Spectaculaire

Je crois bien que la dernière fois que j’avais pénétré dans le Cirque d’hiver à Paris, c’était il y a…30 ans, pour un concert estival de l’orchestre des jeunes Gustav Mahler dirigé par Claudio Abbado !

Pourtant je passe devant cet admirable bâtiment presque quotidiennement quand je suis à Paris.

Cela doit faire à peu près autant de temps que je n’avais pas vu un spectacle de cirque. J’ai saisi l’occasion d’un nouveau spectacle proposé par le Cirque d’hiver Bouglione – Spectaculaire – pour y emmener mes petites-filles et leur oncle. Je ne sais pas qui de nous quatre a été le plus impressionné…

La première chose que je relève quand je me rends à un spectacle c’est la qualité de l’organisation et de l’accueil (vieux réflexe professionnel !). Tout ici, depuis la réservation sur le site du cirque d’hiver, jusqu’à l’entrée, le contrôle, le placement, est parfaitement réglé. Le personnel est nombreux, disponible, souriant, pas non plus intrusif – on n’a pas l’impression qu’on cherche à tout prix à vous vendre le programme… ou du pop corn ! – A l’entracte, dans le vaste foyer, on apercevra , sur les différents stands, nombre d’artistes – pour beaucoup membres de la famille Bouglione – sans leurs habits et leur maquillage de lumière.

Mais c’est bien le contenu du spectacle qui fait honneur à la grande tradition du cirque, même si depuis une loi de 2021, les cirques ne présentent plus d’animaux dits sauvages.

Et, last but not least, c’est un véritable orchestre d’une dizaine de musiciens, une excellente violoniste, une chanteuse bien en voix, qui rythme, accompagne, l’ensemble du spectacle.

Il faut soutenir, encourager, applaudir ces troupes d’artistes magnifiques : en l’occurrence la publicité faite pour ce spectacle est tout sauf mensongère, elle ne donne qu’une petite idée de la multiplicité des talents exceptionnels qui s’y produisent.

Le requiem d’Abbado

Puisque j’évoque le souvenir d’Abbado dans cette même enceinte du Cirque d’hiver et qu’en ce 2 novembre, nous célébrons les morts, un extrait d’un Requiem de Verdi, donné en janvier 2001 à Berlin qui avait bouleversé les spectateurs/auditeurs et tout le monde de la musique : le grand chef italien y paraissait très amaigri, émacié, et épuisé à la fin du concert. Il avait interrompu son activité plusieurs semaines pour soigner le cancer de l’estomac qui finirait par l’emporter treize ans plus tard.

Je me rappelle encore Roberto Alagna confiant à France Musique l’émotion qui l’avait étreint lors des répétitions et du concert face au courage de Claudio Abbado

Les chevaux de Kirghizie

Les voyages forment la jeunesse, dit-on, c’est vrai aussi pour les plus vieux comme moi. Quand on lit sur le programme d’un voyage qui ne peut qu’être organisé à l’avance – dans les pays que je visite cette année – des mentions comme : Fabrication d’une yourte, ou Visite d’une coopérative d’artisans du feutre, on s’attend à des démonstrations toutes faites pour les touristes.

Touristes nous sommes bien sûr, mais la gentillesse naturelle, spontanée, de tous les Kirghizs, grands et petits, croisés jusqu’à présent, n’est pas sans étonner. Avant-hier, dans le centre de Kotchkor, près des étals d’un petit marché, je reçois une tape dans le dos, aussitôt suivie d’une chaleureuse poignée de main de la part d’un homme entre deux âges, le visage buriné, le sourire édenté, qui me demande en russe d’où je viens : la France ! Et le voici de redoubler de serrements de main, me félicitant… pour les Jeux olympiques et la fête à Paris. Dans la rue proche de l’hôtel, tout un groupe d’enfants de 2 à 7 ans se presse pour me serrer la main, se faire photographier avec un large sourire…

La fabrication des yourtes

Arrêt donc dans le village de Kyzyl Tuu, où la majorité des habitations est constituée d’ateliers de fabrication de yourtes, l’arbre servant à la structure de cet habitat traditionnel nomade, le saule, poussant en abondance près de la rivière.

La yourte traditionnelle, artisanale, est sans doute l’habitat le plus écologique au monde, puisque constituée uniquement de produits de la nature, le bois de saule, la peau de vache pour faire les joints (aucun boulon ou vis), et le feutre pour le toit et le revêtement des parois. Le coût d’une yourte est d’environ 5000 dollars, l’artisan qui nous a reçus nous confiait que le marché était de plus international, et que rien qu’en France il en avait déjà exporté plus de 500 !

Le feutre des femmes

Le feutre, la feutrine, ont presque disparu de nos environnements d’Europe, à l’exception des porteurs de chapeaux…

J’avoue que j’ignorais jusqu’à la visite de la coopérative des femmes de Kotchkor comment était fabriquée cette matière si naturelle, et si précieuse dans les régions exposées à des températures extrêmes, le feutre.

La tradition de fabrication centenaire nous a été présentée de manière plutôt amusante. Après avoir superposé deux couches de laine de mouton brute, non cardée, non tissée, notre hôtesse l’arrose d’eau chaude, l’enroule dans un fétu de paille, puis durant 15 minutes, assène des coups de pied au rouleau (évidemment le visiteur est prié de se plier à l’exercice !), de manière à essorer l’ensemble. Aucun élément mécanique n’intervient à aucun moment. Puis, une fois le carré de feutre – c’est donc uniquement l’eau qui « lie » la laine brute – réalisé, d’autres femmes prennent le relais pour imaginer des dessins, superposer différentes couleurs. Sans aucun usage de produit artificiel. Ecolo en diable !

Les chevaux du lac Son Kul

Le plus impressionnant, en tout cas les souvenirs les plus forts qui me resteront de ce voyage en Kirghizie, est la découverte du lac Son Kul, situé à 3000 m d’altitude, au sud de Kotchkor. Aucune photo, aucune vidéo, ne parviendra jamais à restituer l’immensité silencieuse, la beauté changeante des eaux et des rives du lac, et le compagnonnage de milliers de chevaux, vaches et moutons en apparente liberté – les bergers, parfois très jeunes, les surveillent de loin.

Ici, aucune construction touristique, pas d’électricité, sauf celle que produisent des générateurs une ou deux heures par jour, pas de connexion internet ou même téléphonique. La nuit dans une yourte est une expérience à vivre, tant le différentiel de température entre plein midi et minuit est saisissant. Et partout, tout le temps, un silence absolu, à peine rompu par le cri d’un aigle, le hennissement d’un cheval ou un meuglement de jeune veau.

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Je ne peux décrire le plaisir que j’ai pris à parcourir ces paysages à cheval. Expérience unique !