Opulence

Le concert de l’Orchestre national de France, jeudi dernier, avait une caractéristique : l’opulence orchestrale. Comme je l’ai écrit pour Bachtrack, le menu était sans doute trop copieux, pour qu’en quelques répétitions, des musiciens, même aussi aguerris que ceux du National, et leur chef, puissent en révéler toutes les subtilités.

L’orchestre de Pierné

Quelle belle idée de programmer Gabriel Pierné, né en 1863 à Metz et mort la même année que Ravel et Roussel en 1937 ! Un personnage capital de la vie musicale parisienne, un compositeur passionnant, auquel je n’ai encore jamais consacré une ligne sur ce blog, même lorsque Warner a publié un coffret tout à fait intéressant.

En revanche, j’avais repéré de longue date le superbe enregistrement réalisé par Jean Martinon à la tête du National du ballet Cydalise et le chèvre-pied

Je suis toujours surpris que nos formations nationales n’explorent pas plus ardemment un patrimoine orchestral qui, à voir les affiches de la très grande majorité des concerts, se résumerait à Berlioz, Debussy et Ravel. Le seul XXe siècle est d’une richesse impressionnante, et Pierné fait partie de ces injustement oubliés. Or pour les amateurs d’opulence orchestrale, avec lui on est servi. Il suffit d’écouter – elles ne sont pas légion – ses quelques pièces d’orchestre.

Fantaisies symphoniques

Sauf erreur de ma part, de tous les arrangements, fantaisies et autres suites symphoniques qui ont été tirés de ses opéras, Richard Strauss n’est l’auteur que de la seule « fantaisie symphonique » sur La femme sans ombre (Die Frau ohne Schatten). C’est étonnant comme, à la fin de sa vie, le vieux compositeur s’offre une dernière luxuriance orchestrale, comme une récapitulation d’une science inouïe de l’orchestre, toujours dominé par le cor glorieux du paternel Franz Strauss.

Les autres arrangements d’opéras de Richard Strauss sont le lot de chefs d’orchestre qui ont tous connu le compositeur. Ainsi cette suite de Die Liebe der Danae, l’avant-dernier ouvrage lyrique de Strauss, créé par Clemens Krauss en 1952 à Salzbourg. C’est le même Clemens Krauss qui en tire cette suite orchestrale.

Intéressant aussi ce « pot pourri » qui tient lieu d’ouverture à un opéra bien oublié de 1935, Die schweigsame Frau (La femme silencieuse)

Un peu comme les suites tirées de Carmen, les quatre interludes symphoniques de l’opéra Intermezzo forment un beau tableau d’orchestre si typiquement straussien.

Ce panorama serait évidemment incomplet sans les multiples suites tirées du plus célèbre des opéras de Richard Strauss, Der Rosenkavalier (Le Chevalier à la rose). mais avant de les évoquer, je veux saluer un enregistrement exceptionnel, et jusqu’à preuve du contraire resté unique, celui de la musique du film Der Rosenkavalier (1925) pour lequel Strauss et son librettiste Hofmannsthal avaient été sollicités – ce serait pour eux des revenus supplémentaires et bienvenus ! – Marek Janowski en a réalisé un disque admirable

Il y a d’abord de vraies suites de concert, comme celle qu’a établie et enregistrée Antal Dorati

ou celle qu’en a tirée un autre grand chef d’orchestre Lorin Maazel

Et puis il y a les suites de valses, assez logiques, puisque la valse irrigue tout l’ouvrage. Beaucoup de chefs aiment les diriger, mais il en est peu d’aussi exemplaires que Karl Böhm, grand serviteur de Richard Strauss.

Tout Strauss

On ne se lasse jamais de l’orchestre straussien. On recommande le coffret le plus complet et le mieux doté.

Une édition vraiment complète qui aligne un grand nombre de références, pour l’orchestre l’intégrale insurpassée de Rudolf Kempe et de la Staatskapelle de Dresde avec de nombreuses pépites comme cette Burlesque idéale sous les doigts du formidable virtuose américain Malcolm Frager.

Et que dire des opéras et de versions signées Karajan, Böhm, Sinopoli, Keilberth !

Et toujours humeurs et bonheurs du moment dans mes brèves de blog

Clavier pas tempéré

Je connaissais le nom bien sûr, j’avais dû l’écouter distraitement une ou deux fois mais cette pianiste ne faisait pas partie de mon univers discophilique. Pas d’explication à cette ignorance.

Il a fallu qu’à nouveau Jean-Charles Hoffelé signale une très belle parution pour que je m’intéresse à Yvonne Lefébure et que je sois captivé d’emblée par un art et une personnalité qui ne donnent pas dans la tiédeur. Un clavier tout sauf tempéré !

