Grandeurs et petitesses

L’actualité nous régale de quantité de petitesses et, heureusement, de quelques grandeurs.

Pas d’amalgame

J’ai suivi la belle et sobre cérémonie d’entrée au Panthéon de Robert Badinter. Plusieurs amis ont souligné l’intérêt que l’ancien ministre de la Justice portait à la musique classique. Il paraît même que c’était un client régulier de feu Melomania. Je ne l’y ai jamais vu. En revanche, du temps de la grandeur passée du festival d’Evian – alors piloté par Antoine Riboud et Rostropovitch – il n’était pas rare de le voir, lui et son épouse Elisabeth, parmi les invités « connus ».

La cérémonie elle-même a été rythmée par de belles séquences musicales. On passera sur la pénible prestation de Julien Clerc, mais cette chanson illustrait une prise de position importante un an avant l’abolition de la peine de mort. Juste un peu agaçant de lire en bandeau « The Goldberg Variations » lorsqu’on entend Glenn Gould jouer la célèbre aria initiale.

Parenthèse, les Variations Goldberg étaient au programme de La Tribune des critiques de disques de France Musique dimanche dernier. Si j’y avais participé, je pense que j’aurais souscrit au résultat des débats de mes camarades. En 2016, au Festival Radio France à Montpellier, j’avais invité Beatrice Rana à donner pour la première fois en public ces Variations qu’elle devait enregistrer quelques semaines plus tard, et en 2021 j’avais convié Gabriel Stern, dans des conditions climatiques et acoustiques difficiles pour lui. Je suis heureux que cet artiste trop discret soit mis en lumière par ce beau disque

A propos de Robert Badinter, j’avais rappelé un épisode (lire La voix des justes), plusieurs fois cité au cours de la cérémonie, et notamment par le président de la République, un épisode auquel j’ai été associé, par une tribune que j’avais adressée au Monde, en septembre 1983, et que mon fils avocat a retrouvée dans les archives du journal.

Le Monde titrait, le 6 septembre 1983 : Le Juge et la victime

«  »Le projet de loi relatif à l’exécution des peines présenté début août par le garde des sceaux au conseil des ministres, puis l’article de Robert Badinter (le Monde du 18 août 1983), après la tuerie d’Avignon, ont suscité de nombreuses réactions.Daniel Lecrubier met en lumière les avantages de la future législation, mais aussi ses limites. Bernard Prévost, de son côté, accumule les réserves.On trouvera aussi, dans cette page, un témoignage de Roger Knobelspiess et une importante prise de position de Jean-Pierre Rousseau, membre du conseil politique du C.D.S« 

Il faut rappeler qu’à l’époque le CDS était dans l’opposition. C’est sans doute pourquoi Le Monde avait publié mon texte.

Extraits :

Je n’ai évidemment pas une ligne à retrancher ou réécrire dans ce texte d’il y a plus de trente ans. Sauf que j’ai cessé d’adhérer au CDS, comme à toute autre formation politique, depuis 1995 !

La paix enfin ?

Peut-on voir un signe du destin dans le fait qu’au moment où la France faisait entrer au Panthéon l’un de ses grands hommes qui, plus et mieux que tous les médiocres commentateurs au petit pied qui sévissent sur les réseaux sociaux et certains plateaux de télévision, a su ce qu’il en coûtait d’être juif dans la France de 1940, Israel et le Hamas signaient, en Egypte, un accord de paix, où pour une fois la manière forte et décomplexée de Trump a fait effet. L’espoir est enfin de retour !

Lecornu bis

Au moment précis où je sortais hier soir du théâtre des Champs-Elysées, une alerte du Monde s’affichait sur mon portable : Lecornu reconduit. Le Canard enchaîné de mercredi était prémonitoire (voir Pendant ce temps).

Programme intéressant, en particulier les mélodies d’Alma Mahler chantées par Joyce DiDonato. Compte-rendu à lire sur Bachtrack.: Joyce DiDonato rehausse le concert du National.

Et comme toujours la possibilité de (ré)écouter le concert sur France Musique.

Pour les brèves de blog, je pense qu’on attendra prudemment la fin du week-end !

