Ravel #150 : apothéose

Cette année de célébration du sesquicentenaire de la naissance de Ravel – le 8 mars 1875, s’est achevée à Paris par deux concerts d’exception, comme je le relate pour Bachtrack : L’accomplissement ravélien d’Alain Altinoglu

Le Choeur et l’Orchestre de Paris dirigés par Alain Altinoglu à la Philharmonie le 17 décembre 2025 (Photo JPR)

Il y avait d’abord… une création, la première audition publique de Semiramis, les esquisses d’une cantate que Ravel avait prévu de présenter pour le Prix de Rome en 1902. Lire la note très complète que publie le site raveledition.com.

Ici la création à New York, de la première partie – Prélude et danse

Mais le clou de cette soirée parisienne, ce fut l’intégrale de Daphnis et Chloé, une partition magistrale, essentielle, qu’on entend trop peu souvent en concert. Je lui avais consacré un billet en mars dernier (Ravel #150 : Daphnis et Chloé) en y confiant mes références, qui n’ont guère changé. Mais j’ai un peu revisité ma discothèque, où j’ai trouvé 24 versions différentes, qui ont toutes leurs mérites – il est rare qu’on se lance dans l’enregistrement d’une telle oeuvre si l’on n’a pas au moins quelques affinités avec elle ! Je ne vais pas les passer toutes en revue, mais m’arrêter seulement à celles qui, en plus des versions déjà citées comme mes références, attirent l’oreille.

  • Claudio Abbado, London Symphony Orchestra (1994)
  • Ernest Ansermet, Orchestre de la Suisse romande (1958)
  • Leonard Bernstein, New York Philharmonic (1961)
  • Pierre Boulez, Berliner Philharmoniker
  • Pierre Boulez, New York Philharmonic
  • André Cluytens, Société des Concerts du Conservatoire
  • Stéphane Denève, Südwestrundfunk Orchester
  • Charles Dutoit, Orchestre symphonique de Montréal
  • Michael Gielen, Südwestrundfunk Orchester
  • Bernard Haitink, Boston Symphony Orchestra
  • Armin Jordan, Orchestre de la Suisse romande
  • Philippe Jordan, Orchestre de l’Opéra de Paris
  • Vladimir Jurowski, London Philharmonic Orchestra
  • Kirill Kondrachine, Concertgebouw Amsterdam

Après maintes écoutes et réécoutes, c’est bien ce prodigieux « live » à Amsterdam qui tient le haut du pavé

  • Lorin Maazel, Cleveland Orchestra
  • Jean Martinon, Orchestre de Paris
  • Pierre Monteux, London Symphony Orchestra (1962)
  • Pierre Monteux, Concertgebouw Amsterdam (1955)
  • Charles Munch, Boston Symphony Orchestra
  • Seiji Ozawa, Boston Symphony Orchestra
  • André Previn, London Symphony Orchestra
  • Simon Rattle, City of Birmingham Symphony Orchestra
  • François-Xavier Roth, Les Siècles
  • Donald Runnicles, BBC Scottish Symphony Orchestra

Quelques autres recommandations en cette fin d’année.

Pour le piano de Ravel, je ne suis pas sûr d’avoir déjà mentionné la belle intégrale qu’en a réalisée un pianiste trop discret, François Dumont

Je n’ai pas encore évoqué non plus le dernier disque de Nelson Goerner, impérial dans les deux concertos pour piano.

Humeurs et bonheurs du jour à suivre sur mes brèves de blog

La vie des chefs

Pour en avoir côtoyé, engagé un grand nombre, je me pose toujours, à propos des chefs d’orchestre, une question à laquelle j’ai rarement eu une réponse convaincante : pourquoi devient-on chef d’orchestre ? Qu’est-ce qui pousse un musicien à le devenir, sachant que tel Saint-Sébastien il sera plus souvent criblé de flèches que de compliments par ceux qu’il tiendra sous sa baguette ?

Question d’autant plus actuelle à l’heure des réseaux sociaux, des investigations orientées, des procès médiatiques. L’article que je publiais il y a tout juste un an, à propos de ce qu’on a appelé l’affaire Roth (Confidences et confidentialité), n’a rien perdu de son actualité. Notons qu’aucune instance judiciaire, aucune plainte, aucune enquête n’ont été engagées depuis les « révélations » concernant le chef français, mais le résultat est le même : F.X. Roth a été banni de toutes les formations qu’il avait l’habitude de diriger, y compris celle qu’il a fondée, Les Siècles !

Enquêtes ?

