Tables d’ailleurs et d’ici

J’ai souvent remarqué que les grands musiciens, les chefs d’orchestre en particulier, étaient de fins gourmets. Entre « chefs » on se reconnaît semble-t-il !

Parti loin de France pendant près de trois semaines (Kirghizistan, Ouzbékistan), j’avais hâte de retrouver la diversité – unique au monde – des cuisines françaises.

Tables kirghiz et ouzbek

Pour ceux de mes lecteurs qui s’aventureraient en Asie centrale, je veux tout de même signaler quelques adresses qui sortent un peu de l’ordinaire des plats traditionnels ou qui les subliment. De manière générale, on évite les adresses conseillées par les agences/guides touristiques sur place. A Bichkek, on n’a rien trouvé de transcendant, même si le restaurant du Novotel s’en sort plutôt bien à des prix toujours raisonnables. A Tachkent, le restaurant italien de l’hôtel Hyatt sert du raffiné, mais pousse vraiment trop sur les prix. On trouvera tout aussi bon, et même plus original, et beaucoup moins cher dans un charmant établissement, très couru des locaux, le Syrovarnya.

Dans l’antique cité de Khiva, on recommande sans hésiter… ce que les guides recommandent : le restaurant Terrassa, vue imprenable sur la place centrale, service, accueil et prix tout doux pour une cuisine locale savoureuse.

A Boukhara, on évite absolument le restaurant Old Bukhara, très quelconque à tous points de vue, malgré une situation enviable au centre de la vieille ville. En revanche, la très belle découverte – le lieu magique comme l’assiette – c’est l’Ayvan Restaurant, dans une rue un peu à l’écart de la place centrale. Exceptionnel !

A la différence de Khiva ou Boukhara, où le visiteur peut se promener dans un périmètre central, trouver boutiques, cafés, restaurants facilement, Samarcande est une ville très étendue, répartie en quartiers qui ont chacun leurs spécificités. Inutile de chercher petites échoppes et cafés sympa autour des grands monuments comme le Reghistan : comme c’était le seul convenable à proximité à pied de notre hôtel, on a cédé deux fois aux charmes d’un tout nouvel établissement, Emirhan – réservation conseillée pour dîner en terrasse avec vue sur l’arrière du Reghistan ! Sans être exceptionnelle, une cuisine très honnête et diversifiée, service diligent et addition raisonnable.

On a été plus réservé sur un autre restaurant « historique » du quartier russe, Platan.

Nemausus

Il y a malheureusement plusieurs mois que j’ai dû renoncer à une petite tradition qui consistait à aller déjeuner avec ma mère une à deux fois par an dans un restaurant de Nîmes. Le Skab, 7 rue de la République, ne nous a jamais déçus.

La brasserie de l’hôtel Imperator (L’Impé !) nous avait plutôt séduits, dans le cadre redessiné d’un établissement mythique de Nîmes. Manifestement je ne suis pas le seul à avoir déchanté quant à la qualité du service et même de la cuisine.

Sur la toute proche place d’Assas (à deux pas de la Maison carrée), il y a le meilleur et l’arnaque. Pour un rapide déjeuner avec une de mes soeurs, la Table d’Assas nous semblait idoine. Alors qu’à Samarcande j’avais dégusté une excellente et authentique salade César, je croyais trouver ici au moins aussi bon, dans la ville romaine jadis contrôlée par l’empereur Auguste ! Mal m’en a pris. Et la réponse du restaurateur à mon avis sur TripAdvisor vaut son pesant de sesterces : Braves gens qui pensez naïvement manger du « fait maison » dans un restaurant qui affiche fièrement son 5e rang au classement du site…. détrompez-vous, c’est le patron qui l’écrit :

Mon avis : « On n’avait pas encore repéré ce restaurant à Nîmes, on s’est dit qu’on avait peut-être manqué quelque chose à lire les avis très flatteurs qui précèdent. On aurait aimé manger du « fait maison », au lieu de quoi dans une salade césar qui n’en avait que l’apparence, à part de la laitue fraîche, tout le reste était signé Métro (ou similaire), des croûtons sortis d’un sachet, le poulet en nuggets façon McDo, bref rien à voir avec une vraie salade César. Dessert idem. Et des prix déraisonnables. On ne renouvellera pas l’expérience« 

La réponse intégrale non corrigée du « directeur général » :

« Bonjour Monsieur 
À quel moment, avez vous lu sur notre carte Salade Caesar Faite Maison ???
Quel Restaurateur fait ses Caesar 100% maison avec des chickens croustillants préparés minute ?
Soyons sérieux !!!!!
La réalité n’est pas ce que vous voyez dans Top Chef 
ou les candidats ont 1 heure pour préparer un plat qu’ils enverront en plus froid, Imaginez nos restaurants avec 200 couverts/ jour travailler à ce rythme !!!
Il y a en France d’excellents Artisans, faisant du travail d’une extrême qualité, Pour nos chickens par exemple
nous Sélectionnons de la volaille française, et ceux-ci sont élaborés avec des filets de poulet entier et non reconstituer avec une panure aux céréales.

