Eloge de la grandeur

Warner nous fait le cadeau de nous restituer, après une remastérisation spectaculaire, la seconde partie du legs discographique d’Otto Klemperer (1885-1973).

Je ne sais pourquoi je n’ai pas évoqué ici le premier coffret paru avant l’été, immédiatement acheté, et réécouté avec ravissement.

Relire tout ce que j’écrivais ici même en 2016 : Eloge de la lenteur, à propos déjà d’une somme de coffrets séparés qui nous avaient rendu (mais sans la « plus-value sonore » de la nouvelle remastérisation) l’héritage du grand chef allemand, disparu il y a 50 ans, le 6 juillet 1973, à Zurich.

Le second coffret comprend les quelques opéras et oeuvres sacrées que Klemperer a gravés sur le tard.

Je l’avais déjà constaté à l’écoute du corpus symphonique, Klemperer n’est jamais tout à fait où l’on attend. C’est plus vrai encore ici. J’essaie, depuis que j’ai reçu ce second coffret, de m’abstraire d’un certain nombre de clichés : que Bach, Haendel ou Mozart ne pourraient plus être écoutés qu’à l’aune des trépidations des Harnoncourt, Gardiner et autres « revisiteurs » des classiques.

Mon Dieu, qui nous élève aujourd’hui à des sommets de spiritualité, de joie profonde, dans La Passion selon Saint-Matthieu ou la Messe en si? Moi qui ai été nourri à la première révolution haendelienne de Colin Davis et de son Messie si élancé de 1966, je trouve dans celui de Klemperer une grandeur, une ferveur, qui m’émeuvent au plus haut point.

La Missa solemnis est depuis toujours ma version n°1, parce que personne n’a, comme Klemperer, jamais été plus loin dans l’inhumaine grandeur de ce monument.

La Flûte est absolument enchantée, enchanteresse même, la magie opère sans qu’il soit jamais besoin de hacher ou précipiter le discours. On peut rêver de plus de théâtre dans les trois Da Ponte, mais, à nouveau, si l’on fait abstraction de ce que l’on a engrangé dans sa mémoire, on redécouvre tant de beautés, et souvent ‘une énergie souterraine, moins immédiate.

Quant aux Wagner, avec un formidable Vaisseau fantôme et le premier acte de la Walkyrie – en plus des pages symphoniques déjà rééditées dans le premier coffret – ils sont d’autant plus précieux qu’ils sont parcimonieux.

Mariage

C’est entendu, il ne sert à rien de s’interroger sur la pertinence, la nécessité, pour une chaîne de télévision de service public – France 2 – d’offrir sept heures ininterrompues de direct à un mariage princier outre-Manche.

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Finalement, cette twitteuse invétérée, qui râle plus souvent qu’à son tour, doit avoir raison : « C’est fou le nombre de gens qui ne comprennent pas qu’on puisse kiffer un beau mariage. Désolée, mais moi, ça me fait un bien fou de regarder ces gens heureux, bien habillés, riches… J’ai zéro aigreur. J’ai un plaisir de gamine à voir des jolies robes, une déco de malade… ça fait du bien de voir du beau, des trucs d’un autre siècle, d’un monde qui disparait petit à petit… On continuera à stresser et à faire la gueule demain, promis, mais là, laissez-nous nous émerveiller ».

Je me suis satisfait de l’un des multiples résumés diffusés par toutes les chaînes en une de leurs JT.

Beaucoup d’internautes ont relevé le haut niveau des prestations musicales qui ont accompagné la cérémonie. Il faut reconnaître aux Britanniques une évidente supériorité en la matière !

Le choix de musiques fait par les jeunes mariés (ou à eux conseillé !) est plutôt bien venu

L’Ode pour l’anniversaire de la reine Anne de Haendel n’est pas l’oeuvre à laquelle on aurait pensé d’emblée. Il faut dire qu’on a le choix dans l’oeuvre du compositeur allemand natif de Halle, devenu sujet britannique : que d’odes et hymnes (comme les Coronation Anthems) pour les célébrations, funérailles, anniversaires, couronnements royaux !

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Le compositeur John Rutter (né en 1945) est une star outre-Manche, il perpétue une tradition chorale si profondément ancrée dans l’âme britannique.

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L’hymne Lord of All Hopefulness,entamé par la royale assistance de l’église St.George de Windsor, est l’oeuvre d’une femme Joyce Anstruther (1901-1953) qui eut quelques succès littéraires.

