Le Suisse de Paris

En avril dernier, l’Orchestre symphonique de Cincinnati annonçait le nom du successeur de Louis Langrée à sa direction musicale, Cristian Măcelaru et j’écrivais : Pas d’information pour l’heure du côté du National… puisque le chef roumain est l’actuel titulaire de l’Orchestre national de France.

Aujourd’hui l’information que j’espérais, est tombée : Philippe Jordan prendra les rênes du National à partir de 2027.

Le 9 avril 2002, à la veille du 1er tour de l’élection présidentielle, l’encore ministre de la Culture, Roselyne Bachelot remettait les insignes de Chevalier de la Légion d’honneur à Philippe Jordan.

J’ai été bien placé pour savoir que tant qu’une nomination n’est pas confirmée et reconfirmée, elle n’est pas faite, même si, cette fois-ici, rien ne semble avoir entravé un processus dont le chef lui-même situe la source au 6 octobre 2022. Tristan Labouret dans Bachtrack l’avait écrit au terme du premier concert que le chef suisse avait dirigé à Radio France : « qu’on revoie bien vite le maestro à la tête d’une phalange parisienne… non plus pour un seul concert mais bien pour un mandat ! »

Philippe Jordan m’avait confié son impatience et sa joie de diriger l’ONF. Le sourire et le clignement d’yeux qui avaient répondu à ma question : « Alors tu reviens à Paris ? » avaient été éloquents.

Moi-même j’écrivais (Le monde d’hier) : Le chef obtient un triomphe, et l’on voit tant dans les yeux des musiciens que du public ou des personnalités présentes autour de Sibyle Veil, la PDG de Radio France, le souhait manifeste que cette « première » ne soit pas une dernière.

Il dirige de nouveau ce jeudi soir l’Orchestre national de France, je me réjouissais d’y être, jusqu’à ce que la neige à Paris me prive d’être rentré à temps de Montpellier (où il ne neige pas !).

Il y a dix ans (IV) : François Hollande et le café liégeois

En 2012, pour compenser en quelque sorte la fermeture du Consulat général de France à Liège, j’avais été nommé Consul honoraire de France pour la province de Liège. Fonction bénévole mais exigeante, puisque le consul honoraire appelé à aider, voire secourir les Français (notamment les nombreux étudiants) résidant dans cette partie de la Wallonie francophone, et à représenter son pays aussi souvent que c’est nécessaire.

Cette photo me touche quand je la revois : c’était le 14 juillet 2013, parce que c’est une tradition à Liège de célébrer la fête nationale française, en présence des plus hautes autorités de la Ville et de la Province !

François Hollande à Liège

Le 4 août 2014, il y a donc exactement dix ans, plusieurs chefs d’Etat et de gouvernement, dont le président de la République française, avaient fait le déplacement de Liège, pour marquer le centenaire du début de la Première Guerre mondiale et de la fameuse Bataille de Liège. C’est la résistance héroïque des forts de Liège qui retarda l’invasion allemande et sa percée sur la France. Voilà pour la grande histoire ! La petite histoire est aussi connue : c’est pour honorer ces courageux Liégeois que les cafetiers parisiens débaptisèrent le café viennois et le renommèrent « café liégeois« , que la rue et la station de métro Berlin furent rebaptisées Liège, et qu’en 1919 la Légion d’Honneur fut décernée à la Ville de Liège.

En faisant le bourgmestre de la Ville de Liège, Willy Demeyer, Officier de la Légion d’Honneur, François Hollande marquait la reconnaissance renouvelée de la France cent ans après.

En retrouvant un extrait du discours prononcé ce jour-là par le président de la République d’alors, je suis frappé par la permanence de certains événements : l’Ukraine, Gaza, l’Europe… Dix ans après ! La paix ou la guerre ?

