Latino

De La Nouvelle-Orléans à Rio

Le duo de pianistes Ancelle-Berlinskaia avait inscrit à son programme mardi dernier (lire sur Bachtrack : Une heure exquise au musée d’Orsay) une rareté – La jota aragonese – du compositeur Louis-Moreau Gottschalk (né en 1829 à La Nouvelle Orléans, mort en 1869 à Rio de Janeiro).

La vie de Gottschalk est un roman, et si son oeuvre n’est pas impérissable, elle s’écoute avec plaisir : « Il est impossible de méconnaître une individualité très accusée dans ces compositions, où le charme de l’idée, l’élégance des harmonies se marient à des rythmes d’une allure toute particulière, d’une persistance opiniâtre ; ces langoureuses mélodies créoles, ces danses nègres d’une mesure cadencée donnaient aux compositions de Gottschalk un goût de terroir, un parfum spécial, un accent de couleur locale d’une authenticité incontestable[» (Marmontel, Les pianistes célèbres, 1878)

Quelques disques recommandables :

Une jota universelle

Sur les origines de la jota (prononcer khota !) on en apprendra beaucoup en lisant l’article de Wikipedia. Celle qui nous intéresse aujourd’hui est la jota aragonaise qui, outre Gottschalk, a inspiré un nombre assez intéressant de compositeurs du XIXe siècle : Glinka, Liszt, Saint-Saëns, Massenet.

On n’est pas très surpris que celui qu’on présente comme le père de la musique symphonique russe – Mikhaïl Glinka (1804-1857) ait été sensible à l’exotisme des espagnolades (comme le sera après lui Rimski-Korsakov avec son célèbre Capriccio espagnol). Glinka, d’un séjour de deux ans en Espagne, rapportera deux pièces d’orchestre, son Caprice brillant sur la Jota aragonese et son Souvenir d’une nuit d’été à Madrid

On sait l’amitié qui lia le grand violoniste Pablo de Sarasate au compositeur français Camille Saint-Saëns. Celui-ci, au cours d’un séjour à Madrid en 1880, compose sa propre Jota aragonese qu’il dédie à Paquita de Sarasate, la soeur de Pablo, romancière, écrivaine, dramaturge réputée.

Pour rester dans la musique française, Massenet ne sera pas avare d’emprunts à la culture espagnole. Ainsi de cette Aragonaise tirée du ballet de son opéra Le Cid.

Quant à Franz Liszt, on sait qu’il faisait son miel de toutes les inspirations possibles. Dans sa virtuosissime Rhapsodie espagnole la citation et les variations autour de la Jota aragonese sont époustouflantes surtout sous les doigts de l’un des pianistes français les plus remarquables de la jeune génération, Rodolphe Menguy (à partir de 4’56)

Du piano latino

Le chic, le charme, l’élégance c’est tout ce qu’il y a dans les pièces de piano du Cubain Ernesto Lecuona (1895-1963), que j’avais déjà évoquées il y a quelques mois à l’occasion d’une intégrale parue chez Bis

On écoute ici un compatriote de Lecuona, l’excellent Mauricio Vallina (que j’avais accueilli à Liège en 2001 lorsque Martha Argerich était venue jouer à l’Orchestre philharmonique de Liège avec son ami Armin Jordan)

Une musique qui ne pouvait que séduire le Hollywood Bowl Orchestra et son chef Carmen Dragon (lire Carmen était un homme)

Gabriela Montero fait mon admiration depuis des lustres, pour son talent de virtuose et d’improvisatrice et aussi pour son courage dans un combat qu’on a bien oublié en Europe, la résistance des Vénézuéliens à la dictature de Maduro succédant au catastrophique Chavez

Je ne connaissais pas ce Latin concerto créé à Leipzig par la pianiste elle-même et Kristjan Järvi

Carlos Guastavino (1912-2000) est sans doute le compositeur argentin le plus connu.. et le plus joué.

Du côté du Brésil, il faudrait bien plus d’un article pour évoquer la richesse musicale d’un pays-continent, mais quand on évoque le piano latino, il est impossible de faire l’impasse sur le plus grand pianiste brésilien du siècle, notre si cher Nelson Freire, et l’un de ses derniers disques

(On reconnaît ici l’un des thèmes utilisés par Darius Milhaud dans son Boeuf sur le toit!)

Et toujours humeurs et réactions sur mes brèves de blog

Ceux qu’on aime

Hector Magotte (1934-2025)

Je pense souvent à Liège, on n’oublie pas quinze ans de vie et de travail. Je me demande ce que deviennent les uns ou les autres, que j’ai de près ou de loin connus. C’était le cas récemment pour un personnage qui a beaucoup compté pour moi : il était le presque inamovible échevin de la Culture (adjoint au maire) de Liège et surtout président de l’Orchestre philharmonique de Liège, lorsque j’ai été recruté comme directeur général il y a exactement 26 ans, le 1er octobre 1999 (lire Liège à l’unanimitéHector Magotte est décédé le 26 septembre dernier à l’âge de 91 ans. Ses obsèques ont lieu aujourd’hui à Liège.

Je retrouve un article de La Libre Belgique de 2001 qui décrit bien la personne que j’ai connue, échevin de la Culture pendant 18 ans, profondément humaniste, amoureux de culture et d’histoire, un homme de bien comme il n’en existe plus guère. Il n’a jamais été remplacé, même s’il a eu des successeurs dans cette fonction.

Meurtre à Tours ?

Je connaissais Denis Raisin-Dadre évidemment de réputation – j’aurais pu le citer dans mon récent article Les défricheurs pour tout ce qu’il a fait pour nous restituer des pans entiers de répertoire de la Renaissance. Il est mort ce 29 septembre à Tours, dans des circonstances suspectes, puisque le procureur de la République a déclenché une enquête pour meurtre…

Brigitte Engerer rééditée

Il y a des rééditions aussi bienvenues qu’incompréhensibles. Je me réjouissais de voir Harmonia Mundi regrouper dans un coffret les enregistrements que la toujours si regrettée Brigitte Engerer (1952-2012) avait donnés au label français – après une très belle série pour Philips (lire Pour Brigitte).

