Wolfgang et les Contemporains

Le 14 juillet prochain – et pourquoi pas un 14 juillet pour célébrer des musiciens que le Paris des Lumières a adorés ? – le Concert de la Loge qui est toujours privé de son olympique adjectif (!) donne à l’Opéra Comédie de Montpellier un concert « d’époque » !

Seule certitude – on ne sait jamais avec Julien Chauvin ! – on n’entendra pas une note de Mozart ! Mais du Haydn, ou plutôt des Haydn, les deux frères Joseph et Michael, et même du Cherubini. Lire ce qu’en dit le violoniste et chef du Concert de la LogeLe Mozart suédois

Dans ce programme un vrai contemporain de Mozart : Joseph Martin Krausà qui j’avais déjà consacré un billet après un séjour à Stockholm ( Il est né le 20 juin 1756, quand Wolfgang est né le 27 janvier 1756, il est mort le 15 décembre 1792 à Stockholm, un an après la mort de Mozart le 5 décembre 1791. Un quasi frère jumeau du Salzbourgeois. Natif de Bavière, Joseph Martin Kraus fait, à 22 ans,  le choix de la Suède de Gustave IIIsouverain éclairé et cultivé…)

J’avais déjà souligné la très belle intégrale des symphonies de Kraus, parue chez Naxos, dans l’interprétation idiomatique de Petter Sundkvist et de son orchestre de chambre de Suède

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Voici que le label allemand Capriccio publie un coffret à petit prix de 5 CD très représentatif de l’art du compositeur né allemand, mort suédois !

Avec des raretés comme la musique de scène écrite – en français – pour l’Amphitryon de Molière

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Hautement recommandable (et commandable sur Amazon.de !)

De son côté, le label britannique Chandos s’était lancé, à l’instigation du chef suisse Matthias Bamert dans une entreprise assez considérable d’exploration du répertoire orchestral des contemporains de Mozart et Haydn. Je signale l’offre très exceptionnelle du vendeur allemand JPC.de qui propose, pour le moment en exclusivité, et à prix cassés (19,99 €), trois coffrets de 10 CD de ces enregistrements. Tout n’est pas frappé du sceau du génie, ni compositeurs, ni interprètes, mais c’est l’occasion de pas mal de découvertes, et d’heureuses heures d’écoute ! Vous connaissiez Gyrowetz, Wesley, Baguer, Pichl, Herschel,  Vogler ? Pas moi.

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Petit dictionnaire incorrect de mots actuels

A l’usage de nos amis journalistes, commentateurs, twittophiles, facebookiens, de nos élus, des lignolinguistes* et même de mes concitoyens, quelques définitions revisitées de mots très usités ces dernières semaines :

Gilet : Vêtement court, sans manches, boutonné devant et ne couvrant que le torse, porté par les hommes sur la chemise et sous la veste (et quelquefois par les femmes), 

Dans la littérature du XIXème siècle, le gilet est l’apanage des jeunes gens bien mis, de bonne famille, c’est encore un élément de chic du costume trois pièces, qui n’est plus guère porté en dehors de cérémonies familiales ou officielles.

Variante : Gilet de sauvetage : Accessoire gonflable ou en matière insubmersible, en forme de gilet, destiné à maintenir à la surface de l’eau celui qui le porte…

Jaune : Un mot redouté des cantatrices, surtout les non francophones, dans l’un des trois poèmes de Shéhérazade de Tristan Klingsor mis en musique par Ravel.

Gilets jaunes : catégorie indéfinie, inclassable, de manifestants, visibles en divers points du territoire, faisant systématiquement la une de tous les journaux télévisés et des chaînes d’info en continu depuis dix jours, usant d’un champ lexical restreint : « ras le bol » et « on ira jusqu’au bout » (personne ne cherchant à savoir de quel bout il s’agit… : une réponse peut-être avec Raymond Devos ?)

Périphérique, dans l’expression La France périphérique : Ensemble des quartiers éloignés du centre villeSynonyme : banlieue.  Concept vaguement condescendant, complètement fumeux, pour désigner… la majorité des Français, ceux qui ne vivent pas dans les centres ville !

Fiscalité écologique : Ségolène Royal, toujours prompte à faire la leçon, reproche au gouvernement et au président de la République de faire de l’écologie punitive, oubliant au passage sa reculade honteuse sur l’écotaxe et le scandale qui s’en est suivi (Abandon de l’écotaxe : un «gâchis» «très coûteux» selon la Cour des comptes). Mais reconnaissons une fois de plus le chef-d’oeuvre lexical qui consiste à associer les mots « fiscalité » et « écologique ». Effet repoussoir assuré !

