Antoine et John Eliot en Italie

Jeudi, Daniele Gatti et le Requiem de Verdi au théâtre des Champs Elysées (Immortel requiem), vendredi, faute d’avoir pu aller revoir Hamlet à l’Opéra Comique (Il ne faut pas croire Chabrier) – regrets avivés par les échos unanimes que j’en ai – je m’étais promis d’aller entendre Louis Langrée à la Seine Musicale, avec l’Orchestre des Champs-Elysées et un joli programme de musique française (Bizet, Saint-Saëns). Rendez-vous manqué, pour cause de méforme passagère.

John Eliot Gardiner, dont Louis Langrée fut l’assistant à l’Opéra de Lyon, assistait à la dernière d’Hamlet (Photo @Chrysoline Dupont/Twitter)

Heureusement hier soir j’ai pu me rendre à la Maison de la Radio et de la Musique, où je n’avais pas remis les pieds depuis plusieurs semaines :

Et retrouver justement un chef (Le jardinier de la musique) qu’on avait laissé, conquis, bouleversé, à La Côte Saint-André en août 2018, dirigeant des cantates de Bach. Et un soliste, Antoine Tamestit, qu’on n’a plus jamais perdu de vue, depuis une stratosphérique Symphonie concertante de Mozart en janvier 2006 à Liège. Je ne suis pas sûr d’avoir déjà raconté les circonstances de cette première rencontre : le magnifique violoniste Frank Peter Zimmermann, qui était un peu un abonné de l’Orchestre philharmonique royal de Liège, et que nous avions sollicité pour le festival Mozart dirigé par Louis Langrée, nous avait dit : « Je ne le connais pas encore, mais j’aimerais bien qu’on invite Antoine Tamestit à mes côtés ». C’est peu dire que ce fut un coup de foudre entre les deux solistes, entre Antoine et le chef, avec le public. Et, même à distance, entre l’altiste et moi, une amitié admirative qui m’a souvent fait regretter de manquer tel ou tel de ses concerts..

Un grand souvenir

A La Côte Saint-André, en 2018, je n’avais pu assister, justement, au concert de l’Orchestre révolutionnaire et romantique dirigé par John Eliot Gardiner, où Antoine Tamestit devait jouer cette oeuvre si étrange de Berlioz, sa « symphonie avec alto principal », Harold en Italie.

Hier soir, dans le cadre chaleureux de l’Auditorium de la Maison de la Radio et de la Musique, d’abord on rattrapa les souvenirs perdus, et on eut le sentiment d’une plénitude rare.

Ce miraculeux Harold est heureusement à (ré)écouter sur francemusique.fr.

Manifestement l’entente entre le chef anglais – qui fêtera ses 80 ans l’an prochain – et l’Orchestre philharmonique de Radio France produit des étincelles autant dans Berlioz, qui n’est pas la partition la plus facile à diriger, que dans la seconde partie du programme.

Elgar dans le sud

J’ai raconté mes vacances d’entre deux confinements en 2020 : Italie 2020, et notamment ma visite d’une charmante cité balnéaire de Ligurie, Alassio : C’est au cours de l’hiver 1903/1904 qu’Elgar séjourne à Alassio. Dans l’une des nombreuses lettres qu’il adresse à son ami August Johannes Jaeger – qu’il surnomme affectueusement Nimroddu titre qu’il a donné à la fameuse neuvième variation des Enigma Variations– il écrit, à Noël 1903 : « …This place is jolly – real Italian and no nursemaids calling out ‘Now, Master Johnny!’  like that anglicised Bordighera!…Our cook is an angel…We have such meals! Such Wine! Gosh!… » Plus tard il écrira : “Then in a flash, it all came to me – the conflict of the armies on that very spot long ago, where I now stood – the contrast of the ruin and the shepherd – and then, all of a sudden, I came back to reality. In that time I had composed the overture – the rest was merely writing it down.” (extrait de mon billet du 25 août 2020)

Je n’avais jamais entendu ce poème symphonique d’ElgarIn the South – en concert (pas difficile puisque la musique anglaise n’est quasiment jamais programmée en France ! on se rattrapera avec la prochaine édition du Festival Radio France). Encore moins l’oeuvre qui terminait le concert : Sospiri.

Merci Sir John Eliot ! Revenez à Paris dès que vous pouvez.

Un disque indispensable !