CD1 MoussorgskLes Tableaux d’une exposition + pièces pour piano

CD2 Beethoven  Rondos, Variations sur Les Ruines d’Athènes, Lettre à Elise, Sonate 31

CD3/4 Chopin Nocturnes

CD5 Schumann Scènes d’enfantsCarnaval / Schumann-Liszt Er sit’s, Frühlingsnacht, Liebeslied / Clara SchumannGeheimes Flüstern

Beau texte d’hommage d’Alain Lompech !

On peut imaginer l’émotion que je ressens encore aujourd’hui à revoir et réécouter justement cette mélodie de Schumann transcrite par Liszt, Liebeslied, jouée par Brigitte Engerer à Liège lors de la Nuit du piano que je lui avais demandé de parrainer, et même d’organiser. 

Mais pourquoi diable si Harmonia Mundi voulait rendre à Brigitte le juste hommage qui lui est dû, pourquoi ne pas avoir intégré à ce coffret les six disques de musique de chambre qu’elle a aussi enregistrés et qui sont mentionnés dans le livret du coffret ? Question sans réponse…

PS Il faut regarder jusqu’au bout cette vidéo de la Nuit du Piano : on y voit et entend un duo unique, qui ne s’est jamais reformé depuis, entre les fabuleux Severin von Eckardstein et Benedetto Lupo, donnant une extraordinaire version de la Suite pour 2 pianos de Rachmaninov !

Les raretés de l’été (VI) : Arrau et Cherkassky à Pasadena

Hollywood, Malibu, Santa Monica, Beverly Hills… des lieux mythiques, des « quartiers » de l’immense cité des anges, Los Angeles. Mais Pasadena qui connaît ? J’ai un souvenir, à l’automne 1987, d’un trajet qui me parut très long, vers cette banlieue universitaire, où l’Orchestre de la Suisse romande et Armin Jordan devaient donner un concert à l’Auditorium de la ville.

Dans cet ensemble, la grande salle – le Civic Auditorium – fait 3000 places, la plus petite, l’Ambassador Auditorium, appelée par certains le’ « Carnegie Hall de l’Ouest » se targue d’avoir accueilli Claudio ArrauVladimir AshkenazyHoracio GutierrezAlicia de LarrochaArthur RubinsteinAndrés SegoviaYo-Yo MaJean-Pierre RampalGerhard OppitzBing CrosbySammy Davis JuniorFrank Sinatra, les Vienna Philharmonic,  Vienna Symphony,  Berlin Philharmonic avec Herbert von Karajan (qui y dirigea la 9e symphonie de Mahler en 1982 !). Tout cela appartient au passé, l’ensemble ayant été mis en vente en 2024 !

J’évoque Pasadena parce qu’un petit éditeur anglais – First Hand Records – vient de publier, à quelques semaines d’intervalle, deux précieux coffrets, disponibles – ce n’est pas négligeable – à petit prix.

Ce cher Shura

Ceux qui me suivent savent mon admiration pour ce personnage hors normes, ce pianiste inclassable, qu’était Shura Cherkassky (1909-1995). C’est dire si je me suis précipité sur les 5 CD de ce coffret :

29 APRIL 1981 CD1 [74:09] Frédéric CHOPIN (1810–1849) 1. Ballade No. 1 in G minor, Op. 23 2. Nocturne No. 2 in E flat major, Op. 9, No. 2 3. Nocturne No. 15 in F minor, Op. 55, No. 1 4–5. Andante spianato et Grande Polonaise brillante in E flat major, Op. 22 Interval 6. Fantaisie in F minor, Op. 49 7. Impromptu No. 2 in F sharp major, Op. 36 8. Fantaisie-impromptu in C sharp minor, Op. 66 9. Scherzo No. 2 in B flat minor, Op. 31 Encores: 10. Nocturne No. 3 in B major, Op. 9, No. 3 11. Waltz No. 5 in A flat major, Op. 42, ‘Grande valse’

13 JANUARY 1982 CD2 [71:06] Jean-Baptiste LULLY (1632–1687) 1–5. Suite de Pièces Felix MENDELSSOHN (1809–1847) 6. Scherzo a Capriccio in F sharp minor, Op. 5 Pyotr Il’yich TCHAIKOVSKY (1840–1893) 7–10. Grand Sonata in G major, Op. 37 Interval Frédéric CHOPIN 11. Polonaise No. 7 in A flat major, Op. 61, ‘Polonaise-fantaisie’ 12. Ballade No. 4 in F minor, Op. 52

CD3 [72:19] Józef (Josef) HOFMANN (1876–1957) Charakterskizzen, Op. 40 (1908) 1. No. 4. Kaleidoskop Franz LISZT (1811–1886) 2. Réminiscences de Don Juan, S418 (1841) Encores: Shura CHERKASSKY (1909–1995) 3. Prélude pathétique (1922) Frédéric CHOPIN 4. Waltz No. 5 in A flat major, Op. 42, ‘Grande valse’ (1840) Recorded 18 NOVEMBER 1987 César FRANCK (1822–1890) 5–7. Prélude, Choral et Fugue, M. 21 (1884) Robert SCHUMANN (1810–1856) 8–28. Carnaval, Op. 9 (1834–35)

CD4 [53:26] Sergey RACHMANINOV (1873–1943) 1. Variations on a Theme of Corelli, Op. 42 (1931) Józef (Josef) HOFMANN Charakterskizzen, Op. 40 (1908) 2. No. 4. Kaleidoskop Frédéric CHOPIN 3. Nocturne No. 15 in F minor, Op. 55, No. 1 (1844) 4. Barcarolle in F sharp major, Op. 60 (1846) Franz LISZT 5. Valse de l’opéra Faust de Gounod, S407/R166 (1861) Encores: Isaac ALBÉNIZ (1860–1909) España, Op. 165 (1890) 6. II. Tango (arr. 1921 Leopold GODOWSKY (1870–1938)) RACHMANINOV 7. Polka de W.R. (arr. of Lachtäubchen, Scherzpolka, Op. 303 by Franz BEHR, 1837–1898) Pyotr Il’yich TCHAIKOVSKY The Seasons, Op. 37a (1876) 8. No. 10. October: Autumn Song Recorded 2 NOVEMBER 1989

