L’été 24 (II): les romans de la Côte

Ils ont en commun d’aimer l’histoire, de prendre prétexte de faits et de lieux historiques pour nouer des intrigues policières bien troussées. L’un a déjà une belle collection à son actif, l’autre en est à son second « policier »

Adrien Goetz et la Villa Kerylos

D’Adrien Goetz j’ai lu, je crois bien, toutes les « intrigues » (lire Un dimanche d’automne à Giverny) Il fallait que je visite cette Villa Kérylos qui est le sujet et le cadre de son dernier roman.

La Villa Kérylos, c’est une célèbre maison de la Côte d’Azur, un hommage à la civilisation grecque construit au début du XXe siècle par Théodore Reinach, le frère de Joseph et Salomon. J, S, T – Je Sais Tout. Ces trois inséparables frères, aussi moustachus que savants, ont fait de cette demeure tout entière décorée en style grec la caverne aux trésors de l’érudition française.
Elle a permis à Achille de sortir de son milieu. Il découvre ainsi un monde de rêve et de poésie. Achille ? Quel Achille ? Le fils de la cuisinière des voisins, les Eiffel ! À force d’études, il est devenu presque aussi savant que ses trois hôtes. Dans son grand âge, bien des années ayant passé, il revient à Kérylos. Pièce après pièce, il va à la redécouverte de son passé. Une porte s’ouvre sur Alexandre le Grand ; une autre, sur le mont Athos ; une autre, surtout, sur Ariane, son si cher amour
(Présentation de l’éditeur)

À moins d’une demi-heure de route de l’aéroport de Nice où j’ai atterri samedi matin, l’occasion était trop belle de découvrir ce singulier édifice à Beaulieu sur Mer.


Cet été, la Villa Kerylos héberge une exposition Arman, qui nous rappelle que l’artiste français né à Nice en 1928, mort à New York en 2008, aimait à « traiter » les instruments de musique avec des sculptures formidables.

Joseph Macé-Scaron et Roquebrune

Après la Falaise aux suicidés (voir Livres de prix) qui se situe à Etretat, Joseph Macé-Scaron poursuit dans une veine policière qui lui réussit avec La Reine jaune.

« Roquebrune-sur-Argens, ses légendes, son mystère Dupont de Ligonnès, ses morts accidentelles. Le printemps caniculaire qui frappe la cité varoise attise les tensions et fait resurgir un passé qui ne passe pas. Le Mal ne manque jamais d’imagination. 

Roquebrune-sur-Argens, paisible village provençal à l’ombre d’un rocher et eldorado pour retraités. Depuis le début de la canicule, les gendarmes s’acquittent de leur mission en verbalisant les propriétaires de villa qui remplissent leur piscine, en intervenant quand les querelles de rue virent au pugilat et en enregistrant les morts par déshydratation. 
Tout s’emballe lorsque quatre jeunes filles soutiennent qu’une auto-stoppeuse s’est volatilisée de leur voiture, qu’une bibliothécaire retrouve sur son bureau une biographie de Xavier Dupont de Ligonnès annotée de commentaires inquiétants et que le cadavre d’une femme couronnée de bois de cerf est découvert sur les bords de l’Endre. 
Pour le capitaine Guillaume Lassire, un criminel bien plus dangereux qu’une vague de chaleur sévit dans la cité millénaire et seule son amie la chartiste Paule Nirsen peut lui venir en aide. 
Entre secte occulte, mafia varoise, légendes locales ténébreuses et vieux manuscrit racontant les atrocités des guerres de Religion, la raison des deux enquêteurs va être mise à l’épreuve comme jamais auparavant.
 » (Présentation de l’éditeur)

De nouveau, sur le chemin de ma villégiature dans le massif des Maures, l’occasion était rêvée de faire halte sur le temps de midi dans le vieux village de Roquebrune et d’y suivre les personnages de La Reine jaune.

