Le Choeur et l’Orchestre de Paris dirigés par Alain Altinoglu à la Philharmonie le 17 décembre 2025 (Photo JPR)
Il y avait d’abord… une création, la première audition publique de Semiramis, les esquisses d’une cantate que Ravel avait prévu de présenter pour le Prix de Rome en 1902. Lire la note très complète que publie le site raveledition.com.
Ici la création à New York, de la première partie – Prélude et danse
Mais le clou de cette soirée parisienne, ce fut l’intégrale de Daphnis et Chloé, une partition magistrale, essentielle, qu’on entend trop peu souvent en concert. Je lui avais consacré un billet en mars dernier (Ravel #150 : Daphnis et Chloé) en y confiant mes références, qui n’ont guère changé. Mais j’ai un peu revisité ma discothèque, où j’ai trouvé 24 versions différentes, qui ont toutes leurs mérites – il est rare qu’on se lance dans l’enregistrement d’une telle oeuvre si l’on n’a pas au moins quelques affinités avec elle ! Je ne vais pas les passer toutes en revue, mais m’arrêter seulement à celles qui, en plus des versions déjà citées comme mes références, attirent l’oreille.
J’ai souvent cité la collection Eloquence – dont le critique français, installé au Québec, Christophe Huss a parfaitement raconté l’histoire (lire Vingt-cinq années d’Eloquence) – et l’excellence des choix éditoriaux de son responsable Cyrus Meher-Homji. Mais les prix de ces coffrets sont exorbitants, et il faut naviguer entre les différents sites et pays pour les trouver plus raisonnables.
Coup sur coup, ce sont trois chefs d’orchestre qui sont honorés, et c’est une bonne chose que de retrouver quelques enregistrements mémorables.
Walter le Viennois
J’ai déjà écrit un article sur Walter Weller (1939-2015) au moment de son décès, et rappelé les grands disques qu’il a laissés comme chef d’orchestre.(lire Wiener Walter). Ce coffret de 20 CD rassemble tous ses enregistrements pour Decca
CD 1 BARTÓK Rhapsody Sz.27; Piano Concerto No. 1 Pascal Rogé; London Symphony Orchestra
CD 2 BARTÓK Piano Concertos Nos. 2 & 3 Pascal Rogé; London Symphony Orchestra
CD 3 BRAHMS 21 Hungarian Dances Royal Philharmonic Orchestra
CD 4 DUKAS L’Apprenti sorcier; Symphony in C major London Philharmonic Orchestra
CD 5 GRIEG Peer Gynt Royal Philharmonic Orchestra SMETANA Haakon Jarl Israel Philharmonic Orchestra
CD 9 PROKOFIEV Symphonies Nos. 1 & 7 London Symphony Orchestra
CD 10 PROKOFIEV Symphony No. 2; The Love for Three Oranges Suite London Philharmonic Orchestra
CD 11 PROKOFIEV Symphony No. 3; Scythian Suite London Philharmonic Orchestra
CD 12 PROKOFIEV Symphony No. 4; Russian Overture London Philharmonic Orchestra
CD 13 PROKOFIEV Symphony No. 5 London Symphony Orchestra
CD 14 PROKOFIEV Symphony No. 6 London Philharmonic Orchestra
CD 15 RACHMANINOFF Symphony No. 1 Orchestre de la Suisse Romande
CD 16 RACHMANINOFF Symphony No. 2 London Philharmonic Orchestra
CD 17 RACHMANINOFF Symphony No. 3; The Rock London Philharmonic Orchestra
CD 18 SHOSTAKOVICH Symphonies Nos. 1 & 9 Orchestre de la Suisse Romande
CD 19 SMETANA Má vlast Israel Philharmonic Orchestra
CD 20 Prima Donna in Vienna Pilar Lorengar; Wiener Opernorchester
Ne pas oublier le formidable Quatuor Weller, interprète particulièrement inspiré des Viennois
Frühbeck l’Espagnol
Ses parents étaient allemands, mais comme il est né à Burgos, il a tôt fait d’hispaniser son patronyme : Rafael Frühbeck de Burgos (1933-2014) est l’un de ces chefs d’orchestre qu’on voit souvent comme accompagnateur sur les pochettes de disques, et de préférence pour la musique espagnole. Image évidemment réductrice, que n’a pas eu à subir Walter Weller !
Ce coffret de 11 CD permet d’élargir notre connaissance de l’art du chef espagnol, avec plusieurs inédits en CD.
CD 1 MENDELSSOHN A Midsummer Night’s Dream: Overture, Op. 21 & Incidental Music, Op. 61 Hanneke van Bork; Alfreda Hodgson Ambrosian Singers; New Philharmonia Orchestra FIRST INTERNATIONAL RELEASE ON CD
CD 2 MENDELSSOHN A Midsummer Night’s Dream Overture, Op. 21 SCHUMANN Symphony No. 3 ‘Rhenish’ London Symphony Orchestra FIRST RELEASE ON CD
CD 3 MENDELSSOHN Violin Concerto in E minor BRUCH Violin Concerto No. 1 Ion Voicu; London Symphony Orchestra
CD 4 FALLA El amor brujo GRANADOS Intermezzo (Goyescas) RAVEL Pavane pour une infante défunte; Alborada del gracioso Nati Mistral; New Philharmonia Orchestra
CD 5 ALBÉNIZ (orch. Frühbeck de Burgos) Suite española No. 1; Cordoba New Philharmonia Orchestra
CD 6 KHACHATURIAN Piano Concerto FRANCK Variations symphoniques FAURÉ Fantaisie for Piano and Orchestra Alicia de Larrocha; London Philharmonic Orchestra
CD 7 MONTSALVATGE Concerto breve SURIÑACH Piano Concerto Alicia de Larrocha; Royal Philharmonic Orchestra
CD 8 FALLA Noches en los jardines de España ALBÉNIZ Rapsodia española TURINA Rapsodia sinfonica Alicia de Larrocha; London Philharmonic Orchestra
CD 9 RODRIGO Fantasía para un gentilhombre OHANA Tres gráficos Narciso Yepes; Orquesta Nacional de España FIRST RELEASE ON CD
CD 10 BACARISSE Guitar Concertino TORROBA Homenaje a la Seguidilla Narciso Yepes; Orquesta Nacional de España FIRST RELEASE ON CD
CD 11 OHANA Tres gráficos RUIZ-PIPO Tablas Narciso Yepes; Orquesta Nacional de España
J’avais acquis une intégrale des symphonies de Beethoven captée au Danemark, le chef étant déjà marqué par la maladie, mais délivrant une interprétation tout à fait remarquable
J’ai aussi une série de CD « live » captés avec l’orchestre philharmonique de Dresde, avec Bruckner, Richard Strauss… et rien d’espagnol !