France Musique et la presse musicale se font l’écho d’une vaste enquête menée par un media néerlandais sur le comportement du chef d’orchestre Jaap van Zweden, sur lequel, bien avant d’apprendre sa nomination comme directeur musical de l’Orchestre philharmonique de Radio France, je m’étais exprimé sans fard (lire Bâtons migrateurs) : Jaap Van Zweden accusé de faire régner un climat de peur

J’avais écrit pour Bachtrack les réserves que m’avait inspirées une exécution pour le moins sommaire de la IXe symphonie de Beethoven au tout début de cette année.

J’entends déjà dire, à mots à peine couverts, qu’on va regretter Mikko Franck au Philhar’…

Sur une autre nomination – Chung à la Scala – j’ai dit ce que je peux en dire (lire brèves de blog). Je doute qu’on enquête un jour sérieusement sur ses comportements passés en France – il y a prescription, mais certains n’ont pas la mémoire courte ! Aurait-on oublié ce qui s’est passé en Corée il y a dix ans ? (Le maestro Chung en difficulté en Corée).Mais il faut absolument lire l’article très complet et très informé du Blog du Wanderer : Scala, Le nouveau directeur musical n’est pas celui qu’on attendait.

Daniele Gatti vient d’ailleurs d’annoncer qu’il annule tous ses futurs engagements à la Scala de Milan !

Mais il y a heureusement des nouvelles beaucoup plus réjouissantes dans l’actualité.

Daniel Harding vient de quitter la direction musicale de l’Orchestre symphonique de la radio suédoise, qu’il occupait depuis dix-huit ans.

L’orchestre lui a fait une belle ovation à sa manière :

Pierre Dumoussaud, plusieurs fois invité à Montpellier, est le futur chef de l’Opéra de Rouen. il en est heureux, et nous plus encore !

Il dirigeait le concert final du Concours Eurovision des jeunes musiciens en 2022 :

Enfin ma découverte d’avant-hier au Châtelet, la jeune cheffe coréenne Sora Elisabeth Lee, qui se tire avec tous les honneurs d’un spectacle inégal. Lire ma critique sur Bachtrack : Purges et élixirs du docteur Bizet (et ma brève de blog)

L’été 24 (IV) : Yes we Kam and other News

Pardon pour ce titre en anglais, mais les nouvelles, les bonnes surtout viennent d’Outre-Atlantique

Yes She can

La presse, les commentateurs, les « spécialistes » des plateaux télé ont souvent en commun de partager les mêmes analyses – si tant est que le terme convienne ! – et de répéter les mêmes éléments de langage jusqu’à ce que les faits, la réalité démentent leurs propos.

Qui a pu croire une seconde que le retrait de Joe Biden de la course présidentielle n’a pas été très soigneusement préparé, derrière le rideau de fumée propagé par l’intéressé lui-même, sa femme et son entourage ? Et que le surgissement sur le devant de la scène de Kamala Harris a été improvisé au dernier moment ? Il faut vraiment mal connaître le système politique américain.

Ce qui s’est passé aux Etats-Unis depuis le 21 juillet est un coup de maître, peut-être même un coup de génie. Laisser Trump être investi après un attentat manqué, quelques personnalités démocrates monter au filet (et pas des moindres comme Barack Obama) pour préparer le terrain de la « renonciation », après avoir laissé dans l’ombre la vice-présidente, pour pouvoir en moins de 24 heures retourner complètement la situation, c’est exceptionnel.

Et les mêmes qui, aux Etats-Unis et chez nous, trouvaient tout un tas de défauts à Kamala Harris, lui tressent depuis deux jours, des lauriers qui vont finir par paraître suspects. J’attends avec une immense impatience les prochains face-‘à-face entre Trump et elle.

Cela donne encore moins envie de s’attarder sur la situation politique française. Je suis surpris que Ségolène Royal ne se soit pas proposée pour Matignon. Que la gauche mélenchonisée en soit rendue à jeter en pâture à la presse des femmes dont on sait par avance qu’elles seront incapables de constituer un gouvernement, révèle un mépris abyssal d’abord pour les électeurs, ensuite pour le Parlement, sans parler du président de la République.

L’un sort, l’autre reste

Quelques jours après que le festival de Montpellier lui a offert une sorte de réhabilitation, après de longs mois de retrait de la vie musicale – John Eliot Gardiner dirigeait l’Orchestre philharmonique de Radio France le 16 juillet – on apprend que le chef anglais est banni définitivement du choeur et de l’orchestre Monteverdi qu’il a fondé (John Eliot Gardiner’s exit statement).