CD5 [46:05] George Frideric HANDEL (1685–1759) 1. Keyboard Suite No. 5 in E Major, HWV 430 (1720): IV. Air and Variations, ‘The Harmonious Blacksmith’ Robert SCHUMANN Fantasy in C major, Op. 17 (1838) 2. III. Langsam getragen. Durchweg leise zu halten Interval Pyotr Il’yich TCHAIKOVSKY 6 Morceaux, Op. 19 (1873) 3. VI. Thème original et variations Sergey RACHMANINOV 7 Morceaux de salon, Op. 10 (1894) 4. III. Barcarolle in G minor Franz LISZT 5. Hungarian Rhapsody No. 2 in C sharp minor, S244/R106 (1847) Encores: Isaac ALBÉNIZ España, Op. 165 (1890) 6. II. Tango (arr. 1921 Leopold GODOWSKY (1870–1938))

On y entend, dans un son magnifiquement restitué, tout ce qui faisait l’art de ce pianiste : la variété du répertoire, l’originalité de l’approche, et le chic absolu de tous ses « bis », échos d’une époque définitivement révolue…

L’éditeur n’en est pas à son coup d’essai avec Shura Cherkassky, puisqu’il avait réédité ce double CD des enregistrements du pianiste pour His Master’s Voice

Claudio Arrau « live »

La plus récente parution au coeur de l’été est une formidable occasion d’entendre ce que donnait le grand pianiste chilien Claudio Arrau (1903-1991) en concert dans ses dernières années. Une fois de plus le « live » avec ses imperfections me paraît tellement plus éloquent que les disques de studio.

February 1977 CD1 [51:12] Ludwig van BEETHOVEN (1770–1827) 1–3. Piano Sonata No. 30 in E major, Op. 109 Franz LISZT (1811–1886) 4–7. Sonata in B minor, S178

CD2 [57:24] Johannes BRAHMS (1833–1897) 1–5. Piano Sonata No. 3 in F minor, Op. 5 10 February 1981 Ludwig van BEETHOVEN Piano Sonata No. 13 in E flat major, Op. 27, No. 1, ‘Quasi una fantasia’

CD3 [63:58] Robert SCHUMANN (1810–1856) 1–18. Symphonic Etudes, Op. 13 interval Claude DEBUSSY (1862–1918) 19–21. Estampes Frédéric CHOPIN (1810–1849) 22. Fantaisie in F minor, Op. 49

CD4 [71:31] Franz LISZT Années de pèlerinage, deuxième année – Italie, S161 1. Après une lecture du Dante, ‘Fantasia quasi Sonata’ 18 February 1986 Ludwig van BEETHOVEN 2–5. Piano Sonata No. 7 in D major, Op. 10, No. 3 6–8. Piano Sonata No. 23 in F minor, Op. 57, ‘Appassionata’

CD5 [45:20] 1–3. Piano Sonata No. 26 in E flat major, Op. 81a, ‘Les Adieux’ 4–6. Piano Sonata No. 21 in C major, Op. 53, ‘Waldstein’

Indispensable !

Humeurs et réactions sur mes brèves de blog

Deux fois Lalo

Lalo Schifrin (1932-2025)

Comme tout le monde, j’ai découvert Lalo Schifrin grâce au générique d’un feuilleton dont je n’aurais pas voulu rater un épisode :

Comme tous les grands compositeurs de musiques de film ou de séries, Lalo Schifrin, a eu une formation tout ce qu’il y a de plus classique (rappelons ici qu’à ses débuts Maurice Jarre était un compositeur plus radical encore que son contemporain Pierre Boulez !). C’est assez sympathique de découvrir qu’en 1952, Lalo Schifrin, au consulat de France à Buenos Aires, passe le concours d’entrée au Conservatoire de Paris. Il étudiera auprès d’Olivier Messiaen (qu’il écoutera régulièrement à la tribune de l’orgue de la Trinité) et fréquentera les clubs de jazz.

Il faut écouter les hommages que France Musique a rendus au compositeur, avec Max Dozolme par exemple

Lalo par Beecham

J’ai, à plusieurs reprises, raconté ma découverte de l’unique symphonie en sol mineur d’Edouard Lalo (Lalo ou l’éternel second) grâce à un disque de Thomas Beecham et de l’Orchestre national à l’époque de la RTF ! C’est d’ailleurs avec le même disque que j’avais découvert la symphonie de Bizet (lire Le jeune homme et l’orchestre).

Warner vient de rééditer l’ensemble des enregistrements stéréo du chef britannique après un « remastering » très réussi, réalisé par Art et Son à Annecy (*)

Ne me demandez pas pourquoi mon admiration pour Thomas Beecham (1879-1961) n’a jamais baissé, et qu’au contraire, plus je l’écoute, plus j’aime son art si singulier fait d’une élégance rare, d’une justesse stylistique absolue en particulier dans la musique française dont il est l »un des serviteurs les plus exceptionnels. C’est tout de même celui qui nous a laissé la version de référence de Carmen de Bizet (malgré toutes les difficultés qu’a connues cet enregistrement : lire L’impossible Carmen). Tout est à entendre, à aimer dans ce coffret, à part peut-être des Haendel un peu surannés, mais les rares Beethoven et Mozart, les « Londoniennes » de Haydn, les trois symphonies de Schubert d’une grâce inouïe (exception faite du scherzo inexplicablement lent de la 3e symphonie) sans parler des Delius juste parfaits..

Ce qui frappe aussi chez Beecham – c’est bien la caractéristique des plus grands ! – c’est la capacité de saisir l’architecture d’une oeuvre, les rapports de tempo entre les mouvements, la manière unique qu’il a de faire vivre la musique de l’intérieur. Un très bel exemple nous en est fourni par la 5e symphonie de Schubert : Beecham prend son temps dans l’énoncé du 1er mouvement, y crée une atmosphère pastorale, qui n’est pas pour autant placide et molle.