Mais on écoute et réécoute souvent par exemple la suite d’orchestre qu’il a tirée d’Iberia d’Albeniz
et de précieux disques d’extraits de zarzuelas… qu’on ne trouve qu’en Espagne !
Atherton : Londres-Vienne
C’est un disque que j’ai de toute éternité dans ma discothèque
avec une oeuvre que je m’amusais toujours à diffuser pour piéger mes amis et/ou mes auditeurs
Cette pochade de Schoenberg – La brigade de fer -écrite au milieu de la Première guerre mondiale – révèle un aspect nettement moins sérieux et austère d’un compositeur qui continue à effrayer certains publics.
Mais jusqu’à la parution de ce nouveau coffret, je dois bien avouer que, en dehors des Schoenberg, j’ignorais la plupart des enregistrements réalisés par David Atherton et le London Sinfonietta
CD 1 MOZART Serenade K. 361 ‘Gran Partita’ FIRST RELEASE ON CD
CD 2 MOZART Serenades K. 375 & 388 Antony Pay FIRST RELEASE ON CD
CD 3 SPOHR Clarinet Concertos Nos. 1 & 2 Antony Pay FIRST RELEASE ON CD
CD 4 SCHUBERT Mass No. 4 Wind Octet D.72* Eine kleine Trauermusik Gesang der Geister über den Wassern Phyllis Bryn-Julson; Jan DeGaetani Anthony Rolfe Johnson; Malcolm King London Sinfonietta Chorus *FIRST RELEASE ON CD
CD 5 SCHOENBERG Verklärte Nacht* Serenade Op. 24 John Shirley-Quirk *FIRST INTERNATIONAL RELEASE ON CD
CD 6 SCHOENBERG Chamber Symphony No. 1* Pierrot Lunaire Ein Stelldichein* Herzgewächse* Three Pieces for Chamber Orchestra* Nachtwandler (Brettl-Lieder)* Mary Thomas; June Barton
CD 7 SCHOENBERG Wind Quintet Der Wunsch des Liebhabers* Der neue Klassizimus* Lied der Waldtaube (Gurrelieder)* Die eiserne Brigade Weihnachtsmusik* Anna Reynolds London Sinfonietta Chorus *FIRST INTERNATIONAL RELEASE ON CD
CD 8 SCHOENBERG Suite Op. 29 Ode to Napoleon Buonaparte Phantasy for Violin and Piano* Gerald English Nona Liddell; John Constable *FIRST INTERNATIONAL RELEASE ON CD
CD 9 STRAVINSKY Agon* BERG Chamber Concerto György Pauk; Paul Crossley *FIRST INTERNATIONAL RELEASE ON CD
CD 10 GERHARD Libra; Gemini; Leo FIRST RELEASE ON CD
CDs 11–12 WEILL Kleine Dreigroschenmusik Mahagonny Songspiel; Violin Concerto Happy End; Das Berliner Requiem Pantomime I; Vom Tod im Wald Mary Thomas; Meriel Dickinson Philip Langridge; Ian Partridge Benjamin Luxon; Michael Rippon Nona Liddell
CD 13 LIGETI Melodien for Orchestra Double Concerto Chamber Concerto Aurèle Nicolet; Heinz Holliger
C’est vraiment avec ce genre de publications que la collection Eloquence prouve son utilité. Grâce en soit rendue à Cyrus Meher-Homji !
Dira-t-on en cette année qui célèbre le sesquicentenaire de la création de Carmen, et subséquemment du décès brutal de son auteur, Georges Bizet, que trop de Carmen tue Carmen ?
C’est bien possible, sinon probable. Je connais des amis qui ne supportent plus ni d’écouter, ni de voir Carmen. Je n’en suis pas, même si je ne cours pas après toutes les Carmen qui se présentent. Après le dossier très complet que consacre Diapason, dans son numéro d’avril, à « l’opéra le plus aimé au monde », je me suis amusé à réexaminer ma discothèque personnelle.
Comme Diapason, je mets depuis longtemps tout en haut de la pile la version Beecham, dont j’avais raconté les aventures et mésaventures (L’impossible Carmen)
Pas loin je place Rafael Frühbeck de Burgos avec un couple Carmen/Don José étonnant
C’est la même Grace Bumbry et les mêmes comparses qui seront du film réalisé à Salzbourg sous la direction de Karajan.
On mettra loin derrière le remake plantureux de Karajan pour DGG avec Agnes Baltsa, tout comme la version de 1964 avec Leontyne Price.
La Carmen de Maria Callas, n’est peut-être pas idiomatique, mais elle est d’abord très bien entourée et dirigée, et elle m’évoque un souvenir très particulier. Au cours de l’été 1973, j’étais au fin fond de la Roumanie dans un camping, avec pour seule liaison avec le « pays », un poste à transistor et en longues ondes France Inter. Un dimanche soir, la radio diffusait Carmen chantée par Callas. Surréaliste mais vrai !
Puis au hasard d’une Tribune des critiques de disques de France Musique, j’ai découvert la version de Georg Solti, à laquelle je n’ai cessé au fil des ans de trouver de plus en plus d’atouts, à commencer par l’incarnation si juste et touchante du rôle-titre par Tatiana Troyanos
Lorin Maazel, qui n’a pas toujours eu la main heureuse dans ses enregistrements d’opéra, réussit parfaitement la bande-son du film de Francesco Rosi. Julia Migenes n’est peut-être pas la plus grande chanteuse, avec ses partenaires elle incarne une Carmen plus que cr’édible
Lorin Maazel, quelques années plus tôt, a gravé une autre Carmen avec une interprète capiteuse à souhait, à laquelle il est difficile de résister, Anna Moffo
On s’étonnera peut-être que je ne place qu’ici, en tout cas pas dans les priorités, la version toujours présentée comme une référence de Claudio Abbado avec Teresa Berganza et Placido Domingo. Je n’ai jamais partagé l’engouement général pour cette version, que je trouve certes bien réalisée, mais trop statique, pas assez vivante. Et des soucis de prononciation rédhibitoires.
