est mort il y a cent ans, le 29 novembre 1924, à Bruxelles, des suites d’un cancer de la gorge pour lequel il subissait un traitement expérimental dans la capitale belge. Je lis, ici et là, qu’on « célèbre » le centenaire de sa mort, expression pour le moins malheureuse. Pourquoi pas « happy birthday » pendant qu’on y est !

J’ai consacré une partie de mon été 2022 à visiter les lieux du compositeur, sa maison natale à Lucques, sa résidence, somme toute modeste, à Torre del Lago (lire Puccini à Lucca, Puccini à Torre del Lago

Je laisse à d’autres le soin d’établir des discographies, de comparer les versions de ses opéras – je l’ai fait moi-même dans mes précédents articles.

Aujourd’hui, j’ai envie de livrer quelques coups de coeur, quelques trésors bien cachés dans ma discothèque, peut-être des artistes un peu oubliés.

Virginia Zeani (1925-2023)

Jussi Björling (1911-1960)

Felicia Weathers (1937-)

Julia Varady (1941-)

Tant de souvenirs de et avec Julia Varady (lire Julia Varady 80#) … et de Marcello Viotti qui dirige ce disque

Elisabeth Schwarzkopf (1915-2006)

On n’attend pas vraiment Elisabeth Schwarzkopf dans Puccini, mais on aime, c’est tout !

Teresa Stich-Randall (1927-2007)

Autre cantatrice inattendue dans Puccini, mais qui ne craquerait pas à cette voluptueuse confidence ?

Fritz Wunderlich (1930-1966) / Pilar Lorengar (1928-1966)

Quand l’amour éperdu se chante en allemand… sublimes Fritz Wunderlich et Pilar Lorengar

Bruno Previdi (1928-1988)

D’un ténor italien dont je ne sais pas grand chose, Bruno Previdi, quelques airs sur un disque-compilation

Et puis on a la chance de pouvoir revoir cette Bohème de rêve qu’on avait adorée en juin 2023 au théâtre des Champs-Elysées, avec la fine fleur des chanteurs d’aujourd’hui

Je renvoie à mes précédents articles sur Puccini et à une sorte de discothèque idéale de ses grands ouvrages et si je ne les ai, à dessein, pas mentionnés ici, je reviens évidemment souvent à Freni, Pavarotti, Karajan, Maazel, Scotto, etc.

Pour un prix modique, le coffret qu’édite Warner n’est pas inintéressant, pour qui veut retrouver quelques grandes gloires du passé.

L’été 24 (VI) : les Frenchies à Hollywood

Mon ami Lionel Bringuier ne cachait pas sa joie de revenir diriger, il y a une quinzaine de jours, dans ce lieu mythique qu’est le Hollywood Bowl à Los Angeles.

En 2023, c’est Louis Langrée qui, remplaçant un jeune chef empêché, conquit le public et la critique de ce festival permanent d’été

Pour mon premier grand voyage dans l’Ouest américain, en juillet 1999, j’avais réussi à obtenir des billets (à des prix prétendument populaires, mais déjà élevés !) pour un concert sobrement intitulé Vive la France !. Avec un chef que je connaissais un peu par le disque, John Mauceri, et un invité surprenant qui y faisait ses débuts, le mime Marcel Marceau (1923-2007). A vrai dire, je venais moins pour la musique, même si écouter l’orchestre de Los Angeles (qui joue un soir sur deux sous son nom, l’autre soir comme « Hollywood Bowl Orchestra », question de contrats !) est un plaisir qui se goûte, que pour l’ambiance de ce gigantesque pique-nique en plein air ! Je n’avais pas gardé un souvenir impérissable de la prestation du chef ni même du mime. Je n’étais pas le seul si j’en crois cet article du Los Angeles Times que je viens de retrouver : Movies, Marceau Give French Accent to Bowl.

Felix Slatkin ou la grande époque

Pour les discophiles comme moi, le Hollywood Bowl Orchestra est à jamais associé à un chef disparu pourtant dans la fleur de l’âge à 47 ans, Felix Slatkin (1915-1963), père d’un autre grand chef américain Leonard Slatkin qui fête dans quelques jours son 80e anniversaire. Il y a quatre ans, j’avais évoqué un magnifique et très précieux coffret de 13 CD qui regroupe le legs discographique de Felix Slatkin avec « son » Hollywood Bowl.