Que dire de l’excitation, de l’exaltation qui nous saisit à l’écoute de la 7e symphonie de Beethoven, le vivace du 1er mouvement est pure folie ! Et quel sens des transitions !

On voudrait aussi citer un Peer Gynt de Grieg d’anthologie :

Contenu du coffret Warner (enregistrements stéréo de 1955 à 1959)

Sibelius: The Oceanides, Op. 73

Sibelius: Symphony No. 7 in C major, Op. 105

Sibelius: Pelléas and Mélisande

Schubert: Symphony No. 6 in C major, D589

Grieg: In Autumn, Op. 11

Grieg: Old Norwegian Romance with Variations, Op. 51

Balakirev: Symphony No. 1 in C major

Borodin: Prince Igor: Polovtsian Dances

Handel: Samson

Brahms: Schicksalslied, Op. 54

Brahms: Academic Festival Overture, Op. 80

Liszt: Psalm XIII 3 “Herr, wie lange willst du » lange willst du”

Mozart: Symphony No. 41 in C major, K551 ‘Jupiter’

Mozart: Divertimento No. 2

Mozart: Die Entführung aus dem Serail

Beethoven: Symphony No. 2

Beethoven: Incidental music to The Ruins of Athens

Bizet: L’Arlésienne Suites 1 & 2

Sibelius: Tapiola

Fauré: Pavane

Delius: Summer Evening

Delius: Irmelin Prelude

Dvořák: Legend in B flat major, B. 117

Grieg: Symphonic Dance, Op. 64 No. 2

Delius: Brigg Fair

Delius: A Song Before Sunrise

Delius: Marche Caprice

Delius: Pieces (2) for Small Orchestra

Delius: Sleigh Ride

Delius: Intermezzo

Delius: Florida Suite

Delius: Dance Rhapsody No. 2

Delius: Over the hills and far away

Delius: Songs of Sunset (John Cameron, Maureen Forrester)

Grieg: Peer Gynt

Haydn: The Seasons

Handel: Love in Bath (suite on Handel arias by Sir Thomas Beecham)

Rimsky Korsakov: Scheherazade

Lollipops

Fauré: Dolly Suite

Bizet: Carmen Suite No. 1

Franck: Symphony in D minor

Liszt: A Faust Symphony

Liszt: Orpheus, symphonic poem No. 4

Strauss, R: Ein Heldenleben

Beethoven: Mass in C major

Handel: The Gods go A’Begging (Ballet Suite)

Handel: Amaryllis Suite arr. By Beecham

Handel: Arrival of the Queen of Sheba (from Solomon)

Mozart: Die Entführung aus dem Serail, ouv.

Rossini: Semiramide our.

Haydn: Symphony No. 99

Haydn: Symphony No. 100

Haydn: Symphony No. 103

Haydn: Symphony No. 101

Haydn: Symphony No. 102

Haydn: Symphony No. 104

Schubert: Symphony No. 3

Schubert: Symphony No. 5

Mozart: Bassoon Concerto (Gwydion Brooke)

Mozart: Clarinet Concerto (Jack Brymer)

Bizet: Carmen

Beethoven: Symphony No. 7

Brahms: Symphony No. 2

Rossini: La gazza ladra Overture

Rossini: La cambiale di matrimonio Overture

Mendelssohn: A Midsummer Night’s Dream Overture, Op. 21

Mendelssohn: The Fair Melusine

Delibes: Le roi s’amuse

Berlioz : Symphonie fantastique

Bizet : Symphonie

Lalo : Symphonie

*Apparemment, la remasterisation n’a pas permis d’effacer un téléphone intempestif qu’on entend très nettement (au casque) sonner dans le 2e mouvement « Un bal » de la Symphonie fantastique de Berlioz (à 0’56 du début du mouvement) !)

Et toujours les bonnes ou moins bonnes nouvelles des jours sur mes brèves de blog

Comment naît-on à la musique ?

Sur ce blog j’ai consacré toute une série d’articles à ma/mes découverte(s) de la musique (La découverte de la musique de I à XVI), aux concerts, aux rencontres, aux disques qui m’ont fait aimer la musique et les musiciens.

Mais la vraie question, qu’on me pose d’ailleurs fréquemment – à moi qui serais devenu (sourire) quelqu’un d’important dans la musique classique (re-sourire !) – est : comment suis-je venu à la musique ? comment et pourquoi ma mémoire a-t-elle emmagasiné autant de sons, autant de notes ?

Naissance à la musique

Dans un article consacré aux chefs d’orchestre (Pères et fils) mais que j’aurais pu étendre aux musiciens en général, je relevais une évidence : quand on naît dans une famille de musiciens, on a mécaniquement plus de chances de développer une appétence pour la musique. Dans la chanson, la musique classique, plus rarement à l’opéra, on connaît des générations de musiciens. Mais il y a quantité de contre-exemples, où le milieu social ou familial n’a eu aucune influence sur le développement du goût voire de la pratique de la musique. On se rappelle cette séquence de l’émission « La France a un incroyable talent » où un adolescent de 15 ans, hébergé dans un foyer, avait surpris et ému tout le jury en répondant d’abord que ses idoles étaient Liszt et Beethoven et en jouant le finale de la sonate « au clair de lune » de Beethoven : Rayane Hechmi.

Je ne sais pas si ce garçon qui s’est depuis inscrit au Conservatoire Paul Dukas à Paris fera ou non une carrière de pianiste concertiste. Mais pour lui et sans doute pour beaucoup de ceux qui l’ont regardé à la télévision ou écouté dans les gares où il jouait, la musique est devenue indispensable, vitale.

Education et intérêt pour la musique

Je suis en revanche beaucoup plus circonspect quant à la relation éducation à la musique => goût pour la musique. Je ne sais pas moi-même si mon goût puis ma passion pour la musique ont pour origine mes années au Conservatoire de Poitiers (solfège, piano, trois ans de violon, ensemble vocal), alors que mes deux soeurs, elles aussi inscrites dans le même établissement, ont choisi d’autres voies, même si elles sont comme on dit « sensibles » à la musique.