Binationalité

Puisque le thème s’est invité in extremis dans une campagne électorale d’une rare indigence, on s’est demandé ce qu’auraient été la Musique, la Culture en France, et même l’Histoire de France ces derniers siècles, si l’on y avait interdit la présence de doubles nationaux, ou d’étrangers qui avaient fait de la France leur patrie de coeur… Faut-il insister ?

Merci à François Morel pour sa réplique sans appel : Vive la France !

Je limiterai mon propos à quelques figures musicales bien connues.

Frédéric Chopin (1810-1849) ou l’archétype du binational ! Père d’ascendance française, le natif de Żelazowa Wola, a passé la moitié de sa vie en France. Ici son 2e concerto joué par un autre natif de Pologne, naturalisé Américain, et Parisien presque toute sa vie, Artur Rubinstein, accompagné par un chef américain, né à Berlin, André Previn.

Arthur Honegger (1892-1955), né dans la ville dont Edouard Philippe est l’actuel maire, mort à Paris, mais de nationalité suisse. Compositeur français ou helvète ? La question n’a pas de sens. Les références à la Suisse sont bien peu nombreuses dans son oeuvre, sauf pour sa 4e symphonie qui porte le titre de Deliciae Basilienses.

Les Italiens à Paris : Donizetti fait chevalier de la Légion d’honneur par Louis-Philippe, Rossini, inhumé au Père-Lachaise, Cherubini nommé directeur du Conservatoire, Spontini compositeur particulier de la Chambre de l’impératrice Joséphine (dont l’opéra La Vestale est à l’affiche de l’Opéra Bastille)

On n’aurait garde d’oublier le plus célèbre des Italiens de Paris, Jean-Baptiste Lully, l’irremplaçable surintendant de la Musique de Louis XIV, naturalisé Français en 1661, Lully dont Armide était aussi dans l’actualité lyrique de ce mois de juin, à l’Opéra Comique.

Que dire du plus célèbre compositeur français du IIIe Empire, le juif Jakob né à Cologne en 1819, naturalisé Français le 14 janvier 1860 comme Jacques Offenbach, le maître de l’opérette française ?

Histoire personnelle

Comme je l’ai déjà raconté ici (L’été 69) j’ai une double nationalité : française et suisse. Mais ce n’est le cas que depuis 1986 et une loi redoutablement efficace votée par la Confédération helvétique. La Suisse – qui a aussi connu des vagues populistes – a toujours eu un déficit de cadres notamment dans les zones frontalières, Genève, Bâle, pour les grosses entreprises et les institutions implantées dans ces régions. Pour éviter de devoir systématiquement recourir aux travailleurs frontaliers, la Suisse propose, en 1986, de conférer la nationalité suisse aux personnes âgées de moins de 32 ans à l’époque, nées à l’étranger d’une mère suisse (ce qui était mon cas), et pour que la mesure soit encore plus attractive, la nationalité suisse est étendue aux conjoints et enfants sans restriction, et les hommes ainsi naturalisés échappent aux obligations notamment militaires des natifs ! Le résultat ne s’est pas fait attendre : 5000 nouvelles naturalisations dans les deux ans qui ont suivi la promulgation de la loi ! Au moment où j’ai intégré la Radio suisse romande, c’est donc comme citoyen suisse que j’ai été recruté ! Quand, en 1999, la Belgique m’a embarqué dans une aventure qui allait durer quinze ans (Liège à l’unanimité), ils n’avaient sans doute pas mesuré le risque d’engager un double national franco-suisse…

Confidences et confidentialité

Aussi paradoxal que cela paraisse pour l’auteur d’un blog, je répugne à l’étalage des sentiments, et surtout à la divulgation de ce qui est et doit rester intime, voire secret. Or les réseaux sociaux ont, semble-t-il, levé tout scrupule même chez des personnages qu’on aurait pensé plus avertis des nécessités de la confidentialité.

Ainsi à propos de deux « moments » tout récents d’actualité, sans lien autre que chronologique entre eux : »l’affaire » François-Xavier Roth et la disparition d’Hugues Gall.