Quand on consulte le détail des enregistrements (voir ci-dessous) on reste songeur et surtout admiratif de l’art fait d’autant de rigueur que de charme de Felix Slatkin, dans des répertoires qui ne se limitent pas au seul continent américain

Le coffret Scribendum est en promotion actuellement sur prestomusic !

Albéniz: Triana from « Iberia »

J. S. Bach: Air from BWV1068

J. S. Bach: Prelude & Fugue No.8, BWV 853

Bizet: Farandole from « L’Arlésienne »

Britten: Young Person’s Guide to the Orchestra, Op. 34

Caplet: Conte Fantastique (The Masque of Red Death)

Carlos Chávez: Toccata for Percussion

Debussy: Petite Suite (orch. by H. Büsser)

Delibes: Pizzicato Polka from « Sylvia »

Delius: On Hearing the First Cuckoo in Spring

Delius: Summer Night on the River

Delius: Intermezzo from ‘Hassan’

Delius: Serenade from ‘Hassan’

Delius: Caprice for Cello and Orchestra

Delius: Elegy for Cello and Orchestra

Delius: Prelude to ‘Irmelin’

Ernst von Dohnányi: Variations on a Nursery Theme, Op.25

Gershwin: Porgy and Bess, A Symphonic Picture

Gershwin: Rhapsody in Blue

Gershwin: An American in Paris

Glière: Russian Sailors’ Dance from « The Red Poppy »

Morton Gould: Latin-American Symphonette

Grieg: Norwegian Dance No.2

Grieg: Peer Gynt Suites I & II

Grofé: Grand Canyon Suite

Grofé: Mississippi Suite

Ibert: Divertissement

Ippolitov-Ivanov: Caucasian Sketches, Op.10

Kabalevsky: Galop from « The Comedians »

Khachaturian: Sabre Dance from « Gayaneh »

Mendelssohn: Piano Concerto in D flat

Mendelssohn: A Midsummer Night’s Dream

Massenet: Navarraise from « Le Cid »

Massenet: Méditation from « Thaïs »

McDonald: From Childhood Suite for Harp and Orchestra

Milhaud: Concerto for Percussion and Small Orchestra

Offenbach: Gaîté Parisienne (arr. Manuel Rosenthal)

Ravel: Boléro

Ravel: 1812 Overture

Ravel: Pavane for a dead princess

Rimsky-Korsakov: Capriccio Espagnol

Rimsky-Korsakov: Flight of the Bumble Bee

Rossini: William Tell Overture

Saint-Saëns: Carnival of the Animals

Saint-Saëns: Bacchanale from « Samson et Delilah »

Saint-Saëns: Introduction and Rondo Capriccioso

Sarasate: Zigeunerweisen 

Johann Strauss II: Artist’s Life

Johann Strauss II: Vienna Life

Johann Strauss II: Waltz from « Tales from the Vienna Wood »

Johann Strauss II: You and You from « Die Fledermaus »

Johann Strauss II: On the Beautiful Blue Danube

Johann Strauss II: Emperor Waltz

Johann Strauss II: Voices of Spring

Richard Strauss: Waltzes from « Der Rosenkavalier »

Suppé: Light Cavalry Overture 

Tchaikovsky: The Nutcracker Suite

Tchaikovsky: Andante Cantabile

Tchaikovsky: Serenade for Strings

Tchaikovsky: Waltz from « The Sleeping Beauty »

Villa-Lobos: Bachianas Brasileiras No. 1, W.246

Waldteufel: Skaters’ Waltz

Waldteufel: España 

Weinberger: Polka from « Schwanda the Bagpiper »

Arrangements by A.R. Marino:

Arkansas traveler (Traditional)

Orange blossoms special (Traditional)

Listen to the mockingbird (Traditional)

Faded love (B. Wills)

Fisher’s horn pipe (Traditional)

Chicken reel (J.M. Daly)

Devil’s dream (Traditional)