Parenthèse, j’ai été ému de retrouver dans les archives numérisées de l’INA les deux émissions de France Musique « Les jeunes Français sont musiciens » qui avaient été enregistrées fin mars et diffusées en avril 1973 à Poitiers. J’aimerais bien récupérer une copie…

Au fil des années et de mes responsabilités dans le domaine musical, je suis allé de surprise en déception en constatant chez nombre de professionnels, en particulier les musiciens d’orchestre, un manque de culture musicale, une absence d’intérêt pour la substance même de leur métier. Comment peut-on étudier dur pendant des années, passer des concours très difficiles pour accéder à des postes de titulaires, et rester indifférent, voire ignorant, aux répertoires joués, à la vie musicale, aux artistes invités ? Il y a heureusement beaucoup d’exceptions, mais c’est resté pour moi une énigme.

Je me rappelle aussi avoir dû, tout au long de ma vie professionnelle, rechercher, recruter des collaborateurs, pour travailler, qui dans une chaîne de radio musicale, qui dans un orchestre, qui dans un festival ou la direction de la Musique de la radio… Quand je posais comme pré-requis au moins une connaissance certaine de la musique classique, je voyais parfois/souvent poindre l’étonnement chez les DRH et lorsque nous en arrivions à l’entretien avec des candidats pré-sélectionnés d’après leur CV, nous n’étions pas toujours au bout de nos surprises… J’ai en revanche un souvenir encore très vivace de l’expérience que j’avais proposée à la direction de la chaîne culturelle de la Radio Suisse romande – Espace 2 – en 1991, pour faire face à la pénurie de producteurs/animateurs : un recrutement complètement ouvert ! En deux temps : après inscription, les candidats étaient soumis à une épreuve écrite destinée à cerner leurs connaissances musicales et leurs goûts. Des questions à choix multiples, presque conçus comme des jeux. Puis, à partir de ces réponses, des entretiens individuels. Il en résulta l’engagement de six producteurs. Quatre d’entre eux ont depuis lors été des voix reconnues et admirées de la radio suisse, jusqu’à leur retraite récente, comme l’ami Charles Sigel, l’une des meilleures plumes de Forumopera.

Encyclopédisme et gourmandise

J’ai longtemps fait un complexe – que certains appellent le syndrome de l’imposteur – du fait que, dans les fonctions qui m’ont été successivement confiées, je ne me sentais pas à ma place, parce que je n’avais pas le savoir musicologique, les diplômes, voire le « niveau » a priori requis pour la fonction, ou parce que je côtoyais des personnages infiniment plus cultivés et/ou expérimentés que moi. Je me rappellerai jusqu’à mon dernier souffle mon premier contact avec l’Orchestre de la Suisse romande, dont j’allais être le producteur à la Radio suisse romande, de 1986 à 1993. Totalement inconnu dans le milieu musical genevois, je succédais à quelqu’un qui était lui-même musicien, sorti d’un conservatoire romand, organisateur de concerts, etc. Je n’étais rien de tout cela (et c’est peut-être pour cela qu’on m’avait choisi comme « outsider »). Je jouai la franchise, en leur disant que j’allais apprendre à leurs côtés et que je m’efforcerais de les servir de mon mieux. J’ai la faiblesse de penser qu’ils n’ont pas gardé un trop mauvais souvenir de mon passage à la RSR…

J’ai beaucoup d’admiration pour les musicologues, les spécialistes qui savent faire partager non seulement leur science mais surtout leur passion, leur gourmandise. Ce sont en général d’excellents pédagogues, des « transmetteurs » recherchés (je me rappelle deux rencontres avec le célèbre musicologue américain H.C. Robbins Landon, dont les travaux sur Haydn et Mozart ont fait date. C’était l’incarnation de l’honnête homme du XVIIIe siècle, infatigable narrateur et pourvoyeur d’histoires, petites et grandes, et surtout bon vivant). J’ai plus de réticences – euphémisme – à l’égard de professeurs – je ne citerai pas de noms – qui sont de bien piètres communicants.

Aujourd’hui heureusement, on est sorti de ces vieux clivages. Nos Conservatoires produisent non seulement d’excellents musiciens, qui pourront être d’excellents enseignants, mais aussi de formidables médiateurs – puisque c’est le terme usité -, je les nommerais plutôt « passeurs ». Pendant quelques années, nous avions noué, avec le Festival Radio France et le Conservatoire supérieur de Lyon, des contrats permettant à quelques étudiants du CNSMDL de participer au festival notamment pour y animer des séances avec le public – présentation d’oeuvres, d’artistes, entretiens, etc. – J’allais moi-même à Lyon animer des échanges avec ces étudiants, pour les inciter à se former, se perfectionner à cet exercice indispensable. Ils sont plusieurs à avoir poursuivi dans cette voie avec succès, le plus connu d’entre eux étant Max Dozolme qui officie sur France Musique.

Enfin, pour grandir dans l’amour de la musique, il y a la critique, les critiques – cf. les articles que j’ai consacrés au sujet -, ceux qui, sans être nécessairement ni spécialistes ni musicologues, ont le don de donner envie, de donner à aimer.

Je l’ai cité une seule fois il y a longtemps (Les arbitres des élégances). J’ai repris ces jours derniers un ouvrage qu’on déguste comme un merveilleux livre de souvenirs : Jacques Lonchampt

Une mine d’or !

Et dans mes brèves de blog à découvrir quelques pépites (Argerich, Barenboim, Maria Tipo, etc.)

Musiques papales

Depuis lundi et l’annonce de la mort du pape François (voir 21.04.2025), on décortique tout de sa personnalité, ses goûts, ses pratiques culturelles. On savait son prédécesseur Benoît XVI fin mélomane et jouant lui-même du piano et frère de Georg Ratzinger, longtemps chef des Petits Chanteurs de Ratisbonne (Regensburger Domspatzen). Un article du journal canadien Le Devoir nous éclaire sur les goûts musicaux du défunt pape : Un souverain pontife amoureux de la musique classique.

