Soirées 5 étoiles

Il est rare d’enchaîner deux soirées qu’on avait quelques craintes d’aborder – pour des raisons très différentes – et qui finalement vous comblent.

La Maréchale de Véronique Gens

Celle qui a si souvent chanté les tragédiennes baroques, des rôles rares dans des ouvrages méconnus – Véronique Gens était une invitée régulière du Festival Radio France à Montpellier – rêvait d’incarner la Maréchale du Chevalier à la rose de Richard Strauss. Michel Franck, pour sa dernière production comme directeur du théâtre des Champs-Elysées, lui a offert ce rôle, où elle nous a émus et éblouis tout à la fois.

Oui, j’étais un peu inquiet à l’idée de découvrir la mise en scène confiée au metteur en scène incontournable de la scène lyrique européenne, Krzysztof Warlikowski. et j’ai finalement adoré comme je l’ai écrit pour Bachtrack : La noblesse du Rosenkavalier de Warlikowski au théâtre des Champs-Elysées.

Le Chevalier à la rose n’est pas l’opéra que je regarde ou écoute le plus souvent, sauf par extraits. Je n’ai pas beaucoup changé de références au fil des ans.

Les deux DVD dirigés par Carlos Kleiber, dans la mise en scène archi-traditionnelle d’Otto Schenk, avec deux distributions d’exception et surtout, évidemment, la plus belle direction d’orchestre qui soit

Souvenir inoubliable des représentations données au Châtelet avec l’impériale maréchale de Felicity Lott dirigée par Armin Jordan en septembre 1993 (je venais d’arriver à la direction de France Musique.

Au disque, tout aussi impérissable, le miracle Karajan-Schwarzkopf-Ludwig-Stich Randall

Blomstedt pour l’éternité

Jeudi soir je redoutais un peu d’être le spectateur d’un vieillard jadis admiré, mais qu’on vient observer comme une curiosité, Herbert Blomstedt, 98 ans dans quelques jours ! Certes l’entrée et la sortie de scène deviennent très difficiles, mais une fois installé sur son banc de pianiste, le vieux chef suédois fait des miracles avec un Orchestre de Paris en état de grâce (voir Bachtrack: Herbert Blomstedt et l’Orchestre de Paris pour l’éternité).

Deux symphonies au programme : la Première de Brahms et en première partie la 2e symphonie de Berwald (1842). A ma connaissance, Blomstedt n’a gravé que les 1ere et 4eme symphonies à San Francisco. Les intégrales symphoniques de Berwald se limitent à quelques versions, avec une préférence pour Ulf Björlin et le Royal Philharmonic

C’est de la musique joliment troussée, qui se laisse écouter.

La Première de Brahms c’est évidemment autre chose, et les grandes versions au disque sont légion. Relire ce que j’écrivais ici à propos de l’un des plus beaux thèmes de toute la symphonie, chanté au cor dans le dernier mouvement : Le son du cor au fond de Brahms.

Il faut évidemment écouter Blomstedt dans une oeuvre dont il connaît tous les secrets

Une expo à voir et entendre

Passant par hasard devant l’hôtel de Soubise, dans le Marais à Paris – c’est le siège et le musée des Archives nationales – j’y ai découvert une belle exposition sur le thème Musique et République (voir mes brèves de blog).

Beaucoup de documents qu’on a rarement l’occasion de voir et de lire. Iconographie et muséographie de premier plan. C’est gratuit et on se précipite

Mon actualité sur brèves de blog.

Carmen est de la revue

Dira-t-on en cette année qui célèbre le sesquicentenaire de la création de Carmen, et subséquemment du décès brutal de son auteur, Georges Bizet, que trop de Carmen tue Carmen ?

C’est bien possible, sinon probable. Je connais des amis qui ne supportent plus ni d’écouter, ni de voir Carmen. Je n’en suis pas, même si je ne cours pas après toutes les Carmen qui se présentent. Après le dossier très complet que consacre Diapason, dans son numéro d’avril, à « l’opéra le plus aimé au monde », je me suis amusé à réexaminer ma discothèque personnelle.