Turkey in the straw (Traditional)

Back up and push (Traditional)

Maiden’s prayer (Traditional)

Golden slippers (Traditional)

Fire on the mountain (Traditional)

Felix Slatkin (1915-1963) – Amerigo R. Marino (1925-1988)

Brass Pizzicato from « Symphony No.4 » by Tchaikovsky

Hi-Fi Hero from « Symphony No.4 » by Beethoven

For Elise from « Für Elise » by Beethoven

Pensive Prelude from « Prelude in C sharp minor by Rachmaninoff

Carmen’s Hoedown from « Carmen » by Bizet

Wistful Haven from « Symphony of the New World » by Dvořák

Run Strings Run from « Rondo in D » by Mozart

Winter’s Sadness from « Violin Concerto » by Tchaikovsky

The Merry Cobbler from « Zapeteado » by Sarasate

Havana Mist from « Havanaise » by Saint-Saëns

Three Plus Two from Symphony No.6 by Tchaikovsky

Twist the Can-Can from « Orpheus in the Underworld » by Offenbach

Reveille (Traditional)

U.S. Field Artillery march (Sousa)

Anchors Aweigh (Zimmerman)

U.S. Marines on Parade (Mancini)

U.S. Air Force song (Crawford)

Semper Paratus (van Boskerck)

Stars and Stripes Forever (Sousa)

Semper Fidelis (Sousa)

National Emblem (Bagley)

El Capitan (Sousa)

The Washington Post (Sousa)

The Thunderer (Sousa)

Under the Double Eagle (J.F. Wagner)

American Patrol (Meacham)

The Star-Spangled Banner (Smith)

Taps (Traditional)

Charge! (Arnaud)

Drummer Boys (Arnaud)

Buglers Dream (Arnaud)

Fifes and Drums (Arnaud)

Bagpipes and Drums (Arnaud)

When Johnny Comes Marching Home (Arnaud)

Bonanza (Livingston; Evans)

Golden Earrings (Livingston; Evans; Young)

Spellbound (David; Rózsa)

Terry’s Theme from Limelight (Chaplin)

Theme from A Summer Place (Steiner)

Peter Gunn (Mancini)

Love Is A Many Splendored Thing (Webster; Fain)

Three Coins in The Fountain (Styne; Cahn)

Mr. Lucky (Mancini)

Gigi (Lerner; Vian; Loewe)

Green Leaves of Summer (Tiomkin; Webster)

Around the World (Adamson; Young)

Unchained Melody (A. North; H. Zaret)

The Magnificent 7 (E. Bernstein)

My Own True Love “Tara’s Theme” (M. David; M. Steiner)

Last Date (F. Cramer)

Song from Moulin Rouge “Where Is Your Heart” (Auric; Engvick)

Theme from The Sundowners (Tiomkin)

Laura (D. Raskin; J. Mercer)

Never on Sunday (B. Towne; M. Hadjidakis)

Exodus (M. Gould)

Night Theme (R. Peterson; W. Cogswell)

Smile (Chaplin; Parsons; Turner)

It’s Not Forever (D. Marks; D. Duran)

Label

L’été 24 (V): retrouver Rafael Orozco et José Iturbi

Ridicule

Qu’est-ce qu’on aime, en France, s’auto-flageller, se disputer pour tout et rien, surtout rien d’ailleurs ! Se réjouir, simplement se réjouir, c’est possible ? pour moi oui : Paris 2024, hymnes à l’amour, Les classiques de l’ouverture.

Ridicules ces polémiques à propos d’une scène – qui n’est pas la Cène – sur la Seine, toutes ces photos de la Maire de Paris (médaille d’or pour elle) avec des athlètes qui ne lui doivent rien, ces visites en province d’une autoproclamée Première ministre qui ne sera pas nommée…

Orozco enfin

Cela faisait longtemps qu’on l’attendait, la réédition des enregistrements réalisés au mitan des années 70 par le pianiste espagnol Rafael Orozco (1946-1996) à qui j’ai consacré déjà plusieurs billets ici (Un grand d’Espagne), que j’avais applaudi une seule fois en récital, au Théâtre des Champs-Elysées, dans une fabuleuse intégrale d’Iberia d’Albeniz

Je râle toujours à propos du coût de ces rééditions, surtout en France (20 € d’écart entre la FNAC et un site anglais !)

