Suites et conséquences : les Français enfin

Ce n’est pas la durée qui fait l’importance d’une fonction ou d’une responsabilité, c’est les changements qu’on imprime, les initiatives qu’on prend.

Rappelez-vous, la critique musicale n’a eu longtemps de cesse de dénoncer l’absence de musique française et de chefs français dans les programmes des orchestres parisiens, et particulièrement ceux de Radio France. Certes les tubes de Ravel, Debussy, Berlioz et basta.

J’aurai au moins réussi à convaincre les directeurs musicaux et les équipes artistiques des formations de Radio France de se réapproprier des répertoires parfois négligés durant de nombreuses années.

Tout récemment Mikko Franck dirigeait un mémorable concert composé de L’enfant et les sortilèges de Ravel et de l’Enfant prodigue de Debussy (Mikko Franck Ravel et Debussy). 

Mais, compte-tenu des délais de préparation d’une saison, c’est naturellement à partir de la saison 16/17 que les décisions prises de faire une place beaucoup plus importante – et légitime ! – à la musique française notamment dans la programmation de l’Orchestre National de France, produisent leurs effets (La saison 2016/17 de Radio France). Et pour la première fois depuis très longtemps, 6 chefs d’orchestre français sont invités à l’ONF dans une même saison, les mêmes qui font de brillantes carrières dans le monde entier et qui étaient encore rares dans leur pays natal.

A Stéphane Denève l’honneur d’ouvrir le ban avec deux magnifiques programmes exclusivement français (Ibert, Schmitt,  Saint-Saëns, Ravel, Milhaud, Connesson, Poulenc…)

DENEVE Stéphane @SWR Uwe Ditz

Stéphane Denève qui avait signé avec Eric Le Sage, Frank Braley et l’orchestre philharmonique de Liège la référence moderne des concertos de Poulenc, qui reste un bestseller souvent réédité par Sony.

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Deux semaines après Stéphane Denève, c’est un autre jeune chef français, Fabien Gabel qui dirige Debussy, Berlioz et Richard Strauss au théâtre des Champs-Elysées (Fabien Gabel / ONF).

Jean-Claude Casadesus continuera de fêter ses 80 printemps avec un programme emblématique (Jean Claude Casadesus / ONF)

Lui succèdera un autre octogénaire, Bernard Haitink, qui a lui-même composé son programme. Eloquent ! Gloria de Poulenc et l’intégrale de Daphnis et Chloé de Ravel !

HAITINK Bernard @Clive Barda

Emmanuel Krivine peut bien se permettre des échappées orientales, lui qui a si souvent et excellemment servi la musique française (Krivine / Rachmaninov / Dvorak) et qui continuera, on l’espère de toutes ses forces, à s’en faire le héraut avec l’ONF.

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Au printemps c’est Alain Altinoglu qui avec Anne Gastinel, proposera Prokofiev, Bloch, Dutilleux et Roussel (Altinoglu / ONF / Gastinel).

Puis un beau doublé pour Louis Langrée : une série de représentations de Pelléas et Mélisande au Théâtre des Champs-Elysées (Pelléas et Mélisande / Louis Langrée), et un concert avec Nelson Freire (dans le 4ème concerto de Beethoven) et, en écho à Debussy, le poème symphonique de Schoenberg... Pelléas et Mélisande (Schoenberg / Pelléas / Langrée)

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Du côté de l’Orchestre philharmonique de Radio France, le répertoire français et notamment les compositeurs du XXème siècle ne seront pas négligés, bien au contraire. Et on peut faire confiance à Sofi Jeannin, la cheffe des deux formations vocales de Radio France, le Choeur et la Maîtrise, pour exciter la curiosité du public et lui livrer Fauré, Duruflé, Messiaen, et tant d’autres.

Comme je l’écrivais hier (Suites et conséquences), il faut parfois croire que l’impossible est possible….

 

Le printemps

La Tribune des critiques de disques de France Musique avait mis à l’honneur ce dimanche Beethoven et l’une de ses oeuvres les plus célèbres : sa 5eme sonate pour violon et piano dite « Le printemps« .

http://www.francemusique.fr/emission/la-tribune-des-critiques-de-disques/2014-2015/sonate-violon-piano-printemps-beethoven-10-05-2014-20-30

Excellente idée de faire le point sur la surabondante discographie de cette sonate, qui est toute allégresse, bonheur simple, tournée vers Haydn et Mozart. Le risque ou le piège d’une écoute morcelée, à l’aveugle, qui est le propre de ce genre de tribune, est de détruire les mythes, d’abîmer les versions dites « de référence ». En l’occurrence, tel n’a pas été le cas, et on a plutôt aimé redécouvrir une version qui avait fait sensation à sa parution il y a 40 ans : Perlman/Ashkenazy.

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J’imagine que Jérémie Rousseau a reçu quantité de messages de protestation : pourquoi n’avoir pas retenu, ou avoir oublié telle ou telle version légendaire, ou toute récente ? Les mélomanes, et cette espèce particulière de mélomanes que constituent les discophiles, ont leurs exigences, leurs préférences, leurs propres références !