Quant aux musiques associées au Vatican – dont je suis loin d’être un spécialiste – on est loin, en termes de notoriété, de Venise, Londres, Vienne ou même Paris. Je ne suis pas sûr que spontanément on arrive à citer les compositeurs qui ont officié à Saint-Pierre-de-Rome.

Palestrina (1525-1594)

Comme Vivaldi est associé à Venise, Pierluigi da Palestrina est lié à Rome où il est né et mort, où il devint maître de chapelle de Saint-Pierre, laissant entre autres cette célèbre Messe du pape Marcel

Benevolo (1605-1672)

Hervé Niquet aura largement contribué à faire connaître l’oeuvre étonnante de l’un des successeurs de Palestrina, le Romain Orazio Benevolo (ou Benevoli)

Alessandro Scarlatti (1660-1725)

Alessandro Scarlatti né à Palerme, mort à Naples, passe deux longues périodes de sa vie à Rome. On lui doit entre autres le motet Tu es Petrus, qui inspire quantité de compositeurs comme Liszt

L’hymne du Vatican

Je découvre que l’hymne officiel du Vatican – Inno e Marcia Pontificale -a été composé par le Français Charles Gounod !

Le piano oublié

C’est la triste loi des carrières fulgurantes et des jeunesses trop vite enfuies. On les adule, on les encense et on les oublie. Tout surpris de découvrir que ces artistes sont toujours vivants et en activité, même si les studios se sont depuis longtemps détournés d’eux.

Les années Béroff

J’ai d’abord été surpris de voir annoncé ce coffret, encore plus pour célébrer les 75 ans de Michel Béroff. Je l’ai commandé, reçu, et décortiqué avec un plaisir teinté de nostalgie.

Il y a donc si longtemps que j’ai passé mon diplôme de piano de mon petit Conservatoire (aujourd’hui « de région ») à Poitiers… 1973 je crois ? Le jury était présidé par… Michel Béroff (23 ans à l’époque !), avec comme acolytes Jean-Bernard Pommier et André Gorog. Au programme, il y avait, entre autres, la fantaisie en do mineur K. 475 de Mozart. J’attendais, comme les autres, le résultat des délibérations de ce prestigieux jury, lorsque le directeur du Conservatoire vint me chercher, parce que le jury voulait me voir…. Qu’avais-je donc fait ? Les trois pianistes me demandèrent de me remettre au piano, et de leur rejouer le début de la fantaisie de Mozart, parce que, me disaient-ils, ils voulaient savoir comment je faisais le début en liant les notes sans mettre de pédale. Or j’avais joué cela intuitivement, sans me poser de questions…Etrange inversion des rôles.

Je n’ai plus jamais revu Michel Béroff, même pas en concert, et ces dernières années quelquefois dans la foule d’un concert.

Mais Michel Béroff est depuis longtemps présent dans ma discothèque, pour ses concertos de Prokofiev et de Liszt avec Kurt Masur

Ce coffret (ici le détail des 42 CD) est une aubaine pour redécouvrir un talent singulier (il faut lire le portrait touchant que Jean-Charles Hoffelé dresse du pianiste français (Les années heureuses). Même si les prises de son réalisées à la salle Wagram dans les années 70 par EMI France sont loin d’être idéales.

Je ne connaissais pas plusieurs des enregistrements présents dans ce coffret, notamment un formidable disque Moussorgski qui outre Les Tableaux d’une exposition comporte nombre de pièces pour piano qui méritent d’être connues et écoutées

Le grand De Groote

J’ai profité d’une offre spéciale sur le site anglais Prestomusic.com pour acquérir un coffret de 10 CD :

Un pianiste belge, 85 ans, dont je dois avouer que je connaissais juste le nom, mais que je n’ai jamais entendu en concert ni a fortiori invité lorsque j’étais en poste à Liège. J’invite à lire le remarquable portrait qu’en faisait Jean Lacroix, dans le magazine Crescendo, à l’occasion de ses 80 ans et de la parution de deux coffrets dont celui que j’ai acheté.

Il n’est jamais trop tard pour découvrir un grand musicien. Surtout dans des répertoires où il a peu de concurrence, comme dans l’oeuvre de ses compatriotes Frédéric Van Rossum, disparu le 24 février dernier, ou Frédéric Devreese (1929-2020)

Il y a plus d’un trésor dans ce coffret. A découvrir absolument !

Et toujours le petit frère de ce blog : brevesdeblog

L’Amérique d’avant : Ives, Bolet, Stokowski

J’ai bien fait de faire un saut aux Etats-Unis il y a un an (New York toujours, Sur les rives de l’Ohio). Je ne suis pas près d’y retourner dans les quatre ans à venir…

Pour entretenir l’admiration que j’ai pour ce pays et sa culture, il y a heureusement la musique, et d’innombrables témoignages d’un glorieux passé, comme le prouvent trois superbes rééditions.

Charles Ives (1874-1955) le sesquicentenaire

Il n’y a pas eu beaucoup de précipitation chez les éditeurs pour célébrer le 150e anniversaire de la naissance du compositeur : « L’intérêt de Charles Ives pour le mélomane européen est qu’il n’entre dans aucune case, aucune catégorie pré-définie. Et s’il nous fallait simplement des oreilles neuves, débarrassées de références, de comparaisons, pour écouter une oeuvre disparate, audacieuse, singulière » (Ives l’Américain)

Sony vient de publier l’un des coffrets les plus intelligents et documentés qui soient, une « anthologie » d’albums enregistrés par et pour la Columbia entre 1945 et 1970. Avec une excellente présentation – en anglais – du compositeur, de ses oeuvres et de ses interprètes.

Pour un prix – pour une fois – très modique, c’est l’occasion ou jamais de pénétrer un univers surprenant, parfois déconcertant, toujours passionnant.

Ainsi son oeuvre chorale :

Charles Ives est encore admiré par les compositeurs d’aujourd’hui, comme ici Matthias Pintscher dirigeant l’Ensemble Intercontemporain dans ce qui reste l’une des oeuvres les plus jouées de l’Américain : Three Places in New England

Dans ce coffret, il y a du connu, les 4 symphonies – Bernstein, Ormandy, Stokowski pour la 4e – et les pièces d’orchestre connues (Central Park in the Dark, The unanswered question, les variations sur America), la musique de chambre peu nombreuse, le piano (les 2 sonates)

et surtout peut-être un extraordinaire bouquet de mélodies chantées par Evelyn Lear etThomas Stewart, excusez du peu !