François-Xavier Roth, ce que je sais

J’ai écrit ici même hier: Difficile d’ignorer la tourmente dans laquelle se trouve plongé François-Xavier Roth depuis l’article que lui a consacré Le Canard enchaîné ce mercredi. Je n’entends pas participer à la curée. Je me suis déjà exprimé ici – Remugles – sur les « affaires » qui avaient déjà éclaboussé le monde musical. La prudence s’impose et seule la justice, pour autant qu’elle soit saisie, peut qualifier la réalité des faits allégués.

Si je m’en tenais à la période compliquée que j’ai traversée en 2009-2010 à cause de FXR (lire Le choix d’un chef) j’aurais des raisons de lui en vouloir, et peut-être d’aboyer avec la meute. Oui j’ai su, à l’époque, que, s’ennuyant sans doute dans l’appartement qu’il occupait à Liège, il lui arrivait de draguer par SMS, des musiciennes, des musiciens et sans doute pas qu’eux…Alors que, durant tout mon mandat de directeur à Liège, j’ai toujours été extrêmement attentif, et intransigeant, sur tout ce qui pouvait relever du harcèlement, en dehors parfois même des procédures légales, que j’ai en toutes circonstances été disponible pour celles ou ceux qui souhaitaient me confier leurs problèmes personnels, de quelque nature qu’ils fussent – parce que tous savaient que je conserverais le secret le plus absolu sur leurs..confidences (confidence = confiance). Je n’ai jamais dérogé à cette règle.

S’agissant de FX Roth, lorsqu’on me rapportait ses tentatives, c’était le plus souvent pour s’en amuser, évoquer les « râteaux » qu’il se prenait. Dans une communauté comme un orchestre, tout se sait ou finit par se savoir de qui « sort » avec qui, des comportements des uns et des autres. Jamais je n’ai reçu la moindre plainte à l’encontre du chef.

A ce jour, depuis l’article du Canard enchaîné, je ne sache pas d’ailleurs que la justice ait été saisie, en France ou en Allemagne, là où le chef français exerce ses responsabilités. Je rapprocherais plutôt la situation de FXR de l’épisode qui a valu à un ancien secrétaire d’Etat, candidat à la Mairie de Paris en 2020 – Benjamin Griveaux – son retrait forcé de la vie politique. Dans les deux cas, il n’y a pas eu de violence sur autrui, ni fait pénalement répréhensible, juste des situations ridicules dont la seule victime est l’auteur.

Mais dans l’esprit des abonnés aux réseaux sociaux, la cause est entendue : Griveaux comme Roth sont coupables !

Demain on révèlera que tel pianiste est sur Grindr, tel patron sur Tinder, et on balancera sur les réseaux le contenu de leurs échanges, leurs photos intimes ?

Hugues Gall l’homme d’honneurs

Depuis que Jean-Louis Grinda l’a, le premier, annoncé avant-hier soir sur Facebook, le décès d’Hugues Gall, ancien directeur du Grand Théâtre de Genève puis de l’Opéra de Paris, n’en finit pas de susciter des flots de confidences, qui ne ressortissent pas toutes – euphémisme ! – à des souvenirs professionnels. Et tout cela complaisamment étalé sur les réseaux sociaux…

Tel ancien collègue du disparu se répand en détails très personnels, ou à l’inverse un autre raconte par le menu des interventions d’Hugues Gall dans un dossier complexe, avec force détails et insinuations, auxquels évidemment l’intéressé ne peut plus répliquer.