Idem pour les croûtons, issus d’une société, et ayant presque I siècle d’existence et dont la réputation n’est plus à faire.
alors, pour continuer dans le délire de l’imaginaire de ceux qui se permettent de juger, sans avoir notion de la quantité de travail, de la faisabilité, et du coup que cela représenterait à la carte pour nos clients, il est important de comprendre que nous faisons une majeure partie de nos préparations maison, mais que lorsque sur des tâches chronovores sur lesquelles des artisans font un superbe travail nous n’avons aucun souci de collaboration en toute transparence pour nos clients puisque nous n’affichons pas de faux Label Fait Maison ou Maître Restaurateur comme tant d’autres.
Quant à nos prix, ils sont affichés et apparemment ne dérangent nullement nos 200 clients quotidiens.
Cordialement 
Ingrid S 
La Table d’Assas

Au moins c’est clair…

En revanche, le lendemain avant un concert dans les Jardins de la fontaine, j’avais réservé juste en face, sur la même place : Livia a Tavola. Pour une fois je souscris pleinement au classement de TripAdvisor qui place ce nouveau restaurant italien en premier. Très conseillé évidemment.

Vers et revenant de Nîmes

Pour ce déplacement de quelques jours j’avais opté pour la voiture, et décidé de prendre mon temps sur un parcours Paris-Montpellier-Nîmes, si souvent fait à toute allure, par l’autoroute. A chaque fois que je fais halte à l’écart de ces grands axes, je m’émerveille de trouver partout de petits hôtels charmants, des restaurants simples et délicieux, de plus en plus souvent tenus par des jeunes couples. Inventaire de mes découvertes de la semaine passée .

A Salbris (Loiret), à quelques kilomètres de La Motte Beuvron, patrie des Soeurs Tatin,

la vie de château s’offre au voyageur pour moins de 100 € la nuit et un menu gastronomique à moins de 50 €. C’est le Domaine de Valaudran.

Pour effacer un souvenir très ancien et très pluvieux, je me suis arrêté à l’heure de midi au Puy en Velay. Au pied de la cathédrale, Les Flâneurs sont la très bonne surprise du chef-lieu de la Haute-Loire.

Sur la route du retour, c’est en Lozère à Florac, annoncé comme « village-étape », qu’on a trouvé de nouveau une adresse qu’on regretterait presque d’avoir visitée si brièvement : Le restaurant Adonis de l’hôtel-logis de France des Gorges du Tarn. Une équipe jeune, extrêmement accueillante et attentive, avec l’apéritif une tapenade aux figues fraîches à tomber (j’en aurais bien emporté quelques flacons s’ils avaient existé !), une crème froide de courgettes délicieuse et un filet de dorade accompagné de préparations inouïes de légumes.

Retour d’Asie centrale : deux ou trois choses vues et apprises

Après trois semaines au Kirghizistan d’abord, en Ouzbékistan ensuite, on ne peut pas dire qu’on connaît les pays qu’on a traversés ni les gens qu’on a croisés.

Mais on a noté quelques petites choses, amusantes ou sérieuses, qui éclairent, parfois contredisent l’idée qu’on se fait de ces contrées fascinantes quand on les imagine de loin.

Les femmes sans voile

Elles paraissent bien dérisoires, stupides même, les polémiques que certains nourrissent à dessein en France sur la tenue des femmes musulmanes, le voile, l’abaya etc.

Dans les deux pays, l’islam est la religion dominante. Toutes les femmes, à commencer par nos guides au Kirghizistan comme à Tachkent ou Khiva, que nous avons rencontrées, sont musulmanes. Aucune ne porte un foulard ou un voile, sauf les plus âgées quand elles sortent en ville avec leurs plus belles robes. On a aperçu quelques jeunes filles voilées. C’est une mode « ridicule » nous ont dit nos guides, jeunes femmes – l’une d’elles se marie dans trois semaines – nous expliquant que le voile intégral n’était porté que par les femmes arabes dans le désert pour se protéger du soleil et du sable. Mais qu’ici en Asie centrale, dès les années 1920, partout elles se sont émancipées du port du foulard ou du voile.

N. notre adorable guide kirghize

Depuis mon retour, on a appris ces nouvelles décisions des talibans au pouvoir dans le pays voisin de l’Ouzbékistan, l’Afghanistan : Les talibans interdisent aux Afghanes de chanter, de lire en public et de se déplacer seules.

Les traditions de famille

En revanche, dans les deux pays, la jeune génération n’entend s’affranchir d’aucune tradition familiale, aussi surprenante ou pesante qu’elle nous semble. A ce sujet, une observation : quel que soit le pays que je visite, je fais toujours abstraction, j’essaie en tout cas, de mes références culturelles ou sociologiques, je regarde, j’observe, j’écoute, je dialogue si possible, et je ne porte pas de jugement de valeur.

Le mariage est la cérémonie la plus importante. La jeune fille, qui doit y arriver vierge, s’y prépare avec sa famille des mois durant. Il convient de préparer le trousseau (ou la dot !) avant de partir vivre dans la famille du mari et de servir ses beaux-parents. Le fils aîné a charge de veiller sur ses parents jusqu’à leur mort.

La célébration du mariage rassemble plusieurs centaines d’invités (et coûte une petite fortune!) mais il n’est pas question de la jouer petit bras.