Mais le contenu est à la hauteur de nos attentes, et de nos souvenirs. Les concertos de Rachmaninov sont bien connus depuis toujours, le reste avait peu ou prou disparu.

CD 1
CHOPIN 
Piano Concerto No. 2
Andante spianato et Grande Polonaise brillante
Edo de Waart

CD 2
CHOPIN 
The Four Scherzos
Nocturne Op. 62 No. 2;* Berceuse
*FIRST RELEASE ON CD

CD 3
CHOPIN Piano Sonata No. 2
LISZT Piano Sonata in B minor

CD 4
SCHUMANN Kreisleriana; Fantasie

CD 5
RACHMANINOFF Works for Piano
Preludes Opp. 3/2, 32/10* & 23/5; Melodie Op. 3/3; Polichinelle Op. 3/4*; Liebesleid (after Kreisler); Études-tableaux Opp. 33/3,* 33/6* & 39/5*; Moment musical Op. 16/3*
*FIRST RELEASE ON CD

CD 6
RACHMANINOFF Piano Concertos Nos. 1 & 4
Edo de Waart

CD 7
TCHAIKOVSKY Piano Concerto No. 1
RACHMANINOFF Piano Concerto No. 2
Edo de Waart

CD 8
RACHMANINOFF Piano Concerto No. 3
Rhapsody on a theme of Paganini
Edo de Waart

L’Espagnol d’Hollywood

J’ai ressorti de ma discothèque un double CD que j’y avais à vrai dire un peu oublié.

Jean-Charles Hoffelé a rappelé quel Prince du son était le pianiste né en 1895 à Valence, mort à Los Angeles en 1980.

On lira l’excellent article de Christophe Huss dans Le Devoir pour retrouver le destin exceptionnel de ce musicien : José Iturbi, l’inconnu le plus célèbre de la musique

J’ai sur mon piano une photo que je conserve précieusement depuis que la compagne du chef d’orchestre Paul Strauss (1922-2007), directeur musical de l’orchestre de Liège de 1967 à 1977, m’avait confié plusieurs documents lui ayant appartenu.

Quel bonheur ineffable d’écouter de superbes enregistrements réalisés à la fin des années 50, ce piano profond très bien capté, où la virtuosité n’efface jamais l’élégance du chant.

Comme L’Isle joyeuse de Debussy :

Musiques olympiques

Le sujet s’impose en cette journée d’ouverture des Jeux Olympiques de Paris 2024 : quelles musiques ont été inspirées, commandées, exécutées pour les précédentes cérémonies ?

On y ajoutera un chapitre plus historique, qui a résonné récemment de manière vraiment absurde : l’histoire d’une organisation de concerts parisienne.

Olympics

France Musique a, comme d’habitude, bien fait les choses ce matin. À (ré)écouter absolument : Au tempo des JO.

Revue de détail des oeuvres spécialement composées pour les cérémonies d’ouverture des Jeux Olympiques.

Premiers jeux à Paris en 1924

C’est au clarinettiste militaire Francis Popy que revient de composer cette marche.

Les fanfares, les harmonies, n’ont pas oublié le compositeur de musique « légère » qu’était Popy (et qu’affectionnait particulièrement l’ami Benoît Duteurtre, à qui l’on pense encore tout particulièrement à la veille de son inhumation dans sa terre des Vosges).

Los Angeles 1984 et John Williams

À 90 ans (!), John Williams faisait ses débuts avec l’orchestre philharmonique de Berlin. On ne peut évidemment pas comparer les prestations de 1984 et 2023 ! Voir John Williams #90

Rio 2016 : pourquoi le Brésil ?

Soyons honnête, l’oeuvre du compositeur espagnol Lucas Vidal, surtout connu pour ses musiques de film (Fast and Furious 6) ne brille pas par son originalité. En dehors de quelques rythmes brésiliens glissés ici et là, on ne voit guère de différence avec le Hollywood de John Williams

Tokyo 2020 : l’universalisme de Naoki Satō

Rien de très japonais dans cette ouverture à choeur ouvert, un peu moins martiale sans doute.