Très exotique aussi, mais pour d’autres raisons, la version de Thomas Schippers, grand chef de théâtre s’il en fut, avec une Carmen impossible en la personne de Regina Resnik, caricature de cantatrice et de Carmen en même temps. Rien ne va dans cet album, à part la direction racée de Schoippers et la rigueur de l’Escamillo de Tom Krause.
Je ne suis pas non plus très fan de la version de Michel Plasson, avec une Carmen vraiment peu crédible malgré (ou à cause de) la présence d’une Angela Gheorghiu que je n’arrive pas à me représenter en Carmen. Si Roberto Alagna fait un Don José émouvant, Thomas Hampson (Escamillo) et Inva Mula (Micaela) ne m’ont jamais convaincu.
En bonne dernière, malgré l’admiration qu’on nourrit pour le chef – Leonard Bernstein – et l’interprète principale – Marylin Horne – il faut bien reconnaître le ratage de cette Carmen.
En DVD il y a plusieurs versions qui ne manquent pas d’intérêt. J’en ai 4 dans ma bibliothèque (Karajan/Price), Philippe Jordan avec la blonde Anne-Sofie von Otter à Glyndebourne, Anna-Caterina Antonacci avec John Eliot Gardiner, et la plus surprenante Carlos Kleiber à Munich avec un « cast » étonnant autour de l’éternel Placido Domingo, Elena Obraztsova (!) en Carmen, Isobel Buchanan en Micaela
Gustav Holst, né il y a 150 ans le 21 septembre 1874, mort il y a 90 ans le 25 mars 1934, est un personnage qui mérite bien mieux que cette célébrité univoque.
« Holst naît à Cheltenham le 21 septembre 1874 de parents musiciens, un père suédois et une mère anglaise. Il étudie le piano et le violon, mais une névrite au bras droit lui a rend la pratique du piano difficile (c’est la raison pour laquelle il dirigeait de la main gauche). Il avait une mauvaise vue et fut plus tard déclaré inapte au service militaire pendant la Grande Guerre. Le jeune Gustav commence à jouer du trombone, son père pensant que cela pourrait l’aider à lutter contre son asthme. Gustav étudie la composition au Royal College of Music avec Charles Villiers Stanford. Holst se passionne pour la musique de Wagner et en insère des bribes dans sa musique ; Stanford désapprouve: « Ça ne va pas, mon garçon, ça ne va pas. »
Au Royal College of Music, Holst rencontre Ralph Vaughan Williams. Ils deviennent amis pour la vie, partageant une fascination pour la chanson folklorique. Les deux partent en vacances pour collecter des chansons populaires, qu’ils utilisent chacun dans leur musique. En 1949, Vaughan Williams écrira que « Holst déclarait que sa musique était influencée par celle de son ami : l’inverse est certainement vrai. »
On doute que le sesquicentenaire(*) de Holst, en dehors de sa terre natale, contribue à enrichir la connaissance de son oeuvre par les publics continentaux. Suivons donc le guide Mark Pullinger qui recommande les 10 oeuvres à connaître de Gustav Holst :
2. Egdon Heath (1927) est sans doute la pièce symphonique la plus achevée et la plus « moderne » de son auteur, celle dont en tout cas il était le plus fier, après le « fardeau » que représentait le succès planétaire des Planètes
3. Beni Mora (1912) est une pièce pour grand orchestre – qui précède donc Les Planètes – tout à fait étonnante; Holst l’écrit après un voyage en Algérie en 1908, où il a recueilli nombre de rythmes et de mélodies dans les rues d’Alger. Il en tire une musique qui évite l’orientalisme facile et qui, notamment dans le 3e mouvement, annonce le mouvement minimaliste par la répétition 163 fois d’un motif de huit notes joué à la flûte.
4. St.Paul’s suite (1913)
Charmante pièce pour cordes, composée pour l’orchestre d’étudiants de la St.Paul’s Girl School de Londres, elle fait le bonheur des orchestres de chambre.
Un compositeur anglais qui n’écrit pas pour le choeur, ça n’existe pas. Non seulement Gustav Holst n’a pas échappé à la règle, mais c’est avec cette grande oeuvre de 1920 The Hymn of Jesus qu’il a connu son plus grand succès public (en dehors des Planètes).
Dans le même registre, on peut citer une autre fresque chorale The Cloud Messenger
7. Savitri (1908) est un opéra de chambre qui reflète la passion nourrie par le compositeur pour l’hindouisme, le sanskrit (qu’il apprend) et les légendes indiennes.
Mais toute l’oeuvre de Holst, qui est relativement peu abondante en regard de ses contemporains, mérite une écoute attentive. C’est une figure profondément originale dans un univers largement dominé par Elgar.
Une semaine après le second tour de l’élection présidentielle, je ne change pas une ligne à ce que j’écrivais ici : Gagnants et perdants. Le feuilleton Mélenchon continue, à l’heure où j’écris ces lignes, après les écolos, ce qu’il reste du parti socialiste et du parti communiste semble tout près d’une complète reddition. Quelques sièges de députés valent bien le reniement de quelques principes.
Reine de la nuit
Je l’aimais bien, Régine, disparue ce 1er mai. J’ai un vague souvenir du New Jimmy’s, sa boîte mythique, à la fin des années 70.
La morte oubliée
J’avais consacré, il y a plus de deux ans, un billet à une artiste est-allemande dont la notoriété n’a jamais franchi le rideau de fer, bien à tort : Le piano venu de l’Est, Annerose Schmidt.
Personne n’a relevé le décès, le 10 mars dernier, d’Annerose Schmidt, de son vrai Annerose Boeck. Il nous reste heureusement, sur les sites de téléchargement, et sous le label Berlin Classics, une belle documentation discographique de l’art de cette pianiste, notamment une intégrale des concertos de Mozart, que je chéris particulièrement.