Il se trouve que j’ai un peu connu Hugues Gall. D’abord à Genève, où il était le tout-puissant patron du Grand-Théâtre (l’opéra). J’étais alors à la Radio suisse romande, pas directement en charge des relations avec les institutions lyriques. Mais en 1992, j’avais été chargé d’organiser une journée/soirée commune entre la chaîne culturelle romande, Espace 2, et France Musique, qui devait s’achever par une diffusion en direct du Grand Théâtre. J’avais pris contact avec l’équipe du GTG pour régler tous les détails, ne sachant pas que Gall contrôlait tout, décidait de tout. Je reçus un coup de fil de sa part, courroucé – le terme est aimable ! – me reprochant de le tenir à l’écart, etc… Sous l’algarade, je ne pus que bafouiller quelques excuses. J’entendis mon interlocuteur se détendre et me dire : « Je sais très bien qui vous êtes, vous ne m’aimez pas ! ».Il insista : « Oui quand je vous vois au théâtre, vous m’ignorez« . J’en étais comme deux ronds de flan. Le personnage m’impressionnait, je ne lui avais jamais parlé, et je pensais évidemment qu’il ne m’avait jamais remarqué… On était à fronts renversés ! L’année qui suivit, jusqu’à mon départ pour France Musique à l’été 1993, fut plus sereine. Au point que quand j’annonçai mon départ de la Radio suisse romande à Hugues Gall, il me répondit un petit mot : « Vous me chaufferez la place ! ». Sa nomination à la direction de l’Opéra de Paris en 1995 venait d’être annoncée.

Je laisse à d’autres le soin de rappeler sa carrière et son engagement au service de la musique et de l’art lyrique, comme Emmanuel Dupuy pour Diapason : Le réformateur de l’Opéra de Paris

Je garde, tant à Genève qu’à Paris, de merveilleux souvenirs de représentations d’opéra, souvent liés à la mémoire d’Armin Jordan qu’Hugues Gall admirait profondément – c’est lui, qui sauf erreur de ma part, l’a invité pour la première fois à l’Opéra de Paris, pratiquement chaque année durant son mandat, et on en sait le résultat, puisque si Philippe Jordan en est devenu plus tard le directeur musical, c’est bien sûr en raison de son talent, mais aussi de la trace qu’avait laissée son père dans la fosse de Bastille ou de Garnier.

Pardon pour la piètre qualité de cette copie de cette Veuve joyeuse impérissable qui rassemblait, en 1997, Karina Mattila, Bo Skovhus.. et Armin Jordan, dans une mise en scène d’un autre récent disparu, Jorge Lavelli.

Pour l’ouverture de sa première saison parisienne, Hugues Gall avait frappé un grand coup avec un Nabucco extraordinaire, avec Julia Varady en Abigaille :

Hugues Gall aimait le pouvoir, et même s’il n’était dupe d’aucun des travers des puissants, auxquels il réservait une ironie jouissive, il aimait les honneurs. La liste de ses décorations m’a toujours fait sourire : Commandeur de la Légion d’honneur, Grand officier de l’Ordre national du Mérite, Commandeur des Arts et Lettres, Commandeur des Palmes académiques… et même Chevalier de l’ordre du Mérite agricole ! Sous la présidence Sarkozy, il jouait le rôle de ministre bis de la Culture. Il présida l’Orchestre français des jeunes et son influence y fut réelle (je me rappelle un échange de correspondances plutôt vif entre lui et Mathieu Gallet, alors PDG de Radio France, lorsque ce dernier envisageait de ne plus héberger l’OFJ dans les locaux de la Maison ronde, faute de place en raison des travaux de « réhabilitation » du bâtiment).

Le dernier souvenir que j’ai de lui, c’était il y a quelques mois : le hasard du protocole nous avait assis l’un à côté de l’autre à l’Opéra Bastille. Je ne l’avais pas revu depuis longtemps et je m’étonnais de sa présence, sachant qu’il avait refusé de revenir comme spectateur à l’Opéra de Paris durant tout le mandat de Stéphane Lissner… Il s’était montré charmant et apparemment très informé de mes activités, puisque nous étions « amis » sur Facebook et que, s’il s’exprimait peu sur ce réseau, il suivait manifestement de près les aventures des uns et des autres.