Dans le cas de François-Xavier Roth, déjà évoqué ici, comme dans l’éditorial très mesuré d’Emmanuel Dupuy dans le numéro de juillet de Diapason, la situation est très contrastée. Le chef français s’étant de lui-même mis en retrait – il n’avait pas d’autre moyen face à l’avalanche d’annulations de ses engagements -, il a été remplacé (comme à Montpellier) partout où il devait diriger ces prochains mois. L’ensemble qu’il a fondé – Les Siècles – a fait disparaître toute référence à son fondateur, y compris dans la « bio » de la formation; Le Gürzenich et l’opéra de Cologne ont mis fin avant terme au contrat qui les liaient à FXR.

Mais l’orchestre allemand de la SWR, où Roth est nommé à partir de 2025, vient de faire savoir qu’il n’avait trouvé aucune raison de renoncer à cette nomination : L’orchestre de la SWR maintient François-Xavier Roth à son poste.

Vive les Jeux

Enfin, un mot de l’événement planétaire qui commence cette fin de semaine. Je n’ai pas été le dernier à râler, à discuter de l’opportunité d’avoir les Jeux Olympiques à Paris et en France. Mais je ne supporte plus ces reportages qui passent en boucle sur les malheureux cafetiers et commerçants de l’extrême centre de Paris qui sont « confinés » jusqu’à samedi à cause de la cérémonie d’ouverture sur la Seine. Cet art si français de ronchonner à propos de tout, de se dévaloriser en permanence.

Alors que finalement ces Jeux à Paris auront permis des investissements considérables… et durables, propulsé quantité de projets, d’abord les transports publics, qui sans cette perspective, auraient mis des années à aboutir… ou pas. Sans parler de toutes les autres retombées. Je n’ai jamais vu les trains de banlieue ni les rames de métro aussi propres que ces jours-ci, jamais traversé les aéroports parisiens de manière aussi fluide, jamais vu autant d’agents d’information et de conseil dans les gares, les rues, etc.

Réjouissons-nous pour une fois d’avoir été capables d’organiser un tel événement, réjouissons-nous de découvrir une cérémonie d’ouverture qui sera la plus belle fête du monde.

J’étais ce midi dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés… les photos sont éloquentes !

Le baromètre des chefs

Le cas Roth

Il me faut revenir sur le billet que j’ai publié le 27 mai – Confidences et confidentialité – où j’évoque la situation du chef François-Xavier Roth. J’ai eu nombre de commentaires, d’interpellations, de réactions de la part d’amis, de musiciens et de musiciennes, qui me conduisent à préciser mon propos.

Lorsque j’écris  » il n’y a pas eu de violence sur autrui, ni fait pénalement répréhensible, juste des situations ridicules dont la seule victime est l’auteur » c’est au minimum incomplet, s’agissant des personnes, musiciens ou non, placés sous l’autorité artistique et/ou hiérarchique du chef. On pense évidemment en premier lieu aux artistes qui jouent au sein de l’orchestre Les Siècles, qui, à la différence des autres orchestres et institutions que dirige FXR (le Gürzenich à Cologne) n’est pas une structure permanente. Des amis musiciens me faisaient très justement remarquer que des SMS de nature sexuelle constituent bien une forme de harcèlement, réprimé par la loi. et qu’il faut bien du courage aux victimes de harcèlement pour engager une procédure judiciaire.

Pour le reste, la prudence me semble devoir être la règle dans les commentaires, l’expression sur les réseaux sociaux. À ceux qui sont en situation de responsabilité – et à eux seuls – d’exercer leurs droits et surtout leurs devoirs pour faire toute la lumière sur cette malheureuse affaire.

L’ascension d’un chef

Je ne veux faire aucun rapprochement hasardeux, mais c’est bien à cause d’un phénomène de même type que celui qui est reproché à Roth – le comportement du chef britannique John Eliot Gardiner à l’égard de l’un de ses interprètes (lire ici) – qu’un jeune chef portugais, Dinis Sousa, a surgi en pleine lumière depuis quelques mois. Il a dû remplacer en effet Gardiner dans la totalité des projets que ce dernier avait engagés avec ses forces du Monteverdi Choir and Orchestra.

Hier s’est achevé une forme de marathon Beethoven à la Philharmonie de Paris : en quatre concerts, le Monteverdi Choir et son jumeau orchestral ici dénommé Orchestre révolutionnaire et romantique, dirigés par Dinis Sousa, ont donné les symphonies 2,3,4,5,6,7 et 9 ainsi que la Messe en do.