Il en est de même pour la fête de la circoncision – qui se pratique en général à l’âge de 2-3 ans. Dans plusieurs villes ouzbeks nous avons assisté à d’impressionnants cortèges.

Habits de fête pour ce petit garçon, dont on ne sait pas s’il a déjà subi ou va subir l’opération…

La Russie, les Russes et le russe

Visitant deux anciennes républiques soviétiques, devenues indépendantes à la chute de l’URSS en 1991, on ne peut évidemment ignorer l’impact de plus de six décennies de pouvoir communiste. Il y a des similitudes entre Kirghizistan et Ouzbékistan, notamment quant à la période tsariste

L’église orthodoxe de Karakol (Kirghizistan) – 1895
Un petit air de palais tsariste à Samarcande, aujourd’hui siège d’une banque chinoise

mais il y a surtout beaucoup de contrastes qui frappent dès l’arrivée dans l’un et l’autre pays.

Au Kirghizistan, tous les panneaux sont écrits en cyrillique, dans les deux langues officielles du pays, le russe et le kirghiz. Voir mon album photos sur la capitale Bichkek, une ville soviétique en Asie centrale. Les statues de Lénine ne sont pas rares dans le pays. Le passé russe, voire soviétique, ne semble pas poser de problème à ceux que nous avons rencontrée, dès lors que les identités/nationalités sont toutes respectées et admises. Ici on se présente d’abord comme Kirghiz, Ouzbek, Ouïgour, Indien, Chinois, Russe…

Le contraste avec l’Ouzbékistan est total : il y a bien, sur d’anciennes enseignes, et sur des panneaux officiels ou touristiques, des mentions ou des textes en langue russe, mais langue ouzbèke prédomine, même si dans plusieurs villes comme Samarcande, c’est le tadjik – proche du turc – qui est parlé majoritairement. Dans toutes les villes, les musées, les lieux historiques, visités, on n’a pas manqué d’incriminer d’abord la Russie tsariste, mais surtout la période soviétique, qui, selon nos interlocuteurs, ont pillé les richesses du passé, fait table rase des héritages si divers des empires révolus, parfois au sens propre du terme en détruisant citadelles, places fortes et mosquées.

Sur la guerre en Ukraine, c’est partout un silence plutôt gêné : il ne faut pas se fâcher avec le grand voisin, qui en retour laisse ces ex-républiques soviétiques tranquilles.

Spécialités locales

On ne partait pas en Asie centrale pour faire de la gastronomie, mais comme au Ladakh l’an dernier, se nourrir de toutes les ressources de terres riches et abondantes. Les légumes et les fruits ont du goût, un goût qu’on a fini par oublier sur nos marchés européens. Des pommes, des abricots, des pêches, des framboises juteux et sucrés, des tomates pleines et goûteuses, des pastèques et des melons par centaines, des viandes tendres issues des troupeaux locaux de vaches, moutons… et chevaux ! Les préparations en revanche manquent singulièrement de variété, inévitables salades de tomates, concombres et oignon frais, soupes de riz ou de lentilles, aubergines frites, et l’incontournable « plov« , variante de notre riz Pilaf… Le dessert ne fait pas partie d’un menu habituel. Evidemment pas d’alcool à table, mais toujours du thé noir ou vert.

Notre hôtesse ouïgour fabrique elle-même ses pâtes à Karakol

Le chapitre serait incomplet si l’on ne mentionnait ce qu’on a probablement le plus souvent mangé, tant au Kirghizistan qu’en Ouzbékistan, où il faut toujours se méfier de la générosité des portions servies. Ainsi de cette « entrée » qui suffisait largement à faire mon repas, et qui est connue de tous, servis dans tous les établissements sous l’appellation de « A-li-vié. Nos premières guides furent surprises que nous ne connaissions pas la fameuse salade Olivier avec ce nom si français. Elles éclatèrent de rire lorsqu’on leur répondit que nous nommions ce plat « salade russe » ou « macédoine », Et que nous en ignorions l’inventeur, un chef franco-belge installé en Russie du nom de Lucien Olivier, mort à 45 ans… étouffé par sa propre salade !

En voiture

Dans les deux pays, on conduit à droite, sur des routes dont on va dire charitablement qu’elles ne sont pas toutes aux normes européennes. Mais on sent un effort pour améliorer la situation : plusieurs axes importants sont en travaux.

Au Kirghizistan, le parc automobile est assez varié, souvent ancien (beaucoup d’anciennes Lada soviétiques surtout dans les campagnes), voitures chinoises, japonaises (avec volant à droite !), coréennes, quelques très rares russes.

En Ouzbékistan en revanche, le marché est quasi complètement dominé par le constructeur local… Chevrolet, ex-Daewoo, au point que notre guide kirghize ignorait que c’était un des fleurons de l’industrie automobile américaine !

Culte

Le culte des héros est une constante des pays autocratiques. Même devenus démocratiques.

à Bichkek, Lénine et Kurmanjan Datka (1811 – 1907) : Album photos complet ici

Timur/Tamerlan à Samarcande et dans sa ville natale (albums photos ici)

Le dictateur-président de l’Ouzbékistan de 1991 à 2016, Islam Karimov.

