Latino

De La Nouvelle-Orléans à Rio

Le duo de pianistes Ancelle-Berlinskaia avait inscrit à son programme mardi dernier (lire sur Bachtrack : Une heure exquise au musée d’Orsay) une rareté – La jota aragonese – du compositeur Louis-Moreau Gottschalk (né en 1829 à La Nouvelle Orléans, mort en 1869 à Rio de Janeiro).

La vie de Gottschalk est un roman, et si son oeuvre n’est pas impérissable, elle s’écoute avec plaisir : « Il est impossible de méconnaître une individualité très accusée dans ces compositions, où le charme de l’idée, l’élégance des harmonies se marient à des rythmes d’une allure toute particulière, d’une persistance opiniâtre ; ces langoureuses mélodies créoles, ces danses nègres d’une mesure cadencée donnaient aux compositions de Gottschalk un goût de terroir, un parfum spécial, un accent de couleur locale d’une authenticité incontestable[» (Marmontel, Les pianistes célèbres, 1878)

Quelques disques recommandables :

Une jota universelle

Sur les origines de la jota (prononcer khota !) on en apprendra beaucoup en lisant l’article de Wikipedia. Celle qui nous intéresse aujourd’hui est la jota aragonaise qui, outre Gottschalk, a inspiré un nombre assez intéressant de compositeurs du XIXe siècle : Glinka, Liszt, Saint-Saëns, Massenet.

On n’est pas très surpris que celui qu’on présente comme le père de la musique symphonique russe – Mikhaïl Glinka (1804-1857) ait été sensible à l’exotisme des espagnolades (comme le sera après lui Rimski-Korsakov avec son célèbre Capriccio espagnol). Glinka, d’un séjour de deux ans en Espagne, rapportera deux pièces d’orchestre, son Caprice brillant sur la Jota aragonese et son Souvenir d’une nuit d’été à Madrid

On sait l’amitié qui lia le grand violoniste Pablo de Sarasate au compositeur français Camille Saint-Saëns. Celui-ci, au cours d’un séjour à Madrid en 1880, compose sa propre Jota aragonese qu’il dédie à Paquita de Sarasate, la soeur de Pablo, romancière, écrivaine, dramaturge réputée.

Pour rester dans la musique française, Massenet ne sera pas avare d’emprunts à la culture espagnole. Ainsi de cette Aragonaise tirée du ballet de son opéra Le Cid.

Quant à Franz Liszt, on sait qu’il faisait son miel de toutes les inspirations possibles. Dans sa virtuosissime Rhapsodie espagnole la citation et les variations autour de la Jota aragonese sont époustouflantes surtout sous les doigts de l’un des pianistes français les plus remarquables de la jeune génération, Rodolphe Menguy (à partir de 4’56)

Du piano latino

Le chic, le charme, l’élégance c’est tout ce qu’il y a dans les pièces de piano du Cubain Ernesto Lecuona (1895-1963), que j’avais déjà évoquées il y a quelques mois à l’occasion d’une intégrale parue chez Bis

On écoute ici un compatriote de Lecuona, l’excellent Mauricio Vallina (que j’avais accueilli à Liège en 2001 lorsque Martha Argerich était venue jouer à l’Orchestre philharmonique de Liège avec son ami Armin Jordan)

Une musique qui ne pouvait que séduire le Hollywood Bowl Orchestra et son chef Carmen Dragon (lire Carmen était un homme)

Gabriela Montero fait mon admiration depuis des lustres, pour son talent de virtuose et d’improvisatrice et aussi pour son courage dans un combat qu’on a bien oublié en Europe, la résistance des Vénézuéliens à la dictature de Maduro succédant au catastrophique Chavez

Je ne connaissais pas ce Latin concerto créé à Leipzig par la pianiste elle-même et Kristjan Järvi

Carlos Guastavino (1912-2000) est sans doute le compositeur argentin le plus connu.. et le plus joué.

Du côté du Brésil, il faudrait bien plus d’un article pour évoquer la richesse musicale d’un pays-continent, mais quand on évoque le piano latino, il est impossible de faire l’impasse sur le plus grand pianiste brésilien du siècle, notre si cher Nelson Freire, et l’un de ses derniers disques

(On reconnaît ici l’un des thèmes utilisés par Darius Milhaud dans son Boeuf sur le toit!)