De La Havane à la Californie

J’ai eu la chance de voir une fois en concert, à Genève, avec l’Orchestre de la Suisse romande, le pianiste cubain Jorge Bolet (1914-1990), né à La Havane, mort en Californie. En réalité, je le connais par le disque et quelques vidéos. Je lui ai toujours trouvé tant dans le port que dans son jeu une allure aristocratique, un faux air de colonel de l’armée des Indes.

Peut-être parce qu’ils avaient oublié le centenaire de sa naissance, les responsables de Decca sortent… pour ses 110 ans, une intégrale vraiment intégrale de ses enregistrements, déjà connus, souvent réédités (notamment un coffret Liszt). C’est un bonheur de retrouver cette noblesse, ce quelque chose qui nous paraît venu d’un temps oublié, où la chaleur du son, l’éloquence de la diction, imposaient une personnalité.

Peut-on mieux jouer ces pièces si célèbres qu’on ne les entend plus au concert….

Stokowski et l’Everest

Leopold Stokowski (1882-1977) est un sujet inépuisable de polémiques… et d’admiration. Encore récemment (Vive le live) j’évoquais la parution d’un coffret de prises de concert réalisées par la BBC avec le chef anglais (en dépit d’un patronyme qu’il tient d’un père aux ascendances polonaises, Stokowski n’a jamais été russe ni assimilé !). Et j’écrivais : On est à nouveau frappé par l’immensité du répertoire que Stokowski a abordé tout au long de sa carrière et jusqu’à un âge très avancé. Il a longtemps passé pour un chef excentrique, privilégiant le spectaculaire au respect de la partition. Stokowski vaut infiniment mieux que cette caricature. Stokowski a bénéficié d’un nombre impressionnant de rééditions, à la mesure d’une carrière et d’une discographie gigantesques.

J’ai dans ma discothèque bon nombre d’autres disques isolés, trouvés souvent par hasard lorsqu’il y avait encore, aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, des disquaires spécialisés, et en France chez Gibert ou Melomania. Notamment pour des labels toujours tenus en très haute estime pour la qualité de ses prises de son.. Vanguard et Everest. Le label britannique Alto qui recycle nombre d’enregistrements, parfois devenus introuvables, a l’excellente idée de regrouper dans un coffret de 10 CD tout le legs Stokowski pour Everest.

Parmi les « spécialités » de Stokowski, il y avait outre ses arrangements spectaculaires de Bach, les suites symphoniques qu’il réalisait de grands opéras de Wagner ou… Moussorgski. Mais le chef fut surtout l’un des plus ardents promoteurs, voire créateurs, de la musique de son temps, de ses contemporains du XXe siècle. Témoins certaines des pépites de ce coffret :

Piano : Chères bibliothèques (suite)

J’avais annoncé un second épisode (Piano :Chères bibliothèques) pour cette Piano Library éditée dans la collection Eloquence.

Par rapport au premier coffret, cette boîte jaune comprend beaucoup d’inédits, de documents exceptionnels à propos de pianistes dont on a parfois même perdu la trace.

Pour les discophiles, le nom du pianiste russe Lev Oborine (1907-1974) est associé au violoniste David Oistrakh (mort la même année que lui !). Malgré ses prix de concours, sa carrière et sa notoriété sont restées limitées à la sphère soviétique. Compatriote plus tardif d’Oborine, le natif d’Odessa (1951) Boris Bloch a quitté l’URSS en 1974 et s’est installé depuis 1985 en Allemagne et il témoigne d’une discographie plutôt conséquente, mais je me demande où il fait carrière. Pas en France en tout cas.

Pour ce qui est de Michel Block et Julian von Karolyi, je les avais déjà retrouvés dans un somptueux coffret Chopin (lire Les maîtres étalons)

Quant à Steven De Groote (1953-1989), il fait partie de ces étoiles filantes – vainqueur du concours Van Cliburn – que la maladie a fauchées dans l’éclat de leur jeunesse. Tout comme le merveilleux Youri Egorov (La nostalgie des météores) dont on a ici un Carnaval de Schumann capté « live » en 1975. Ou l’Italien Dino Ciani (1941-1974) disparu dans un accident de voiture à 32 ans !

En revanche, je dois avouer que je n’avais entendu, jusqu’à ce coffret, la Brésilienne Diana Kacso (1963-2022), Mikhaïl Faerman, Belge d’origine moldave, lauréat 1975 du concours Reine Elisabeth et professeur au conservatoire de Bruxelles, la Polonaise Ewa Poblocka, l’Américaine Zola Mae Shaulis (1942-2021).

Content de retrouver le cher Claude Helffer (1922-2004) qui ne dédaignait pas passer de Berg ou Boulez à Milhaud !

Les détails du coffret :

CD 1
CHOPIN Piano Concerto No. 2; Ballade No. 2
Études; Mazurkas; Scherzo No. 4
VLADIMIR ASHKENAZY
Warsaw National Philharmonic Orchestra / Zdzisław Górzyński
RACHMANINOFF 6 Études-Tableaux, Op. 33*
LEV OBORIN
*FIRST RELEASE ON CD

CD 2
BEETHOVEN Piano Sonata No. 6 in F major, Op. 10 No. 2
RACHMANINOFF Vocalise, Op. 34 No. 14; Lilacs, Op. 21 No. 5; Études-Tableaux Op. 33 Nos. 1 & 2, Op. 39 No. 5
BUSONI Turandots Frauengemach
LISZT Figaro Fantasy, S.697
BORIS BLOCH
FIRST RELEASE ON CD

CD 3
CHOPIN Piano Sonata No. 2; Polonaise, Op. 53; Prelude, Op. 28 No. 17; 3 Mazurkas; Valse, Op. 34 No. 1
MICHEL BLOCK

CD 4
DEBUSSY Préludes – Livre I (1971 recording – previously unpublished)*
Children’s Corner
DINO CIANI
*FIRST-EVER RELEASE