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Il faut d’abord saluer le magnifique travail éditorial du label Solstice/FY fondé en 1972 par François et Yvette Carbou. Certes c’est l’éditeur historique de la pianiste française, mais le coffret, le livret, et surtout le contenu de ces 24 CD sont impressionnants. Nombre d’inédits puisés dans les archives de l’INAEt le tout pour un prix très modeste.

La musique française se taille la part du lion, et on a du bonheur à écouter ce son franc et direct, d’une puissance qui n’est jamais brutale (passionnante comparaison entre trois versions du Concerto en sol de Ravel, dirigées par Auberson, Ansermet et Paray). En concert, Yvonne Lefébure n’est jamais à l’abri de quelques dérapages, mais qu’importe quand l’esprit souffle à ce point.

Ses Bach, ses Mozart ne sont jamais corsetés, tandis que les romantiques, Brahms, Chopin, Schumann, Schubert (comme une jolie suite de valses et de danses allemandes arrangée par la pianiste) évitent les minauderies. Quant à ses Beethoven – les derniers opus – ils appartiennent depuis longtemps à la légende.

Contenu du coffret (les inédits sont indiqués en italiques)

CD 1 MOZART Concerto 20 (Casals), 21 (Oubradous), Sonate 457

CD 2 SCHUMANN Concerto (Dervaux), Papillons, Fantaisie

CD 3 BACH Prélude et fugue 543, Fantaisie et fugue 542, 2 chorals / MOZART Concerto 20 (Furtwängler)

CD 4 BEETHOVEN Sonates op.109 & 110, Variations Diabelli

CD 5 RAVEL Concerto sol (Auberson), Le tombeau de Couperin, DEBUSSY La boîte à joujoux

CD 6 BACH Fantaisie et fugue 542, Concerto 1052 (Oubradous), Prélude et fugue 848, Partita 830

CD 7 MOZART Concerto 466 (Dervaux), Sonate violon 379 (J.Gautier), Fantaisies 396 & 475, Variations 265 / HAYDN Variations fa m

CD 8 BEETHOVEN Sonates op.2 & 111, Concerto 4 (Skrowaczewski), Bagatelles op.119 extr.

CD 9 BEETHOVEN Sonate op.106, Variations Diabelli

CD 10 BEETHOVEN Sonates op.109,110,111, Bagatelles op.126, Lettre à Elise

CD 11 DEBUSSY Préludes (II) / RAVEL Valses nobles et sentimentales / FAURE Nocturnes 6,13, Barcarolle 6 / SCHUBERT 15 valses

CD 12 DEBUSSY Préludes (I), Etudes / RAMEAU Gavotte et six doubles / COUPERIN Les barricades mystérieuses / DUKAS Variations, Interlude et Finale

CD 13 RAVEL Concerto sol (Ansermet), Valses nobles et sentimentales, Le tombeau de Couperin, Jeux d’eau / FAURE Thème et variations op.73, Nocturne 13

CD 14 SCHUBERT Sonate D 958, 15 Valses / SCHUMANN Concerto (Sebastian) / WEBER Konzertstück

CD 15 BRAHMS Intermezzi / LISZT Ballade, chant des fileuses, la gondole funèbre / CHOPIN Barcarolle, Scherzo 2, Ballade 3, 5 Mazurkas

CD 16 BEETHOVEN Sonates violon op.12/3, op.23, op.96 (Vegh, violon)

CD 17 RAVEL Concerto sol (Paray) / SCHUMANN Concerto (Paray), Scènes d’enfants

CD 18 FAURE Thème et variations op.73, Nocturnes 1,6,7,12,13, Impromptus 2,5 / DUKAS Variations, interlude et finale, Prélude élégiaque

CD 19 EMMANUEL Sonatines op.19,20 &23 / DEBUSSY Images, Masques, L’Isle joyeuse

CD 20 RAVEL Le tombeau de Couperin, Valses nobles et sentimentales, Jeux d’eau, Ma Mère l’Oye (+G.de Sabran)

CD 21 SCHUBERT Sonate D 960 / SCHUMANN Davidsbündlertänze, Variations op.13 posthumes

CD 22 BARTOK 6 Danses / BARRAUD Concerto (Rosenthal) / MARTELLI 5 Danses / EMMANUEL Sonatines op.11 & 20 / ROUSSEL 3 pièces op.49

CD 23 BACH Prélude et fugue 543, Fantaisie chromatique, Toccata 912, Partita 825, 3 chorals, Clavier bien tempéré extr.

CD 24 Entretiens avec Bernard Deutsch (1981), Laurent Asselineau (1978), Radioscopie avec Jacques Chancel (1976)

PS Qui pourrait oublier ce qui s’est passé il y a tout juste un an ? Ces lignes nous le rappellent : Le chagrin et la raison

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