La prestation du jeune violoncelliste Sheku Kanneh-Mason (né en 1999) a été particulièrement remarquée.

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Sheku a enchaîné trois oeuvres, accompagné par l’orchestre de la BBC du Pays de Galles, dirigé par Christopher Warren-Green.

D’abord une Sicilienne faussement attribuée à la musicienne autrichienne Maria Theresa von Paradies (1759-1824), Elle a en réalité été composée par le violoniste Samuel Dushkin qui prétendit l’avoir découverte et qui se serait inspiré d’un thème de la sonate pour violon (opus 10 n°1) de Carl Maria von Weber.

Puis une transcription, réalisée par Pablo Casals, d’une célèbre mélodie de Gabriel Fauré, Après un rêve.

Enfin le célébrissime Ave Maria de Schubertqui avait toute sa place dans une célébration religieuse britannique, la mélodie de Schubert trouvant son origine dans La dame du lac de Walter Scott !

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C’est évidemment la prestation du Kingdom’s Choir qui aura fait la plus forte impression :

Avec Stand by Me de Ben E.King  et le gospel This little light of mine.

PS. Pendant que quelques millions de téléspectateurs suivaient minute par minute ce princier mariage, je redécouvrais ou découvrais des enregistrements du chef finlandais Esa-Pekka Salonen, rassemblés dans un généreux coffret. Détails ici : Salonen, le maître du XXème siècle.

Le son de la neige et Karl Böhm

À l’heure où j’écris  ces lignes, il neige de nouveau sur l’Ile de France et ma maison. J’imagine que ce nouvel épisode hivernal va encore faire la une des journaux télévisés (voir Paris centre du monde)

Oserai-je avouer que le spectacle de la neige, et plus encore le son de la neige, me fascinent aujourd’hui autant que lorsque j’étais enfant ? La rumeur de la ville ou des champs, les bruits de la vie comme tamisés par ce manteau immaculé, une atmosphère magique…. Evidemment la magie est moindre quand on doit se déplacer… ou subir les errements de conducteurs en déroute !

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On s’apprête à passer le week-end au chaud en découvrant le beau coffret qu’on avait commandé dès que le spécialiste incontesté du dit chef m’en eut prévenu – je veux parler de Remy Louis – : après trois coffrets plutôt concentrés sur les enregistrements symphoniques,

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Deutsche Grammophon propose un fort pavé consacré à Karl Böhmchef d’opéra.

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On aurait aimé saluer sans réserve cette initiative, mais le titre du coffret est trompeur : il ne s’agit pas de l’intégrale des « vocal recordings » de Karl Böhm, puisqu’il y manque rien moins que le fameux Ring capté à Bayreuth, et une rare Chauve-souris parue sous étiquette Decca avec la Rosalinde la plus lumineuse de la discographie, Gundula Janowitz.

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Mais, tel qu’il est, ce superbe coffret rappelle l’immense chef d’opéra que fut Karl Böhm, ses versions incandescentes de Lulu et Wozzeck, des Mozart certes plus classiques, moins aventureux que ceux de Gardiner ou Harnoncourt, mais jamais anodins ou banals – et quelles distributions ! – et bien sûr de légendaires Richard Strauss dont Böhm fut l’un des plus ardents et fidèles interprètes.

Tous les détails – oeuvres, interprètes -de cet « indispensable » de toute discothèque à voir ici : Karl Böhm chef d’opéra

Les printemps de Gundula

J’ai hésité sur le titre de ce billet, je pensais à : L’érotisme de la pureté. 

Il y a deux ans, pour l’évoquer (Légendes vives), j’écrivais : « la voix séraphique, et pourtant charnelle, lumineuse, et pourtant tendue, de Gundula Janowitz. »  La cantatrice autrichienne fête le 2 août prochain, selon l’expression consacrée, ses 80 printemps.

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(Gundula Janowitz, ici avec une autre légende du chant, son aînée Christa Ludwig)

Deutsche Grammophon lui rend, pour l’occasion, le plus beau des hommages avec un coffret de 14 CD très soigneusement élaboré. Il ne s’agit pas d’une simple compilation – même sous pochettes d’époque – mais d’une véritable récapitulation non seulement des enregistrements « officiels » que Gundula Janowitz a faits sous d’illustres baguettes pour la marque jaune mais aussi de « live » bienvenus, même s’ils étaient déjà disponibles ailleurs.