Le chocolat est une spécialité ancienne de Roquebrune. On a tenté une adresse conseillée par JMS dans La Reine jaune. Pas de chance l’établissement était fermé en cette veille de 14 juillet, mais on a trouvé à quelques dizaines de mètres de quoi apprécier les talents des chocolatiers locaux.

Dans l’église Saint-Pierre et Saint-Paul au centre du vieux village :

Double crème

C’était dimanche dernier, sous la canicule, le plaisir de pouvoir enfin répondre aux invitations répétées du pianiste Iddo Bar-Shai qui anime, depuis 2021, les, ses « Coups de coeur à Chantilly« . Et d’y retrouver, à ses côtés, Matthias Goerne et le quatuor Modigliani dont on a peine à croire qu’ils fêtent leur vingtième anniversaire.

Compte-rendu à lire sur Bachtrack : Le quatuor Modigliani double crème pour ses vingt ans.

Le titre de mon billet a été vite trouvé : deux programmes de concert exclusivement viennois (Mozart, Beethoven, Schubert) à Chantilly ! Mais les spécialistes de l’art culinaire trouveront sans doute la comparaison osée : la Schlagsahne (ou Schlagobers) de la capitale autrichienne est-elle la même que la fameuse crème Chantilly ? Réponse : pour avoir goûté (et parfois abusé) aux deux in situ, je n’ai honnêtement jamais pu faire de différence ! On lira avec intérêt la très complète notice Wikipedia sur l’origine de l’association entre le château de prince de Condé et cette spécialité laitière !

Le concert du dimanche matin avait lieu dans la galerie de peintures du musée Condé – la deuxième collection française de peintures anciennes après le Louvre !, et réunissait le jeune quatuor Elmire et son aîné le quatuor Modigliani (sur la photo, les deux sont réunis pour le salut final… la parité n’est pas encore la règle dans l’univers feutré des quatuors !)

Au moment du déjeuner, on a pris la direction d’une auberge de campagne que la rumeur générale présentait sous un jour sympathique. Sympathique l’accueil l’a été, mais c’est à peu près tout. On ne lui fera donc pas de publicité.

Sur le chemin du retour vers Chantilly, on s’est arrêté à Senlis qu’on avait jamais vu de jour et sous le soleil !

J’ai bien fait rire mes amis de Facebook avec cette plaque de rue et cette sainte qui n’est répertoriée nulle part…

La belle cathédrale Notre-Dame de Senlis s’inscrit dans le circuit de ces chefs-d’oeuvre de l’art gothique si denses en ces terres picardes.

Et pour la première fois j’ai pu apercevoir l’ancienne chapelle royale Saint-Frambourg, qui fait partie de la légende Cziffra, du nom du pianiste d’origine hongroise, György devenu Georges Cziffra (1921-1994) qui s’était établi à Senlis et avait racheté, en 1974, ce monument à tous points de vue historique – c’est ici qu’Hugues Capet fut élu en 987 roi des Francs – en état de complet délabrement. C’est aujourd’hui le siège de la fondation Cziffra et un auditorium recherché par les musiciens. On a pu y pénétrer quelques instants avant un concert et y photographier les vitraux que Cziffra avait commandés à Juan Miro (les seuls que le peintre espagnol ait réalisés avec ceux de Saint-Paul-de-Vence.

Après cette halte caniculaire à Senlis, il était temps de retrouver Chantilly et ses grandes écuries pour le concert conclusif du week-end anniversaire des Modigliani.

On accède au lieu du concert en passant devant les stalles des pur-sang qui font les beaux jours de l’hippodrome de Chantilly

Bref extrait du quatuor avec piano K 478 de Mozart, avec Iddo Bar-Shai et les membres du quatuor Modigiliani à Chantilly


De gauche à droite, le quatuor Modigiliani : Amaury Coeytaux (1er violon), Laurent Marfaing (alto), Loïc Rio (2nd violon) et François Kieffer (violoncelle)

Et pour couronner ce vingtième anniversaire, le quatuor fait la couverture de Classica – une première en soi, on n’a pas le souvenir qu’un quatuor, français de surcroît, ait jamais fait la une d’un magazine musical ! –