Pout ce qui est de Paris 2024, il faudra attendre ce soir pour découvrir l’oeuvre de Victor Le Masne, même si on en a déjà un avant-goût

La Loge Olympique

Qui se rappelle, à l’heure des Jeux Olympiques de Paris, l’affaire délirante qui a défrayé la chronique en 2016 ? Alors que Julien Chauvin et la nouvelle formation qu’il avait constituée autour de lui souhaitaient relever le nom de l’une des plus illustres organisations de concert du XVIIIe siècle à Paris – le Concert de la Loge olympique –, ils en furent interdits, malgré toutes les protestations et pétitions, par une décision de justice : Le Concert de la Loge Olympique vs le Comité national olympique : quand Goliath écrase David.

J’appris alors, comme tout le monde, que l’adjectif « olympique » est, depuis 1976, la « propriété » du Comité National Olympique et Sportif Français (CNOSF) ! Incroyable mais vrai !

Cela n’a heureusement pas empêché Julien Chauvin et son Concert de la Loge xxxxx de grandir et prospérer (en passant notamment par Montpellier) et d’honorer les compositeurs qui furent les hôtes et les inspirateurs de leur ancêtre du XVIIIe siècle, au premier rang desquels Haydn et ses fameuses six Symphonies Parisiennes.

Parmi les nombreuses versions des Symphonies parisiennes (N°82 à 87), j’ai une affection pour un album que je n’ai jamais vu en France, qui n’est jamais cité dans aucun guide, et qui témoigne à tout le moins de l’étendue du répertoire d’un chef infatigable, qui continue de parcourir le monde et les podiums à bientôt 89 ans, Charles Dutoit

Sir Neville #100

Sir Neville #100

Il est né le 15 avril 1924, il y a cent ans, il est mort le 1er octobre 2016, à l’âge respectable de 92 ans : Neville Marriner est sans doute le chef anglais qui détient le record des disques enregistrés. J’avais déjà presque tout dit dans cet article : Sir Neville.

A l’occasion de ce centenaire, ses éditeurs – il en fallut plusieurs et pas des moindres pour étancher la soif enregistreuse du chef – ont plutôt bien fait les choses, même si une intégrale semble hors de portée et pas forcément indispensable.

On avait déjà brièvement évoqué le coffret Warner de 80 CD :

La critique a souvent traité Marriner avec une certaine condescendance, notamment dans le répertoire baroque et classique, où il ne devait pas être assez radical, audacieux, au goût de certains. Les messes de Haydn, les symphonies de Mozart de ce coffret sont, au contraire, des leçons de style, de goût, d’élégance, vertus dont le chef a fait preuve jusqu’au bout, comme l’illustre cette vidéo captée pour son 90e anniversaire :

Comme souvent dans ce genre de sommes, ce sont les raretés qui sont intéressantes : les ouvertures de Cherubini, les musiques légères de Wolf-Ferrari

quelques pépites un peu oubliées comme ces Illuminations de Britten avec la merveilleuse Heather Harper (1930-2019)

Decca publie, dans la collection Eloquence – à des prix beaucoup trop élevés pour des rééditions ! – des. coffrets thématiques qui ne contiennent rien d’inédit.

Tableaux rares

Mercredi soir, j’assistais à la Philharmonie de Paris à un concert – redonné ce jeudi – de l’Orchestre de Paris. J’en ai rendu compte dans Bachtrack : Les tableaux symphoniques d’Esa-Pekka Salonen.

Esa-Pekka Salonen, Sarah Connolly et l’Orchestre de Paris (Philharmonie, 7 février 2024)

Je veux revenir sur le programme qui nous a été proposé, et qui, à rebours de tous les clichés sur les goûts supposés du « grand public« , a attiré un très nombreux public dans la grande salle Pierre Boulez de la Philharmonie. Elgar, Hindemith ? Le choix de l’Orchestre de Paris et de son illustre invité était pour le moins audacieux.