Rappel pour mémoire des articles relatant ce voyage :

Au pays du premier maître

Dans les steppes de l’Asie centrale

Que la montagne kirghize est belle

Les chevaux de Kirghizie

Le voyage d’Ouzbékistan I

Les merveilles de Boukhara

Samarcande la magnifique

Sur la trace de Tamerlan

Le voyage d’Ouzbékistan (II) : les merveilles de Boukhara

Les remparts qui ceignent Khiva (voir Le voyage d’Ouzbékistan I) font 2 kilomètres, ceux qui entouraient l’antique cité de Boukhara, 12 km ! La ville est infiniment plus vaste, mais le charme plus modeste de Khiva ne se laisse pas oublier. Peut-être qu’après avoir vu Samarcande, je changerai d’avis.

Al-Khwârizmî (Algoritmi) et Avicenne

Au musée de Khiva, comme ici à Boukhara, on célèbre partout et à juste titre les grandes figures de la science nées dans cette région si riche d’influences et de traditions. : Al-Khwârizmî (en latin Algoritmi) né en 780 près de Khiva, mort en 850 à Bagdad, inventeur de l’algèbre moderne, et Ibn Sina, plus connu sous le nom d’Avicenne, né le 7 août 980 près de Boukhara, alors persane, mort en juin 1037 à Hamadan (Iran), Avicenne que ses disciples considéraient comme le « prince des savants »

Avicenne (980-1037)

Al-Khwârizmî (780-850)

On ne manque pas d’être impressionné par la liste des savants, inventeurs, astronomes, philosophes nés en Asie centrale (à voir ici).

On pourrait penser que les traditions séculaires n’ont pas survécu à la modernité, et surtout à la période soviétique qui a tenté de faire table rase du passé millénaire des émirats, royaumes et autres khanats qui se partageaient la région depuis le XVIe siècle.

On sent au contraire, au Kirghizistan comme ici en Ouzbékistan, une volonté farouche encouragée par les pouvoirs publics de faire vivre les traditions artisanales (lire Les chevaux de Kirghizie) comme la tapisserie – les fameux tapis de Boukhara – le tissage de la soie (vêtements, parures, nappes). On a envie de tout acheter, d’autant que le prix demandé, en soi relativement élevé, n’est rien en comparaison des jours et des mois de travail à la main des familles qui perpétuent la tradition : les hommes fabriquent les supports, font les couleurs, naturelles bien sûr, les femmes brodent, cousent, ornementent…

L’atelier de Davron Toshev

Le personnage a sa fiche Wikipedia.. en ouzbek, c’est ici une star qu’on est allé rencontrer dans son vaste atelier/hôtel où des étudiants/apprentis du monde entier viennent se former ou se perfectionner à l’art de la miniature sur papier de soie ou de coton. Il a fait maintes expositions notamment en France, à l’Institut du monde arabe, et c’est un homme adorable : Davron Toshev

Voir l’album photos sur Facebook

Boukhara la grande

Le guide qui nous conduit dans et autour de Boukhara forme un contraste bienvenu avec sa collègue de Khiva. Il parle un français excellent, nourri de plusieurs séjours en France il y a une quinzaine d’années, il s’adapte à notre conversation, nos questions, et ne se contente pas de réciter son manuel du parfait touriste.

Les proportions sont impressionnantes, les anciennes madrassas se dressant face à face auprès de minarets qui servaient de repères aux caravaniers de la route de la soie. Les marchands sont nombreux, mais les produits de l’artisanat local sont de loin plus présents que les babioles importées, les artisans sont heureux de montrer leur savoir-faire et n’agressent jamais le touriste. Au contraire, toutes celles et tous ceux que nous croisons devant leurs étals, dans les cafés, les restaurants, sont d’une amabilité, d’une gentillesse même, auxquelles on n’est plus accoutumé.

Le minaret Kalon

La légende veut que le prophète biblique Job, ici Ayub, ait un jour de grande sécheresse frappé le sol de son bâton et fait jaillir une source (lire l’histoire du puits de Job). Depuis lors un mausolée construit au XIVe siècle sous Tamerlan – Chashma Ayub – commémore l’événement et abrite une source qui ne s’est jamais tarie.

Voir les albums photo complets sur Boukhara et Le Palais d’été du dernier émir de Boukhara

Le voyage d’Ouzbékistan (I) : la solitude des champs de coton et la mort d’Alain Delon

J’ai laissé ce blog sur les hauteurs du lac Son au Kirghizistan (Les chevaux de Kirghizie). En une semaine, que de chemin parcouru et d’impressions emmagasinées !

Mardi 13 août : la nuit a été fraîche, la petite porte de la yourte était mal ajustée et la température au réveil ne devait pas excéder 6°. On refait à pied une partie du parcours qu’on a fait à cheval la veille, histoire de se dégourdir les jambes avant de reprendre la voiture pour un long trajet vers la région de Talss et la vallée de Suusamyr. Quelques haltes pour photographier des montagnes de toutes les couleurs, puis déjeuner au bord de la rivière pour enfin goûter à la truite qui est annoncée le long des routes.

La truite fraîchement pêchée et grillée.

Dernière nuit au Kirghizistan dans un petit hôtel au bord d’un torrent (boules Quies requises), à Chychkan.

