Inondation et Révolution

Semaine riche en émotions musicales.

L’Inondation

D’abord la reprise à l’Opéra Comique d’un ouvrage qui avait beaucoup fait parler de lui, quelques mois après sa création en septembre 2019, pour de bien mauvaises raisons que Forumopera a parfaitement résumées lorsque « l’affaire » s’est conclue par un non-lieu (lire L‘affaire Chloé Briot. classée sans suite).

On a donc assisté lundi soir à la première de cette reprise de L’Inondation de Joël Pommerat et Francesco Filidei, et on en a écrit tout le bien qu’on en a pensé dans Bachtrack. Pour les retardataires, il y a encore une représentation ce dimanche à Paris et deux autres prévues en mai à Luxembourg.

Une fabuleuse Fantastique

Je n’allais pas manquer mercredi soir le concert de l’Orchestre de Paris et de son fringant directeur musical, Klaus Mäkelä, à la Philharmonie de Paris. Programme a priori sans risque (une pièce de Kaija Saariaho, que les orchestres adorent programmer en début de concert, c’est toujours élégant, décoratif, et ça ne dérange pas même les plus rétifs à la musique contemporaine, puis le concerto pour violon de Sibelius, et en seconde partie la Symphonie Fantastique de Berlioz).

Et l’événement ce fut précisément cette fabuleuse Fantastique ! Le jeune Finlandais n’a pas fini de nous surprendre. J’avoue que j’avais fini par me détourner de l’oeuvre maîtresse de Berlioz au concert comme au disque. Tellement de versions qui passent à côté, quand elles ne contredisent pas le « programme » et les intentions du compositeur (la « marche au supplice » du 3ème mouvement qui devient une marche triomphale tous cuivres dehors). Mercredi soir, j’ai retrouvé Berlioz dans toutes ses dimensions, d’invention, de folie, de modernité, et un orchestre en complète osmose avec son jeune chef. Je n’ai pas été le dernier, dans la grande salle comble de la Philharmonie, à partager les « cris et les trépignements » (selon l’expression du compositeur lors de la création) enthousiastes du public. Je l’ai écrit pour Bachtrack : La Fantastique révolutionnaire de Klaus Mäkelä

Ici un documentaire qui date déjà de quelques mois qui dessine un portrait sensible du jeune chef :

Impatient de découvrir le premier disque qui rassemble l’Orchestre de Paris et son chef :

Ouverture de saison

La mort d’une reine

Hier, à l’heure où paraissait le communiqué annonçant la mort d’Elizabeth II, je prenais cette photo de la grande fontaine du parc de la Villette. Sans encore connaître la nouvelle, je me disais que le ciel de Paris, l’or du couchant qui illuminait la fontaine, étaient de circonstance.

Puisque nous allons être, nous sommes déjà, saturés d’informations, d’images, de témoignages sur la reine défunte, juste un souvenir. Il y a près de trois ans j’étais à Edimbourg et j’avais visité le palais de Holyrood, résidence officielle de la reine en Ecosse (Balmoral étant une résidence privée). Et j’avais pris cette photo de la salle à manger avec ce grand portrait de la souveraine, avant d’être interrompu par une employée, offusquée que j’aie osé photographier la reine, de surcroît dans sa demeure…

La rentrée de l’Orchestre de Paris

Du beau monde hier soir à la Philharmonie de Paris qui, à l’initiative de son nouveau directeur, Olivier Mantei, a décidé d’avancer les concerts à 20 h. Heureuse idée.

Un programme des plus copieux, et même audacieux. La marque du directeur musical de l’Orchestre de Paris, Klaus Mäkelä ? Sûrement, pas moins de deux créations et une brève pièce de Kaija Saariaho, à côté de deux mastodontes (on parle ici de l’effectif orchestral !).

Concert donné en hommage à Lars Vogt, disparu lundi. À l’issue du concert, le directeur général Nicolas Droin, et la présidente de l’Orchestre de Chambre de Paris, Brigitte Lefèvre, me raconteront les derniers souvenirs, les derniers instants du pianiste et chef, l’émotion unanime que sa mort a suscitée (Ce qu’il nous reste d’eux)

Le fringant chef finlandais ouvrait le concert par une brève pièce de Kaija Saariaho Asteroid 4179, qu’il enchaînait immédiatement, et très naturellement, au célébrissime portique d’ouverture du poème symphonique de Richard Strauss Also sprach Zarathustra. J’admire le travail d’orchestre, la cohésion des pupitres, l’art du jeune chef de dégager des lignes claires dans une partition touffue, que je ne suis jamais parvenu à vraiment aimer (est-ce grave docteur ?). Puis arrive Aino, une création du compositeur péruvien Jimmy Lopez Bellido qui a fait ses études.. à Helsinki, dédiée à Klaus Mäkelä, directement inspirée d’un personnage essentiel du Kalevala, qui paie son tribut à Sibelius et à la musique de film (le compositeur Alexandre Desplat était assis devant moi !). Partition bien troussée, très consensuelle et consonante.

Jimmy Lopez chaleureusement applaudi à la fin de la première partie du concert.