Contrairement à ce qui est mentionné sur le bandeau inférieur, ce n’est pas le 21ème mais le 22ème concerto de Mozart qui est à entendre ici.
Kurt Masur, un héritage
Cette intégrale mozartienne avec Annerose Schmidt révèle un aspect peu connu de la carrière et de l’art du chef allemand Kurt Masur (1927-2015), qu’on ne retrouve pas dans l’intégrale que Warner publie de ses enregistrements réalisés pour Teldec et EMI, pour l’essentiel avec l’orchestre du Gewandhaus de Leipzig, dont Masur fut le directeur musical de 1970 à 1996 – fameux bail ! -, et dans une mesure plus limitée avec le New York Philharmonic et le London Philharmonic qu’il dirigea après Leipzig.
Parmi les rééditions notables, une intégrale un peu oubliée, à tort, des poèmes symphoniques de Liszt.
Cécile Ousset introuvable
Dans ce coffret Masur, et dans d’autres, on trouve une pianiste, française, Cécile Ousset, contemporaine d’Annerose Schmidt, que j’avais rencontrée il y a quelques années (Frontières), à qui Warner consacre également une belle boîte :
Je suis pour le moins perplexe, après avoir écouté les enregistrements que je ne connaissais pas (Debussy, Chopin, Rachmaninov). Du piano solide, au fond du clavier, mais qui me semble bien court d’inspiration et de feu.
Continuant d’explorer ma discothèque « boultienne » j’ai retrouvé une série extraordinaire des premiers enregistrements stéréo du chef anglais, republiés par le label First Hand, et en particulier une intégrale vraiment exceptionnelle des symphonies de Schumann :
Si on commence par la 3ème symphonie, dite Rhénane, où la plupart des grandes baguettes fait dans le majestueux, voire le contemplatif, le parti pris d’Adrian Boult est sidérant : quelle allégresse dans le premier mouvement, quelle poésie romantique, allégée de tout empois, dans les mouvements intermédiaires !
La version de Carl Schuricht à Stuttgart le cède de peu à Boult, mais la comparaison avec leurs contemporains, au hasard Klemperer, Karajan, Kubelik, n’est pas à l’avantage de ces derniers.
Dans la Première symphonie, Adrian Boult dirige… ce qu’indique la partition, ne « monumentalise » jamais son propos. Ainsi le troisième mouvement est-il vraiment « molto vivace » :
Comment ne pas admirer la transition entre 3ème et 4ème mouvement de la Quatrième symphonie, où Adrian Boult crée un suspense presque étouffant, sans pourtant sembler solliciter exagérément ni la partition ni son orchestre ?
Un mot des ouvertures de Berlioz qui figurent sur ce triple album. On sait de longue date les affinités des chefs britanniques avec Berlioz (Beecham, Colin Davis, Gardiner…). Ce qu’en fait Adrian Boult ne manque pas d’intérêt, même si la modération des temps peut parfois surprendre. Curieusement Boult semble à distance de la fougue et de l’impétuosité qu’on associe d’ordinaire au compositeur natif de La Côte Saint-André.
J’avais déjà consacré un demi-billet (Plans B) au chef britannique Adrian Boult (1889-1983) qui est resté dans l’histoire pour avoir créé et souvent dirigé plusieurs oeuvres de son compatriote Edward Elgar.
Et comme les clichés ont la vie dure, chef anglais ==> musique anglaise !
Boult et Brahms
C’est évidemment un cliché auquel j’ai échappé depuis longtemps, par exemple en découvrant une version extraordinairement lumineuse, allante, de la Rhapsodie pour contralto et choeur d’hommes de Brahms, qu’on entend beaucoup trop souvent sous d’autres baguettes comme un extrait de requiem !
Je me suis ensuite intéressé au corpus symphonique de Brahms, dont j’avais dû lire ici ou là que Boult était un interprète éclairé.
En écoutant et réécoutant les Brahms d’Adrian Boult, je me demande si on ne tient pas là l’une des plus parfaites visions de ces symphonies.
Peu ont réussi comme lui la si problématique 3ème symphonie : Boult ne fait ni dans la grandiloquence, ni dans le germanisme brumeux, il éclaire les lignes, le balancement schubertien du deuxième mouvement, la nostalgie viennoise du troisième, et l’intense poésie des premier et quatrième mouvements qui se répondent en miroir.
Boult et Beethoven
Mais c’est sans doute chez Beethoven qu’on attend le moins Adrian Boult. Et pourtant l’Anglais a été à bonne école, c’est le cas de le dire, puisque formé à Leipzig par Arthur Nikisch.
Dans le coffret De Bach à Wagner (voir plus haut), il y a une superbe Pastorale (que Warner a rééditée en numérique)
Une Pastorale qui musarde, chante à l’infini, éveille en nous des « sentiments joyeux »
C’est un peu compliqué de trouver les enregistrements beethovéniens de Boult en CD, sur YouTube on trouve un peu tout et n’importe quoi (en qualité de restitution) mais on ne se lasse jamais de l’art de cet immense chef.
Reprenons le fil après l’interruption involontaire survenue il y a une semaine (Une expérience singulière) non sans avoir exprimé ma gratitude aux amis et lecteurs de ce blog pour leurs messages de soutien et de réconfort.
J’avais donc reçu un coffret de 36 CD, commandé il y a plusieurs semaines :
Decca a entrepris, semble-t-il, de rééditer, au fil des ans, le legs discographique considérable du chef anglais d’origine hongroise, Georg Solti (né le 21 octobre 1912 à Budapest et mort le 5 décembre 1997 à Antibes). En 2017, un énorme pavé de 108 CD reprenait tous les enregistrements réalisés à Chicago (lire : Solti à Chicago). Normal après tout, puisque Solti a été le patron du Chicago Symphony durant 22 ans, de 1969 à 1991, et directeur musical honoraire jusqu’à sa mort.
Ce nouveau coffret « londonien » couvre une première période de 1949 au début des années 70 – avec le London Symphony, le London Philharmonic et l’orchestre de l’opéra royal de Covent Garden – puis plus tardivement dans les années 90 essentiellement avec le LPO.
Ce coffret est un bon résumé de ce qu’on a aimé… et moins aimé chez ce grand chef.