Mercredi 14 : on refait la route dans l’autre sens cette fois pour rejoindre Bichkek et son aéroport. Ici ils appellent cela autoroute parce que c’est l’unique liaison entre le sud (Och) et le nord (Bichkek). On y verra beaucoup de camions, des vélos et mêmes des troupeaux.

Au contrôle des passeports, le policier me salue d’un « Bonjour » et me demande si j’ai aimé le Kirghizistan, me faisant comprendre avec un grand sourire qu’il ne me laissera passer qu’en cas de réponse positive ! J’y reviendrai plus tard, mais c’est tellement plus sympathique pour le visiteur arrivant au Kirghizistan (comme en Ouzbékistan) de ne pas devoir subir des files et des contrôles interminables à l’arrivée, ni visa ni multiples tampons.

Vol d’une heure vers Tachkent, la capitale de l’Ouzbékistan. Le contraste entre les deux capitales est saisissant dès l’arrivée à l’aéroport : l’opulence s’affiche sans complexe. On s’offre un dîner italien à l’hôtel. La cuisine kirghize est délicieuse, goûteuse parce que faite de produits locaux et de traditions séculaires, mais elle est un peu répétitive… Noter pour y revenir que le plat national dans les deux pays est le « plov », traduit en français par le riz « pilaf » !

Jeudi 15 :

Une jeune guide, dont la famille a des origines iraniennes, et dont le visage nous fait plus d’une fois penser à… Simone Veil, nous entraîne pour une visite de Tachkent sous un soleil de plomb. La ville est immense, larges avenues bordées de parcs et jardins, rangées de magasins de marques, parfois à la limite du clinquant. Peu de monuments anciens, même si les plus importants d’entre eux ont été reconstruits à l’identique après le terrible tremblement de terre du 26 avril 1966 (lire Le Monde : la terre tremble à Tachkent). On visite le grand marché central, puis quelques stations de métro – prototype du métro soviétique, autorisé en 1972 par Brejnev, six ans après le séisme, et ouvert en 1977 -.

Déjeuner obligé dans un immense restaurant « typique » au milieu d’une escouade de jeunes serveurs et serveuses. L’après-midi visite privée des mythiques studios d’Ouzbek Film. Ce sera un article à lui seul.

Le soir on choisira un établissement prisé des locaux au milieu d’un parc : la température extérieure est encore de 37°.

Album photos complet de Tachkent à voir sur Facebook.

Vendredi 16 : réveil aux aurores, départ de l’hôtel à 5h pour rejoindre le petit aéroport intérieur de Tachkent, emprunter un vol d’Uzbekistan Airways (un Airbus A320 flambant neuf) pour rejoindre la ville d’Ourgench à l’ouest du pays. A l’arrivée on pensait tomber sur un guide masculin – ne pas se fier aux prénoms locaux – c’est une plantureuse mère de deux jumeaux qui, d’une voix très sonore et bien peu agréable – va nous faire le coup, deux jours durant, de l’Ouzbékistan pour les nuls. D’abord le désert non loin de la mer d’Aral, et les vestiges de plusieurs forteresses érigées au début de notre ère – on entendra bien dix fois qu’il y avait autrefois plus d’une cinquantaine de constructions de ce type : Ayaz Qala. L’érosion, l’absence d’entretien et surtout d’intérêt de la part des autorités soviétiques, ont fait leur oeuvre. Mais à voir ce qui reste, on peut encore imaginer ce que devaient être ces places fortes surgies du désert.

Les souvenirs d’enfance, d’école, reviennent : j’ai toujours su que l’Amou Daria et le Syr Daria étaient les plus grands fleuves de la région, qui se jetaient dans ce qui fut la mer d’Aral. On reparlera de la catastrophe écologique que représente l’assèchement de ce qui était la quatrième plus grande étendue lacustre au monde…

Depuis 2017, la surface en eau de la mer d’Aral a encore été réduite de moitié…

Je doute que Bernard-Marie Koltès ait jamais visité cette partie d’Asie centrale, mais je ne peux m’empêcher d’imaginer qu’il eût été inspiré par notre parcours du jour, pour deux de ses pièces emblématiques : Le retour au désert et Dans la solitude des champs de coton. De retour du site d’Ayaz Qala pour rejoindre la ville antique de Khiva, nous longeons d’immenses champs de coton, puisque l’Union soviétique avait décrété la culture intensive du coton (qui nécessite de grandes quantités d’eau, d’où le détournement des lits de l’Amou et du Syr Daria !).

Notre hôtel est une ancienne madrassa, construite en 1905 aux portes de la ville ancienne. Une chambre comme une cellule d’étudiant. Balade sous la chaleur dans une cité miraculeusement préservée et dîner sur une terrasse qui domine la place centrale. Emerveillement tous azimuts

Samedi 17 : à 9 heures tapantes, notre guide nous attend à l’hôtel pour une visite des principaux monuments de la vieille ville de Khiva. Parlant à la cantonade, y compris dans les lieux de prière, elle récite son « Khiva pour les nuls », en prenant soin de répéter chaque phrase. C’est un peu la honte. Les beautés de la cité antique se cachent à l’intérieur des palais, où, en dehors d’un groupe d’Italiens grégaires et bavards, le touriste est plutôt rare. Déjeuner obligé sur une terrasse où le vent rafraîchit l’atmosphère. Puis un chauffeur nous prend en charge pour nous conduire à Boukhara, à près de 400 km de là. Le trajet annoncé comme devant durer 8h, se fera en à peine cinq heures. Sitôt sortie de la zone urbaine d’Ourgench, la voiture file d’abord vers le long pont métallique qui franchit le lit très large de l’Amou Daria, puis traverse, sur plus de 200 km, ce qu’on nomme ici le désert rouge. Magique, surtout au coucher du soleil. La nuit est déjà tombée lorsque nous arrivons à Boukhara, dans un hôtel situé aux portes de la vieille ville. Demain s’annonce comme une découverte peut-être plus impressionnante encore que Khiva.