Les Belges sur France-Musique

Vive le podcast !

Dimanche dernier, l’ami Christian Merlin – lire. – consacrait son émission dominicale – Au coeur de l’orchestre – sur France Musique aux orchestres belges ! Et je l’ai manquée, mais on ne manque plus rien ni en radio ni en télévision grâce au podcast.

On peut donc entendre ou réentendre iciLes orchestres belges – la totalité de cette émission qui dresse un panorama aussi exhaustif qu’équilibré des formations orchestrales belges, mais on ne pourra m’empêcher de penser que, connaissant Christian Merlin, il a gardé le meilleur pour la fin. Il ne s’en cache d’ailleurs pas, et à partir d’ 1h36, il évoque l’Orchestre philharmonique royal de Liège (qui célèbre ses 60 ans cette année : Anniversaires public/privé).

Christian Merlin rappelle la glorieuse histoire d’une phalange, à laquelle je reste fier d’avoir consacré quinze ans de ma vie, de 1999 à 2014 – lire Liège à l’unanimité -, à laquelle me lient, pour toujours, tant de souvenirs, d’amitiés, d’émotions (Les beaux jours). Crise sanitaire oblige, j’aurai manqué, en cette triste année 2020, à la promesse que je m’étais faite de retourner, une à deux fois par an, rendre visite à mes amis liégeois, mais ce n’est que partie remise !

Pour illustrer son propos à propos de l’Orchestre philharmonique royal de Liège, Christian Merlin propose deux extraits musicaux : l’étude symphonique n°2, Ophélie, de Guillaume Lekeu, dirigée par Pierre Bartholomée.

et le finale de la Symphonie en ré mineur de César Franck, dirigée par Louis Langrée.

Merlin rappelle qu’une Tribune des critiques de disques de France Musique, à laquelle il participait d’ailleurs, avait, à l’issue d’une écoute à l’aveugle, distingué cette version comme la nouvelle référence interprétative dans une discographie surabondante.

Une anecdote – il y a prescription ! – : j’ai évidemment suivi, de bout en bout, la conception, l’enregistrement et la fabrication de ce disque qui regroupe les symphonies de Chausson et Franck. Je me rappelle une visite dans les bureaux d’Universal France, juste derrière le Panthéon à Paris, pour valider la pochette du disque… et mon étonnement lorsqu’on me présente un visuel ainsi rédigé : Franck CHAUSSON : Symphonies. Le graphiste devait penser qu’après Frank Michael, une gloire belge de la chanson, Franck Chausson devait être la nouvelle star promue par Universal !! J’ai quand même dû insister un peu pour qu’on rétablisse une parfaite égalité graphique entre les deux compositeurs… et rappeler que Chausson se prénommait Ernest !

Pour être complet sur cette Symphonie de Franck, qui est l’emblème de l’OPRL, rappelons que la dernière version enregistrée en 2012 par Christian Arming a obtenu un Diapason d’or (lire L’or des Liégeois)

Et puisque Christian Merlin le cite dans son émission, mentionnons le Diapason d’or 2019 décerné à Jean-Luc Votano pour ce très beau disque, en particulier pour son superlatif concerto pour clarinette de Lindberg.

Bonne écoute : France Musique, Au coeur de l’Orchestre avec Christian Merlin : Les orchestres belges

L’aventure France Musique (III) : Fortes têtes

Après Il y a vingt-cinq ans, l’aventure France Musique et L’épaisseur d’une feuille de papier à cigarettesvoici donc le troisième épisode promis. Portraits de quelques fortes têtes qui peuplaient ou travaillaient pour et à France Musique en cette rentrée 1993.

565756_4662915210123_189902518_nAvec Claude Samuel (photo Michel Larigauderie)

Les surprises n’allaient pas manquer pour le nouveau débarqué dans la Maison ronde. Comme ce constat, tôt fait, que la grille de France Musique semblait avoir été concédée par appartements à des producteurs qui se considéraient propriétaires de leur « case » et seuls responsables du format et du contenu de leurs émissions. Une grille de programmes éparpillée façon puzzle, pour reprendre la réplique fameuse de Bernard Blier dans Les Tontons flingueursEt à l’intérieur de la grille, des plages de diffusions de concerts programmées de manière tout à fait autonome, comme un Etat dans l’Etat !