J’emprunte à un « commentateur » de ce coffret sur Amazon.fr ces quelques lignes qui traduisent parfaitement mon sentiment : « Un timbre d’une pureté incomparable, au vibrato scintillant, immédiatement reconnaissable et intemporellement admirable. Un phrasé magique sur une voix de lumière, de cette « beauté lunaire » comme on l’a souvent qualifiée, qui exerce sur l’auditeur une attraction irrésistible et une fascination béate. On n’adhère pas à la voix de Gundula Janowitz : on s’éprend, on succombe, on s’abandonne.

Cette Autrichienne aujourd’hui jeune de quatre fois vingt printemps, se faisait remarquer (par Walter Legge) en fille-fleur à Bayreuth en 1960, sous la direction de Knappertsbusch (on la retrouvera d’ailleurs deux ans plus tard dans la captation légendaire de 1962). Elle fait alors ses débuts pour Karajan à Vienne en 1960 dans la Barberine des Noces de Figaro; durant les trois décennies suivantes elle sera l’une des voix favorites de Karajan et de Karl Böhm, tant à la scène qu’aux studios. »

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J’ai grandi avec Gundula Janowitz dans mon apprentissage des opéras de Mozart, puis des Vier letzte Lieder de Richard Strauss (concurremment avec Elisabeth Schwarzkopf). Ce coffret renferme deux versions des mélodies de Strauss, en studio avec Karajan et en concert avec Bernard Haitink au Concertgebouw.

Je n’ai malheureusement jamais entendu la cantatrice en scène ou au concert…

(des extraits de la production légendaire de Giorgio Strehler des Noces de Figaro à l’Opéra de Paris)

On se précipitera évidemment – pour ceux qui ne l’auraient pas entendue – sur l’émission Lirico Spinto que Stéphane Grant consacrait dimanche sur France Musique à La Voix de Gundula.

Pour les germanophones, cette interview/autoportrait de Gundula Janowitz

Un coffret indispensable ! Avec un peu d’avance je souhaite à mon tour einen wunderschönen 80. Geburtstag  à Madame Janowitz !

 

Longtemps après que les poètes ont disparu

C’est l’éternelle chanson de Charles Trenet qui nous vient aussitôt lorsqu’on apprend la disparition d’Yves Bonnefoy.

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J’ai un souvenir qui ne m’a jamais quitté de la présence, de la voix, du regard d’Yves Bonnefoy. C’était à Thonon-les-Bains, il doit y avoir 25 ans, Michel Chaboud, l’excellent directeur de la Maison des Arts, avait prévu, pendant l’été, dans la cour carrée de la Visitation, des récitals de poésie qui eurent beaucoup de succès. Celui d’Yves Bonnefoy fut une révélation.

Extraits d’un discours prononcé par Bonnefoy le 22 septembre 2014 au Mexique, comme un précieux résumé de la vie et des amours du poète et un plaidoyer pour « la fondamentale nécessité de la poésie » :

…sur cette forme particulière de questionnement du monde et de l’existence que l’on appelle la poésie? Penser à celle-ci n’est plus aujourd’hui quelque chose de naturel et de simple. Je ne doute pas que la poésie soit encore très largement reconnue, aimée, pratiquée, dans votre pays et les autres de l’Amérique latine. Il y a encore dans votre société de langue espagnole ancrée dans un riche passé préhispanique cette belle continuité entre la culture populaire et les préoccupations de l’intellect qui est le lieu dans l’esprit où la poésie prend le plus vigoureusement sa source.

Je vois de grandes œuvres se succéder parmi vous et retenir une assez large attention. Mais ailleurs dans le monde le regard que la technologie et ses emplois commerciaux incitent à jeter sur la réalité naturelle et sociale n’est pas sans porter préjudice à la sensibilité poétique et à son intelligence de la vie. En France, par exemple, nos universités ont tendance à placer les sciences  humaines et le débat des idées au premier plan de leurs intérêts, et c’est aux dépens de la poésie, dont on ne ressent plus assez la fondamentale nécessité. Il est donc bien que le prix que l’on m’accorde aujourd’hui mette l’accent sur cette nécessité…