Comme Diapason, je mets depuis longtemps tout en haut de la pile la version Beecham, dont j’avais raconté les aventures et mésaventures (L’impossible Carmen)

Pas loin je place Rafael Frühbeck de Burgos avec un couple Carmen/Don José étonnant

C’est la même Grace Bumbry et les mêmes comparses qui seront du film réalisé à Salzbourg sous la direction de Karajan.

On mettra loin derrière le remake plantureux de Karajan pour DGG avec Agnes Baltsa, tout comme la version de 1964 avec Leontyne Price.

La Carmen de Maria Callas, n’est peut-être pas idiomatique, mais elle est d’abord très bien entourée et dirigée, et elle m’évoque un souvenir très particulier. Au cours de l’été 1973, j’étais au fin fond de la Roumanie dans un camping, avec pour seule liaison avec le « pays », un poste à transistor et en longues ondes France Inter. Un dimanche soir, la radio diffusait Carmen chantée par Callas. Surréaliste mais vrai !

Puis au hasard d’une Tribune des critiques de disques de France Musique, j’ai découvert la version de Georg Solti, à laquelle je n’ai cessé au fil des ans de trouver de plus en plus d’atouts, à commencer par l’incarnation si juste et touchante du rôle-titre par Tatiana Troyanos

Lorin Maazel, qui n’a pas toujours eu la main heureuse dans ses enregistrements d’opéra, réussit parfaitement la bande-son du film de Francesco Rosi. Julia Migenes n’est peut-être pas la plus grande chanteuse, avec ses partenaires elle incarne une Carmen plus que cr’édible

Lorin Maazel, quelques années plus tôt, a gravé une autre Carmen avec une interprète capiteuse à souhait, à laquelle il est difficile de résister, Anna Moffo

On s’étonnera peut-être que je ne place qu’ici, en tout cas pas dans les priorités, la version toujours présentée comme une référence de Claudio Abbado avec Teresa Berganza et Placido Domingo. Je n’ai jamais partagé l’engouement général pour cette version, que je trouve certes bien réalisée, mais trop statique, pas assez vivante. Et des soucis de prononciation rédhibitoires.

Très exotique aussi, mais pour d’autres raisons, la version de Thomas Schippers, grand chef de théâtre s’il en fut, avec une Carmen impossible en la personne de Regina Resnik, caricature de cantatrice et de Carmen en même temps. Rien ne va dans cet album, à part la direction racée de Schoippers et la rigueur de l’Escamillo de Tom Krause.

Je ne suis pas non plus très fan de la version de Michel Plasson, avec une Carmen vraiment peu crédible malgré (ou à cause de) la présence d’une Angela Gheorghiu que je n’arrive pas à me représenter en Carmen. Si Roberto Alagna fait un Don José émouvant, Thomas Hampson (Escamillo) et Inva Mula (Micaela) ne m’ont jamais convaincu.

En bonne dernière, malgré l’admiration qu’on nourrit pour le chef – Leonard Bernstein – et l’interprète principale – Marylin Horne – il faut bien reconnaître le ratage de cette Carmen.

En DVD il y a plusieurs versions qui ne manquent pas d’intérêt. J’en ai 4 dans ma bibliothèque (Karajan/Price), Philippe Jordan avec la blonde Anne-Sofie von Otter à Glyndebourne, Anna-Caterina Antonacci avec John Eliot Gardiner, et la plus surprenante Carlos Kleiber à Munich avec un « cast » étonnant autour de l’éternel Placido Domingo, Elena Obraztsova (!) en Carmen, Isobel Buchanan en Micaela

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Ravel #150 : le Boléro

Mars est le mois des anniversaires : Ravel né le 7 mars 1875 et Boulez né le 26 mars 1925. Comme en témoignent les couvertures des magazines musicaux – la dernière malheureusement pour Classica.

Je profite de quelques jours loin des réseaux et des connexions pour entamer une petite série sur Ravel. Je n’ai aucune prétention musicologique ou historique. Les bons ouvrages et les bons articles pullulent.

Plutôt mon parcours de découverte de l’oeuvre de Ravel et, partant, des souvenirs de concerts et des choix discographiques assumés.