Les gravures londoniennes des oeuvres qu’il a enregistrées plusieurs fois ou avec plusieurs orchestres sont toujours préférables – c’est vrai pour Bartok et Mahler. L’énergie débordante, la précision rythmique, qui sont la marque du jeune Solti y sont flagrantes, y compris dans des répertoires inattendus : la Gaîté parisienne de Rosenthal d’après Offenbach, gravée en 1958 avec l’orchestre de Covent Garden, est menée à un rythme d’enfer.
Plus les années passent, plus Solti succombe à une sorte de perfection marmoréenne, glacée comme dans les symphonies londoniennes de Haydn, gravée dans les années 80 (quelle lourdeur dans les menuets !). il n’est que de comparer les mêmes symphonies enregistrées avec le même orchestre (le London Philharmonic) avec Eugen Jochum ! Chez Jochum, tout vit, tout pétille… avec Solti on passe complètement à côté de l’esprit même du compositeur.
Les Anglais, Elgar, Walton, réussissent particulièrement à Solti. On se demande ce qu’il aurait fait des symphonies de Vaughan Williams par exemple.
Mozart: Symphony No. 25 in G minor, K183
London Symphony Orchestra
Sir Georg Solti
Mozart: Symphony No. 38 in D major, K504 ‘Prague’
London Symphony Orchestra
Sir Georg Solti
Mozart: Piano Concerto No. 20 in D minor, K466
Sir Georg Solti (piano/conductor)
Chamber Orchestra of Europe
Mozart: Piano Concerto No. 24 in C minor, K491
Alicia de Larrocha (piano)
Chamber Orchestra of Europe
Mozart: Piano Concerto No. 25 in C major, K503
Alicia de Larrocha (piano)
London Philharmonic Orchestra
Mozart: Piano Concerto No. 26 in D major, K537 ‘Coronation’
Alicia de Larrocha (piano)
Chamber Orchestra of Europe
Mozart: Piano Concerto No. 27 in B flat major, K595
Alicia de Larrocha (piano)
London Philharmonic Orchestra
Mozart: Concerto for 2 Pianos and Orchestra No. 10 in E flat, K365
Daniel Barenboim (piano), Sir Georg Solti (piano/conductor)
English Chamber Orchestra
Mozart: Concerto for Three Pianos & Orchestra, K242
András Schiff (piano), Daniel Barenboim (piano), Sir Georg Solti (piano/conductor)
English Chamber Orchestra
Haydn: Symphonies Nos. 93 – 104 (the London Symphonies)
London Philharmonic Orchestra
Beethoven: Symphony No. 4 in B flat major, Op. 60
London Philharmonic Orchestra
Beethoven: Violin Concerto in D major, Op. 61
Mischa Elman (violin)
London Philharmonic Orchestra
Mendelssohn: Symphony No. 3 in A minor, Op. 56 ‘Scottish’
London Symphony Orchestra
Mahler: Symphony No. 1 in D major ‘Titan’
London Symphony Orchestra
Mahler: Symphony No. 2 ‘Resurrection’
London Symphony Orchestra, Heather Harper, Helen Watts
Mahler: Symphony No. 3
London Symphony Orchestra, Helen Watts
Mahler: Symphony No. 9
London Symphony Orchestra
Liszt: Les Préludes, symphonic poem No. 3, S97
London Philharmonic Orchestra
Liszt: Prometheus, symphonic poem No. 5, S99
London Philharmonic Orchestra
Liszt: Festklänge, symphonic poem No. 7, S101
London Philharmonic Orchestra
Liszt: Wandererfantasie (Schubert), S366
Jorge Bolet (piano)
London Philharmonic Orchestra
Elgar: Symphony No. 1 in A flat major, Op. 55
London Philharmonic Orchestra
Elgar: Symphony No. 2 in E flat major, Op. 63
London Philharmonic Orchestra
Elgar: Violin Concerto in B minor, Op. 61
Kyung Wha Chung (violin)
London Philharmonic Orchestra
Elgar: Falstaff – Symphonic Study in C minor, Op. 68
London Philharmonic Orchestra
Elgar: In the South (Alassio), Op. 50
London Philharmonic Orchestra
Elgar: Cockaigne Overture, Op. 40 ‘In London Town’
London Philharmonic Orchestra
Elgar: Pomp and Circumstance Marches Nos. 1-5, Op. 39
Holst: The Planets, Op. 32
London Philharmonic Orchestra
Walton: Belshazzar’s Feast
London Philharmonic Orchestra
Walton: Coronation Te Deum
London Philharmonic Orchestra
Bartók: Piano Concertos Nos. 1, 2 & 3
Vladimir Ashkenazy (piano)
London Philharmonic Orchestra
Bartók: Violin Concerto No. 2, Sz 112
Kyung Wha Chung (violin)
London Philharmonic Orchestra
Bartók: Music for Strings, Percussion & Celesta, BB 114, Sz. 106
London Philharmonic Orchestra
Bartók: Music for Strings, Percussion & Celesta, BB 114, Sz. 106
London Symphony Orchestra
Bartók: Dance Suite, BB 86, Sz. 77
London Philharmonic Orchestra
Bartók: Dance Suite, BB 86, Sz. 77
London Symphony Orchestra
Bartók: Concerto for Orchestra, BB 123, Sz.116
London Symphony Orchestra
Bartók: The Miraculous Mandarin, Op. 19, Sz. 73 (suite)
London Symphony Orchestra
Bartók: Duke Bluebeard’s Castle, Sz. 48, Op. 11
London Philharmonic Orchestra, Sylvia Sass, Kolos Kovats
Kodály: Háry János Suite
London Philharmonic Orchestra
Kodály: Psalmus hungaricus, Op. 13
London Philharmonic Orchestra
Kodály: Dances of Galanta
Kodály: Variations on a Hungarian Folksong ‘The Peacock’
London Philharmonic Orchestra
Rachmaninov: Piano Concerto No. 2 in C minor, Op. 18
Julius Katchen (piano)
London Symphony Orchestra
Stravinsky: Oedipus Rex
London Philharmonic Orchestra
Gounod: Faust – Ballet Music
Royal Opera House Covent Garden
Offenbach/Rosenthal: Gaîté Parisienne
Royal Opera House Covent Garden
Rossini: L’Italiana in Algeri Overture
London Philharmonic Orchestra
Rossini: Il barbiere di Siviglia Overture
London Philharmonic Orchestra
Verdi: La forza del destino Overture
London Philharmonic Orchestra
Suppe: Leichte Kavallerie Overture
London Philharmonic Orchestra
Suppe: Dichter und Bauer Overture
London Philharmonic Orchestra
Suppe: Ein Morgen, ein Mittag, ein Abend in Wien Overture
London Philharmonic Orchestra
Suppe: Pique Dame Overture
London Philharmonic Orchestra
Verdi: La forza del destino Overture
Verdi: La traviata: Prelude to Act 1
Offenbach: Barcarolle (from Les Contes d’Hoffmann )
Royal Opera House Covent Garden
Verdi: La traviata: Prelude to Act 3
Rossini: Semiramide Overture
Royal Opera House Covent Garden
Ponchielli: Dance of the Hours (from La Gioconda)
Royal Opera House Covent Garden
Rossini: L’Italiana in Algeri Overture
Royal Opera House Covent Garden
Glinka: Ruslan & Lyudmila Overture
London Symphony Orchestra
Mussorgsky: Khovanshchina – Introduction
London Symphony Orchestra
Mussorgsky: A Night on the Bare Mountain
London Symphony Orchestra
Borodin: Prince Igor Overture
London Symphony Orchestra
Borodin: Prince Igor: Polovtsian Dances
London Symphony Orchestra
On garde pour la fin ce que je considère depuis toujours comme ma version de chevet du Deuxième concerto de Rachmaninov. Julius Katchen et Solti c’est une assurance anti-guimauve et la garantie d’une virtuosité assumée.
