Pour ceux qui, comme moi, ont manqué la diffusion en direct le 1er janvier, on trouve sur Youtube l’intégralité du concert de Nouvel an dirigé par Gustavo Dudamel.
Une bonne manière de refermer la discussion sur les mérites comparés des chefs invités à cette célébration annuelle, comme le défunt Georges Prêtre.
J’assistais hier soir à un autre concert très viennois… à Montpellier. L’Orchestre national de Montpellier donnait, sous la direction de son chef Michael Schønwandt, un copieux programme composé de Schelomod’Ernest Bloch (sous l’archet éloquent de Cyrille Tricoire) et la Cinquième symphonie de Mahler. Je n’avais pas été aussi passionné de bout en bout par une interprétation depuis la version qu’en avait donnée Andris Nelsonsà la Philharmonie de Paris en novembre 2015. Michael Schønwandt privilégie la modernité de l’écriture de Mahler, ne surjoue pas, comme Bernstein, les langueurs viennoises, et démontre surtout la formidable qualité d’ensemble de la phalange qu’il dirige depuis septembre 2015 et à laquelle il a redonné confiance et ambition. Mention spéciale pour le nouveau cor solo Sylvain Carboni, 28 ans, impérial dans le périlleux 3ème mouvement.
Et pour finir en beauté cette séquence viennoise, ce coffret commandé pendant mon séjour suédois et trouvé dans ma boîte aux lettres, qui a toutes les chances de passer inaperçu dans le flot des nouveautés. Une intégrale de plus des concertos de Beethoven, un petit label allemand, un pianiste/chef peu connu en France, mais authentique Viennois, Stefan Vladar. Un artiste qui avait fait le bonheur de plusieurs soirées liégeoises – Festival Mozart de janvier 2006, Festival Brahms en mai 2008, les deux fois sous la baguette de Louis Langrée. En tout cas, ce coffret a conquis l’un des critiques les plus exigeants du magazine Gramophone(« an exceptional set »). La très bonne affaire de ce début d’année !
Le 1er janvier prochain, serons-nous devant nos postes de télévision et/ou à l’écoute de France Musique ? Le d’ordinaire si traditionnel concert de Nouvel an des Wiener Philharmoniker devrait prendre un sérieux coup de jeune avec la présence au pupitre de Gustavo Dudamel. Une bonne surprise en perspective ?
(Avec Gustavo Dudamel, à la Philharmonie de Paris, le jour de son 34ème anniversaire !)
Ces musiques, d’apparence légère, sont en réalité si difficiles, comme si leur « viennitude » échappait à de grandes baguettes peu familières de ce qui fait le caractère unique de la capitale autrichienne, la ville de Klimt, Freud, Schoenberg, Mahler… et des inventeurs de la valse pour la Cour et le peuple, les Lanner, Strauss, Ziehrer & Cie…
J’écrivais ceci il y a un an dans Diapason à propos du très beau coffret publié par Sony :
« Mit Chic » (titre d’une polka du petit frère Strauss, Eduard) au dehors – pochettes cartonnées, papier glacé au blason de l’orchestre philharmonique de Vienne, mais tromperie sur le contenu : « The complete works », une intégrale de la famille Strauss ? des œuvres jouées en 75 concerts de Nouvel an ? Ni l’une ni l’autre.
Mais le double aveu de l’inamovible président-archiviste de l’orchestre, Clemens Hellsberg, nous rassure : l’origine peu glorieuse – 1939, les nazis, un chef Clemens Krauss compromis – est assumée, le ratage, en 1999, du centenaire de la mort de JohannStrauss fils (et les 150 ans de celle du père) aussi. En 60 ans, les Viennois n’avaient jouéque 14 % des quelque 600 opus des Strauss père et fils. Quinze ans après, le pourcentage s’est nettement amélioré : 265 valses, marches, polkas, quadrilles des Strauss, Johann I et II, Josef et Eduard, quelques Lanner (10), Hellmesberger (9), Suppé(5), Ziehrer (4), épisodiquement Verdi, Wagner, Brahms, Berlioz, Offenbach.