Le Boléro

Le dernier souvenir que j’ai de la plus célèbre oeuvre de Ravel, c’est au cinéma il y a un an avec le film d’Anne Fontaine (lire Le Boléro d’Anne Fontaine)

Au concert, je n’en ai pas tant que cela finalement. Deux me reviennent, en total contraste. Le premier catastrophique, c’est le 18 juin 2000 dans ce qui tient lieu de salle de concert provisoire pour l’Orchestre philharmonique de Liège (l’église Saint-Martin). Louis Langrée que j’ai pressenti pour la fonction de directeur musical a souhaité un programme tout Ravel pour « tester » l’orchestre. Le régisseur de l’époque de l’orchestre a programmé à la caisse claire un charmant garçon qui fait office alternativement de garçon d’orchestre, chauffeur… et percussionniste. Ce qui devait se passer arriva : la caisse claire perdue en rase campagne au milieu du Boléro, heureusement rattrapée par un autre percussionniste, un vrai, un titulaire, de l’orchestre… Pas sûr que dans la touffeur de cette après-midi, le public se soit rendu compte de quelque chose. Mais comme entrée en matière, on était très mal partis…

L’autre souvenir, nettement plus agréable, se situe quinze ans plus tard, pour le concert d’ouverture de la 30e édition du Festival Radio France, la première issue de ma programmation (2015). A la tête de l’orchestre de Montpellier, j’ai invité un jeune chef encore peu connu en France, avec un programme particulièrement festif qui se terminait par le Boléro. Je l’ai dit le soir même à Domingo Hindoyan, et lui ai répété à l’occasion : il a donné ce soir-là l’une des meilleures exécutions que j’aie jamais entendues du Boléro.

Le génie de l’oeuvre tient à la tenue inexorable, imperturbable de la même formule rythmique soutenue par un crescendo orchestral de pure magie. Mais un tempo trop lent (cf. Celibidache par exemple), des variations – non écrites – de tempo (cf. l’épouvantable ralenti avant la modulation finale de Maazel avec le philharmonique de Vienne) ou, ce qui est plus rare, une accélération, compromettent absolument l’oeuvre.

Quelques exemples, pas forcément attendus, de belles versions du Boléro

Leonard Bernstein et l’Orchestre national de France

Günther Herbig avec l’orchestre de Berlin-Est, dans une prise de son admirable

Et Daniel Barenboim, qui fait le show, avec son orchestre de jeunes West-Eastern Divan.

Centième

J’ai signé aujourd’hui ma centième critique sur le site de Bachtrack : Du Tombeau au Technicolor. A propos des concerts de l’Orchestre de Paris et de Klaus Mäkelä, associant Ravel et Stravinsky

L’occasion de faire le point sur la discographie – plus exactement mes choix – des trois oeuvres que j’ai entendues

Le Tombeau de Couperin

Je rappelle dans l’article les circonstances de l’écriture de cette oeuvre, d’abord pour le piano ensuite pour l’orchestre. Ce Tombeau de Couperin fait partie des oeuvres de Ravel que j’écoute le moins. Je l’admire certes, mais ne l’aime pas.

Ici les mêmes que mardi, dans une captation de 2020 :

Karajan n’a enregistré l’oeuvre qu’une fois, et c’était dans la brève période où il fut « conseiller musical » de l’Orchestre de Paris après la mort de Charles Munch.

Pierre Boulez manque un peu de poésie et de souplesse, même en concert avec Berlin

On ne m’en voudra pas de revenir à Armin Jordan, qui avait une manière assez incroyable de laisser venir cette musique, d’un geste, d’un regard, que les orchestres comprenaient immédiatement

Ma Mère l’Oye

On peut difficilement louper la suite de Ma Mère l’Oye, les bonnes versions sont légion.

Giulini y est la poésie même. Son « jardin féerique » ! inégalé

Dans le gros coffret TIlson Thomas Sony, il y a ce bel exemple de l’art de MTT

Petrouchka

L’Orchestre de Paris et son chef donnaient en septembre dernier leur version de Petrouchka aux Prom’s de Londres

Ni la conception ni le jeu d’ensemble n’ont foncièrement changé depuis cette soirée londonienne.

Comme je l’écris, c’est une version plus symphonique que chorégraphique.

On a la chance d’avoir d’excellentes versions du créateur de l’oeuvre, Pierre Monteux, et du compagnon de route des Ballets russes, longtemps ami de Stravinsky, Ernest Ansermet. Les comparaisons sont édifiantes.

On notera à quel point les orchestres ont techniquement progressé en un demi-siècle !