Album photos complet de Khiva à voir sur Facebook

Ce que ne m’a jamais dit Alain Delon

A l’heure où je boucle cet article, je sors d’un déjeuner avec le guide qui nous conduit dans Boukhara et qui nous a appris la mort d’Alain Delon. L’avantage de ne pas être connecté à internet, en dehors des hôtels où nous logeons, c’est d’échapper à la ribambelle des RIP et autres hommages obligés. Je n’ai rien à ajouter à tous les articles, tous les hommages qui sont et seront rendus à l’une des dernières stars mondiales du cinéma français. Je vais les lire bien sûr, revoir les films où éclatait la beauté solaire du jeune acteur.

French actor Alain Delon on the set of The Yellow Rolls-Royce directed by British Anthony Asquith. (Photo by Sunset Boulevard/Corbis via Getty Images)

Ah si peut-être un souvenir personnel, que je ne mentionnerais pas si la circonstance ne s’y prêtait. A la toute fin des années 70, comme je le rappelais à l’occasion de la disparition de Jean-Yves Bouvier, l’âme de l’Elysée-Matignon, la boîte la plus en vue de Paris de l’époque, je fréquentais beaucoup cet établissement, où je retrouvais souvent la même bande de copains. Lorsque j’y allais seul ou que j’arrivais en avance, Jean-Yves Bouvier me demandait souvent comme un service – aussi agréable qu’impressionnant pour le petit provincial que j’étais – de faire la conversation dans le carré VIP aux célébrités présentes. Le pot de fleurs en quelque sorte. C’est ainsi que je fus une fois assis à côté d’Alain Delon, avec qui j’ai dû échanger quelques impérissables banalités.

Les chevaux de Kirghizie

Les voyages forment la jeunesse, dit-on, c’est vrai aussi pour les plus vieux comme moi. Quand on lit sur le programme d’un voyage qui ne peut qu’être organisé à l’avance – dans les pays que je visite cette année – des mentions comme : Fabrication d’une yourte, ou Visite d’une coopérative d’artisans du feutre, on s’attend à des démonstrations toutes faites pour les touristes.

Touristes nous sommes bien sûr, mais la gentillesse naturelle, spontanée, de tous les Kirghizs, grands et petits, croisés jusqu’à présent, n’est pas sans étonner. Avant-hier, dans le centre de Kotchkor, près des étals d’un petit marché, je reçois une tape dans le dos, aussitôt suivie d’une chaleureuse poignée de main de la part d’un homme entre deux âges, le visage buriné, le sourire édenté, qui me demande en russe d’où je viens : la France ! Et le voici de redoubler de serrements de main, me félicitant… pour les Jeux olympiques et la fête à Paris. Dans la rue proche de l’hôtel, tout un groupe d’enfants de 2 à 7 ans se presse pour me serrer la main, se faire photographier avec un large sourire…

La fabrication des yourtes

Arrêt donc dans le village de Kyzyl Tuu, où la majorité des habitations est constituée d’ateliers de fabrication de yourtes, l’arbre servant à la structure de cet habitat traditionnel nomade, le saule, poussant en abondance près de la rivière.

La yourte traditionnelle, artisanale, est sans doute l’habitat le plus écologique au monde, puisque constituée uniquement de produits de la nature, le bois de saule, la peau de vache pour faire les joints (aucun boulon ou vis), et le feutre pour le toit et le revêtement des parois. Le coût d’une yourte est d’environ 5000 dollars, l’artisan qui nous a reçus nous confiait que le marché était de plus international, et que rien qu’en France il en avait déjà exporté plus de 500 !

Le feutre des femmes

Le feutre, la feutrine, ont presque disparu de nos environnements d’Europe, à l’exception des porteurs de chapeaux…

J’avoue que j’ignorais jusqu’à la visite de la coopérative des femmes de Kotchkor comment était fabriquée cette matière si naturelle, et si précieuse dans les régions exposées à des températures extrêmes, le feutre.

La tradition de fabrication centenaire nous a été présentée de manière plutôt amusante. Après avoir superposé deux couches de laine de mouton brute, non cardée, non tissée, notre hôtesse l’arrose d’eau chaude, l’enroule dans un fétu de paille, puis durant 15 minutes, assène des coups de pied au rouleau (évidemment le visiteur est prié de se plier à l’exercice !), de manière à essorer l’ensemble. Aucun élément mécanique n’intervient à aucun moment. Puis, une fois le carré de feutre – c’est donc uniquement l’eau qui « lie » la laine brute – réalisé, d’autres femmes prennent le relais pour imaginer des dessins, superposer différentes couleurs. Sans aucun usage de produit artificiel. Ecolo en diable !