Le maître de ballet

90 ans depuis septembre, cet Australien ne restera pas dans l’histoire de la musique et du disque que comme l’époux de la Stupenda – c’est ainsi qu’on surnommait sa compatriote, disparue il y a dix ans, la cantatrice Joan Sutherland, dont il a dirigé quasiment tous les enregistrements d’opéras.

Une idée pour Roselyne Bachelot : s’il y a un chef d’orchestre qui mériterait la Légion d’honneur, c’est bien Richard Bonynge.

Le superbe coffret que Decca édite en cette fin d’année en témoigne à la perfection : aucun chef n’a autant servi et enregistré la musique française que lui.

Entendons-nous, Richard Bonynge n’a jamais cherché à concurrencer Munch, Paray, Martinon et autres hérauts de Berlioz, Ravel, Debussy, mais le travail de recherche qu’il a inlassablement entrepris pour mettre au jour, réhabiliter, éditer tout un trésor de partitions oubliées du XIXème siècle français, est proprement hallucinant

Personne ne prétend, lui moins encore, que tout ce répertoire n’est fait que de chefs-d’oeuvre, l’inspiration tire souvent à la ligne, et il ne faut pas chercher autre chose que du divertissement, de l’écoute agréable et légère, dans ces ballets, connus (Delibes, Tchaikovski) ou inconnus. Mais que tout cela est fait avec un chic, une allure, magnifiées par des prises de son dans la plus pure tradition Decca.

Il faut aussi louer l’éditeur Decca : les rééditions de cette qualité se font rares, les galettes sont parées de leurs couvertures d’origine, le livret est richement documenté et permet de s’y retrouver très facilement dans les compositeurs, les oeuvres, les interprètes.

Merci Monsieur Bonynge !

Le contenu de ce coffret de 45 CD :

Adam: Le Diable à quatre; Giselle (2 versions); Le Corsaire
Auber: Marco Spada; Gustave III – Ouverture & ballet; Concerto pour violoncelle
Delibes: Coppelia; Sylvia (2 versions)
Leoni: Prayer and the Sword
Burgmüller: La Peri
Chopin: Les Sylphides
Thomas: Hamlet
Verdi: Le trouvère, ballet
Massenet: Manon (ballet); Le Carillon; Scènes Alsaciennes et Dramatiques; Fantaisie pour violoncelle et orchestre; La Cigale; Valse tres lente; Le Cid; Meditation de Thais (Nigel Kennedy)
Berlioz: Les Troyens, ballet
Weber/Berlioe: Aufforderung zum Tanz
Lecocq: La Fille de Madame Angot
Donizetti: La Favorita, ballet
Messager: Les deux Pigeons
Minkus / Delibes: La Source
Drigo: La Flûte magique
Minkus / Lanchbery: La Bayadere
Gounod: Faust, ballet
Offenbach: Le Papillon
Popper: Concerto pour violoncelle (Silverstein)
J. Strauss II: Aschenbrödel/Cendrillon; Ritter Pasman; Le beau Danube (Désormière); Die Fledermaus, Ouverture et ballet
Tchaikovski:  Casse-Noisette, Le lac des cygnes, La Belle au bois dormant
Händel: Alcina, ballet
Rossini / Respighi: La Boutique fantasque
Rossini/Britten: Soirées musicales, Matinees musicales
Meyerbeer: Les Patineurs
Ouvertures du XVIIIème siècle
Ouvertures d’opéras français
L’art de la Prima ballerina
Hommage à Pavlova
Entractes et ballets d’opéras français

Orchestre de la Suisse Romande / London Symphony Orchestra / Covent Garden / National Philharmonic Orchestra / English Chamber Orchestra

Mon Pays de France

J’ai découvert hier que je vivais tout près de la France. Et ce n’est pas une blague !