Soutenabilité Encore un mot appelé à une certaine durabilité (!!). Le Haut Conseil pour le climat, dont le président de la République, doit annoncer la création ce mardi, sera, nous dit-on, chargé d’évaluer la soutenabilité sociale et économique (sic) des politiques publiques. On espère que ne se vérifiera pas l’adage prêté à Clémenceau : « Pour enterrer un problème, on crée une commission »

Sujet Tout est un sujet, les gilets jaunes, la transition écologique, la démocratie, l’Europe. Finalement nous sommes tous sujets… à sujet. Même le cultivé ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer, qui s’exprimait ce matin sur France 2, semble ne plus connaître le mot problème. Je n’en peux personnellement plus d’entendre à tout propos, et en toute circonstance, pour évoquer un dossier, une difficulté, un problème : « C’est un sujet »!.

Et puisque certains n’ont pas hésité à comparer les gilets jaunes à de nouveaux sans-culotteson recommande, sans faire de prémonition, l’écoute de cette symphonie concertante mêlée d’airs patriotiques de Jean-Baptiste Davaux (1742-1822), natif comme Berlioz de La Côte Saint André,

Une oeuvre donnée par Le Concert de la Loge lors du Festival Radio France 2016 et enregistrée sur ce disque paru tout récemment :

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*Lignolinguiste : néologisme désignant un pratiquant, voire un spécialiste de la langue de bois !

Salut les artistes (suite)

Ces jours derniers encore, tristesse et bonheur mêlés. De grands musiciens qui disparaissent, la philosophe et auteure Anne Dufourmantelle  noyée sur une plage de Ramatuelle pour avoir secouru des enfants imprudents.

Ernst Ottensamer, formidable clarinette solo de l’Orchestre philharmonique de Vienne, victime d’une crise cardiaque le 22 juillet, est le père de deux clarinettistes, Andreas – soliste de l’Orchestre philharmonique de Berlin – et Daniellui aussi soliste à Vienne !

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Ce beau disque nous donne à entendre un timbre de velours, cette manière si typiquement viennoise de faire chanter l’instrument. Hommage !

Autre disparition apprise hier, le violoniste et chef suisse Thomas Füriau lendemain de son 70ème anniversaire. Avec son ensemble Camerata Bernil avait exploré, dans les années 80, tout un répertoire baroque et classique, qui ne correspond plus aux canons interprétatifs fixés par Harnoncourt ou Gardiner, mais ses disques ont eu au moins, pour moi, le mérite de la nouveauté et de la découverte.

Mais la gloire et le succès sont venus au violoniste suisse avec les disques enregistrés pour Decca avec l’ensemble I Salonisti 

 

Côté Festivalles bonheurs furent intenses et nombreux.

CC680DF/SdCard//DCIM/104LEICA/L1047802.JPGSamedi soir une Siberia d’anthologie avec une formidable équipe menée par Domingo Hindoyan, Choeur et orchestre national de Montpellier, choeur de la Radio lettone, Sonya Yoncheva, Murat Karahan, Catherine Carby, Anais Constant, Riccardo Fassi…

A réécouter ici sur Francemusique.fr.

Dimanche, certains, les plus nombreux, étaient à la plage ou à regarder l’arrivée du Tour de France, les autres ont eu droit à trois récitals de piano et un concert « révolutionnaire » avec Julien Chauvin et son Concert de la Loge.

Voilà ce qu’écrit Remy Louis sur Facebook du pianiste allemand Herbert Schuch (lire Frontières sans traité) : Formidable récital de piano de Herbert Schuch hier au Festival Radio France Occitanie Montpellier. La musique est pensée comme une architecture en mouvement; la densité expressive et l’émotion naissent de l’exigence même du geste. Le jeu très ample et très intérieur de Schuch ne fait aucune concession à l’anecdote. La sonorité est puissante, les contrastes fulgurants, parfois rugueux, mais toujours logiques. L’échelle dynamique est considérable, la gamme des couleurs aussi. L’indépendance des mains, la pédalisation subtile, la conduite magistrale des phrasés, le jeu avec les silences concourent à la force de la narration, qui envoûte pour ne plus lâcher….

714xlk6ril-_sl1500_Comment ce pianiste de 38 ans peut-il être oublié des séries symphoniques parisiennes ??  Il n’est pas le seul… Severin von Eckardstein serait une autre exemple. 

Et Florent Boffard, et Andrei Korobeinikov, parcourant l’évolution du langage pianistique de Liszt à Boulez.