Mais pourquoi est-il si nécessaire de penser à la poésie ? Est-ce parce qu’il y aurait en elle des aperçus sur la condition humaine plus nombreux ou plus importants  que ceux que, par exemple,  savent reconnaître les philosophies de l’existence ? Ou qui seraient formulés avec plus d’imagination ou d’éloquence que dans les écrits que l’on appellera de la prose  ? Oui, certes, il est bien vrai que les grandes œuvres de la poésie –  lesquelles ne sont pas seulement des poèmes, je place au premier plan parmi elles un Shakespeare ou un Cervantès – se risquent très avant dans les labyrinthes de la conscience de soi. C’est dans les hésitations angoissées  d’Hamlet ou les rêveries généreuses de Don Quichotte que la modernité de l’esprit a trouvé son sol le plus fertile. Et il y a en chacun de nous un rapport à soi qui ne se défait jamais autant des illusions de l’existence ordinaire que quand nous entendons un rythme s’emparer des syllabes longues et brèves des mots de notre langue natale.

Et ce n’est pas, pour autant, qu’il ne faille pas se garder des enivrements faciles de la musique verbale. Le rythme dans les mots peut se mettre au service de simplement l’éloquence. Le mensonge peut s’en servir. Mais il n’en est pas moins un appel qui nous saisit très en profondeur, s’adressant à nos émotions, bousculant nos convictions paresseuses. Par ce renflammement de la parole nous recommençons d’exister, par sa voie peuvent reparaître, parmi assurément bien des leurres, des besoins et des intuitions qui sont notre vérité la plus essentielle. Car l’existence, cette vie humaine qui naît et qui doit mourir, qui est finitude, qui se heurte sans cesse aux imprévus du hasard, c’est, avant tout, un rapport au temps ; et comment accéder à l’intelligence du temps sinon en écoutant les rythmes, cette mémoire du temps, travailler sur les mots fondamentaux de la langue ?

Il y a ce rapport tout à fait spécifique et fondamental au temps dans la poésie, c’est ce qui fait d’elle l’approche la plus directe de la vérité de la vie. En français, par exemple, nous devons à Villon, à Racine, à Baudelaire, de percevoir des aspects de la condition humaine que nul davantage qu’eux n’a su reconnaître. Le rôle décisif du rapport à autrui dans l’éveil du moi, dans son intellection de ce qui est ou n’est pas, n’a jamais été plus intensément  éprouvé que dans quelques poèmes des Fleurs du mal. Mais l’essentiel de la poésie n’est tout de même pas à ce niveau où la vérité de l’humain se dégage et se manifeste. Il est par en dessous, dans la vie même des mots, et c’est à cette profondeur dans la parole qu’il faut savoir rencontrer l’action de la poésie et, de ce fait, comprendre son importance. Comprendre qu’elle est le fondement de la vie en société. Comprendre que la société périra si la poésie s’éteint, peu à peu, dans notre rapport au monde.

L’essentiel de la poésie, ce rapport aux mots ? Oui, et maintenant je m’explique. Que sont les mots ? Est-ce ce qui permet de penser aux choses, d’en analyser la nature, d’en dégager des lois, d’énoncer celles-ci, en bref d’élaborer la connaissance du monde et d’organiser nos actions dans celui-ci ? Oui, les mots sont cela, nous les savons porteurs des concepts qui bâtissent pour nous ce que nous nommons la réalité, et qui nous l’expliquent,. Mais cette réalité que nous devons à la pensée conceptuelle est-elle vraiment, est-elle pleinement, ce qui existe hors de nous et aussi en nous, dans l’intimité de nos vies, n’en est-elle pas qu’une image aussi schématique que partielle, et peut-être même affectée d’un manque fondamental ? La pensée conceptuelle, c’est de la généralité, en effet, c’est de l’intemporel, elle ne peut donc pas percevoir en nous cette expérience du temps qui, je le disais, est notre être même. Les mots nous trahissent-ils ?