Italie 2020 (VIII): Les bains de mer, Sibelius, Andersen, l’énigme Elgar, Dalida et Sandor Vegh

Enfant je n’ai que très peu de souvenirs de plages, de bains de mer. Mes grands-parents paternels habitaient pourtant à moins d’une trentaine de kilomètres de La Rochelle et des belles plages de sable de Vendée. Je me rappelle en tout et pour tout … deux moments à la plage. Quelques minutes de trempette à Châtellaillon – j’étais seul avec mes grands-parents qui n’avaient jamais du se mettre en maillot de bain de leur vie ! Une autre fois une petite journée à Saint-Jean-de-Monts avec ma famille, c’est le seul souvenir qui me reste de mon père en slip de bain ! La mer, la plage, ce n’était pas leur truc.

Je me suis bien rattrapé depuis, mais en fuyant les plages bondées, les bords de mer qui ressemblent au métro aux heures de pointe. Je me suis toujours interrogé sur le plaisir que peuvent éprouver des gens qui toute l’année sont entassés dans les transports, dans leurs propres habitations – et ils n’y peuvent rien – et qui, l’été venu, reproduisent les mêmes situations. Lors d’un tour en bateau pour apercevoir les Cinque Terre, j’ai pu, une petite heure, goûter (!!) aux joies d’une plage bondée et payante… Jamais plus !

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IMG_2785Mais mes souvenirs de bords de mer n’ont aucun intérêt.

A dire vrai, je ne m’attendais pas, découvrant la Ligurie et sa côte, à y trouver trace de plusieurs musiciens et écrivains connus. Je ne parle pas de Gênes et de Paganini auxquels je consacrerai un voire deux prochains articles.

Sestri Levante

À une quarantaine de kilomètres à l’est de Gênes, Sestri Levante a un indéniable cachet… et offre plusieurs tables exceptionnelles (on recommande en particulier le Portobello !). 

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IMG_2860(au menu du Portobello !)

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Mais le nom du plus célèbre auteur de contes danois, Hans-Christian Andersen (1805-1875) est étonnamment présent dans cette jolie cité : une rue, un festival – déplacé cette année de juin à septembre – un prix. 

Je ne sais si l’idée de La petite sirène est venue à Andersen au cours d’un séjour à Sestri Levante, je sais en revanche que ce conte a donné lieu à l’une des plus belles oeuvres de Zemlinsky, Die Seejungfraudont l’interprétation par Emmanuel Krivine et l’Orchestre National de France, lors du Festival radio France 2019, reste comme l’un de mes plus grands souvenirs.

 

Rapallo ou le soleil de Sibelius

Le nom même de Rapallo ne me disait pas grand chose, sauf peut-être les deux traités qui y furent signés, en 1920 et 1922 – c’est fou comme les politiques qui font l’Histoire, signent la paix ou le partage du monde, aiment à se retrouver dans de luxueuses stations balnéaires (Yalta, Evian, Rapallo...). Il faut bien quelques aises aux héros fatigués.

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IMG_2872 La ville de Rapallo est sans charme particulier, les grands hôtels et palaces entourés de jardins multicolores sont situés sur les commune voisines de San Michele di Pagana et Santa Maria Lighure.

Ce n’est dans aucun de ces palaces que Sibelius a passé le printemps 1901, mais selon les informations fournies par Stéphane Dado, sur les hauteurs de la ville, dans la Villa Molfinooù il pouvait composer tranquillement, tandis que sa famille logeait sur le front de mer à la Pension suisse.

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Comme Andersen à Sestri Levante, Sibelius a donné son nom à une avenue de Rapallo et à un festival, dont la sixième édition est annoncée cet automne (http://sibeliusone.com).

C’est ici que le compositeur finlandais commence sa Deuxième symphonie, la plus jouée et la plus célèbre de ses sept symphonies. 

Santtu-Matias Rouvalidirigeant la 1ère symphonie de Sibelius au Festival Radio France 2019encore un souvenir impérissable !

Alassio et Nimrod/Elgar

J’ai été beaucoup moins surpris de retrouver la trace d’Edward Elgar (1857-1934) à l’ouest de Gênes cette fois, à Alassio ,ravissante station balnéaire, apparemment très à la mode au début du XXème siècle. Puisque l’une de ses « ouvertures », en réalité un poème symphonique, s’intitule In the South (Alassio)Riccardo Muti l’a souvent dirigée en concert.

https://www.youtube.com/watch?v=7Ud9nHBGCoo

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C’est au cours de l’hiver 1903/1904 qu’Elgar séjourne à Alassio. Dans l’une des nombreuses lettres qu’il adresse à son ami August Johannes Jaeger – qu’il surnomme affectueusement Nimroddu titre qu’il a donné à la fameuse neuvième variation des Enigma Variations– il écrit, à Noël 1903 : « …This place is jolly – real Italian and no nursemaids calling out ‘Now, Master Johnny!’  like that anglicised Bordighera!…Our cook is an angel…We have such meals! Such Wine! Gosh!… » Plus tard il écrira : “Then in a flash, it all came to me – the conflict of the armies on that very spot long ago, where I now stood – the contrast of the ruin and the shepherd – and then, all of a sudden, I came back to reality. In that time I had composed the overture – the rest was merely writing it down.”