Bref je me posais la question de l’utilité de ma fonction si je n’avais droit au chapitre sur à peu près rien de la chaîne dont j’étais censé diriger les programmes !

Je demandai donc à mon secrétariat de m’organiser, sans tarder, des rendez-vous avec tous les producteurs (ils étaient alors plus de cinquante !), d’abord pour faire la connaissance de ceux que je n’avais jamais rencontrés, ensuite pour échanger sur leurs émissions… En commençant par les figures historiques de la chaîne, celles et ceux qui m’avaient enchanté, parfois énervé, lorsque je les écoutais adolescent.

François Serrette (1927-1999) était alors le producteur d’une émission qu’on lui avait imposée – « Domaine privé », une quotidienne de fin d’après-midi, considérée, par les producteurs, comme une opération de relations publiques pour le directeur de la Musique, Claude Samuel, qui, en effet, y conviait amis, relations, personnalités « bien placées », une « case » horaire qui échappait donc àux producteurs attitrés, ô sacrilège ! –

861502_4662915090120_1586218311_n(Au centre de la photo, François Serrette, on reconnaît de gauche à droite Gérard Courchelle, alors la grande voix du journal de 8 h sur France Inter et mélomane averti, Claude Samuel, Janine Reiss, Pierre Vaneck, Michel Larigauderie, un personnage que je n’identifie plus* et un vieil homme délicieux*, dont le nom ne me revient plus, qui était alors le conseiller artistique de l’Orchestre de Paris)

Je fus très ému de voir arriver un petit homme, à la face joviale, qui se demandait pourquoi je voulais le voir (j’ai découvert plus tard qu’en général quand un producteur était invité dans le bureau du « patron » c’était pour se faire virer !). Je lui rappelai que, vingt ans plus tôt, au printemps 1973, il avait fait le déplacement au Conservatoire de Poitiers pour enregistrer deux émissions (lire Les jeunes Français sont musiciens) et que, deux ou trois ans après, j’étais venu dans les studios de France Musique pour une émission dont les auditeurs faisaient le programme – mes débuts en radio ! – et dont il était le producteur ! Il n’en avait évidemment aucun souvenir, même s’il prétendit le contraire. François vécut, ces années-là, plusieurs drames personnels, que je l’aidai, tant bien que mal, à surmonter. Il disparut, prématurément usé par les épreuves traversées, en 1999, quelques mois après que j’eus quitté la direction de la chaîne. Je raconterai une autre fois quelques rendez-vous savoureux, étonnants ou émouvants, que nous eûmes, François et moi, avec des personnalités que nous souhaitions inviter dans « Domaine privé », notamment une belle brochette d’hommes politiques…

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(Jean de Gaullepetit-fils du général de Gaulle, à l’époque député de Paris, ici aux côtés du réalisateur de l’émission, le cher Michel Larigaudrie)

Puis vint le tour de Myriam Soumagnac (1931-2012), grand personnage de la chaîne, réduite au silence par la volonté de Claude Samuel – il voulait renouveler les voix et les intervenants sur la chaîne – on en reparlera ! – qui espérait trouver une oreille compréhensive, le petit nouveau, qui lui redonnerait le micro. L’arrivée d’une star – un peu fanée – de cinéma n’aurait pas produit plus grand effet, lorsqu’elle fit son entrée dans mon modeste bureau. Chevelure d’un noir de jais flamboyante, masque qui me faisait irrésistiblement penser à Néfertiti (c’est ainsi que je l’appellerais désormais avec ma proche équipe), enveloppée de pelisses et foulards de grand prix, parée de bijoux ruisselants et précédée d’effluves capiteux, Myriam Soumagnac entreprit de me rappeler ses nombreux titres de gloire académiques, ses émissions inoubliables sur France Musique (et même peut-être avant la naissance de la chaîne) et de me convaincre de réparer l’outrage commis à son égard par un Claude Samuel, qu’elle tenait en piètre estime. Le fait est que la situation était incommode pour quelqu’un – elle n’était pas la seule dans son cas – qu’on avait privé d’antenne, mais conservé comme producteur/trice d’émissions. En l’occurrence, je crois me rappeler que Myriam Soumagnac « produisait » une ou deux émissions de musique de chambre, histoire de lui assurer quelques revenus bien modestes. Situation humiliante… que j’essaierais plus tard de résoudre avec la complicité de la directrice du personnel  – on ne disait pas encore DRH – de Radio France.