Je garde une préférence pour la version sensationnelle d’Antal Dorati

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Le beau Danube coule depuis 158 ans

La plus célèbre valse du monde a 158 ans aujourd’hui. Son auteur est né il y a 200 ans : Johann Strauss (1825-1899).

An der schönen blauen Donau (Le beau Danube bleu) est né d’une commande de Johann von Herbeck, directeur de la plus célèbre chorale – exclusivement masculine – de Vienne, le Wiener Männergesang-Verein, qui souhaite une nouvelle « valse chorale vivante et joyeuse » pour leur festival d’été Sommer-Liedertafel. Les paroles  de Josef Weyl,  un ami d’enfance du compositeur, paroles sur le thème satirique qui traitent par la satire et la dérision la défaite militaire historique de la maison d’Autriche à la guerre austro-prussienne de 1866 vont susciter de vives critiques et l’indignation du public, malgré succès de la première de cette valse le 15 février 1867 à l’établissement thermal Dianabad du canal du Danube de Vienne.

Je ne connais qu’un seul enregistrement de la version originale avec choeur par Willy Boskovsky (lire Wiener Blut) avec le choeur de l’Opéra de Vienne et l’orchestre philharmonique de Vienne.

Lorsque Johann Strauss dirige, quelques mois plus tard, son Beau Danube à Paris pour l’exposition universelle de 1867, c’est la grande version symphonique qui nous est restée depuis lors, et qui est restée l’incontournable de tous les concerts de Nouvel an à Vienne

Ici quelques versions moins connues (ou moins souvent citées), à commencer par celle de Claudio Abbado en 1988 (arrivée première d’une écoute critique anonyme d’un Disques en lice)

L’année précédente, le vieux Karajan, épuisé par la maladie, jetait sa dernière énergie dans l’unique concert de Nouvel an qu’il ait jamais dirigé. Et c’est toujours bouleversant.

Carlos Kleiber, en 1989 et 1992, atteint de tels sommets qu’il épuise pour longtemps la question

Mais je me demande si la version qu’on pourrait dire « de référence » n’est pas celle de Karl Böhm, enregistrée en 1972. Partition en main, et oreilles grandes ouvertes, on ne sait qu’admirer le plus : la pulsation inépuisable (qui prend toujours appui sur le premier temps), les transitions fabuleuses entre les différents épisodes – là où tant de chefs ralentissent, s’alanguissent sans raison – et puis cet élan irrésistible, ajoutés à la beauté de la prise de son réalisée au Sofiensaal.

Ici au Japon en tournée en 1975 !

Cela vaut le coup de jeter une oreille à ce très beau disque qu’on doit à l’un des plus grands chefs américains du XXe siècle, Arthur Fiedler (1894-1979), qui n’a pas été que le légendaire chef des Boston Pops. Je lui consacrerai bientôt un billet, notamment sur son héritage classique

Tout aussi inattendue, la version de Felix Slatkin (1915-1963) avec le Hollywood Bowl Orchestra (l’autre nom du Los Angeles Philharmonic en été !): une vraie valse qui tourne, s’envole et ne s’alanguit pas

La valse de Strauss a subi arrangements et transformations – notamment pour le piano – mais aussi dans son format orchestral. Ainsi le chef Roger Désormière avait réalisé une sorte de poème symphonique Le beau Danube qui reprend les principaux thèmes de la valse de Strauss

Elle n’a pas non plus échappé au strass hollywoodien

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Leur Mozart

La mort d’Edith Mathis avant-hier nous a rappelé quelle merveilleuse mozartienne elle fut. Elle est de pratiquement tous les enregistrements d’opéra ou de messes de Mozart pour Deutsche Grammophon, sous la baguette de Böhm, Karajan, Marriner, Hager, etc.

Y a-t-il merveille plus émouvante que ce duo entre Gundula Janowitz et Edith Mathis dans Les Noces de Figaro ? Moment d’éternité…

Dans les disques achetés ou remarqués ces dernières semaines, là aussi des merveilles.

Julien Chauvin

J’avais adoré le Don Giovanni que dirigeait Julien Chauvin en novembre dernier, et je l’avais même écrit pour Bachtrack : L’implacable et génial Don Giovanni de Julien Chauvin. Je savais déjà quel mozartien est le violoniste/chef du Concert de la Loge. Mais je n’avais pas prêté attention à ce disque original associant le Requiem de Mozart à la Messe pour le sacre de Napoléon de Paisiello.