Et toujours humeurs et réactions sur mes brèves de blog

Ubu, Nana, Martha, Mlle Liu etc.

Difficile d’imaginer semaine plus contrastée en matière de spectacles et d’actualité. Remontons le temps ;

Lundi : Les tribulations des Chinois à Paris

Lundi soir à la Philharmonie de Paris, concert de l’Orchestre national de Chine. J’en ai fait le compte-rendu pour Bachtrack : Les tribulations de l’orchestre de Chine à Paris

Dans l’oeuvre de Tan Dun, les musiciens brandissent leurs téléphones portables sur lesquels sont enregistrés les bruits de la nature…

Si vous ne savez pas ce qu’est le suona, voici la démonstration que nous en a faite Mlle Liu Wenwen. Impressionnant non ?

J’ai été content de retrouver Lise Berthaud, que je n’avais plus entendue depuis longtemps – souvenirs d’enregistrements Fauré avec Eric Le Sage à la Salle Philharmonique de Liège ! – et la chaleur de son alto, auprès de Liya Petrova dans la symphonie concertante de Mozart.

En bis elles jouaient une pièce étonnante, que j’avoue avoir découverte lundi soir, un arrangement pour violon et alto du Norvégien Halvorsen de la passacaille de la suite en ré mineur pour clavier de Haendel.

Martha et Ernesto

Lundi toujours je recevais deux coffrets commandés en Allemagne (www.jpc.de). Le 2e coffret – vendu à prix réduit – des Rendez-vous de Martha Argerich (un 3e vient de paraître à prix fort, on attendra un peu pour l’acheter !). Après de longues années à Lugano, la pianiste argentine a migré vers Hambourg où, depuis 2018 – avec l’interruption Covid – elle rassemble ses amis en juin. Ici ce sont les échos de la session 2019, et j’y découvre des pépites comme cette bouleversante Fantaisie en fa mineur de Schubert où Gabriela Montero tient la 1e partie.

ou cette sonate « à Kreutzer » de Beethoven avec le violon impérial de Tedi Papavrami

Comme la grande majorité des compositeurs centre- ou sud-américains, le compositeur cubain Ernesto Lecuona (1895-1963) reste très largement méconnu. Le pianiste (nord) américain Thomas Tirino s’en est fait le héraut et a gravé l’intégralité de son oeuvre pour piano, y compris les pièces concertantes. Pour une dégustation à petites doses, les soirs de spleen…

Nana 90#

Je n’ai pas vu l’émission que France 5 lui consacrait hier soir à l’occasion de son 90e anniversaire

mais je peux l’avouer ici – enfin ! – J’ai depuis toujours une passion pour Nana Mouskouri, ses premiers disques en grec, ses incursions dans le jazz. On lui pardonnerait presque de ne pas s’être arrêtée avant que sa voix ne soit plus que l’ombre de ce qu’elle fut.

Si l’expression existait, je désignerais « Pauvre Ruteboeuf » comme ma chanson de chevet.

Et ce n’est pas cette version, ce duo improbable, qui me fera changer d’avis

Ubu sans musique

Il faut sans conteste aller au théâtre de l’Athénée-Louis Jouvet voir le nouveau spectacle proposé par les Frivolités parisiennes: Ubu Roi d’Alfred Jarry. Mais j’y allais jeudi dernier, missionné par Bachtrack, pour faire la critique d’un spectacle musical, puisqu’on nous annonçait la reconstitution de la musique composée par Claude Terrasse (1867-1923) pour une représentation de 1908. Mais de musique il y a bien peu (lire Ceci n’est pas une opérette) Donc pour ce théâtre de l’absurde et de la dérision, avec une excellente troupe, un spectacle à voir.

Relire Pompidou

Lorsque le livre était paru… il y a 50 ans, je l’avais dévoré.

Je suis en train de relire cette sorte de testament politique du deuxième président de la Ve République. C’est absolument fascinant d’actualité ! On pourrait en extraire des passages entiers qui n’ont absolument rien perdu de leur acuité, de leur pertinence, notamment sur l’éducation (l’analyse que fait Pompidou de Mai 68 est un modèle), les moeurs, les extrêmes en politique…