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Dans la série des personnages qui avaient bercé mon adolescence, notamment dans La tribune des critiques de disquescanal historique, version Panigel/Goléa/Bourgeois, Jacques Bourgeois (1912-1996) officiait encore sur France Musique avec un statut très spécial que nul n’avait songé ou osé remettre en cause. Compte-tenu de sa réputation d’expert et de connaisseur en matière lyrique, il avait, par-delà les changements de direction, toujours su se maintenir comme producteur de concerts et/ou d’émissions ayant trait à l’opéra. Lorsque je suis arrivé à France Musique, Jacques Bourgeois était déjà octogénaire, même s’il tentait de masquer son âge véritable par un usage intensif du maquillage et des postiches censées le faire paraître vingt ou trente ans de moins. Le contraste à l’antenne entre cette voix, entre mille reconnaissable, mais irrémédiablement vieillie, et le contenu de l’émission qu’il produisait, un portrait hebdomadaire d’un jeune chanteur, confinait au ridicule. Mais personne n’osait le lui dire ! Ce fut à moi qu’échut le triste devoir de lui signifier que les meilleures choses ayant une fin, il nous faudrait nous priver de sa collaboration à l’issue de la saison 93/94. On imagine ce que pouvait représenter pour un jeune directeur de France Musique, qui s’était nourri des débats passionnés de La tribune, l’obligation de signifier à ce personnage qu’on n’avait plus besoin de ses services. Même si tout fut fait – j’y veillai personnellement – pour que cette « sortie » se fasse dignement et en reconnaissance des éminents services rendus, je ne peux m’empêcher de penser – aujourd’hui encore – que la maladie qui affecta Bourgeois et l’emporta en 1996 ne fut pas étrangère à cette fin de collaboration…

Pour lire un portrait sensible de Jacques Bourgeois voir Jacques Bourgeois.

Il y a assez peu de témoignages sur cette personnalité, en dehors de ce document de l’INA sur La tribune des critiques de disques

Et bien sûr cette extraordinaire caricature de Peter Ustinovet son imitation prodigieuse de Jacques Bourgeois en particulier :

Suite au prochain épisode…

* Depuis la publication de cet article, plusieurs lecteurs – que je remercie – ont rafraîchi ma mémoire défaillante : le personnage que je n’identifiais plus, à droite de Michel Larigaudrie est l’écrivain Frédéric Vitouxmembre de l’Académie française depuis 2001, et le « vieil homme délicieux », qui allait mourir peu après, en janvier 1998, est Peter Diamandtour à tour secrétaire du pianiste Arthur Schnabeldont il épousera l’une des protégées Maria Curcio, immense pédagogue, directeur du Festival d’Edimbourg, ami et conseiller de nombreux artistes comme Daniel Barenboim.

 

Une naissance

(De gauche à droite, François Hudry, JPR en cravate (!), Chiara Banchini, Michel Corboz, Pierre Gorjat)

Il y a trente ans, le 22 décembre 1987, la Radio suisse romande, sa chaîne culturelle et musicale Espace 2, lançait une émission de critique comparée de disques, sur le modèle de la défunte Tribune des critiques de disques de France Musique version Panigel, Bourgeois et Goléa. Pierre-Yves Tribolet, alors responsable musical de la chaîne, en avait confié la mission à François Hudry et m’avait demandé, sans que je puisse refuser (!), de former avec François et Pierre Gorjat le trio obligato qui serait le pilier de la nouvelle émission, Disques en Lice,  toujours vivante trente ans après !

François Hudry tenait à innover par rapport au modèle : l’écoute des différentes versions se ferait à l’aveugle, et pour préparer l’émission, il nous avait réunis deux ou trois fois, dans son appartement proche du Victoria Hall de Genève, pour qu’évidemment nous apprenions, Pierre, lui et moi, à mieux nous connaître mais surtout pour tester avec nous ce principe de l’écoute anonyme. Que de surprises et de fous rires, de prises de bec parfois, nous allions vivre au fil des ans !