J’invite à lire mes comptes-rendus sur Bachtrack, en particulier sur une mémorable Neuvième, une Héroïque impressionnante, et finalement tout cette aventure.

Au bonheur de la Pastorale

Le triomphe de la fraternité

L’apothéose finale

Je reviendrai sur ces concerts et sur la personnalité de ce jeune chef qui me paraît avoir tout compris des enjeux et des risques d’une carrière musicale à notre époque.

Pour le moment il n’y a pas de captation disponible des concerts de la Philharmonie, mais celle-ci, réalisée il y a moins d’un an à Newcastle, avec l’orchestre Northern Sinfonia, dont Dinis Sousa est le directeur musical, donne une assez juste idée de sa direction et de sa conception des symphonies de Beethoven :

Je reviendrai aussi sur le coffret que je viens de recevoir, qui récapitule le mandat du chef anglais Antonio Pappano avec la Santa Cecilia de Rome

Antonio Pappano que j’applaudissais il y a un mois à la Philharmonie de Paris. Lire : Pappano et le LSO. Il dirigeait la 2e symphonie de Rachmaninov, qu’il a gravée à Rome et qu’on retrouve dans ce coffret :

Deux opéras, deux orchestres

On peut difficilement imaginer soirées plus contrastées, et chez l’auteur de ce blog situations parfois schizophréniques. Celle où le critique musical est en activité, celle où l’auditeur jouit pleinement du moment sans l’angoisse du papier à écrire.

Un couple mal assorti

J’aime les soirs de première, non par snobisme (les mondanités, ça n’a jamais été mon truc !), mais parce que l’effervescence est partout perceptible, côté public comme côté interprètes et organisation. Lorsque je prends mes places vendredi soir au guichet du théâtre des Champs-Elysées, après en avoir salué l’actuel et le futur directeurs, J.Ph. me laisse deviner un spectacle qui décoiffe. Il faut dire que Le Rossignol de Stravinsky et Les Mamelles de Tiresias de Poulenc dans une même soirée, mis en scène par Olivier Py, ça promet.

Résultat mitigé ! A lire sur Bachtrack : Le Rossignol et Les Mamelles de Tiresias un couple mal assorti. Avis partagés par mes « collègues » de Forumopera, du Figaro ou du Monde

Un spectacle à voir… pour les Mamelles !

San Francisco à Paris

Samedi soir, programme généreux pour le troisième des concerts du San Francisco Symphony en résidence à la Philharmonie. Esa-Pekka Salonen sur le podium, Yuja Wang au piano !

(Yuja Wang, Esa-Pekka Salonen, le San Fransisco Symphony dans un extrait du finale du 3ème concerto de Rachmaninov)

La pièce d’ouverture est due à une jeune compositrice californienne, Gabriella Smith. Une musique vraiment descriptive, qu’elle situe à 40 kilomètres au nord de San Francisco sur le majestueux cap de Point Reyes. Adolescente, Gabriella Smith y a participé à un projet de recherche sur les chants d’oiseau. Et c’est là contemplant l’océan, bercée par les bruits environnants, que lui vient l’idée de Tumblebird Contrails. Tous les instruments de l’orchestre sont sollicités pour reproduire la houle, le ressac, le sable qui crisse sur la grève. C’est mieux qu’un exercice de style, l’affirmation d’une authentique maîtrise du grand orchestre.

Que dire, ensuite, qui n’ait déjà dit sur Yuja Wang, sa technique superlative, son approche aussi virtuose que poétique de l’immense 3ème concerto de Rachmaninov (cf. l’extrait ci-dessus) ! En bis, la sublime transcription par Liszt de « Marguerite au rouet » de Schubert presque murmurée, dans un souffle.

Puis devant l’insistance du public, un « encore » qui était si familier à Nelson Freire, les Ombres heureuses de l’Orphée et Eurydice de Gluck arrangées par Sgambati

En seconde partie, le Concerto pour orchestre de Bartok, où les Californiens et leur chef n’ont pas de mal à briller de tous leurs feux. Mais ce n’est décidément pas l’oeuvre qu’on préfère de Bartok.

Les beaux dimanches du National

Je me rappelle encore l’énergie qu’il avait fallu développer, après l’inauguration de l’auditorium de Radio France en novembre 2014, pour installer l’idée que la musique et les formations musicales de la Maison ronde devaient être proposées au public le week-end. J’avais lancé le principe de concerts symphoniques le dimanche après midi, me heurtant d’emblée à l’incrédulité voire à l’hostilité générale, à l’exception, je dois le dire, du PDG Mathieu Gallet qui souhaitait une Maison de la Radio en format VSD !