La mer qu’on voit danser

On croit rêver quand on lit dans le programme de salle que les Sea Pictures d’Edward Elgar – 1899 ! – font leur entrée au répertoire de l’Orchestre de Paris… On cherche d’ailleurs – en vain – dans sa mémoire pour retrouver trace d’un concert parisien au cours duquel ce cycle magnifique de mélodies « marines » aurait été donné. C’est pourquoi j’avais été particulièrement fier de pouvoir programmer, avec l’Orchestre national de France et son chef Cristian Macelaru (que je remercie encore d’avoir relevé le défi), le 21 juillet 2022 à Montpellier, ces Sea Pictures suivis de la Sea Symphony, la 1ere symphonie de Ralph Vaughan-Williams (lire Tempête en mer).

Pour Marianne Crebassa c’était aussi une première. Elle avait alors raconté avec quel enthousiasme elle s’était saisie de ce cycle, qui convient idéalement à sa voix.

A la discographie dont j’avais déjà fait état ici (voir La mer qu’on voit danser), on peut ajouter quelques nouvelles perles :

On l’aura compris, entre les lignes, je préfère pour ce cycle une voix plus sombre, comme celle de Kathryn Rudge.

Le timbre plus métallique d’Elina Garanca ou plus clair d’Alice Coote – pour ne mentionner que les plus récentes versions – rendent moins justice à la poésie de ces « marines ».

Mathis le peintre

En deuxième partie des concerts de l’Orchestre de Paris, Salonen avait programmé de nouveau une oeuvre extrêmement rare au concert : la symphonie Mathis der Maler de Hindemith.

En juillet 2023, j’avais eu la chance de suivre pour Bachtrack deux concerts du Festival de Colmar, et à cette occasion j’avais pu visiter le musée Unterlinden et y admirer dans toute sa splendeur retrouvée le fameux retable d’Issenheim dû à Matthias Grünewald (lire et surtout voir Mathis le peintre à Colmar), qui est le sujet même de l’opéra de Hindemith et de la « symphonie » en trois mouvements/tableaux qu’il en a tirée en 1934.

Dans ma discographie, très (trop?) sélective, de l’oeuvre, j’ai omis de mentionner la version d’Esa-Pekka Salonen gravée à Los Angeles. Dans mon article de Bachtrack, je précise pourtant que le chef finlandais est l’un des très rares de sa génération à s’intéresser à un compositeur trop peu considéré et pourtant l’un des plus importants du XXe siècle.

Les anniversaires 2024 (V) : Ives l’Américain

Dernier épisode de cette courte série annonçant les anniversaires à célébrer en 2024.

Quand on veut faire bref, on cite Charles Ives comme le premier compositeur américain natif. Historiquement inexact, mais musicalement significatif ! 2024 va permettre de célébrer le compositeur né le 20 octobre 1874 à Danbury dans le Connecticut, mort 80 ans plus tard à New York, le 19 mai 1954.

L’intérêt de Charles Ives pour le mélomane européen est qu’il n’entre dans aucune case, aucune catégorie pré-définie. Et s’il nous fallait simplement des oreilles neuves, débarrassées de références, de comparaisons, pour écouter une oeuvre disparate, audacieuse, singulière. Il n’est que de prendre ses quatre symphonies, elles sont très différentes les unes des autres. On y reviendra.

Clin d’oeil au pays natal de Charles Ives, avec cette oeuvre de jeunesse – il a 17 ans -, ces Variations sur America, l’hymne des Etats-Unis, d’abord destinées à l’orgue, puis orchestrées par un compatriote d’Ives, William Schuman (1910-1982)

A l’autre extrême, la Quatrième symphonie composée entre 1910 et 1916 qui ne fut créée qu’en 1965 par Leopold Stokowski ! Je me rappelle l’avoir entendue une fois à la Philharmonie de Berlin dans une joyeuse mais parfaite cacophonie.

Ici dans un concert donné dans le cadre des Prom’s de Londres, avec un maître de cérémonie particulièrement avisé :

Sur le plan discographique, personne n’égale la quasi-intégrale d’orchestre réalisée par Michael Tilson-Thomas avec les splendeurs des orchestres de Chicago et Amsterdam !