New York toujours

J’ai un rapport irrationnel avec New York. Depuis que j’ai découvert cette ville monde en 1989 – c’était à l’occasion d’une tournée de l’Orchestre de la Suisse romande dont j’ai déjà raconté plusieurs épisodes ici – j’y suis revenu à plusieurs reprises, seul ou (bien) accompagné, et à chaque fois, j’ai éprouvé une joie presque enfantine.

Toujours plus haut

On a pu croire qu’après les attentats du 11 septembre 2001 qui avaient détruit les deux tours jumelles du World Trade Center, la construction de nouveaux gratte-ciel s’en trouverait ralentie. Non seulement cela n’a pas été le cas, mais depuis ma dernière venue, fin 2017 (lire New York today) , pas moins de trois immeubles dépassant les 400 m de haut ont été achevés, après le One World Trade Center, qui culmine à 541 m, inauguré en 2014.

En traversant Central Park hier, en revenant du Metropolitan Museum, j’ai pu observer ces petits derniers :

Gratte-ciel d’autant plus repérables qu’ils sont effilés comme des flèches :

à gauche les 435 m et 84 étages d’un immeuble achevé en 2021 sur la 57e rue, à droite la Central Park Tower – 98 étages et 472 m – terminée en 2020.

Plus imposant le Hudson Yards (2019), 386 m seulement et 73 étages ! vu de la High Line.

Bien sûr on conserve intacte notre tendresse pour l’Empire State ou le Chrysler Building.

De la High Line au Village

J’ai connu la High Line presque à ses débuts, lorsque, reprenant l’idée parisienne (qui n’était pas celle d’Anne Hidalgo !) de la Coulée verte, la ville de New York décida de remplacer une voie ferrée qui reliait les zones portuaires au quartier des abattoirs (aujourd’hui devenu l’un des quartiers les plus hype de Manhattan, le Meetpacking District). C’était désert, très vintage (avec le Standard Hotel, le plus inconfortable de toute la ville, mais tellement couru qu’il fallait réserver des mois à l’avance !). C’est devenu une promenade très fréquentée, plantée de toutes sortes d’espèces préservées, très dans l’air du temps.

Le fameux Standard Hotel qui a dû être complètement réhabilité pour être écologiquement plus correct !

A quelques encablures – on marche énormément à New York ! – on plonge dans le Village, jadis point de rassemblement des gays, des marginaux, comme le Marais à Paris. L’atmosphère de ce quartier sans gratte-ciel, parcouru de cafés et de boutiques à la mode, n’a pas changé, mais l’affichage militant a disparu.

Un tout petit square sur Christopher Street forme le « Stonewall National Monument pour commémorer les premières manifestations de la communauté homosexuelle en 1969 contre la répression policière autour du Stonewall Bar. Non loin le Washington Square rassemble une population hétéroclite d’étudiants, de vieux hippies et de musiciens de rue plus ou moins inspirés !

« 

Entrant dans un petit magasin de vêtements dont l’enseigne m’est familière à Paris, je suis salué par un « Bonjour monsieur, bienvenue ». Un peu surpris, je demande à mon interpellateur pourquoi il me parle en français. « Parce qu’on voit tout de suite que vous êtes Français… à la manière dont vous êtes habillé ». Je souris en prenant la remarque comme un compliment, peut-être intéressé ! Comme toujours aux Etats-Unis, nous nous présentons l’un à l’autre, il me dit être le « CEO » de la marque à New York, après avoir implanté d’autres enseignes françaises ici. Je suis ressorti sans rien acheter,..

Du Met au Met

A New York, impossible d’éviter le Metropolitan Museum of Art. A condition de savoir quelles salles on veut visiter. C’est comme le Louvre, ou l’Ermitage à Saint-Pétersbourg. J’y reviendrai dans un prochain billet.

Mais la liaison était trop facile avec ma soirée de jeudi, puisque, après avoir traversé Central Park, je me suis retrouvé devant l’autre Met, le Metropolitan Opera, qui fait partie de ce complexe culturel unique en Amérique qu’est le Lincoln Center.

Mais le concert du New York Philharmonic auquel j’ai assisté se déroulait bien dans le David Geffen Hall

Ce concert, outre un compte-rendu à venir sur Bachtrack, fera l’objet d’un prochain billet.