J’ai eu évidemment beaucoup de plaisir à constater ce dimanche après-midi qu’un public jeune et familial avait pris place dans l’Auditorium. Pour un concert en tous points admirable. Comme je l’ai écrit pour Bachtrack : Gianandrea Noseda, Joshua Bell et le National au meilleur de leur forme.`

Les bonnes raisons

Mon père, qui aurait eu 95 ans hier, si la grande faucheuse ne l’avait brutalement emporté il y a cinquante ans, me disait toujours quand je critiquais un camarade d’école ou de collège : « Il y a toujours quelque chose de bon à trouver chez chacun, dans chaque situation ». Vision angélique ou naïve ? Je me demande ce que le professeur adoré de ses élèves qu’il était aurait pensé du monde d’aujourd’hui. Mais je n’ai jamais oublié son injonction, qui continue de me guider. Pourquoi perdre son temps et son énergie à détester, combattre, se fâcher? Les bonnes raisons d’espérer existent en ce début d’année 2023. À nous de les préférer à la résignation.

Inutile méchanceté

Mais puisque mon dernier billet – Même pas drôle – a suscité quelques commentaires, je confirme et signe ce que j’ai écrit à propos de Roselyne Bachelot et de son passage plus que controversé au ministère de la Culture. Le Monde (Michel Guerrin) n’est pas moins sévère que moi : « Si Roselyne Bachelot pose une bonne question – à quoi sert une politique culturelle aujourd’hui ? –, ses réponses sont un peu courtes ». Le Point relève : Roselyne Bachelot règle ses comptes avec la culture, ce qui est quand même un comble pour une ministre qui était censée défendre et aider le monde de la culture.

En fait, ce bouquin est la pire des publicités qu’on puisse faire à la Culture, Comme si nous avions besoin de tomber encore plus bas… Imaginons seulement la même chose de la part d’un ancien ministre de l’Intérieur ou de la Justice qui passerait « à la sulfateuse » – c’est l’expression employée par les médias pour Bachelot – les magistrats, policiers, gendarmes, hauts responsables dont il avait la charge. Ce serait un scandale ! Mais puisque c’est la Culture, allons-y gaiement. Non merci Roselyne !

Les jeunes Siècles

L’année musicale a bien commencé pour moi. Il y a une semaine c’était le concert-anniversaire des 20 ans des Siècles au Théâtre des Champs-Elysées. J’ai écrit pour Bachtrack un compte-rendu enthousiaste : Les Siècles ont vingt ans : une fête française.

Le même programme avait été capté le 5 janvier à Tourcoing. A déguster sans modération, surtout pour la première suite de Namouna de Lalo.

Les fabuleux Pražák

Depuis que je suis rentré de vacances, je prends un plaisir non dissimulé à découvrir le contenu d’un fabuleux coffret : celui que le label Praga consacre au plus célèbre quatuor tchèque du siècle dernier, les Pražák (prononcer Pra-jacques)

Une somme admirable, un enchantement sur chaque galette

Gothique

Ce blog prend du retard… Dès lors que j’ai accepté d’écrire des chroniques pour Forumopera.com sur des disques (De la nuit à la lumière, De si de Sa) et maintenant sur des concerts (Ainsi chantait Caligula, Douceur de la douleur), je leur consacre le temps et l’attention que l’exercice requiert. Et je n’entends pas, a priori, mélanger les deux disciplines.

Précision

Un ami musicien à qui je racontais mes nouvelles aventures de critique musical me disait mi-sérieux mi-moqueur : « Tu vas pouvoir balancer ! »… Comme si j’avais des comptes à régler, des vengeances à assouvir. C’est mal me connaître. Il n’y a que les aigris, les jaloux, les envieux (et il y en a quelques-uns – euphémisme -dans le milieu artistique) qui puissent nourrir de tels sentiments. J’ai eu la chance d’approcher, parfois de faire jouer, de très grands artistes, qui étaient aussi, pour l’immense majorité, de magnifiques êtres humains. De quoi et pourquoi devrais-je me « venger » ? Sans doute me priverai-je moins de dire ce que je pense, de dégonfler certaines baudruches, mais c’est tellement mieux, plus rassurant, de dire du bien…

Retour à Laon

Mais je peux raconter mes visites du week-end. Gothiques à plein. Grâce à de beaux concerts : Laon, Royaumont.