Je viens de sortir de l’hôpital où j’avais été admis en urgence vendredi dernier (Des Champs-Elysées à l’hôpital) Je veux porter témoignage de ce moment qui aurait pu connaître une issue moins heureuse.
Ce n’est pas la première fois que je fais l’expérience de l’hôpital, même si je n’en suis pas un hôte fréquent. Les deux ou trois interventions que j’y ai subies dans le passé avaient été programmées, préparées.
C’est une autre affaire que d’être envoyé en urgence dans l’hôpital le plus proche de mon domicile une veille de week-end, sans l’avoir évidemment ni prévu ni voulu.
Récit.
L’alerte
J’ai commencé par nier l’évidence. Ces douleurs thoraciques dès mardi soir, puis répétées à intervalles irréguliers, sans rapport apparent avec un effort physique, je savais, depuis la mort brutale de mon père il y a bientôt cinquante ans et d’autres membres de ma famille et d’amis, que c’était le signe d’un risque, d’un risque fatal. Mais j’ai nié, je suis allé deux soirs de suite à l’opéra et au concert. Lorsque la douleur est revenue vendredi après-midi après une réunion écourtée en visio-conférence, je me suis résolu à faire le geste qui sauve : appeler le 15.
Une voix de femme, calme, posée, précise qui me répond quasiment dans l’instant : elle prend note, m’interroge, me fait attendre quelques secondes et m’annonce que les pompiers et le SAMU vont me rejoindre chez moi. J’éprouve de la gêne, déranger tout ce monde pour ce qui n’est peut-être pas grand chose. Mais si on me les envoie, c’est peut-être sérieux. Arrivent d’abord trois jeunes pompiers de la caserne de L’Isle Adam. Ils suivent un protocole précis, mais ils ne sont pas médecins et doivent attendre le SMUR qui n’arrivera qu’après de longues minutes. Ils m’interrogent, et soudain je craque – l’espace de quelques secondes remontent à la surface de ma mémoire les souvenirs tragiques de ces brutales disparitions familiales- Vais-je à mon tour y passer? Je n’ai pourtant pas le sentiment d’une fin imminente. L’équipe du SMUR – 3 personnes – procède à un électrocardiogramme, à la prise de tension, et d’un regard vers les trois pompiers, je comprends qu’on va m’emmener. Vite réfléchir, prendre le juste nécessaire si je dois rester la nuit à l’hôpital.
Je n’ai pas le droit d’aller à pied jusqu’au camion des pompiers, le trajet dans l’ambulance bien inconfortable me paraît bien long, je connais par coeur les routes alentour. Le pompier resté auprès de moi me rassure, je suis étrangement calme, ma tension est redescendue à un niveau tout à fait normal.
Les urgences
L’arrivée aux urgences de Pontoise se fait un peu comme dans les films ou les reportages « vus à la télé ». Il y a un peu d’encombrement à l’entrée, les trois pompiers sont toujours auprès de moi, plaisantant sur les bouchons du week-end ! Si j’étais une urgence absolue, ils m’auraient conduit directement dans le service de cardiologie.
Une première infirmière – dans ce qui ressemble à un garage – prend connaissance de mon « dossier ». Les trois pompiers de L’Isle Adam prennent congé, je leur souhaite un bon week-end et les remercie pour leur empathie.
On me conduit ensuite sur une chaise roulante dans un couloir où se trouvent entre dix et quinze patients, plus ou moins atteints pour autant que je puisse en juger. Je ne sais pas combien de temps je vais attendre là, je n’éprouve ni stress ni crainte. Une autre infirmière vient assez vite m’expliquer qu’elle va me faire une prise de sang pour mesurer le taux de troponine, qui doit indiquer le degré de souffrance du muscle cardiaque. Il doit être 18 h, elle me prévient que ce type d’examens peut durer jusqu’à six heures. Au bout d’une heure et demie sur ma chaise dans le couloir, on me conduit dans un box fermé – les places sont chères –
Un médecin arrive, quinquagénaire rassurant mais direct. Les premiers résultats de la prise de sang ne sont pas bons, il prononce le mot que je redoutais : infarctus. J’appelle mes proches, je vais rester à l’hôpital ce soir. Il faut attendre les résultats complets de la mesure de la troponine. Le médecin me parle de coronarographie. Une infirmière vient me demander de me déshabiller, elle place tous mes effets dans un sac blanc qu’on place sous mon lit/brancard. J’ai un peu perdu la notion de l’heure. Je suis serein.