Un oubli fâcheux : les rares versions chantées de polkas (Abbado 1988 avec les Petits Chanteursde Vienne) et de Voix du printemps (Karajan 1987 avec Kathleen Battle),
Rien cependant qui nuise au bonheur de cet orchestre unique, sensuel, miroitant, tel quele restitue l’acoustique exceptionnelle de la grande salle dorée du Musikverein, le chic, lecharme, une élégance innée.
Les chefs, c’est autre chose : Carlos Kleiber, en 1989 et 1992, a placé si haut la référence– heureusement la quasi-totalité de ces deux concerts est reprise ici. Les grands habitués, Zubin Mehta, formé à Vienne (à lui Le Beau Danube bleu ) et Lorin Maazel se taillent la part du lion, Harnoncourt est insupportable de sérieux (une Delirien Walzer anémiée), Muti impérial, Prêtre cabotinant, Karajan réduit à la portion congrue (du seul concert de Nouvel an qu’il dirigea le 1er janvier 1987 l’anecdotique Annen Polka) et Boskovsky indétrônable pilier de 25 ans de « Nouvel an » (1955-1979) confiné aux compléments. Pourquoi tant de place pour les plus récents invités ? Barenboim empesé et chichiteux, Ozawa hors sujet, Jansons artificiel à force d’application, et l’anesthésique Welser-Moest.
Je me suis longtemps demandé pourquoi, d’abord, j’étais irrésistiblement attiré par ces musiques – à 20 ans, c’était une passion inavouable ! – ensuite toujours plongé dans un état de nostalgie avancé, la nostalgie étant le regret de ce que l’on n’a pas connu…
L’explication est d’abord musicale. Johann Strauss puis Lehar après lui, à la différence d’un Offenbach ou d’un Waldteufel en France, ne laissent jamais libre cours à la joie pure, au trois-temps allègre et débridé. Dans leurs valses – qui sont en réalité des suites de valses enchaînées – les frères Johann et Josef Strauss ne peuvent s’empêcher, soit dans l’orchestration, soit dans les figures mélodiques, d’assombrir la perspective, de décourager l’optimisme qui devrait normalement gagner l’auditeur ou le danseur.
Cette phrase initiale si douce-amère du hautbois et de la clarinette reprise par les violoncelles est une parfaite signature de la nostalgie viennoise…
Dans une autre valse, beaucoup moins connue, Le Papillon de nuit (Nachtfalter), toute l’introduction puis le lancement de la valse sont d’une tristesse infinie. Ce n’est plus une valse à danser, mais les échos d’un bonheur révolu…
Ce sentiment atteint des sommets dans La Chauve-Souris (Die Fledermaus), lorsqu’à la fin du bal chez Orlofsky, au deuxième acte, les convives entonnent Brüderlein, Schwesterlein
(Un extrait de la version mythique de Carlos Kleiber avec Brigitte Fassbaender en faux prince russe)
Et que dire du célébrissime duo valsé de La Veuve joyeuse (Die lustige Witwe) ? Ici dans l’incomparable version de Karajan avec Elizabeth Harwood et René Kollo.
Un passage moins connu de la même opérette (Comme un bouton de rose) prend presque des airs du fin du monde, de fin d’un monde en tout cas :
Le même ténor Waldemar Kmentt rejoint l’une des plus voix les plus authentiquement viennoises, Hilde Gueden – mélange de sensualité, de douceur et de ce je ne sais quoi de tristesse – dans une autre opérette de Lehar, Le Tsarévitch
Dix ans avant la mort de Johann Strauss (1825-1899), Gustav Mahlercrée sa Première symphonie. Ecoutez à partir de 20’45 » – l’imparable rythme de valse du second mouvement :
Et pour rester dans cette atmosphère Mitteleuropa, un petit bijou triste à souhait, cette valse lente du compositeur tchèque Oskar Nedbal :
Pour finir, un regret en forme de coup de gueule. N’ayant encore jamais trouvé d’ouvrage sérieux en français sur la dynastie Strauss et leurs amis, je me réjouissais de découvrir une nouveauté parue chez Bernard Giovanangeli Editeur : Johann Strauss, la Musique et l’esprit viennois.