CD 5
WEBER Piano Sonatas Nos. 2 & 3
DINO CIANI

CD 6
PROKOFIEV Sonata No. 6
BRAHMS Paganini Variations
MIKHAIL FAERMANN
SCHUMANN Carnaval*
YOURI EGOROV
*FIRST CD RELEASE ON DG

CD 7
BEETHOVEN Eroica Variations
SCHUMANN Études symphoniques
STEVEN DE GROOTE
FIRST RELEASE ON CD

CD 8
BOULEZ Piano Sonata No. 2*
BERG Piano Sonata, Op. 1*
MILHAUD Le Carnaval d’Aix
CLAUDE HELFFER
Orchestre National de l’Opéra de Monte-Carlo / Louis Frémaux
*FIRST RELEASE ON CD

CD 9
SCHUMANN Piano Sonata No. 2*; Novelette, Op. 21 No. 8*; 3 Fantasiestücke, Op. 111*; Nachtstücke, Op. 23 (Previously unpublished recording)°
VERONICA JOCHUM VON MOLTKE
*FIRST RELEASE ON CD
°FIRST-EVER RELEASE

CD 10
LISZT Piano Sonata in B minor
CHOPIN Polonaise-Fantaisie; Étude, Op. 10 No. 10
DIANA KACSO
FIRST RELEASE ON CD

CD 11
CHOPIN Ballade Nos. 1–4; Impromptus Nos. 1–4; Berceuse
JULIAN VON KAROLYI
FIRST INTERNATIONAL RELEASE ON CD

CD 12
CHOPIN Sonata No. 3; Boléro; Mazurka, Op. 17 No. 4; Valse No. 14; Andante spianato et Grande Polonaise brillante
JULIAN VON KAROLYI

CD 13
RAVEL Le Tombeau de Couperin
STRAVINSKY Tango; Piano-Rag-Music; Trois mouvements de Pétrouchka
DAVID LIVELY
FIRST RELEASE ON CD

CD 14
SCHOENBERG 3 Klavierstücke, Op. 11
SCHUBERT Sonata No. 16
ALEXANDER LONQUICH
FIRST RELEASE ON CD

CD 15
BEETHOVEN Piano Sonatas Nos. 8 ‘Pathétique’ & 31
ELLY NEY

CD 16
BEETHOVEN Piano Sonatas Nos. 14 ‘Moonlight’ & 23 ‘Appassionata’
ELLY NEY

CD 17
J.S. BACH Aria variata alla maniera italiana
CHOPIN Scherzo No. 1
DEBUSSY Images I & II
EWA POBŁOCKA
FIRST RELEASE ON CD

CD 18
BEETHOVEN Piano Sonata No. 28
SCHUMANN Toccata
RAVEL Gaspard de la nuit
JORGE LUIS PRATS
FIRST RELEASE ON CD

CD 19
J.S. BACH Goldberg Variations
PROKOFIEV Piano Sonata No. 7
ZOLA MAE SHAULIS
FIRST RELEASE ON CD

CD 20
J.S. BACH Toccatas, BWV 911–915
ZOLA MAE SHAULIS
FIRST RELEASE ON CD

CD 21
IVES Piano Sonata No. 2 ‘Concord, Mass., 1840–1860’; Three-page Sonata
ROBERTO SZIDON

CD 22
REGER Telemann Variations
ERIK THEN-BERGH
BEETHOVEN Diabelli Variations
PAUL BAUMGARTNER

Piano : Chères bibliothèques

Remarque liminaire : pourquoi les formidables rééditions discographiques du label Eloquence sont-elles si chères en France, alors qu’il s’agit pour l’essentiel d’enregistrements anciens, depuis longtemps « amortis »? Je sais bien qu’il y a tout un travail de recherche dans les archives d’Universal (Westminster, Decca, Deutsche Grammophon, Philips et autres marques associées), de remasterisation, d’édition, et que cela mérite rétribution, mais quand chaque CD coûte près de 10 €…

Cette collection Eloquence est d’autant plus pertinente qu’elle remet au jour des documents dont, parfois, on ignorait même l’existence. Ainsi dans deux coffrets magnifiques sobrement intitulés Piano Library (Bibliothèque du piano), j’ai trouvé quantité d’inédits, d’artistes et de gravures oubliés.

Rien qu’à voir la couverture de ce premier coffret bleu, sur les 10 noms cités, deux ne me disaient rien.

Sur le premier dans l’ordre, Jörg Demus (1928-2019), j’avais déjà déploré (Le piano poète) que sa discographie fût des plus éparses. Le centenaire de la mort de Fauré nous donne l’occasion de retrouver le grand pianiste dans un bouquet ô combien inspiré :

On a bien oublié l’exceptionnelle personnalité de la pianiste hongroise Edith Farnadi (1921-1973) et c’est un bonheur de retrouver ces « viennoiseries » lisztiennes sous ses doigts.

Clara Haskil, Youra Guller, Raymond Lewenthal ne sont pas des inconnus, loin s’en faut, et on est heureux de voir regroupés des enregistrements qu’on avait pu saisir par ci par là. Nina Milkina (1919-2008) était en revanche une parfaite inconnue pour moi, absente de ma discothèque.

Mais mon bonheur le plus intense dans ce coffret est constitué par les trois CD – de complètes découvertes pour moi – du pianiste originaire d’Odessa Benno Moiseiwitsch (lire La Grande porte de Kiev) partagées entre Beethoven, Schumann et Moussorgski

Ce que j’écrivais pour Jörg Demus quant à la dispersion de son legs discographique, vaut plus encore pour la Brésilienne Guiomar Novaes (1895-1979), si chère à Alain Lompech.

Egon Petri (1881-1962) a été un peu mieux documenté (ou alors j’ai eu moins de mal à trouver ses enregistrements), mais les 5 CD qui lui sont consacrés sont de première importance, à commencer par les oeuvres de son maître Busoni

Suite dans un prochain épisode pour le second coffret de cette fabuleuse Bibliothèque, tout aussi passionnant, avec plus d’inédits récents.