Pas des inconnues. Mais Laon ça faisait un sacré bail: un concert à la mi-octobre il y a une vingtaine d’années avec l’Orchestre philharmonique de Liège, George Pehlivanian à la baguette et Pierre Amoyal au violon. Il avait failli jouer avec des mitaines tant il faisait cru dans la haute nef de la cathédrale Notre Dame. Quant à l’orchestre ils n’étaient pas loin de faire jouer la clause du règlement de travail interdisant de jouer à moins de 18 degrés de température ambiante. Plus lointain encore, 1997 je crois, un Requiem allemand de Brahms avec lOrchestre philharmonique de Radio France, un chef que je n’aimais vraiment pas – Marek Janowski – mais ce soir-là je baissai la garde. Il avait invité le choeur du Singverein de Vienne (on avait encore les moyens à Radio France !). J’en ressens encore l’émotion.

Ci-dessus Les Siècles et l’ensemble Aedes dirigés par Mathieu Romano vendredi soir dans la cathédrale Notre-Dame.

Mon « papier » paru ce mardi sur Forumopera.com : Douceur de la douleur

En bis, une chanson de Clément Janequin chantée par les musiciens debout et le choeur. Beau.

Royaumont en majesté

L’abbaye de Royaumont, ce que c’est devenu depuis bientôt quarante ans, grâce à la volonté, l’énergie inlassable de Francis Maréchal, un centre de formation, de création voué à l’art vocal et à la danse. Dans un site exceptionnel. Deux concerts ce week-end, beaucoup de bonheur avec quatre jeunes duos (lire La relève à Royaumont) et une chanteuse qui me bouleverse toujours, Véronique Gens.

Le piano qu’on aime

Crise du disque ? crise du classique ? pas pour le piano semble-t-il.

Quelques pépites repérées dans les dernières sorties, des pianistes, des amis que j’admire depuis longtemps.

Benjamin et Chopin

Faut-il que je redise ici tout le bien que j’entends, pense et écris de Benjamin Grosvenor ? Le pianiste anglais, qui fête ses 30 ans le 8 juillet, revient à Montpellier les 28 et 29 juillet, dans le cadre du #FestivalRF22, jouer les 3ème et 4ème concertos de Beethoven (il est recommandé de réserver au plus vite : lefestival.eu) avec ses complices du Scottish Chamber Orchestra.

J’ai profité du week-end dernier pour écouter un disque remarqué évidemment dès sa sortie il y a un an, dont je remettais l’écoute à des moments plus favorables. Et, comme toujours, avec ce diable d’artiste, le choc. Ces deux concertos de Chopin qu’on croit connaître par coeur, sous les doigts de Rubinstein, Clara Haskil (pour le second), Martha Argerich, et tant d’autres illustres, je les ai redécouverts avec Benjamin Grosvenor.

Foin d’un romantisme de jeune fille phtisique, du piano puissant, charnel, éloquent, virtuose mais une liberté souveraine dans le choix des tempi, des phrasés, un nuancier sans limite, une jeunesse enivrante.

Et puis la découverte, pour moi, d’une jeune cheffe d’orchestre chinoise, Elim Chan, qui ne se contente pas du service minimum, loin de là, pour accompagner son génial soliste.

Cédric et Ravel

Gramophone en a fait son « disque du mois » de juin. Alain Lompech ne tarit pas d’éloges sur les réseaux sociaux. C’est le dernier disque de Cédric Tiberghien et de François-Xavier Roth (je n’oublie pas la présence de Stéphane Degout, j’y reviendrai plus loin) :

« Ecouté, réécouté avec une attention soutenue, chaque fois plus soutenue devrais-je dire, ce disque est une merveille à laquelle je ne fais qu’un reproche : le choix d’un grand patron Pleyel de 1892 en lieu et place du Erard qui s’imposait ici : c’était l’instrument de Ravel, celui dont son imaginaire sonore s’est nourri, et le grand Erard cordes parallèles 90 notes en cadre serrurerie ou le rarissime cordes parallèles avec cadre en fonte s’imposaient ici d’un point de vue historique et musical.
Ceci dit, le Pleyel joué par Cédric Tiberghien est une merveille et joué par lui une splendeur dont bénéficient les mélodies qu’il accompagne de façon magistrale, et je pèse mes mots, à Stéphane Degout qui chante d’une façon directe, sans apprêt, d’une façon qui vise juste en chaque mot, chaque accent…
Les deux concertos se hissent tout en haut de mon panthéon en raison de la façon si précise, si fulgurante parfois dont Thibergien les joue, en raison aussi de la sensibilité sans la moindre sollicitation dont il fait preuve: le deuxième mouvement du concerto en sol est à couper le souffle tant il sait le tenir en apesanteur, comme sa joie conquérante dans le finale et son allant si swinguant dans le premier mouvement. Le même pianiste réussit le Concerto de la main gauche au-delà de toute espérance, car il n’est pas si fréquent que le même pianiste réussisse les deux de façon également convaincante. Tiberghien joue dents serrées, taille dans le vif du clavier et chante sa cadence finale admirablement sur un piano qui tient le choc et rend les textures plus transparentes… François Xavier Roth et les Siècles sont vraiment exemplaires : la saveur des couleurs des instruments d’hier et le caractère précis, analytique et inspiré de la direction apportent vraiment beaucoup à ces deux oeuvres…
(Alain Lompech sur Facebook, 27 juin 2022).