Les chevaux du lac Son Kul

Le plus impressionnant, en tout cas les souvenirs les plus forts qui me resteront de ce voyage en Kirghizie, est la découverte du lac Son Kul, situé à 3000 m d’altitude, au sud de Kotchkor. Aucune photo, aucune vidéo, ne parviendra jamais à restituer l’immensité silencieuse, la beauté changeante des eaux et des rives du lac, et le compagnonnage de milliers de chevaux, vaches et moutons en apparente liberté – les bergers, parfois très jeunes, les surveillent de loin.

Ici, aucune construction touristique, pas d’électricité, sauf celle que produisent des générateurs une ou deux heures par jour, pas de connexion internet ou même téléphonique. La nuit dans une yourte est une expérience à vivre, tant le différentiel de température entre plein midi et minuit est saisissant. Et partout, tout le temps, un silence absolu, à peine rompu par le cri d’un aigle, le hennissement d’un cheval ou un meuglement de jeune veau.

Toutes les photos à voir sur Facebook : Les chevaux du lac Son Kul

Je ne peux décrire le plaisir que j’ai pris à parcourir ces paysages à cheval. Expérience unique !

Dans les steppes de l’Asie centrale

Une commande d’Alexandre

L’une des oeuvres les plus connues de la musique classique russe est assurément le poème symphonique de Borodine Dans les steppes de l’Asie centrale. Commandé au compositeur pour le 25e anniversaire du règne d’Alexandre II, dédié à Liszt, et créé par Rimski-Korsakov le 20 avril 1880 à St Pétersbourg.

En réalité, la Kirghizie est plus un pays de montagnes que de steppe ou de plaine. Mais en longeant la rive nord du lac YsyK Kul, le plus grand lac de montagne du monde après le lac Titicaca, et en même temps la frontière avec le Kazakhstan, j’ai eu, plus d’une fois, l’impression de parcourir la steppe qui est l’essence même du paysage du pays voisin.

Une histoire de petits chevaux

Visitant en juin la ménagerie du Jardin des Plantes, montrant à mes hôtes l’une des espèces sauvegardées par et grâce à l’établissement parisien, les chevaux de Prjevalski,

j’étais loin de me douter que je visiterais deux mois plus tard la tombe et le musée dédié au « découvreur » de cette espèce, le général explorateur russe Nikolaï Mikhaïlovitch Prjevalski, à Karakol sur les bords du lac Ysyk Kul.

J’avoue que j’ignorais tout de ce personnage à la Jules Verne, qui toute sa vie rêva d’accéder au Tibet, à Lhassa, et qui mena cinq expéditions parmi les plus extraordinaires dans l’Empire russe, essentiellement en Asie centrale (elles sont parfaitement racontées dans l’excellente fiche Wikipedia qui lui est consacrée)

La mosquée chinoise

Une précision d’importance, que toutes les personnes rencontrées depuis le début de mon séjour au Kirghizistan évoquent : leur double appartenance. Ils se revendiquent et d’une nationalité et d’une citoyenneté, les deux ayant toujours été mentionnées sur les passeports jusqu’à une période récente. Quand ils se présentent à vous, ils se disent d’abord kirghiz, ouzbek, russe, etc.

Avant hier j’étais invité à dîner dans une famille ouïgour, installée ici depuis plusieurs générations. Grâce à des campagnes de mobilisation internationale, le sort tragique des Ouïghours de Chine est connu. SI on veut les respecter, commençons, n’est-ce-pas M. Glucksmann !, par les prononcer correctement : non ce ne sont pas des Ouiiii-gours, mais des Ouille-gours. Si les musulmans chinois de cette communauté sont toujours traqués dans leur pays, il y a longtemps que les Ouïghours et leurs frères en religion, les Dounganes, ont trouvé refuge en terre kirghize.

C’est ainsi qu’ils ont érigé à Karakol, entre 1907 et 1910, une mosquée tout à fait étonnante dans son apparennce.

La mosquée Dungan de Karakol a été construite entre 1907 et 1910 sans un seul clou, par les Douneganes, une communauté de musulmans chinois arrivés à Karakol pour fuir les violences des années 1870 et 1880.

La mosquée a été conçue par un architecte chinois, qui a incorporé des couleurs et des motifs traditionnels dans l’architecture. Le rouge, le vert et le jaune sont des couleurs prédominantes en raison de leur signification symbolique dans la culture dounegane (le rouge pour la protection contre les mauvais esprits, le jaune pour la prospérité et le vert pour le bonheur). On y trouve également des dragons et un phénix, ainsi qu’une roue de feu, qui sont des motifs typiques des Douneganes. À côté de la mosquée se trouve un minaret en bois en forme de pagode.

Aujourd’hui, la mosquée est utilisée par l’ensemble de la communauté musulmane de Karakol, et pas seulement par les fidèles douneganes.

La Russie éternelle

La ville de Karakol est surprenante. 90.000 habitants à peine, mais établis sur une immense superficie, de rues parallèles et perpendiculaires. Pas de véritable centre urbain, une ressemblance frappante avec la plupart des petites villes américaines, s’il n’y avait ici et là quelques vestiges de maisons typiques des villes de province russes. On nous dit que la position du gouvernement est de pousser les propriétaires et les acheteurs à préserver ce patrimoine historique, tout projet de transformation semble interdit.