L’auteur se présente comme germaniste, maître de conférences, avec plusieurs ouvrages à son actif sur Sissi, Louis II de Bavière, Mayerling, Vienne, etc. Le problème est que ce livre hésite constamment entre plusieurs approches, la biographie plutôt people, les poncifs sur l’esprit du temps et des lieux, des anecdotes sans grand intérêt à côté d’un chapitre plutôt original sur la judéité revendiquée de Johann Strauss, un catalogue a priori complet des oeuvres du roi de la valse – mais à y regarder de près, truffé d’erreurs ! – tout comme une discographie complètement cahotique (Le Baron Tzigane d’Harnoncourt est daté de 1972 chez EMI (!) tandis que la version d’Otto Ackermann de 1953 est datée de 1988, tout le reste à l’avenant… Le pompon est détenu par la préface d’un illustre inconnu que l’auteur présente comme un grand chef d’orchestre et de choeurs, qui ne manque d’ailleurs pas de citer tous ses titres de noblesse qu’on ne poussera pas la cruauté à citer ici. Disons que sa notoriété est circonscrite à un périmètre qui va d’Angoulême à Limoges et que l’art d’enfiler les perles n’a plus de secrets pour lui : « Il suffit d’écouter Le Beau Danube bleu, que j’ai eu le plaisir de diriger, pour percevoir toute la richesse mélodique et la construction symphonique de la reine des valses célèbre dans le monde entier… »
Je rappelais qu’à la fin des années 60 le même Daniel Barenboim avait gravé les mêmes oeuvres avec un très grand chef, John Barbirolli.
Du coup, j’ai ressorti cette version de ma discothèque, et plusieurs autres disques de ce chef vraiment méconnu (https://fr.wikipedia.org/wiki/John_Barbirolli). Et j’ai redécouvert une vertu qui semble avoir échappé à la génération montante : la liberté, la fantaisie, l’art d’interpréter (ce qui ne veut pas dire trahir le texte).
Brahms justement, outre les deux concertos pour piano avec Barenboim, Barbirolli a gravé une version incroyable de tension, d’ampleur, de souplesse aussi, des symphonies avec le Philharmonique de Vienne. Malheureusement, comme la plupart des enregistrements de Sir John, difficilement trouvables en dehors d’un coffret-compilation naguère paru chez EMI.
La musique anglaise bien sûr – comme si les chefs britanniques devaient être cantonnés au répertoire britannique ! – mais des merveilles dans la musique française (l’atavisme ? la mère du chef était française).
Des Sibelius, heureusement reparus, qui sont, à juste titre, considérés depuis belle lurette comme des références :
Mahler, Schoenberg, Richard Strauss, tout ce que Barbirolli a gravé de ces compositeurs est indispensable : bien avant Karajan et Bernstein, le chef avait fait un travail phénoménal avec les Berliner Philharmoniker sur la 9ème symphonie de Mahler, en 1964. Et cela donne une version d’une infinie grandeur.
Mais là où éclate avec le plus de force la personnalité exceptionnelle de ce chef, c’est dans les « live » qu’heureusement on nous restitue peu à peu. Barbirolli ose tout, parfois au détriment de la précision d’ensemble, mais le souffle, la respiration, qu’il imprime à ce qu’il dirige balaie toutes les réticences et soulève l’enthousiasme. C’est spectaculaire dans la musique viennoise, qu’il affectionnait tout particulièrement. On regrette que les Wiener Philharmonikerne l’aient jamais invité pour leur concert du Nouvel an, cela nous aurait épargné tant de concerts ratés et sans relief (comme ceux de la dernière décennie…).
Ecoutez ce « live » – c’était lors des Prom’s – de la valse L’or et l’argent de Lehar : la foule murmure ce thème si célèbre, tandis que le chef se permet toutes les libertés, les respirations, et que l’émotion nous gagne.
Même sentiment quand on écoute l’ouverture – si difficile – de La Chauve-souris de Johann Strauss… et c’était un orchestre anglais, qui ne fréquentait pas cette musique si souvent.
Bref, rien à jeter dans le legs discographique de John Barbirolli, et surtout le souhait qu’EMI devenu Warner ne se contente pas du coffret cité plus haut, mais rende à nouveau disponibles les Mahler, Tchaikovski, Dvorak, Grieg, et surtout Brahms, idiomatiques, inspirés, éperdus de liberté.