Français je savais, quoique de sang mêlé. La France aussi, l’une de mes deux nationalités. Mais je vous assure que ce n’est qu’en ce dimanche de Toussaint que j’ai su ce qu’était cette France de Roissy-en-France (ce n’est pas un coup de pub d’Aéroports de Paris, le village existait, avec ce nom, bien avant Roissy-Charles-de-Gaulle !) : http://lemondenimages.me/2015/11/01/le-pays-de-france/

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C’est de la terrasse d’entrée du Château d’Ecouen qu’on a une vue panoramique sur ce Pays de France ou Plaine de France.

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Extrait de l’excellente notice Wikipedia sur : https://fr.wikipedia.org/wiki/Pays_de_France

La Plaine de France fait partie du premier domaine royal capétien dès le XIIème siècle. Sa situation à proximité immédiate de la capitale l’a placée très tôt en situation de dépendance économique vis-à-vis de Paris. Sous l’Ancien Régile, grâce à la fertilité de ses sols, recouverts d’une épaisse couche de limons, elle approvisionne la capitale en denrées alimentaires (céréales, pains de Gonesse…). C’est aussi, pour ces raisons, une terre convoitée, et les fiefs sont érigés dès le XIIe siècle. Les grandes abbayes de Paris et de sa région possèdent un très grand nombre de terres agricoles. Outre l’abbaye de Saint-Denis au début du Moyen Âge, l’abbaye de Chaalis fait installer trois granges céréalières de très grande taille dans le courant du XIIème siècle qu’elle exploite en direct à l’aide de ses moines convers. Stains à Villeneuve-sous-Dammartin, Choisy-aux-Bœufs à Vémars et Vaulerent à Veilleront dépassent toutes les 200 ha dès cette époque et font l’objet d’une exploitation intensive et moderne.

Dès le Xe siècle et jusqu’au XVIIe siècle, c’est la puissante Maison de Montmorency qui règne sur la plus grande partie de la Plaine de France. Les Ducs de Montmorency successifs feront construire de nombreux châteaux et places fortes, tels que le château d’Écouen qui date du XVIe siècle. C’est à la Renaissance que ce territoire prend tout son essor.

Depuis 1977, le château du connétable Anne de Montmorency est le siège du Musée national de la Renaissance. Le parc qui l’entoure est une merveille à l’automne, mais ce que n’indique aucune notice et qu’on constate à profusion durant une visite, c’est que le château est dans un couloir d’atterrissage de l’aéroport de Roissy tout proche… Saisissant contraste entre le contenu du château et son environnement !

J’ignore qui a conçu l’aménagement et la muséographie de ce Musée national de la Renaissance, mais il est évident que rien n’a évolué depuis quarante ans et que tout fait terriblement daté. Aucune logique apparente dans les salles d’exposition, la plupart organisées par thèmes (les tissus, les cuirs, les céramiques, l’orfèvrerie, etc.) d’où une accumulation d’objets souvent de grande valeur historique ou artistique mais que même un oeil exercé finit par ne plus pouvoir regarder. Comme le château montre encore des pièces qu’ont habitées Louise de Savoie ou Catherine de Médicis, le visiteur est fondé à croire que le mobilier, les peintures, les cheminées monumentales, voire les tapisseries et autres objets qui s’y trouvent appartiennent au château… Alors que la quasi-totalité de ce qui est exposé a été apporté ici – au moment de la constitution du musée – provenant d’autres musées ou collections.

Les repères chronologiques échappent à celui qui n’a pris la précaution de lire intégralement les plaquettes disposées à l’entrée de chaque salle.

Même les expositions temporaires (actuellement sur Louise de Savoie, mère de François Ier) sont présentées comme on n’oserait plus le faire dans des musées plus récents : de grands panneaux didactiques, beaucoup de texte, peu d’illustrations, encore moins de vidéos.

Et comble du mauvais goût, les panneaux indicateurs placés à l’entrée du domaine, en bleu vif, genre mobilier urbain eighties en alu premier prix !

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Thalys, Palmyre : com’ de crise ou crise de com’ ?

Deux événements occupent depuis hier le devant de l’actualité : l’attentat manqué du Thalys et la destruction de l’un des édifices majeurs du site antique de Palmyre en Syrie.