Trois récitals qui seront bientôt diffusés et disponibles sur francemusique.fr

Comme le concert fleuve de Julien Chauvin et du Concert de la Loge à réécouter ici

Hier, une fois de plus, on ne savait où donner de l’oreille, entre Justin Taylor à midi, l’ensemble Contrastes à 18 h, la première des trois soirées Tohu Bohu sur le parvis de l’Hôtel de Ville de Montpellier

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Et les 30 ans du Concert Spirituel célébrés par un Opéra imaginaire conçu et dirigé par Hervé Niquet – qui avaient fait l’ouverture du Festival le 10 juillet à Pibrac (Révolution). Une véritable recréation/récréation qui sera redonnée à Versailles, à Metz, à Paris… avec de fantastiques solistes qui, pour deux d’entre eux, ont le même âge que la formation d’Hervé Niquet ! Agapes hier soir…

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Hervé Niquet, Katherine Watson, Reinoud van Mechelen, Karine Deshayes

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Une soirée formidable

Huit jours après la performance de Lambert Wilson, j’étais de retour hier soir au Trianon.

IMG_8071 (1)Pour la Nuit de la voix organisée par la Fondation Orange. Je redoutais un peu l’habituel défilé de stars, l’enfilade de « tubes » d’opéra, bref une réplique mondaine de certaines soirées interminables et convenues (ne suivez pas mon regard !)

IMG_8072Ce fut tout le contraire : une soirée parfaite, l’exemple même de ce qu’on rêverait de voir en prime time sur les chaînes de service public. Un organisateur, présentateur, musicien – André Manoukian – virtuose, savant mais non pontifiant, respectueux des musiques et des musiciens qu’il propose, un joyeux enchaînement de styles, d’époques, sans jamais recourir à la facilité – et des artistes exceptionnels qui nous ont épargné la promo de leur dernier disque et au contraire offert d’inoubliables moments de pure émotion musicale.

Du crossover certes, mais d’une rare pertinence. Un enchantement, comme en témoigne la captation de cette soirée.

Des séquences impayables, comme Rosemary Standley chantant Nina Simone, Philippe Jaroussky inoubliable dans Voyage, voyage, Karina Gauvin et Marie-Nicole Lemieux dans Cole Porter et Michel Berger autant que dans Haendel, les cinq chanteuses de D.I.V.A., l’Hallelujah final de Leonard Cohen, et un Happy birthday bien mérité pour les 30 ans de la Fondation Orange.

Erreur
Cette vidéo n’existe pas

Une soirée illuminée aussi par la présence du Concert de la Loge et de son leader Julien Chauvin.

Tristesse, au retour de cette bienfaisante bouffée de musique, d’apprendre la mort d’un grand chanteur, sur le patronyme duquel je n’ai pas été le dernier à faire de mauvaises blagues, Kurt Mollinoubliable Ochs du Chevalier à la rose :

Tristesse encore avec la disparition d’Alberto ZeddaJ’emprunte à Jean-Louis Grinda, l’actuel directeur de l’Opéra de Monte Carlo et des Chorégies d’Orange, ex-patron de l’Opéra royal de Wallonie, l’hommage qu’il rend ce matin au chef italien :

« C’est avec une grande tristesse que j’apprends la disparition d’Alberto Alberto Zedda. Ses immenses connaissances musicales, son amour légendaire pour Rossini, son inextinguible soif de transmettre, de partager, tant avec les jeunes artistes qu’avec le public, ont fait de lui un être rare et précieux. Guillaume Tell, Semiramide, Cenerentola, Moïse et Pharaon,Tancredi, Il Viaggio a Reims mais aussi Sonnambula sont les titres que j’ai eu le privilège de faire avec lui lorsque j‘étais à la tête de l’Opéra Royal de Wallonie. Autant de soirées qu’il avait rendues exceptionnelles par son fantastique engagement. Le public l’adorait, les artistes aussi ; cette affection était contagieuse car en fait , tout le monde au théâtre était touché par tant de force dans un corps si frêle. Et lorsqu’une de ses légendaires colères était passée, tel un orage rossinien, son sourire et ses yeux malicieux disaient silencieusement « nous allons y arriver »…
De toutes ces années passées au service du théâtre lyrique, mes discussions professionnelles ou privées avec Alberto Zedda furent certainement parmi les moments les plus importants de ma formation. Je me sens privilégié d’avoir eu la chance de pouvoir vivre cela.
Regardons cet œil malicieux et sourions en pensant à lui. »

Je confirme, lorsque Zedda était dans la fosse de l’opéra de Liège, le bonheur était partout, sur le plateau, dans la salle, dans les yeux et les oreilles des spectateurs que nous étions…

Heureusement, il nous reste une magnifique collection de CD d’ouvrages de Rossini essentiellement chez Naxos. Des distributions de haut vol, où l’on retrouve bon nombre de stars d’aujourd’hui…