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P.S. Le sujet d’actualité de ce mardi, à Paris, c’était la pose d’une plaque commémorative dans l’île Saint-Louis, là où vécurent jusqu’à leur mort la pianiste Geneviève Joy, et son mari le compositeur Henri Dutilleux (1916-2013). Inutile polémique, cérémonie ratée.
A l’heure où j’écris ce billet, l’Orchestre philharmonique de Berlin n’a toujours pas de chef pour succéder à Simon Rattle en 2018. La grande affaire de ce lundi 11 mai était le « conclave » qui réunissait dans une église de Dahlem les 124 musiciens qui ont le droit de voter pour leur chef. Pas de fumée blanche à l’issue de plusieurs heures de réunion, et de plusieurs votes on l’imagine.
Déjà lors des précédents épisodes de ce type, à la mort de Karajan, puis pour la succession d’Abbado, l’unanimité avait été loin d’être atteinte. Ni Claudio Abbado, après Karajan, ni Simon Rattle après Abbado n’avaient été choisis facilement. On se rappelle les blessures (d’amour-propre) de Maazel ou Barenboim qui s’y étaient préparés…en vain !
Les médias s’emparent de l’affaire comme s’il s’agissait de l’élection d’un pape ! On va même jusqu’à écrire que l’orchestre se retrouve sans chef…
Peut-on avancer deux ou trois réflexions politiquement pas très correctes ?
Un peu d’histoire d’abord.
Si Ansermet avec l’Orchestre de la Suisse Romande, Mravinski avec l’Orchestre philharmonique de Leningrad, Ormandy avec l’Orchestre de Philadelphie, ont laissé une trace cinquantenaire, si Karajan (élu « chef à vie ») s’est voué à Berlin pendant 34 ans (1955-1989), comme Zubin Mehta à Tel Aviv avec l’Orchestre philharmonique d’Israel depuis 1981, si James Levine est le patron du Metropolitan Opera de New York depuis 42 ans, si Ozawa a dirigé le Boston Symphony de 1973 à 2002, si Bernard Haitink a tenu les rênes du Concertgebouw d’Amsterdam pendant un quart de siècle, l’ère de ces longs règnes paraît bien révolue.
À Berlin justement, Claudio Abbado aura fait 13 ans (1989-2002), Simon Rattle 16 ans (2002-2018), l’un et l’autre auront connu autant de succès que de revers.
On dit à juste titre que Berlin est l’un des meilleurs orchestres du monde, mais cette qualité tient-elle à la personnalité qui le dirige ? Au risque de choquer, je réponds par la négative. La qualité d’un orchestre tient d’abord à son mode de recrutement, à son organisation, à l’exigence du groupe : la meilleure preuve en est le Philharmonique deVienne, qui n’a pas de chef titulaire, et qui assure jalousement la formation, le recrutement et la carrière de ses musiciens ! Certes un grand chef impose une personnalité, un son, une identité à « son » orchestre surtout si le compagnonnage est d’une certaine durée.
Reprenons l’exemple de Berlin : on a longtemps loué (ou critiqué) le Karajan sound, ce fameux legato, cette somptuosité, cette onctuosité des cordes, et pour avoir eu la chance d’assister à quelques concerts « live », je peux témoigner qu’en concert on entendait vraiment l’orchestre comme au disque. Mais qu’on prenne d’autres enregistrements réalisés avec l’orchestre pendant l’ère Karajan, on n’entend pas le même son avec Böhm, Cluytens (l’intégrale des symphonies de Beethoven au début des années 60), Kubelik ou Maazel. Finalement tout ce que certains ont reproché à Abbado ou Rattle – ils avaient abîmé, voire perdu ce fameux « son » berlinois ! –
Chef permanent ou directeur musical ?
Les exemples cités plus haut sont ceux de patrons incontestés des phalanges qu’ils animaient, l’expression « chef permanent » avait tout son sens, même si ces grands chefs ne refusaient pas quelques invitations prestigieuses en dehors de leurs orchestres. Il y a belle lurette que l’expression est obsolète, et qu’on parle aujourd’hui de « directeurmusical« .