Sur le Thalys, je ne vais pas répéter ce que j’écrivais dans un précédent billet (https://jeanpierrerousseaublog.com/2015/08/05/vox-facebooki/). J’ai relayé ce matin sur ma page Facebook et mon compte Twitter ce que le président de la République a écrit :

Cette Légion d’Honneur récompense le courage et le formidable acte d’humanité de Christopher Norman, Anthony Sadler, Aleksander Skarlatos et Spencer Stone ‪#‎Thalys‬« 

Je l’ai entendu en direct citer les autres « héros » de l’événement (l’un voulant demeurer anonyme, l’autre étant encore hospitalisé) mais il n’a pas fallu deux secondes pour que, sur les réseaux sociaux, une fois de plus, la meute se déchaîne contre ce président si nul, si mal informé, parce qu’on n’avait vu que les quatre décorés du jour !

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On a parfois honte de considérer certains comme des « compatriotes ».

En revanche, ayant longtemps été un usager régulier du Thalys, je n’avais pas été surpris du témoignage de l’acteur Jean-Hugues Anglade. Combien de fois n’avais-je pas constaté, dans des circonstances évidemment beaucoup moins dramatiques, l’absence, l’évanescence des contrôleurs (laissant souvent les stewards faire le boulot à leur place), leur attention très relative aux passagers !

Mais qu’une personnalité connue s’avise de dénoncer un comportement problématique, ça la fiche mal, et c’est là que les « pros » de la com’ de crise interviennent : http://www.challenges.fr/politique/20150824.CHA8645/thalys-comment-la-sncf-essaie-d-eteindre-la-polemique-anglade.html.

Extraordinaire dialectique ! On n’imaginait pas pareille résurgence des principes léninistes : le Parti (la SNCF ici) a toujours raison.

L’autre événement qui a évidemment une dimension historique, politique et morale sans commune mesure avec l’attentat manqué du Thalys, c’est Palmyre. Après l’assassinat de l’ancien directeur du site antique, c’est maintenant la destruction du temple de Baalshamin. Evidemment, la colère, l’indignation sont générales. J’évite à dessein de surenchérir dans le vocabulaire qui décrit les faits et mon sentiment.

Parce que, précisément, les auteurs de cette barbarie utilisent remarquablement toutes les ressources de la communication moderne. Et à leur profit.

Hitler, Staline, Pol Pot, et d’autres encore en Arménie ou au Rwanda pouvaient commettre génocides et meurtres de masse à l’abri des regards indiscrets, et dans l’indifférence (ou la neutralité) à peu près générale.

Les groupes qui, au Proche Orient, en Afrique (ne pas oublier Boko Haram et AQMI), font de la terreur et de l’horreur leur seule arme politique, font en sorte que leurs forfaits connaissent le retentissement maximal, suscitent la réprobation générale, mais surtout – et c’est là le piège tendu à nos démocraties, à nos libertés – ils provoquent la révolte des citoyens de bonne foi contre leurs propres dirigeants incapables – c’est ce qui s’écrit à longueur de « commentaires » – d’agir et de réagir face à ces terroristes. On est surpris d’ailleurs qu’Obama, Hollande, les dirigeants européens, ne prennent pas des cours de stratégie en lisant Facebook…. Le club des « Y a qu’à » et des ‘Faut qu’on‘ n’a jamais connu autant d’adeptes !

On parle bien d’un piège : donner un large écho, s’indigner avec vigueur de leur barbarie ne fait que renforcer ces terroristes, ne pas rendre compte de leurs forfaits nous en rendrait complices.

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Il me semble cependant qu’on peut, en tant que citoyens libres dans un pays libre, éviter de se tromper de cible, et face à une menace d’une ampleur inédite, garder le sens de la mesure dans notre expression et manifester une solidarité élémentaire à l’égard de ceux qui nous gouvernent, quelles que soient nos opinions.