Pour les habitués aux versions traditionnelles, ce qui saute aux oreilles c’est la prononciation « à la française » du latin de la messe des morts. C’est devenu fréquent ces dernières années et j’ai trouvé dans ce texte une explication lumineuse : Pourquoi prononcer le latin à la française ?

Pierre Génisson

Autre interprète ami dont je sais depuis longtemps les affinités mozartiennes, le clarinettiste Pierre Génisson.

Quelle idée intelligente que d’assembler le fameux concerto pour clarinette, l’un des derniers chefs-d’oeuvre de Mozart, écrit quelques mois avant sa mort en décembre 1791, et de fameux airs d’opéra !

Pierre Génisson se substitue aux chanteuses pour les plus beaux airs des Noces, de Cosi fan tutte, ou de la Clémence de Titus, dans les arrangements si subtils du formidable Bruno Fontaine !

Reinhoud van Mechelen

J’ai tant aimé accueillir à Montpellier Reinhoud van Mechelen dans diverses formations, dont celle qu’il a créée et anime avec un bonheur contagieux, A nocte temporis. Reinhoud s’est lancé dans un disque qui me fait infiniment plaisir, d’abord parce qu’il met en valeur de purs chefs-d’oeuvre de Mozart, qui sont rarement en lumière, encore plus rarement programmés au concert, des airs pour ténor qui me bouleversent à chaque écoute.

La prise de son est plutôt étrange, la réverbération excessive, mais quelle beauté !

Indispensable dans toute discothèque !

Comme l’est ce pilier de ma discothèque, le disque par lequel j’ai découvert ce pan de l’oeuvre de Mozart, l’immense ténor hongrois József Réti né il y a tout juste 100 ans, disparu trop tôt en 1973.

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Des disques et des critiques

Un début de mois c’est pour moi la lecture des mensuels de musique classique, ceux auxquels je continue d’être abonné à l’édition papier (BBC Music, Diapason, Classica). Dans chacun d’eux, en général, une discographie comparée, et souvent pour le lecteur, irritation ou frustration, parce qu’évidemment en cette matière il y a autant de critiques avertis que de lecteurs, comme il y autant de sélectionneurs que de spectateurs de matches de ligue 1 de football !

Chostakovitch, les oubliés

Diapason consacre tout un dossier à Chostakovitch, dont on commémorera le 9 août le cinquantenaire de la disparition. Il n’y a jamais besoin de prétexte pour évoquer le plus grand compositeur russe du XXe siècle (oui je sais, on va me rétorquer « Et Prokofiev alors? »). Ceux qui suivent depuis longtemps, c’est mon cas, l’auteur de ce dossier, Patrick Szersnovicz, connaissent ses dilections discographiques, son admiration sans réserve pour certains chefs d’orchestre (Karajan par exemple), mais sans dévoiler ses préconisations pour les symphonies de Chostakovitch, on peut regretter l’étroitesse de ses choix. Jamais un chef aussi important que Kirill Kondrachine (le créateur de la 4e symphonie notamment) n’est cité, aucun Russe en dehors de Mravinski et encore parcimonieusement. Mais c’est sa liberté.

Hautement recommandable aussi ce coffret patchwork à petit prix :

Les Anglais aiment les Français

Dans le numéro de février du concurrent de Gramophone, BBC Music Magazine, tout un papier consacré au « Lighter side of Ludwig » van Beethoven, en l’occurrence à sa 4e symphonie. Passionnante analyse, comme très souvent. Et des recommandations discographiques qui peuvent surprendre.

En numéro 1, la version de Hans Schmidt-Isserstedt à Vienne (dans le cadre d’une intégrale souvent louée).

Et la surprise vient du numéro 2, devant plusieurs illustres versions « authentiquement informées », Emmanuel Krivine et la Chambre Philharmonique ! Des disques qui manquaient à ma discothèque, sans doute disparus au cours d’un déménagement, et que j’ai retrouvés tout récemment d’occasion.

Depuis son retrait de la direction de l’Orchestre national de France, Emmanuel Krivine se fait discret, beaucoup trop discret.