L’une des merveilles de ce disque est la présence de plusieurs mélodies de Ravel, où l’on retrouve Stéphane Degout et Cédric Tiberghien.

J’en profite pour rappeler que Stéphane Degout est l’un des invités de choix du prochain Festival Radio France (lefestival.eu), d’abord parce qu’il donne le 25 juillet le cycle La Belle Maguelone de Brahms, quasiment sur les lieux mêmes de la légende (lire La légende de la belle Maguelone) mais aussi parce qu’il anime une Masterclass les 26,27 et 28 juillet.

Eric et Mozart

L’ami et compagnon de tant d’aventures Eric Le Sage se lance au disque dans Mozart.

Une surprise ? Pas pour ceux qui suivent le pianiste français depuis longtemps (souvenir personnel d’un concerto de Mozart avec Armin Jordan à Liège !) Celui qui a été unanimement reconnu, et souvent récompensé, pour ses Schumann, Poulenc en solo, ses Fauré et Brahms en musique de chambre, trouve pour ces deux concertos un partenaire de choix en la personne de François Leleux et de son orchestre suédois.

Je n’ai pas encore pu entendre tout le disque – le mouvement lent du 24ème sur Idagio – et ce matin une partie du 17ème concerto sur France Musique (à réécouter ici). J’aime l’allégresse, le mouvement allant, voire très allant, qu’adoptent Eric Le Sage et François Leleux. Et la grande et belle allure de ce Mozart franco-suédois.

Quand la musique est douce

Je n’ai pas évoqué les concerts Saint-Saëns des 19 et 20 juillet derniers au Festival Radio France (La fête continue) avec notamment Les Siècles et François-Xavier Roth. Ce n’est pas un oubli, ce sera l’objet d’une série sur le compositeur français mort il y a cent ans.

Un festival, le festival, c’est une succession de rencontres, d’émotions, de vertiges, qui pourraient virer à la confusion, à une sorte de trop-plein. Il faudra laisser décanter. Mais quel bonheur pour tous, public, interprètes, programmateurs ! Seule immense frustration pour moi : ne pouvoir assister qu’à une petite partie du festival, ne quasiment pas sortir de Montpellier – où certes la majorité des concerts sont concentrés -.

De la Terre aux étoiles

Le violoncelliste Christian-Pierre La Marca avait conçu un projet « Wonderful world » mêlant musique – avec son comparse Nathanaël Gouin – et poésie – avec Julie Depardieu, sur des images souvent spectaculaires de Yann Arthus-Bertrand, destinées à faire comprendre les enjeux du dérèglement climatique. Salle Pasteur comble.

Sur le parvis du château d’O, la Maîtrise de Radio France sous la conduite de sa cheffe Sofi Jeannin.

Les Percussions de l’Orchestre National de France concluaient un week-end intitulé « De la Terre aux étoiles » avec le chef-d’oeuvre de Xenakis, Pléaides.

Le piano toujours

Ce qui est saisissant au festival, c’est que les interprètes semblent ne se donner aucune limite – programme dantesque pour Yoav Levanon – et un peu la même chose pour Selim Mazari et Tanguy de Williencourt le 26 – la sonate 448 de Mozart pour 2 pianos, la transcription d’André Caplet pour deux pianos de La Mer de Debussy, et une friandise pour finir (!), la suite n°2 pour deux pianos de Rachmaninov !

Une création

D’une difficulté – l’impossibilité de maintenir Bacchus de Massenet initialement prévu le 26 juillet, à cause des restrictions sanitaires – on a fait une chance, la création européenne, en français, de l’opéra de Philip Venables et Ted Huffmann. Première ce lundi soir, deux autres représentations ce soir et demain. À voir vraiment.

Le bonheur de Jakub

Je l’avais applaudi il y a deux ans à Auvers-sur-Oise et j’avais écrit ceci : « On souhaite à Jakub Jozef Orlinski de ne pas succomber aux griseries de la célébrité, aux tentations du marketing, et d’approfondir son art. Il en a le talent.« 

Hier soir il avait élaboré spécialement pour le festival un programme d’airs baroques, en grande partie composé de « world premieres » comme il l’a annoncé fièrement au public.

