Stephen Sondheim : Send in the clowns

Grâce à Jean-Luc Choplin, le public français a pu découvrir le génie de Stephen Sondheim, qui vient de disparaître à 91 ans. Le théâtre du Châtelet à Paris a programmé nombre d’ouvrages de celui qu’on a qualifié hâtivement de « roi de Broadway », de « star de la comédie musicale ». Pour l’immense majorité, son nom reste lié à West Side Story, le célébrissime ouvrage de Leonard Bernstein, dont Sondheim a écrit les lyrics – à l’opéra on parlerait de livret – autrement dit les paroles des chansons. Stephen Sondheim était un authentique grand compositeur et son oeuvre n’est pas systématiquement souriante, joyeuse, dansante.

En 2013, Renaud Machart publiait, dans la collection Actes Sud/Classica, le seul essai en français consacré à Stephen Sondheim :

“Il ne manque rien au compositeur de Broadway Stephen Sondheim, sinon la canonisation”, a-t-il été écrit à propos de celui qui est en effet une légende vivante dans les pays anglo-saxons et le dieu de nombreux amateurs de comédie musicale. Il manque cependant encore à Sondheim une vraie reconnaissance en France, où ses comédies musicales sont depuis quelques années seulement à l’affiche, notamment du Théâtre du Châtelet à Paris. Cet essai, le premier consacré en français au compositeur et «lyricist» américain, parcourt en détail son oeuvre considérable.

J’ai eu la chance de voir au Châtelet tous les spectacles de Sondheim programmés durant la décennie 2010, et plusieurs à Londres.

Le dernier en date, à une date absolument tragique, le 22 mars 2016 : Une tragédie, une Passion : deux anniversaires

En 2010, A Little Night Music avec rien moins que Leslie Caron, une autre légende, Greta Scacchi, Lambert Wilson

En 2011, Sweeney Todd :

En 2013 Sunday in the park with George

Et bien entendu la reprise du spectacle original de 1957 de West Side Story pour le cinquantenaire de l’ouvrage en 2007.

Je n’ai jamais eu la chance de rencontrer personnellement Stephen Sondheim, ni de lui exprimer mon admiration et ma gratitude. Ni de lui dire que, sans le savoir, il a beaucoup compté pour moi. En 1989 ou 1990, le grand clarinettiste, mon ami Paul Meyer, était venu jouer au Victoria Hall de Genève, avec l’Orchestre de la Suisse romande dirigé par Günther Herbig, le premier concerto de Weber. En bis, il avait joué une pièce qui m’avait bouleversé, et que – je n’ai pas honte à l’avouer – j’entendais pour la première fois : Send in the clowns. En mars 2001, j’avais invité Paul – dans le concerto de Mozart cette fois – pour le premier concert d’abonnement de Louis Langrée à Liège. De nouveau, il avait bissé avec Send in the clowns. Plus tard, j’avais conseillé au nouveau clarinette solo de l’Orchestre philharmonique royal de Liège de s’emparer de ce bis. Et, en juillet 2019, lorsque Jean-Luc Votano avait donné la première française du concerto pour clarinette de Magnus Lindberg à Montpellier, il avait malicieusement glissé dans sa cadence du concerto une citation de… Send in the clowns (ce qui n’avait pas manqué d’amuser le compositeur présent dans la salle !).

Maintenant que Stephen Sondheiml a rejoint les étoiles, écoutons Benny Goodman lui chanter cette petite musique de nuit

Funny girl

Du passé faisons table rase… ou avant moi le déluge ! Quelle étrange et stupide manie de la part de certains directeurs d’institutions culturelles que celle qui consiste à laisser accroire qu’ils ont réinventé le monde et à renier ou cacher ce qui a été fait avant eux.

Ce matin, long reportage sur France 2 sur le spectacle donné au Châtelet à Paris pour ces fêtes de fin d’année : Un Américain à ParisInterview de certains artistes, interview de l’actuel co-directeur du théâtre parisien qui a rouvert ses portes en septembre après deux ans de travaux. Tout le monde de louer le succès de l’entreprise, qui a tourné pendant cinq ans dans le monde entier, depuis la création de ce spectacle en 2014… au Châtelet à Paris. Mais pas un mot de celui qui avait lancé ce projet un peu fou de transformer en comédie musicale le film de Vincente Minnelli, couronné de six oscars en 1952, avec le couple légendaire formé de Gene Kelly et Leslie Caron… le directeur du Châtelet de l’époque, Jean-Luc Choplin.

Le spectacle proposé ces jours-ici au Châtelet est bien la reprise de celui créé il y a cinq ans !

Jean-Luc Choplin officie désormais au théâtre Marignydélicieuse bonbonnière, toute refaite de neuf, à quelques mètres de l’Elysée.

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Pour les plus anciens d’entre nous, c’est ici que furent captées, et le plus souvent diffusées en direct, les soirées de la mythique émission de Pierre Sabbagh Au théâtre ce soir de 1966 à 1986 !

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C’est ici que se donne l’autre succès de cette fin d’année, la comédie musicale Funny Girlcréée le 26 mars 1964 au Winter Garden Theatre de Broadway à New York, par Barbra Streisand dans le rôle principal.

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New York, années 1910.
Fanny Brice est la star des Ziegfeld Follies. Alors qu’elle attend la sortie de prison de son mari Nick Arnstein, elle se remémore les étapes de sa carrière, de l’adolescente ingrate à la star reconnue.
Fanny est une adolescente au physique difficile qui ne pense qu’à monter sur scène et qui obtient son premier emploi dans un théâtre de vaudeville.
Après des débuts chaotiques en tant que « chorus girl », elle se fait remarquer comme chanteuse comique et rencontre l’élégant Nick Arnstein.
Ils tombent amoureux dans la grande tradition romantique et se marient.
Mais alors que Fanny devient une star grâce à Florenz Ziegfeld, les affaires de Nick périclitent et il est arrêté.

La comédie musicale se termine là où elle a commencé : Nick revient, et Fanny et lui décident de se séparer.

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Une distribution formidable, à commencer par celle qui relève le défi de faire oublier la créatrice du rôle, une boule d’énergie et de talent, Christina Bianco.

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Le spectacle est prolongé jusqu’au 7 mars 2020. Aucune excuse pour le manquer !