L’opération
On m’emmène par des couloirs qui me semblent interminables jusque dans un bloc opératoire, où je suis accueilli par trois ou quatre personnes, infirmières, chirurgiens j’imagine. Très souriants, bienveillants, sympathiques, ils m’expliquent ce qui va se passer : une coronarographie. Il y a une suspicion d’artère coronaire bouchée (pour ne pas le dire comme ça, ils parlent entre eux de 99 % !). J’apprécie qu’on ne prenne pas le patient que je suis pour un débile, et qu’on m’explique tranquillement toutes les étapes de l’intervention. On va faire passer un tuyau dans mon bras droit sous anesthésie locale, et en fonction de l’exploration de mes artères, on utilisera le même vecteur pour poser un stent.
L’un des intervenants, que je prends pour être le cardiologue/chirurgien, me demande ma profession. À l’évocation de Montpellier, il me dit avoir été timbalier de l’Orchestre français des jeunes à l’époque en résidence à Montpellier, en 1991 ou 1992, sous la direction de Marek Janowski ! Le monde est petit. Je lui demande pourquoi il n’a pas poursuivi dans cette voie, et le remercie en même temps d’être là aujourd’hui pour m’opérer !
Sans que cela soit douloureux je sens bien qu’il se passe des choses dans mon bras droit, une chaleur inhabituelle. Mais l’artère est trop petite, trop étroite pour poursuivre dans ce bras. Un coup pour rien donc, ils vont essayer de passer par le bras gauche. Cette fois ça marche. Mêmes sensations que le bras droit, je suis quand même impressionné et admiratif de la technique utilisée pour introduire ce qui va reconfigurer mon artère bouchée. L’équipe me promet de me montrer le film de l’intervention une fois celle-ci terminée.
On a beau avoir vu sujets et reportages à la télé, quoique je ne sois pas un adepte des magazines santé, c’est évidemment étrange d’être cette fois l’objet et le sujet d’une intervention qui est une pratique courante.
Un peu avant 22 h, j’envoie à mes proches un selfie de sortie de salle d’opération. On me conduit dans l’unité de soins intensifs de cardiologie, où je suis formidablement accueilli par les infirmières de nuit. Elles me demandent si j’ai dîné, m’apportent un plateau léger, je n’ai pas très faim à vrai dire. Je suis branché de partout, la porte de la chambre est grande ouverte. Plusieurs fois dans la nuit j’aurai la visite des infirmières, d’une interne qui me dit que si tout se passe bien, je devrais sortir en milieu de semaine suivante. Petite alerte au cours de la nuit, augmentation inopinée du rythme cardiaque. Normal mais à surveiller.
L’hôpital public
Les nuits et les jours qui vont suivre seront rythmés par toutes sortes d’examens répétitifs : prises de sang, électrocardiogrammes, tension artérielle. On me donnera à avaler quantité de pilules, dont on prend soin de m’expliquer la nécessité. On m’interroge quasiment toutes les heures sur la persistance de douleurs. Non je n’éprouve rien, mais il paraît que c’est fréquent de continuer à ressentir les mêmes douleurs, comme des sortes de courbatures.
Je commence à recevoir des visites de mes proches (pas plus de deux par jour, mais je pensais qu’elles ne seraient pas possibles dans une unité de soins intensifs).
Et surtout je mesure la fabuleuse disponibilité, la chaleur humaine, de toutes celles et tous ceux qui s’affairent autour de moi. Les couloirs sont parfois bruyants, samedi soir on fête un départ. Les boules Quiès seront précieuses pour ma tranquillité entre deux interventions des infirmières.
Une chose est d’entendre parler, de voir des reportages sur ces « soignants » qui sont en première ligne depuis bientôt deux ans dans la crise sanitaire. Une autre est de vivre au coeur du système, de partager la réalité de leur travail. Et d’admirer, en dépit de toutes les difficultés, de tous les problèmes, la qualité exceptionnelle de l’hôpital public en France. La revalorisation des salaires et des carrières a commencé, elle doit continuer. Même si aucune des personnes que j’ai croisées pendant ce séjour à l’hôpital n’a choisi ce métier pour le salaire !
Le rétablissement
Je vais devoir réduire mon activité ces prochaines semaines, ralentir le rythme, suivre une « rééducation » (le muscle cardiaque se « rééduque »). En profiter pour lire, écouter, voir tout ce que j’ai en retard.
Ecouter par exemple le coffret reçu la veille de mon départ inopiné à l’hôpital
L’intégrale de tous les enregistrements symphoniques réalisés à Londres entre 1949 et les années 1990, avec le London Symphony, le London Philharmonie ou l’orchestre de Covent Garden, par Georg Solti, comme ce 2ème concerto de Rachmaninov électrisant capté en 1958 avec le formidable Julius Katchen
C’est à l’hôpital que j’ai mis la dernière main à un article commencé il y a une dizaine de jours… sur une série de requiems ! Merci à Forumopera de le publier aujourd’hui : Requiems royaux.
Un coffret vraiment exceptionnel à tous points de vue !
Et puis je dois confesser que je me suis amusé comme un fou à regarder une série (sur Nexflix) qui n’a pas peu contribué à ma bonne humeur ces derniers jours : The Windsor’s. C’est le pendant parodique, formidablement irrévérencieux de The Crown.
La famille royale britannique en prend pour son grade. Personne n’est épargné, sauf la reine qu’on ne voit ni n’entend jamais. Mention spéciale pour celles qui incarnent Sarah Ferguson (Fergie) et ses filles Eugenie et Beatrice. C’est souvent too much… mais c’est pour ça qu’on aime !
Thomas Pesquet décolle aujourd’hui de Cap Canaveral pour une nouvelle mission de six mois dans la station spatiale internationale et le monde entier va rêver avec lui.
La fascination pour l’immensité de l’univers, pour les étoiles, les planètes, la vie céleste, est vieille comme le monde. Et chez les musiciens une source d’inspiration inépuisable.