Parmi cent souvenirs, trois me reviennent : une émission sur Pelléas et Mélisande de Debussy avec autour de la table Hugues Cuénod, Jacques jansen et Irène Joachim, les partenaires de la légendaire version Désormière, une autre où nous comparions des versions de la Symphonie de Franck et où j’affirmai avec certitude entendre une sonorité typique d’orchestre américain – c’était Plasson avec son orchestre du Capitole ! -, ou encore la présence – il était assis à côté de moi – du mythique Armand Panigel pour une confrontation sur le 2ème concerto pour piano de Brahms. 

Où je m’aperçus que le créateur de La Tribune était devenu nettement moins admirable à mes yeux : à vrai dire il redoutait l’exercice de l’écoute à l’aveugle, et ne voulant pas tomber de son piédestal, il pérorait volontiers tandis que nous écoutions les versions en lice. Tel pianiste était évidemment reconnaissable, « un Américain de toute évidence »…Je lui glissai qu’à mon avis nous écoutions Richter, je vis dans son regard qu’il me prenait pour un amateur. Lorsque François Hudry lui donna la parole, en premier évidemment, il affirma, de sa voix inimitable, que « bien sûr, il avait tout de suite reconnu la patte d’un célèbre pianiste….russe ». Mes voisins de table d’écoute furent estomaqués par tant de clairvoyance, jusqu’à ce que je leur raconte le fin mot de l’histoire.

Mais revenons à cette première émission de Disques en Lice en décembre 1987. J’étais non seulement intimidé par la présence de deux célébrités du répertoire baroque, mais je me sentais surtout totalement hors sujet : à la différence de mes compères François et Pierre, je ne m’étais jamais exercé à la critique musicale, et j’avais une connaissance très limitée de pans entiers du répertoire, comme cet Oratorio de Noël de Bachopportunément choisi pour la circonstance.

L’émission n’était heureusement pas en direct, je me disais que si je proférais de grosses bêtises, elles pourraient toujours être éliminées au montage. Mais je n’en menais pas large, même si François Hudry m’avait justement conseillé de rester naturel, de me mettre à la place de l’auditeur et de ne pas poser au spécialiste. C’est finalement la ligne de conduite que je garderai tout au long de ma présence dans l’émission (que je devrai quitter en juillet 1993, pour cause de départ de la RSR… et de nomination à la direction de France Musique). Je m’apercevrai finalement que dire parfois tout haut ou poser les questions que l’auditeur n’ose jamais poser de peur de passer pour un ignorant, me permettait souvent plus de pertinence et d’impertinence dans mon propos et un éclairage moins « codé » sur l’oeuvre écoutée. Malgré cela, je ne doute pas d’être plus d’une fois passé pour un cuistre.

Et puis, comme je l’écrivais récemment (C’était mieux avant ?), je ne me suis, au fond, jamais senti l’âme d’un critique, qui est un genre en soi. Je suis trop impliqué, depuis trente ans justement, dans la vie musicale, dans la proximité des musiciens, pour être à l’aise dans un exercice qui suppose de la distance. Critique je le suis tous les jours dans mon métier, tant vis-à-vis de moi que des artistes que je fréquente ou engage, mais je connais trop les servitudes de leur noble métier, les contraintes de leur art, les conditions parfois rocambolesques d’un enregistrement, pour me poser en juge. Je préfère exprimer, ici ou ailleurs, mes enthousiasmes et taire mes déceptions.

Je ne me rappelle plus quelle version de l’Oratorio de Noël nous avions choisie. Peut-être l’une de ces deux-là qui m’accompagnent depuis longtemps :

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Une demande à Warner Classics : ne serait-il pas temps de rééditer l’extraordinaire discographie de Michel Corboz, qui, pour n’avoir pas eu l’aura ou le prestige de ses confrères Harnoncourt, Gardiner ou Herreweghe  a considérablement oeuvré à la redécouverte d’un immense répertoire choral, de Monteverdi à Frank Martin.