Pourquoi cette évolution ? D’abord parce que plus aucun grand chef n’accepterait de se lier exclusivement à un orchestre… et qu’aucun orchestre ne supporterait plus de se retrouver semaine après semaine avec le même chef. Un directeur musical consacre en général de huit à douze semaines à « son » orchestre, indépendamment des disques et des tournées. Il ne cumule pas ou plus obligatoirement cette fonction avec celle de directeur artistique, autrement dit il n’est pas toujours l’unique responsable de la ligne artistique de l’orchestre.
Mais on continue à attribuer au chef/directeur musical un rôle, un pouvoir, une influence, qui ne correspondent plus à la réalité. Un orchestre vit, fonctionne, progresse grâce d’abord à la qualité de ses musiciens, à l’esprit collectif qui les anime, et bien sûr avec un management solide et compétent, sans lequel aucun chef, aussi prestigieux soit-il, ne peut exercer son art.
Il y a d’ailleurs un paradoxe étonnant : dans le domaine de l’opéra, on cite toujours l’intendant, le directeur, quand on évoque la Scala, le Met, l’Opéra de Paris (on parle de Rolf Liebermann, Hugues Gall, Gérard Mortier ou Stéphane Lissner), beaucoup plus rarement du directeur musical (même si, dans le cas de Paris, la personnalité de Philippe Jordan est incontestable). Dans le cas des orchestres, c’est le contraire, comme si rien n’avait changé depuis le milieu du XXème siècle !
Faut-il un directeur musical ?
L’impasse dans laquelle se trouvent les Berliner Philharmoniker, qui ne sont pas parvenus à se mettre d’accord sur un profil incontestable pour succéder à Simon Rattle, est finalement assez significative.
Qu’attend-on aujourd’hui d’un directeur musical ? Le prestige lié à une star de la baguette, mais y a-t-il encore des stars de la baguette, comme l’étaient des Karajan, Maazel et même Abbado ? Les noms qu’on cite encore ont tous dépassé largement la septantaine (Barenboim, Jansons, Muti, Haitink..). Le renouveau, le dynamisme de la jeunesse, mais au risque de l’inexpérience, et d’une déception rapide ? Certes, la génération montante ne manque pas de grands talents (les Nézet-Séguin, Bringuier, Nelsons, Dudamel, Afkham, Heras Casado, Denève, Petrenko (les deux, Kirill et Vassily), liste non exhaustive) qui sont sollicités partout, par tous les orchestres, au risque de n’avoir pas le temps de creuser leur sillon et de se forger une personnalité. Et la question qui fâche : quand l’une de ces jeunes baguettes arrive devant une phalange comme Berlin, qui dirige vraiment ? Le chef… ou l’orchestre ?
Pour répondre à la question posée en tête de ce paragraphe, je ne pense pas que des formations comme Berlin aient aujourd’hui réellement besoin d’un « directeur musical ». Pourquoi pas un nombre restreint d’invités privilégiés, qui couvrent de vastes répertoires et permettent des approches différentes. Ceux qui en pincent pour Thielemann et une certaine « tradition » germanique comme ceux qui ont apprécié les aventures de Rattle en terrain baroque, ceux qui aiment l’enthousiasme communicatif de Dudamel ou le panache de Nelsons y trouveraient tous leur compte.
Mais la question ne se limite pas à Berlin évidemment. Elle est pendante en France, à l’Orchestre de Paris (que Paavo Järvi quitte l’an prochain) où l’annonce d’un successeur se fait toujours attendre, ou à l’Orchestre National de France, où une réflexion a été entamée sans précipitation (et indépendamment des soubresauts de ces dernières semaines). Une chose est certaine pour ce dernier, il ne manque pas de très bons chefs, français notamment, pour le diriger, et l’histoire octogénaire de l’orchestre nous rappelle qu’on doit ses grandes et riches heures à des chefs… qui n’avaient ni le titre ni la responsabilité de directeur musical (Munch, Celibidache, Bernstein, Muti, même Maazel ne fut longtemps que « premier chef invité »), comme en témoigne l’indispensable coffret édité par Radio France et l’INA.