Le dîner qui a suivi m’a, en tous points, confirmé que Jakub Jozef Orlinski est d’abord un jeune homme qui porte son bonheur de vivre en bandoulière, d’une inlassable curiosité pour des partitions inconnues, la tête parfaitement froide par rapport à la célébrité. Et cette voix si ronde et belle sur toute l’étendue de la tessiture.

A la fin du dîner d’après-concert, les héros du lundi soir, les auteurs de Denis et Katya, Ted Huffmann et Philip Venables sont venus nous rejoindre.

Déconfinement

Lorsque j’ai fait cette annonce – c’était le 7 avril dernier ! – je me suis heurté à ceux, y compris dans mon entourage, qui me trouvaient, au choix, inconscient, imprudent, excessivement optimiste. Certains faisaient le rapprochement avec l’an dernier : le 2 avril j’avais annoncé l’édition 2020 du Festival Radio France, pour finalement devoir l’annuler le 24 avril (et pourtant nous avons fait un Festival malgré tout !)

La meilleure réponse nous a été apportée par le public qui, dès l’ouverture des réservations le 8 avril, s’est précipité sur la billetterie en ligne du Festival et a, ainsi, validé notre optimisme et surtout la programmation festive de cette édition 2021 (lefestival.eu)

Chaque concert est une fête

C’est plus que le slogan de ce prochain Festival, c’est une conviction, une promesse.

Des preuves ? Un premier florilège des oeuvres et des artistes programmés (il y a aura une suite !)

Le 14 juillet, l’Umlaut Big Band ouvre le Bal à Montpellier

Le lendemain du feu d’artifice de la Fête nationale, Hervé Niquet lance les Feux d’artifice royaux

Ce même 15 juillet, un duo de charme, Sophie Karthäuser et Cédric Tiberghien, ouvre la série Musique ensemble

Le lendemain, le très talentueux Dmitry Shishkin, 2ème prix du Concours Tchaikovski 2019*- l’un des 30 pianistes invités du Festival ! – figure parmi les Découvertes de cette édition 2021.

Le 16 juillet, dans la grande salle de l’Opéra Berlioz, une séance de sonates au sommet : Richard Strauss, Elgar, Fauré sous les doigts et l’archet de Michel Dalberto et Renaud Capuçon

Le 18 juillet, le Festival retrouve son chef porte-bonheur, Santtu-Matias Rouvali. Découvert, pour ma part, en 2014 lorsqu’il était venu diriger deux concerts, deux programmes, déjà à la tête de l’Orchestre philharmonique de Radio France

SMR était revenu avec les mêmes en 2018 pour un Sacre du printemps mémorable, et en 2019 pour deux concerts tout aussi exceptionnels avec l’orchestre philharmonique de Tampere (Finlande) dont il est le directeur musical depuis 2013

(de gauche à droite, Santtu-Matias Rouvali, JPR, Jean-Luc Votano qui venait de jouer l’extraordinaire concerto pour clarinette de Magnus Lindberg)

Thibaut Garcia est un autre invité de choix du #FestivalRF21. Il sera de la soirée du 18 juillet, et de plusieurs autres à Montpellier et dans la Région Occitanie.

Le 19 juillet, François-Xavier Roth, son orchestre « Les Siècles » et la violoncelliste argentine Sol Gabetta nous offrent un programme tout Saint-Saëns, dont le rare 2ème concerto pour violoncelle.

Je ne peux m’empêcher de redonner un coup de projecteur sur un projet discographique qui m’avait passionné : l’intégrale des oeuvres concertantes de Saint-Saëns pour violon et violoncelle.

Saint-Saëns est à l’honneur du concert de l’Orchestre National de France et de son chef Cristian Măcelaru, avec une vraie rareté, pour ma part, jamais entendue en concert, l’une des cinq symphonies du compositeur français, Urbs Roma. On se réjouit de l’appétit que manifeste le nouveau directeur musical de l’ONF pour le répertoire français, comme en témoigne cet enregistrement – sans public – réalisé durant le confinement.

On poursuivra bientôt ces invitations aux concerts de l’été.

Tout le programme est à retrouver et télécharger ici. Et les réservations sont plus que recommandées : https://lefestival.eu

*Le premier Prix du Concours Tchaikovski 2019 sera aussi présent au Festival le 24 juillet (Alexandre Kantorow)