IMG_3105C’est la vue qu’Elgar avait sur Alassio lorsqu’il résida à la Villa della Pergola.

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San Remo, Dalida et un suicide

San Remo pour moi c’était d’abord les centaines de fleurs qui ornent, chaque Premier janvier, la grande salle dorée du Musikverein de Vienne. En une petite matinée, on peut découvrir une accueillante ville de bord de mer, malheureusement polluée par un trafic automobile ininterrompu. La vieille ville a gardé son charme.

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IMG_3127Le cinéma Ariston où se tient depuis 1977 le Festival de San Remo

Mais San Remo, c’est, pour ses nombreux fans, un épisode tragique de la vie et de la carrière de Dalida, qui a pour cadre précisément le Festival de chanson de San Remo. En 1967, une jeune espoir du cinéma et de la chanson, Luigi Tenco et Dalidaprésentent, à tour de rôle, la chanson Ciao amore ciao.

https://www.youtube.com/watch?v=CpABSplgh20

La chanson n’est pas retenue par le jury du festival, ni Dalida, ni Luigi Tenco ne sont primés. Luigi Tenco se suicide le 27 janvier 1967. Un mois plus tard, au Prince de Galles à Paris, la chanteuse fera une tentative (lire Dalida et Luigi, ils se sont tant aimés)

Il y a même un livre – que je n’ai pas lu – qui revient sur cet épisode tragique – le suicide de Tenco – sur lequel plane encore une ombre de mystère.

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Cervo ou le refuge de Sandor Vegh

Entre Albenca et San Remo, le ravissant village perché de Cervo  domine la Méditerranée du haut de sa splendide basilique Saint-Jean-Baptiste

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Sous la place de l’église, on emprunte la rue… Sandor Veghet on découvre, à l’occasion, que le grand violoniste, quartettiste et chef d’orchestre, né en 1912 à Kolozsvar (Hongrie) aujourd’hui Cluj-Napoca en Roumanie, mort à Salzbourg en 1997, s’était pris d’affection pour ce village médiéval et avait décidé, en 1964, d’y fonder un festival de musique de chambre qui existe toujours et qui se déroule en plein air devant l’église Saint-Jean-Baptiste.

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https://www.youtube.com/watch?v=FA9R87i45f0

La reine et la musique

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Difficile d’ignorer que la reine Elizabeth fête aujourd’hui ses 90 ans !

En revanche, il y a peu de chances que les médias traitent un aspect nettement moins people de sa vie et de son règne : son rapport à la musique. Rapport personnel ou officiel. Petite revue de détail, grâce à l’excellent dossier constitué par ClassicFM 😦http://www.classicfm.com/music-news/latest-news/queen-elizabeth-classical-music/)

Dès 1930, le vieil Edward Elgar dédie sa Nursery suite aux deux jeunes princesses, Elizabeth et Margaret.

Le 25 mars 1944, les deux princesses et leur mère sont au Royal Albert Hall pour fêter le 75ème anniversaire du chef d’orchestre Henry Wood, qui a fondé en 1895 les célèbres Promenade Concerts (devenus Prom’s) et arrangé nombre de mélodies traditionnelles (ici sa Fantasia on British sea songs dirigée par mon ami Paul Daniel lors d’une soirée des Prom’s)

En 1951, la future reine participe avec toute la famille royale à l’inauguration du Royal Festival Hall sur Southbank. Avec le Barbican center quelques années plus tard, ce sera l’un des principaux temples de la musique classique de la capitale britannique, la « maison » de plusieurs des grands orchestres londoniens, le London Philharmonic, le Philharmonia entre autres (on y reviendra).

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Le 2 juin 1953, le couronnement d’Elizabeth est évidemment accompagné par beaucoup de musique et de nombreuses créations. Le sujet mérite à lui seul tout un billet. Patience !

Quatorze ans  plus tard, la reine inaugure la nouvelle salle de concert de Snape Maltings pour la 20ème édition du festival d’Aldeburgh fondé par Benjamin Britten (à droite sur la photo).

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On découvre en feuilletant l’album réuni par ClassicFM qu’Elizabeth II assiste à un concert à la Scala de Milan en 2000 et y entend l’ouverture d’Elgar In the South dirigée par Riccardo Muti.

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En 2005, la reine remet une nouvelle décoration The Queen Medal of Music au vétéran Charles Mackerras, en 2006 c’est le baryton gallois Bryn Terfel qui la reçoit à l’issue d’un concert organisé pour les 80 ans de la souveraine.

Prochain épisode : les « maîtres de musique » de la reine !