Le voyage d’Ouzbékistan (II) : les merveilles de Boukhara

Les remparts qui ceignent Khiva (voir Le voyage d’Ouzbékistan I) font 2 kilomètres, ceux qui entouraient l’antique cité de Boukhara, 12 km ! La ville est infiniment plus vaste, mais le charme plus modeste de Khiva ne se laisse pas oublier. Peut-être qu’après avoir vu Samarcande, je changerai d’avis.

Al-Khwârizmî (Algoritmi) et Avicenne

Au musée de Khiva, comme ici à Boukhara, on célèbre partout et à juste titre les grandes figures de la science nées dans cette région si riche d’influences et de traditions. : Al-Khwârizmî (en latin Algoritmi) né en 780 près de Khiva, mort en 850 à Bagdad, inventeur de l’algèbre moderne, et Ibn Sina, plus connu sous le nom d’Avicenne, né le 7 août 980 près de Boukhara, alors persane, mort en juin 1037 à Hamadan (Iran), Avicenne que ses disciples considéraient comme le « prince des savants »

Avicenne (980-1037)

Al-Khwârizmî (780-850)

On ne manque pas d’être impressionné par la liste des savants, inventeurs, astronomes, philosophes nés en Asie centrale (à voir ici).

On pourrait penser que les traditions séculaires n’ont pas survécu à la modernité, et surtout à la période soviétique qui a tenté de faire table rase du passé millénaire des émirats, royaumes et autres khanats qui se partageaient la région depuis le XVIe siècle.

On sent au contraire, au Kirghizistan comme ici en Ouzbékistan, une volonté farouche encouragée par les pouvoirs publics de faire vivre les traditions artisanales (lire Les chevaux de Kirghizie) comme la tapisserie – les fameux tapis de Boukhara – le tissage de la soie (vêtements, parures, nappes). On a envie de tout acheter, d’autant que le prix demandé, en soi relativement élevé, n’est rien en comparaison des jours et des mois de travail à la main des familles qui perpétuent la tradition : les hommes fabriquent les supports, font les couleurs, naturelles bien sûr, les femmes brodent, cousent, ornementent…

L’atelier de Davron Toshev

Le personnage a sa fiche Wikipedia.. en ouzbek, c’est ici une star qu’on est allé rencontrer dans son vaste atelier/hôtel où des étudiants/apprentis du monde entier viennent se former ou se perfectionner à l’art de la miniature sur papier de soie ou de coton. Il a fait maintes expositions notamment en France, à l’Institut du monde arabe, et c’est un homme adorable : Davron Toshev

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Boukhara la grande

Le guide qui nous conduit dans et autour de Boukhara forme un contraste bienvenu avec sa collègue de Khiva. Il parle un français excellent, nourri de plusieurs séjours en France il y a une quinzaine d’années, il s’adapte à notre conversation, nos questions, et ne se contente pas de réciter son manuel du parfait touriste.

Les proportions sont impressionnantes, les anciennes madrassas se dressant face à face auprès de minarets qui servaient de repères aux caravaniers de la route de la soie. Les marchands sont nombreux, mais les produits de l’artisanat local sont de loin plus présents que les babioles importées, les artisans sont heureux de montrer leur savoir-faire et n’agressent jamais le touriste. Au contraire, toutes celles et tous ceux que nous croisons devant leurs étals, dans les cafés, les restaurants, sont d’une amabilité, d’une gentillesse même, auxquelles on n’est plus accoutumé.

Le minaret Kalon

La légende veut que le prophète biblique Job, ici Ayub, ait un jour de grande sécheresse frappé le sol de son bâton et fait jaillir une source (lire l’histoire du puits de Job). Depuis lors un mausolée construit au XIVe siècle sous Tamerlan – Chashma Ayub – commémore l’événement et abrite une source qui ne s’est jamais tarie.

Voir les albums photo complets sur Boukhara et Le Palais d’été du dernier émir de Boukhara

Les chants du voyageur

#RVW 150 (IV) : Songs of Travel

Le sesquicentenaire de Ralph Vaughan Williams – le 12 octobre dernier – étant passé inaperçu en France, comme c’était prévisible, attardons-nous sur des aspects de son oeuvre encore moins connus que les méconnus ! Comme son cycle déjà signalé (Happy 150 Sir Ralph), Songs of Travel.

Ces Chants de voyage sont d’abord des poèmes du grand écrivain écossais Robert Louis Stevenson (1850-1894), l’auteur des célèbres L’ïle au trésor et surtout L’étrange cas du Docteur Jekyll et Mr Hyde.

C’est en 1904 que Ralph Vaughan Williams met en musique les neuf poèmes de ce cycle.

  1. The Vagabond
  2. Let Beauty Awake
  3. The Roadside Fire
  4. Youth and Love
  5. In Dreams
  6. The Infinite Shining Heavens
  7. Whither Must I Wander
  8. Bright is the Ring of Words
  9. I Have Trod the Upward and the Downward Slope

On avoue une préférence pour la version orchestrale de ces Songs (où RVW s’est fait aider par Roy Douglas) Deux disques à signaler qui figurent en bonne place dans ma discothèque :

Le grand baryton Thomas Allen (1944) est accompagné par le jeune Simon Rattle.

Sur Forumopera on avait dit tout le bien qu’on pense de cette version parue il y a deux ans : Les chants d’un voyageur déconfiné.

Le grand voyage

Le testament musical de Lars Vogt, disparu le 5 septembre dernier à 51 ans, c’est le Schwanengesang de Schubert qu’il a enregistré à l’automne 2021 avec Ian Bostridge, et qui nous bouleverse (lire Un chant du cygne)

On a l’habitude, en musique, des adieux déchirants (cf. Abschied du Chant de la Terre de Mahler) et dans la production de Lieder de Schubert il n’en manque pas non plus. Et pourtant dans le cycle Le Chant du cygne / Schwanengesang, l’adieu est étrangement joyeux.

Ade, Du muntre, Du fröhliche Stadt, Ade!

Schon scharret mein Rösslein mit lustigem Fuss; 

Jetzt nimm noch den letzten, den scheidenden Gruss.

Du hast mich wohl niemals noch traurig gesehn, 

So kann es auch jetzt nicht beim Abschied geschehn. 

Ade …

Un disque qui ne plaira pas à tout le monde, mais qui exerce une fascination durable sur ses auditeurs

Le voyage de Shéhérazade

Je me réjouis toujours d’entendre Shéhérazade, le cycle de trois mélodies composé par Ravel sur des poèmes de Tristan Klingsor. C’était le cas la semaine dernière. Impressions mitigées (voir Pâle Shéhérazade).

Les très bonnes versions ne manquent pas au disque. Elles sont souvent le fait de chanteuses non francophones !

Magnifique Marylin Horne au théâtre des Champs-Elysées en 1976 avec Leonard Bernstein et l’Orchestre national de France (et la flûte enchanteresse d’Alain Marion !)

Pour la direction de Pierre Boulez – la plus fidèle à la partition, d’une sensualité si française – mais aussi pour l’incarnation d’Anne Sofie von Otter :

Mais une tendresse infinie pour un couple si souvent entendu en concert : Felicity Lott et Armin Jordan