Dans leurs discographies comparées, les rédacteurs de BBC Music Magazine indiquent toujours une version to avoid/à éviter. Ici la dernière version de Karajan avec Berlin pour DGG au début de l’ère digitale « en pilotage automatique »

Il aurait fallu tout de même ajouter que la version de 1962 est au contraire un concentré d’énergie.

Les Anglais toujours

Un passage chez Melomania et ce sont encore quelques trouvailles… venues d’Outre Manche

Rien d’inédit ni d’inconnu mais le vieux chef anglais surprend toujours en concert. On pourrait s’amuser à le comparer à lui-même…

Falling in love with Joan

Dieu sait que je ne suis pas un inconditionnel de celle que ses fans appelaient  » la stupenda« , mais quand Joan Sutherland s’amuse, ça vaut le coup d’oreille, surtout dans des viennoiseries chantées en anglais !

PS Deux enregistrements à rajouter à cette liste, et beaucoup d’émotion. A lire sur brevesdeblog

Quand elles chantent

D’abord un petit rappel : c’est aujourd’hui, 21 décembre, que Michael Tilson Thomas – MTT pour les intimes – fête ses 80 ans (voir MTT le chef sans âge). Comme c’est aussi le premier jour de l’hiver, merci à lui de nous avoir donné cette 1ere symphonie de Tchaikovski – Rêves d’hiver – magique.

Elles chantent Noël

Lorsqu’il y avait encore des magasins de disques aux Etats-Unis ou en Angleterre, on pouvait encore trouver de formidables compilations de chants de Noël. Pas un orchestre, pas un chef, pas une star du chant n’ont dérogé à l’obligation d’enregistrer leur album. Finalement pas si kitsch que ça, et parfois même émouvant.

En version triple sucre glace cet incunable de l’héritage de Karajan à Vienne avec son héroïne du moment Leontyne Price

Encore plus sophistiqué ce disque de noëls d’Elisabeth Schwarzkopf !

Elles composent

Le dernier concert auquel j’ai assisté cette semaine, c’était jeudi soir à la Cité de la Musique. Une belle initiative, mais comme je l’ai écrit pour BachtrackUn jardin féerique trop touffu -, une belle idée ne fait pas forcément un bon concert.

L’idée – vraiment originale – c’est celle qu’ont développée toute une bande d’artistes autour d’Héloïse Luzzatti : une sorte de calendrier de l’Avent où chaque jour est présentée une compositrice. C’est La Boîte à Pépites sur YouTube

Comme je l’ai écrit pour Bachtrack, ma critique porte non pas sur l’idée mais sur la conception d’un concert qui aligne autant de compositrices, d’extraits d’oeuvres… N’en restons pas à ces vignettes, mais explorons plus largement le talent resté trop longtemps ignoré de nombre de ces créatrices.

Indépendance

Le 6 décembre c’est autre chose qu’un jour à jamais triste pour moi (Il y a 52 ans) ou la Saint-Nicolas fêtée dans tous les pays germaniques et nordiques (lire Saint-Nicolas en musique), c’est aussi Itsenäisyyspäivä, la fête de l’Indépendance, la fête nationale de la Finlande.

(Mon dernier voyage en Finlande en novembre 2018 – ici à Tampere – pour préparer l’édition 2019 du festival Radio France)

Le 6 décembre 1917, la Finlande conquérait enfin son indépendance après des siècles de tutelle tour à tour suédoise ou russe.

Seiji Ozawa avait enregistré tout un disque d’hymnes nationaux, dont celui de la FInlande

Mais bien avant la proclamation officielle de son indépendance, la Finlande avait trouvé son héraut, à l’occasion de la célébration de la Presse en 1899 : Sibelius compose une musique en plusieurs tableaux, dont le dernier L’Eveil de la Finlande débouchera bientôt sur ce qui est depuis considéré comme le véritable hymne national des Finnois, Finlandia. Lire toute la genèse de l’oeuvre ici : Finlandia.