La présence de Bernstein

Il ne reste malheureusement plus grand chose des formidables documents (affiches, programmes, photos) qui ornaient les alentours de la salle de concert elle-même qui a fait l’objet d’une complète rénovation qui s’est achevée seulement il y a moins d’un an. Sauf un tout petit kiosque où sont rassemblées quelques témoignages de la fantastique aventure que furent les Young People’s Concerts, qui ne sont pas nés et n’ont pas cessé avec lui, mais ont connu un retentissement mondial grâce à Leonard Bernstein.

J’évoquais, en juillet dernier, la mort du grand pianiste américain André WattsLes disparus de juillet -, en soulignant qu’il avait fait ses débuts, à 16 ans, comme soliste de l’un de ces Young People’s concerts. J’ai retrouvé cette photo émouvante :

Et ces quelques autres photos qui témoignent de l’extraordinaire engouement du public new yorkais pour une aventure parfois imitée, jamais égalée… mais n’est pas Bernstein qui veut !

En ces temps d’horreur absolue, de massacre des innocents, au Proche-Orient comme à Arras, laissons Leonard Bernstein nous rappeler ce qu’est la Musique :

(Jusqu’en 1962, ces séances ont lieu au Carnegie Hall, le Lincoln Center, et l’Avery Fischer Hall – aujourd’hui renommé David Geffen Hall, du nom d’un très généreux mécène, n’ouvrant leurs portes qu’en 1963)

#RVW 150 (III) : Happy 150 Sir Ralph

Aucune chance que l’événement fasse les gros titres, sauf peut-être au Royaume-Uni. C’est aujourd’hui le sesquicentenaire (le mot chic pour dire 150ème anniversaire !) de Ralph Vaughan Williams, le grand compositeur britannique du XXème siècle, né le 12 octobre 1872 à Down Ampney, ravissant village des Cotswolds dans le Gloucestershire (prononcer : Glôôst-cheure).

EMI avait édité en 2008 (pour le cinquantenaire de la mort de RVW) un coffret généreux de 30 CD. Warner vient de le « rhabiller » et on le conseille tout autant. Tous les détails du coffret ici.

On ne va pas de nouveau se lamenter que, sur le continent, on ignore quasiment l’oeuvre du plus grand symphoniste anglais – neuf symphonies – l’équivalent au XXème siècle d’un Chostakovitch ou d’un Prokofiev (lire Royal Ralph)

Si seulement cet anniversaire pouvait aussi faire connaître un aspect essentiel de l’oeuvre de RVW, le vocal, le choral, qui plongent leurs racines dans la tradition populaire des nations qui forment le Royaume-Uni.

Lors de l’hommage à Lars Vogt, le 4 octobre dernier, Ian Bostridge, accompagné par le violon de Christian Tetzlaff, en avait donné une illustration éloquente – une découverte pour le public de la Philharmonie et les auditeurs de France Musique. Quatre extraits du cycle de mélodies Along the Field.

Il y a tant à aimer et découvrir dans l’œuvre d’un compositeur finalement assez inclassable, à qui les tenants de l’avant-garde autoproclamée ont reproché de se tenir à l’écart des dogmes de la musique contemporaine post-Seconde école de Vienne. On s’aperçoit vite, dans ses œuvres vocales, que les sources populaires ne sont jamais loin. Et c’est ce qu’on aime chez Ralph Vaughan Williams non ?

Dans l’imposante discographie de Leonard Bernstein à New York, il y a « live » cette version à très grand effectif – on croirait la 8ème symphonie de Mahler ! de Serenade to Music.

Et puis, chez Vaughan Williams, comme chez Mahler, il y a ces cycles de mélodies magnifiques, qui puisent dans les sources populaires, ou les imitent. Les Songs of Travel de RVW font évidemment penser aux Lieder eines fahrenden Gesellen

Impossible d’être exhaustif sur Ralph Vaughan Williams en un seul article. On poursuivra d’ailleurs la série.

Souvenir simplement d’une intense émotion à l’écoute de ce qui est peut-être l’un des chefs-d’oeuvre de Vaughan Williams, sa Fantaisie sur un thème de Thomas Tallis. Les seules fois où j’ai pu programmer un peu de RVW à l’Orchestre philharmonique royal de Liège, ce fut grâce à mon ami; l’excellent Paul Daniel, l’un des très grands chefs britanniques de notre temps.dont il faut chérir et rechercher les trop rares disques, notamment une intégrale des symphonies parues chez Naxos