Mais écoutons certains d’entre eux, écoutons-les en eux-mêmes, sans faire effort de pensée. Prononçons le mot « arbre » ou le mot « fleuve », ou, avec Mallarmé, le mot « fleur », ou ces autres mots qui évoquent des êtres et non des choses, et que nous appelons les  noms propres. Que vois-je quand je dis « arbre » ou « fleuve » ? Nullement la figure précisément définie que propose le dictionnaire. Je pense à  l’arbre comme il existe, avec toutes ses branches, toutes ses feuilles, mais aussi son implantation au bord d’un chemin, sa place possible dans ma vie. Et cette idée que j’en ai est évidemment imprécise, mais ce que je sais, en tout cas, ce que je ressens au plus profond de moi-même, c’est que cet arbre, quelque il puisse être, est dans un lieu où je puis moi-même marcher, il est comme moi, comme chacun de nous,  la proie du temps qui fait naître et qui fait mourir…

J’ai longtemps fréquenté, lu et relu, quelques poètes découverts, pour la plupart, grâce à d’intelligents professeurs de français au lycée. Avec une préférence pour les Parnassiens, Baudelaire, Prévert, Éluard…

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J’ai compris plus tard pourquoi j’aimais tant les oeuvres vocales, les cycles de mélodies, de Lieder, des compositeurs français certes (Debussy, Poulenc, Fauré sans oublier Britten et ses Illuminations rimbaldiennes) mais évidemment tout ce qui est écrit en allemand ou en russe, mes langues de prédilection. On a l’embarras du choix…

Légendes vives

Une photo prise dimanche sur la scène de l’opéra de Vienne a suffi pour raviver une cohorte de souvenirs émerveillés, tout simplement la découverte et l’apprentissage, par le disque d’abord, des chefs-d’oeuvre de la musique dite « classique ».

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Gundula Janowitz (à gauche) et Christa Ludwig (à droite), ont enchanté, formé une grande part de ma mémoire musicale. L’une et l’autre, souvent l’une avec l’autre, étaient de presque tous les enregistrements de Karajan durant les glorieuses décennies 60-70.

Beethoven (la 9e symphonie, la Missa Solemnis), Brahms (le Requiem allemand), Haydn (Les Saisons, la Création), Richard Strauss (Vier letzte Lieder) sont à jamais associés dans ma mémoire à la voix séraphique, et pourtant charnelle, lumineuse, et pourtant tendue, de Gundula Janowitz. 

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Lorsque Karajan a gravé la Messe en si et la Passion selon St Matthieu de Bach, il a réuni les deux dames, nées toutes deux à Berlin, l’une en 1928, l’autre en 1937.

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Christa Ludwig s’est, discographiquement parlant, partagée équitablement entre trois chefs qui ne pouvaient se passer d’elle, Karajan, Böhm, Bernstein, joli trio !

Impossible de dresser ici cette incroyable discographie.

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Et une perle rare de ma discothèque, une Femme sans ombre légendaire, précieusement conservée depuis ce jour de juin 1998, où nous avions fêté les 70 ans de Christa Ludwig sur France Musique.

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La dédicace qu’elle m’a laissée sur le livret de ce coffret dit tout de cette femme de tête et de coeur. Comme l’entretien qu’elle avait accordé il y a quelques mois à Forum Opéra : http://www.forumopera.com/actu/christa-ludwig-mezzo-ou-soprano-je-ne-sais-pas.

Ni Gundula Janowitz, ni Christa Ludwig n’ont jamais été qualifiées de « stars »- elles ne se sont jamais revendiquées comme telles ! – Si elles continuent de briller aussi fort dans nos mémoires, c’est parce qu’assurément ce sont de belles personnes, de celles qu’on aime comme nos mères ou nos grand-mères. Avec cette lumière et cette bienveillance intactes dans le regard.

C’était une autre légende que je rencontrais hier soir, à la Philharmonie de Paris, pas une cantatrice, mais un orchestre que je n’avais encore jamais entendu en concert (il y a un début à tout !) : le Gewandhaus de Leipzig. Dirigé par son directeur musical Riccardo Chailly (qui a pris tout le monde de court en annonçant son départ bien avant la fin de son contrat). Une mini-résidence à Paris autour de programmes associant Mozart et Richard Strauss. Il arrive parfois que la réalité ne rejoigne pas la légende. D’où vient cette impression qui ne m’a pas quitté de la soirée que ce Klangkörper – ce « corps sonore » – manque de personnalité ? Sauf quand il se fait partenaire à part entière d’un soliste extraordinaire, le violoniste Christian Tetzlaff qui parvient à nous captiver d’un bout à l’autre du 3e concerto de Mozart. Qui d’autre, Gidon Kremer peut-être ? Souvenir à vif de la dernière rencontre avec l’artiste, un certain 7 janvier 2015 : https://jeanpierrerousseaublog.com/2015/01/10/le-silence-des-larmes/