La version orchestrale est la plus fréquemment donnée : ici dans la version par laquelle, adolescent, j’ai tout à la fois découvert l’oeuvre et le concerto pour violon de Sibelius (lire Sibelius m’était conté)

Mais la version avec choeur est plus impressionnante et plus… patriotique ! Hommage ici au chef finnois récemment disparu, Leif Segerstam (1944-2024)

Disparues

Elles ont quasiment disparu des concerts classiques, et sont devenues d’absolues raretés au disque. Je veux parler des ouvertures, ces pièces d’orchestre spectaculaires d’abord conçues par les compositeurs d’opéra comme des préludes exposant les principaux thèmes de l’ouvrage, mais de plus en plus souvent comme des morceaux autonomes dans la période romantique.

Tous les grands chefs, tous les grands orchestres se devaient d’enregistrer des disques d’ouvertures, et tout programme traditionnel de concert en comportait généralement une en guise d’apéritif, jusqu’à ce que la mode passe complètement. Depuis quand n’ai-je pas entendu une ouverture de Rossini, Beethoven ou Mozart à un concert parisien ? Trop ringard ?

Heureusement il reste quelques précieux trésors dans une discographie qui ne s’est guère renouvelée.

Au sommet de la pile, l’austère Fritz Reiner et son disque hallucinant (et halluciné) d’ouvertures de Rossini. Personne n’a jamais atteint ce degré de folie, et de perfection orchestrale : écoutez seulement l’accélération finale de cette ouverture de Cenerentola

Avec d’autres moyens, une évidente élégance peut-être plus « italienne » que Reiner, Giulini a lui aussi peu de concurrents.

Avec Weber, on est toujours dans le registre des ouvertures d’opéra. Celle du Freischütz est l’une des plus achevées qui soient, mais les chefs ne réussissent pas toujours à traduire les frémissements de ce premier romantisme. J’ai gardé une admiration intacte pour ce disque de Karajan acheté en 1973.

Plus difficiles encore à réussir, certaines ouvertures de Beethoven, comme celle de la musique de scène d’Egmont, qui sous nombre de baguettes même illustres restent bien placides. Ici, faisons abstraction de cette manière de filmer, et faisons comme le chef, fermons les yeux, en écoutant le torrent de passion qui emporte tout sur son passage

Du « poème dramatique » de Schumann, Manfred, on ne joue plus guère que l’ouverture. Nul, à mes oreilles, n’atteint la fougue, la passion d’un Charles Munch, dès les premiers accords jetés à la face de l’auditeur :

Johannes Brahms compose deux « ouvertures » qui ne sont plus des préludes à un opéra ou une musique de scène, mais des sortes de poèmes symphoniques. Elles datent toutes deux de 1880, et le titre de « tragique » de l’une ne se conçoit que par opposition d’humeur à l’autre (voir ci-après). De nouveau Charles Munch à Boston y est exceptionnel !

Un mot de cette ouverture « académique » qui n’a rien d’académique, dans l’acception péjorative du terme, mais a tout à voir avec un événement universitaire, donc académique, puisque écrite par Brahms en 1880 à l’occasion de sa nomination comme Docteur honoris causa de l’université de Breslau (aujourd’hui Wroclaw en Pologne). Brahms y cite quelques chansons estudiantines et conclut l’ouverture par l’hymne des étudiants Gaudeamus igitur

J’ai fait jouer une fois à Liège, à l’occasion d’une présentation au public de la saison, une autre ouverture, beaucoup moins connue – le bibliothécaire de l’orchestre avait eu bien du mal à trouver la partition ! – d’une opérette de Franz von Suppé, Flotte Bursche (littéralement « Des jeunes gens bien« ) qui reprend le même thème (à 3’15)

Les plus attentifs remarqueront à 4’18 » une citation d’une pièce virtuose de Beethoven, le rondo a capriccio « pour un sou perdu »

Les seules exceptions à cette disparition des ouvertures en concert ou au disque sont peut-être les ouvertures de Berlioz (en général Le Carnaval romain ou Le Corsaire)

Avec Tchaikovski, le terme « ouverture » prend plus la forme d’un poème symphonique, qu’il l’assortisse ou non d’un complément comme pour l’ouverture-fantaisie Roméo et Juliette. Même si on l’entend peu au concert, elle reste assez présente au disque (comme dans la récente publication de l’orchestre philharmonique de Strasbourg et de son chef Aziz Shokhakimov)

Kirill Kondrachine mieux qu’aucun autre dit tout ce que cette musique révèle et recèle :