Les raretés de l’été (III) : Lorin et Carlos

Ils sont nés la même année : 1930. L’un est mort le 13 juillet 2004 : Carlos Kleiber. L’autre dix ans plus tard le 13 juillet 2014 : Lorin Maazel.

J’ai beaucoup écrit ici même sur ces deux chefs si formidablement doués, et pourtant si différents.

Puisque cette série d’été est dévolue aux raretés de ma discothèque, je veux signaler, pour l’un et l’autre chefs, des enregistrements remarquables, mais pas toujours cités comme leurs « indispensables ». Tout simplement des disques que j’aime.

Maazel de Lama à Brahms

Je renvoie à mon article Arrivages de printemps où j’ai consacré tout un paragraphe à une vraie curiosité, la réédition d’un disque d’arrangements de chansons de Serge Lama que Lorin Maazel avait enregistré à Cleveland !

Mais plus sérieusement pour mesurer le talent de ce chef si précocement doué, il faut réécouter ses premiers enregistrements pour Deutsche Grammophon, il avait moins de 30 ans. Et on n’est jamais à court de (bonnes) surprises, comme avec cette 3e symphonie de Brahms, l’une des plus emportées qui soient.

Il ne renouvellera pas l’exploit quelques années plus tard en enregistrant les quatre symphonies à Cleveland.

Carlos et Borodine

La discographie de Carlos Kleiber a été amplement éditée et rééditée, l’essentiel chez Deutsche Grammophon et pas mal de « live » chez Orfeo. J’ai depuis longtemps, classé à Borodine, un CD paru dans une collection allemande un peu confidentielle et réédité il y a peu par SWR (le label de la radio publique allemande de Stuttgart) avec les deux Kleiber, Erich et Carlos, père et fils.

Je me demandais pourquoi cette passion de Carlos Kleiber pour cette symphonie n°2 de Borodine, qu’on n’entend quasiment plus jamais ni au concert ni au disque. Imitation du père ? 

Inutile de dire que, pour moi, c’est « la » version qui surclasse toutes les autres.

Et toujours à suivre, mes brèves de blog

Chefs pères et fils

Sujet attendu en ce jour de fête des pères, les dynasties de chefs d’orchestre.

Oleg et Igor

Commençons par le moins évident de ces couples père-fils, parce qu’ils ne portent pas le même patronyme. Prénoms d’origine russe, mais l’un, né en 1958, s’appelle Caetani, l’autre (1912-1983) s’appelle… Markevitch. J’ignore pourquoi Oleg a choisi le patronyme de sa mère italienne, peut-être pour échapper à l’ombre tutélaire du père… (allô Doktor Freud ?).

L’examen de sa discographie prouve au moins qu’il n’a pas cherché, volontairement ou non, à se mettre dans les pas de son père.

Pour ce qui est de la discographie d’Igor Markevitch, je renvoie aux articles que je lui avais consacrés : Markevitch chez DG, Markevitch chez Philips.

De profil, le fils ne peut pas renier le père !

Arvid et Mariss

La célébrité internationale du regretté Mariss Jansons (1943-2019) a éclipsé celle, cantonnée à l’Europe orientale, de son père Arvīds (1914-1984). Mais la carrière du fils s’est très tôt inscrite dans le droit fil de celle du père, puisque l’un et l’autre ont tour à tour secondé le grand Evgueni Mravinski à l’orchestre philharmonique de Leningrad.

On trouve sur le Net plusieurs enregistrements « live » d’Arvid Jansons

Quelle émotion de retrouver ce concert de gala enregistré dans la grande salle de la Philharmonie de Saint-Pétersbourg, dirigé par Mariss Jansons quelques mois avant sa mort (on aperçoit dans la loge de côté Yuri Temirkanov, patron de l’orchestre depuis 1988).

Michel et Emmanuel

Ce n’est pas faire injure au fils que de dire qu’il est loin d’avoir la notoriété du père. Emmanuel Plasson, né en 1965, poursuit pourtant une belle carrière surtout dans les fosses d’opéra, et parmi les plus illustres

Il faut dire que son père Michel Plasson – 90 ans le 2 octobre prochain ! – a plié le match en matière de discographie, notamment dans le répertoire français dont il s’est fait le héraut, inspiré et talentueux.