En début de seconde partie, il faut dire que c’est beaucoup pour cela qu’on était venu à la Philharmonie, la création de A-Linea de Pascal Dusapin. Ce blog peut témoigner de la relation que j’ai avec le compositeur français, mon quasi-contemporain (il est mon aîné de quelques mois) : lire Présence de Pascal Dusapin. C’est le propre des grands créateurs que d’être immédiatement identifiés, reconnaissables. Cette nouvelle pièce d’orchestre d’une quinzaine de minutes est du pur Dusapin (les grands unissons, brièvement troublés de déflagrations des cuivres ou des percussions) et j’ai trouvé hier soir (les circonstances ?) teintée d’une nostalgie, d’ombres fugitives, comme une sonate d’automne.

Le concert se concluait par le Poème de l’extase de Scriabine. Etait-ce le menu trop copieux ? L’orchestre très beau, la trompette solo magnifique, le geste toujours élégant du chef, mais quelque chose qui manquait à cette montée vers l’orgasme musical ?

Après le concert, on fut heureux de retrouver quelques amis, collègues, et parmi eux une pianiste venue en groupie du chef…

Présences

Activité de concert intense cette semaine. Après Yannick Nézet-Séguin mardi à la Philharmonie de Paris, l’Orchestre National de France rendait hommage jeudi à son ancien directeur musical Kurt Masur, l’Orchestre philharmonique de Radio France ouvrait hier la 27ème édition du Festival Présencesà l’Auditorium de la Maison de la radio.

Kurt Masur a laissé une forte empreinte sur les musiciens de l’Orchestre National, le concert de jeudi en a témoigné doublement, par le programme et la chaleur de la soirée. C’est le fils du chef allemand, David Ken, qui officiait au pupitre, devant une salle comble et sa mère Tomoko.

Festival of Contemporary Music Tanglewood Conductor Kurt Masur gives his son Ken- David Masur a congratulatory hug after the younger Masur conducted  " In Summer" as part of the Festival  ©Michael J. Lutch for The new York Times

L’hommage commençait par le Chant du destin de Brahms, l’une des plus belles pages chorales du compositeur hambourgeois, contemporaine de la Rhapsodie pour contralto : le Choeur de Radio France retrouvant pour la circonstance son ancien chef Matthias Brauerdonnait le ton d’une soirée placée sous le signe du recueillement. La Cinquième symphonie de Schubert rappelait l’attachement de Masur au grand romantisme allemand – Mendelssohn, Schubert, Schumann – qui a fait quelques-unes des grandes heures de son mandat à la tête du National.

En deuxième partie, le public était impatient d’entendre la star de la soirée, la violoniste Anne Sophie Mutterqui a été l’une des partenaires de prédilection de Kurt Masur.

C’est dans une autre longue robe fourreau bleue que la violoniste allemande est apparue sur la scène de l’Auditorium pour d’abord Sur le même accordla pièce que Dutilleux avait écrite pour elle, et qu’elle avait créée à Londres en 2002 avec Kurt Masur !

img_7631

Cela faisait longtemps que je n’avais pas entendu Anne Sophie Mutter en concert, je n’avais pas beaucoup aimé ses disques récents dans le répertoire classique, mais toutes mes préventions ont été levées dans le 1er concerto pour violon de Mozart : la très grande classe, la justesse de ton et de style, la pure beauté du son, la souplesse de l’archet, en parfaite osmose avec les musiciens du National. En bis, comme murmuré, l’air de la 3ème suite de Bach.

img_7633

Vendredi, c’était l’ouverture du 27ème festival Présences. Quel beau nom pour une manifestation qui donne à entendre la musique qui s’écrit aujourd’hui, les compositeurs vivants, nos contemporains ! Son créateur, Claude Samuelétait là, toujours aussi passionné. Tant de souvenirs partagés. Beaucoup d’acteurs, d’interprètes, de créateurs de la scène contemporaine évidemment, Eric Tanguy – je me rappelle la création de son quatuor à cordes à Présences 1993 ! – Philippe Schoeller, Philippe Manoury, Olivier Latry, Pascal Rophé, Alain Altinoglu, Stéphane Lissner… mais pas de ministre de la Culture – la concurrence des Victoires de la Musique ?.

Une édition qui renoue avec les portraits de grandes figures de la composition, cette année Kaija SaariahoUn Orchestre philharmonique de Radio France très sollicité, à son meilleur dans trois oeuvres contrastées, d’inégal intérêt – mais c’est le propre d’un festival de création que de confronter les esthétiques, les partitions, sans imposer une hiérarchie – sous la houlette du jeune chef russe Dima SlobodenioukDeux partitions de Kaija Saariaho, Graal theatre, un concerto pour violon datant de 1994, partie soliste virtuose et exigeante, transparence orchestrale jouant sur les effets de timbres – un peu long peut-être, en seconde partie un magnifique cycle de mélodies Adriana Songs (2006) sur des textes d’Amin Maalouf, donné en création française par l’excellente Nora GubischJe n’ai pas été le seul à avoir été moins convaincu par la pièce Denkklänge du compositeur français Raphaël Cendo, création d’une commande d’Etat, qui use et abuse de procédés si souvent entendus dans les années 70 à Donaueschingen ou Darmstadt. À réécouter sur France Musique.

img_7646(Nora Gubisch, Kaija Saariaho, Dima Slobodeniouk et les musiciens de l’Orchestre philharmonique de Radio France)