Pour compléter le beau panorama offert par la dernière Tribune, quelques-unes de mes versions favorites.

La toute récente intégrale des sonates pour violon et piano de Beethoven captée en concert au Wigmore Hall de Londres par un duo qui fonctionne à merveille, Alina Ibragimova et Cédric Tiberghien

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Après sa légendaire partenaire Clara Haskil, Arthur Grumiaux a réenregistré six des dix sonates pour violon et piano de Beethoven avec Claudio Arrau (en 1975/1976). Cet enregistrement nous a été restitué dans la collection Eloquence. Un grand duo !

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Dans les grands anciens, impossible de passer à côté du charme et du rayonnement solaire de deux de nos plus grands violonistes français, Christian Ferras et Zino Francescatti (et de leurs formidables partenaires respectifs, Pierre Barbizet et Robert Casadesus)

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Inextinguible

Salles combles pour tous les concerts auxquels j’ai assisté depuis que je suis à Montpellier. Il doit bien y avoir une raison à ce succès public !

En réalité c’est un ensemble de facteurs, mais le premier est l’originalité de la programmation. La marque de fabrique du Festival de Radio France Montpellier Languedoc Roussillon depuis ses origines.

L’Orchestre National et Alain Altinoglu jeudi dernier, plusieurs Lieder de Schubert orchestrés par Reger, un jeune ténor qui promet, en troupe à l’opéra de Vienne, encore un peu vert dans ce répertoire. Salle Berlioz du Corum pleine.

Vendredi et samedi l’Orchestre Philharmonique de Radio-France sous la houlette tressautante du fantasque et tout jeune Santtu-Matias Rouvali. Du tout Ravel – un peu en déficit de sensualité – aux trop rares Cloches de Rachmaninov, un festival de sonorités, d’explosions orchestrales et chorales. Le Corum trépidant, ovations interminables.

Hier un programme proposé par l’Orchestre national de Lille et son chef historique, Jean-Claude Casadesus – en rapport direct avec le thème du festival – le centenaire de la Grande Guerre . Adam Laloum jouait pour la première fois le Concerto pour la main gauche de Ravel, des trésors de poésie jamais entendus jusqu’alors, une technique sublimée.

Au coeur de ce programme, la 4e symphonie de Nielsen, dite Inextinguible, composée entre 1914 et 1916. Un flux sonore impérieux, tourmenté, vétilleux même, que les Lillois et leur chef défendent avec ardeur. Une grande symphonie à connaître absolument.

Même si on redécouvre l’oeuvre du contemporain danois de Sibelius, Carl Nielsen, ses six symphonies sont encore trop rares au concert. Trois versions de référence à mes yeux de la 4e symphonie :

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Colin Davis dont ce fut l’une des dernières apparitions à la tête de « son » orchestre londonien

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Karajan qui signe avec cette somptueuse 4e symphonie l’un de ses plus beaux enregistrements

.51T1cbs-R1L._SY450_Et puis l’expert Herbert Blomstedt qui s’y est pris à deux fois (pour EMI et DECCA).

Belle interprétation de Paavo Järvi et de l’orchestre de la radio de Francfort

 

 

Centenaires

Beaucoup de centenaires à commémorer cette année, à commencer par le début de la Première Guerre mondiale comme nul ne peut l’ignorer !

Dans le domaine musical, la liste est assez impressionnante, mais tous les centenaires n’ont pas été célébrés de la même manière, tant s’en faut.

Carlo Maria Giulini (1914-2005)a eu droit à tous les honneurs – et c’est justice – (https://jeanpierrerousseaublog.com/2014/04/26/vieux-sages/)Image

En revanche, rien d’organisé ni de cohérent pour Kirill Kondrachine (1914-1981). Quelques rééditions Melodia, mais rien de prévu du côté de Decca (ex-Philips) notamment une série de « live » fabuleux parus jadis dans une édition « Collector ». Lire : https://jeanpierrerousseaublog.com/2014/03/06/centenaire-russe/

Pour Rafael Kubelik (1914-1996), un coffret symphonique bienvenu chez DGG (http://bestofclassic.skynetblogs.be/archive/2014/06/15/kubelik-symphonique-8214333.html)

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Rien ou si peu, en revanche, pour le grand chef polonais Witold Rowicki (1914-1986), à part une belle intégrale des Symphonies de Dvorak

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Félicitations en revanche à Deutsche Grammophon pour la réédition complète annoncée des enregistrements réalisés pour le label jaune par l’un des plus grands artistes du XXème siècle, le chef hongrois Ferenc Fricsay né le 31 juillet 1914, mort beaucoup trop jeune après une terrible maladie le 20 février 1963.

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Trois grands pianistes, nés en 1914, ont eu droit à un hommage discographique bienvenu, sinon exhaustif. Annie Fischer, Witold Malcuzynski, Jorge Bolet.

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Et puis petit clin d’oeil à la doyenne d’une prestigieuse famille, Gisèle Casadesus, à son fils Jean-Claude, et à ses arrière-petits-fils les très doués musiciens de jazz David et Thomas Enhco

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