Aujourd’hui musée cette petite maison est le siège du premier Soviet nommé dès 1920.

Rareté dans le paysage kirghize, l’église orthodoxe de la Sainte-Trinité date de la fin du XIXe siècle, elle a été construite sur le lieu d’une ancienne église détruite par un tremblement de terre. Elle avait été interdite au culte sous Staline, puis progressivement rétablie dans ses prérogatives religieuses. Elle a bénéficié d’une rénovation récente.

Au pays du premier maître

Mes vacances me conduisent cette année en Asie centrale, dans ces contrées si foisonnantes dans notre imaginaire, en commençant par le Kirghizistan.

Le Premier maître

J’ai raconté, dans un précédent article (La femme de Tchaikovski) un souvenir très fort de mes années étudiantes à Poitiers, une semaine de cinéma soviétique qui m’avait, entre autres, permis de découvrir un film fondateur – Le Premier maître (1965) – d’Andrei Konchalovski, qui se déroule ici dans les montagnes de Kirghizie, et qui s’inspire d’un héros national de la littérature kirghize, Tchinguiz Aïtmatov (1928-2008)

On peut voir le film seulement sur YouTube (mais contrairement à ce qui est indiqué, il n’est pas sous-titré en français !)

J’avais déjà anticipé ce voyage en savourant les Mémoires de Michel Ciment (lire Mémoires vives), où dans ses premiers chapitres, le grand critique de cinéma raconte ses voyages en URSS dans les années 70 et singulièrement dans les républiques d’Asie centrale où la créativité des cinéastes et des acteurs échappait à la censure centrale. Je compte visiter moi-même bientôt l’un de ces mythiques studios…

Et pour compléter le dispositif, j’ai téléchargé le dernier ouvrage de Dominique Fernandez :

Un livre sur le roman soviétique, maintenant ? Précisément maintenant : comme le disait Romain Rolland pendant la Grande Guerre, ce n’est pas parce que les Allemands l’ont voulue que nous allons renier Goethe.
Qui plus est, quantité des écrivains que Dominique Fernandez, un des plus grands connaisseurs de la littérature russe (Dictionnaire amoureux de la Russie, Plon, 2004, Avec Tolstoï, Grasset, 2010), nous présente ici, ont été d’opposition à Staline, ou ont tourné la censure par le roman historique ou le roman de science-fiction. 
Avec la chute de l’URSS, tout un pan de la littérature occidentale a été injustement effacé. Dominique Fernandez fait revivre pour nous les œuvres et la vie des grands de la période (entre la Révolution et Khrouchtchev), de Gorki à Pasternak, en passant par Ehrenbourg, Babel, Paoustovski, Aïtmatov ou Alexeï Tolstoï.
Il nous rappelle aussi l’admirable moment littéraire qu’a engendré l’après-Révolution. S’opposant à une idée trop facilement reçue, il exhume du mépris où ils ont été plongés de grands auteurs du « réalisme socialiste ». La dictature a, par contrecoup, fait naître une fiction satirique que nous découvrons ici, comme les savoureux Olecha, Zochtchenko ou Ilf et Pétrov. Loin de réduire la littérature au silence, la tyrannie expie ses fautes par un des plus grands livres par lequel Dominique Fernandez achève le sien, Vie et Destin de Vassili Grossman.
Un livre de justice, un livre de savoir, un livre, aussi, de saveur.
(Présentation de l’éditeur)

Où il s’avère – je n’avais pas besoin de ce livre pour le savoir ! – que, comme en musique et tous les arts en général, il faut toujours se garder des simplismes, des visions manichéennes de la culture de l’époque soviétique.

Une ville soviétique : Bichkek

Première étape de ce voyage, la capitale du Kirghizistan, Bichkek, jadis appelée Frounzé – de 1926 à 1992 – du nom du dirigeant bolchevik Mikhail Frounzé.

L’élément qui frappe immédiatement le visiteur, dès l’arrivée à l’aéroport, c’est la diversité, le mélange des ethnies, des visages, des types humains, qui se côtoient sans aucune difficulté apparente. Autre découverte pour moi, russophone, la langue kirghize qui s’écrit aussi en cyrillique mais qui n’a rien à voir avec le russe (qui est ici la langue dominante, sinon officielle). Perturbant et amusant.

Mais le plus étonnant est incontestablement le fait que Bichkek est demeurée comme l’exemple de la ville soviétique, avec ses larges avenues, ses innombrables parcs et jardins, ses monuments à la gloire des héros de l’ex-URSS et de la légende nationale, ses bâtiments officiels. Voir mon album complet sur Facebook

Je ne suis pas sûr qu’il subsiste beaucoup de statues de Lénine dans le monde ni même en Russie. Ici elle a juste été déplacée vers l’arrière du Musée national !

Hommage à la première héroïne kirghize « féministe’ Datka Kurmanjan (1811-1907)

Le Parlement

Le Musée National de Bichkek

Un cinéma typique de la période soviétique

L’Opéra de Bichkek, construit en 1926.