Quelques exemples :
Les Pléiades
L’édition 2021 du Festival Radio France Occitanie Montpellier a placé deux journées de concerts, les 24 et 25 juillet, sous l’égide De la terre aux étoiles (voir le programme ici), et sous le ciel étoilé de Montpellier, les Percussions de l’Orchestre National de France donneront la fascinante partition de Iannis Xenakis (1922-2001), Pléiades, une oeuvre de 1978 créée par les Percussions de Strasbourg, dont le titre fait explicitement référence aux Pléiades de la mythologie et, bien entendu, à la constellation des Pléiades
Les Planètes
Le vaste poème symphonique de Gustav Holst (1874-1934) – The Planets – est l’oeuvre qui a assuré la célébrité internationale, et la postérité, du compositeur anglais, et celle qui a occulté le reste de son oeuvre.
À la suite de l’échec de The Cloud Messenger en 1913, Holst est invité en villégiature chez son ami Balfour Gardiner. La même année, son ami, le compositeur Arnold Bax et son frère Clifford les rejoignent afin d’apporter leurs lumières sur la composition et l’orchestration. Les frères Bax vont lui parler d’astrologie mais surtout lui inspirer l’idée de « personnifier » chaque planète du système solaire. D’où les 7 mouvements correspondant aux 7 planètes connues à l’époque de la composition (ainsi Pluton – découverte en 1930 et déclassifiée en 2006 – est absente du cycle de Holst, et fera l’objet d’un « ajout » de Colin Matthews en 1999 à la demande de Kent Nagano pour sa dernière saison à la tête du Hallé Orchestra)
Le premier mouvement Mars est composé juste avant le début de la Première Guerre mondiale (1914). Il s’agit, pour Holst, d’exprimer plus son sentiment d’une fin du monde, qu’une réaction face à la tragédie de la guerre. Le troisième mouvement Mercure, composé en dernier, sera achevé en 1916. Holst rangera ses partitions après les avoir terminées, croyant que personne ne pourrait monter en temps de guerre une œuvre demandant un aussi grand orchestre.
En septembre 1918, Balfour Gardiner loue le Queen’s Hall pour une représentation semi-privée. Le chef Adrian Boult n’aura que deux heures pour répéter cette pièce très complexe, ce qui fera dire plus tard à Imogen Holst, la fille du compositeur :
« Ils [les deux à trois cents amis et musiciens qui étaient venus écouter] trouvèrent les clameurs de Mars presque insupportables après quatre années d’une guerre qui se poursuivait. […] Mais c’est la fin de Neptune qui fut inoubliable, avec son chœur de voix féminines s’évanouissant au loin, jusqu’à ce que l’imagination ne pût faire la différence entre le son et le silence. »
Mars, celui qui apporte la guerre (Mars, the Bringer of War)
Vénus, celle qui apporte la paix (Venus, the Bringer of Peace)
Mercure, le messager ailé (Mercury, the Winged Messenger)
Jupiter, celui qui apporte la gaieté (Jupiter, the Bringer of Jollity)
Saturne, celui qui apporte la vieillesse (Saturn, the Bringer of Old Age)
Le premier « mouvement » Mars a inspiré nombre de groupes de rock, été utilisé abondamment au cinéma et dans la publicité, notamment John Williams pour la musique de Stars Wars
Il existe d’innombrables versions des Planètes de Holst, à commencer par celles du créateur de l’oeuvre, Adrian Boult
Tous les grands chefs du XXème siècle ont enregistré leurs Planètes, souvent pour faire une démonstration de virtuosité orchestrale… et de prise de son spectaculaire !
Quelques années avant Holst, Stravinsky conçoit, à Paris, en 1911, Le roi des étoiles (звездолики/zvezdoliki), une cantate pour grand orchestre et choeur d’hommes sur un texte du grand poète symboliste russe Constantin Balmont (dont Rachmaninov s’inspirera aussi pour ses Cloches)… d’une durée d’un peu plus de 5 minutes ! On ne s’étonnera pas que l’oeuvre soit rarement donnée, compte-tenu des effectifs qu’elle requiert. Il faudra d’ailleurs attendre 1939 pour que ce Roi des étoiles soit créé à Bruxelles sous la direction de Franz André.
L’oeuvre est dédiée à Debussy, qui ne l’entendit jamais, mais qui en reçut la partition de Stravinsky et qui en écrivit ceci : « La musique pour le Roi des étoiles reste extraordinaire… C’est probablement l’« harmonie des sphères éternelles » dont parle Platon (ne me demandez pas à quelle page !). Et je ne vois que dans Sirius ou Aldébaran une exécution possible de cette cantate pour « mondes » ! Quant à notre plus modeste planète, j’ose dire qu’elle restera telle une gaufre, à l’audition de cette œuvre.
Debussy qui écrit, en 1880, sa première mélodie, Nuit d’étoiles
Nuit d’étoiles Sous tes voiles Sous ta brise et tes parfums Triste lyre Qui soupire Je rêve aux amours défunts Je rêve aux amours défuntsLa sereine mélancolie Vient éclore au fond de mon cœur Et j’entends l’âme de ma mie Tressallir dans le bois rêveurNuit d’étoiles Sous tes voiles Sous ta brise et tes parfums Triste lyre Qui soupire Je rêve aux amours défunts Je rêve aux amours défuntsJe revois à notre fontaine Tes regards bleus comme les cieux Cette rose, c’est ton haleine Et ces étoiles sont tes yeuxNuit d’étoiles Sous tes voiles Sous ta brise et tes parfums Triste lyre Qui soupire Je rêve aux amours défunts Je rêve aux amours défunts
(Théodore de Banville)
(Van Gogh, Nuit étoilée sur le Rhône, 1888 / Musée d’Orsay)
Musique des sphères
Sur la théorie pythagoricienne de Musique des sphères ou d’Harmonie des sphères, on renvoie à l’article très documenté de Wikipedia.
C’est d’abord l’une des grandes valses de Josef Strauss (1827-1870), Sphärenklänge, composée en 1868. Ici sublimée par Carlos Kleiber et les Wiener Philharmoniker lors du concert de Nouvel an 1992.
Mais c’est aussi une oeuvre beaucoup plus énigmatique d’un compositeur complètement atypique, le Danois Ruud Langgaard (1893-1952), contemporaine des Planètes de Holst, qui requiert un effectif monstrueux – soprano, choeur et deux orchestres !
Liste à compléter évidemment…
En attendant, on souhaite bon vol et belle mission à Thomas Pesquet, dont on est impatient de retrouver les magnifiques photos qu’il nous enverra de là-haut !