En 2019, l’opéra royal de Wallonie à Liège avait eu l’excellente idée de l’inviter à diriger Les pêcheurs de perles de Bizet. C’est un régal d’entendre le vieux chef parler comme il le fait de la musique française :

Tout mélomane doit avoir dans sa discothèque les deux magnifiques coffrets qui illustrent la carrière de l’ancien patron du Capitole de Toulouse. Reconnaissance aussi à Alain Lanceron, aujourd’hui patron de Warner/Erato qui a produit l’essentiel de ces enregistrements indispensables.

Armin et Philippe

Je ne vais pas m’étendre sur les Jordan père et fils. J’ai à peu près tout dit, tout écrit, sur l’un – Armin (1932-2006) et l’autre – Philippe – né en 1974. Si Armin est mon père en musique, Philippe est comme mon petit frère.

(à la remise de la Légion d’honneur à Philippe Jordan in extremis au ministère de la Culture la veille du second tour de l’élection présidentielle en mai 2022)

Il ne faut pas comparer Armin et Philippe, même si à l’évidence les dons du père ont perfusé chez le fils. Je les aime et les admire profondément pour ce qu’ils sont, de belles personnalités.

J’éprouve toujours une immense fierté d’avoir pu convier Armin Jordan à diriger chaque année, de 2001 à sa mort en 2006, l’Orchestre philharmonique royal de Liège. Comme en témoigne cette formidable Péri de Dukas, captée en 2005.

Philippe est à l’acmé de sa carrière, à Vienne ou à Paris, il emporte toujours l’enthousiasme.

Erich et Carlos

Dans la famille Kleiber, le génie est généreux. Si le fils, Carlos (1930-2004), nous est resté plus proche, parce qu’on a tant de fabuleux souvenirs de ses concerts, de ses disques, on ne peut oublier que le père Erich (1890-1956) fut l’un des plus grands chefs du XXème siècle.

Sa version des Noces de Figaro de Mozart n’a jamais quitté les premiers rayons de ma discothèque, des disques de légende. Quelle distribution !

Sur Carlos Kleiber – lire Carlos le Grand – les qualificatifs manquent : je peux voir et revoir, sans jamais me lasser, les captations vidéo qui ont heureusement été réalisées de nombre de ses concerts et de quelques opéras.

Cette galerie de portraits ne serait pas complète sans les familles Jarvi et Sanderling : dans les deux cas le père a engendré plusieurs fils chefs !

Kurt, Thomas, Stefan et Michael

Je pense ne pas être démenti si j’affirme que la famille Sanderling est unique en son genre : le père Kurt (1912-2011) a donné naissance à trois chefs, Thomas (1942), Stefan (1964) et Michael (1967). J’ai eu l’immense privilège de les voir diriger tous les quatre, et d’inviter Thomas et Stefan à Liège.

Je suis inconditionnel de Kurt Sanderling, dont il existe heureusement nombre de témoignages enregistrés, de disques qu’on chérit comme des trésors. Je me rappellerai jusqu’à la fin de mes jours les deux Neuvième – Mahler et Beethoven – que Sanderling avait dirigées à la tête de l’Orchestre de la Suisse romande au début des années 90.

Même s’il a souvent dirigé les mêmes répertoires que son père, Thomas Sanderling se distingue, dans sa discographie, par des choix plutôt originaux, comme une très belle intégrale des symphonies de Magnard

A Liège, Thomas Sanderling avait dirigé un beau Requiem allemand de Brahms.

J’ai invité plusieurs fois le cadet, Stefan, avec les Liégeois : Beaux souvenirs de programmes originaux (deux symphonies de Haydn encadrant le 4ème concerto de Rachmaninov joué par Michel Dalberto, une Huitième de Chostakovitch suffocante…).

Stefan Sanderling a été, de 1996 à 2004, chef de l’Orchestre de Bretagne, avec lequel il a enregistré du répertoire français plutôt méconnu

Quant au petit dernier – last but non least – Michael Sanderling, il a redonné un lustre remarquable au plus ancien orchestre professionnel de Suisse, celui de Lucerne.

Neeme, Paavo et Kristjan

Je renvoie à l’un des articles que j’ai déjà consacrés à la famille JärviOpening nights : c’était à l’ouverture du festival Radio France 2019.