La découverte de Bologne (IV) : l’éblouissement

Je vous avais promis hier une belle surprise pour le dernier jour de l’année. Nous y sommes. La surprise ce fut d’abord la mienne de découvrir, un peu par hasard, la fabuleuse collection d’instruments rassemblée par l’illustre claveciniste, organiste et pédagogue Luigi Fernando Tagliavini (1929-2017), né et mort à Bologne, où il a travaillé une partie de sa vie. Mais les musiciens, notamment mes amis suisses, le connaissent mieux comme professeur, puis directeur de l’institut de musicologie de Fribourg (de 1965 à 2000).

Tagliavini a collectionné, au cours des ans, de quoi constituer aujourd’hui l’un des plus beaux musées de la ville de Bologne, le complexe San Colombano. Des dizaines d’instruments, essentiellement à clavier, tous plus fascinants les uns que les autres, pour certains des pièces uniques, mis en valeur dans des lieux chargés d’histoire et richement décorés.

Clavecin Fabius de Bononia, 1685

Epinette rectangulaire de type napolitain / Anonyme 16e-17e s.

Piano Ignace Pleyel, 1843

Pianoforte Johann Schanz, Vienne 1820

En plus de ces clavecins, épinettes, pianos – dont je n’ai mis ici qu’une petite partie des photos – quelques instruments rares, parfois uniques, comme ce piano à cordes de verre. (Giuseppe Bisogno, Naples, 1860)

Cet autre, qui au centre de son buffet, comporte le fameux rouleau en papier cartonné, qui va recueillir le jeu de l’interprète – même principe qu’une boîte à musique -. C’est le fameux procédé Welte-Mignon, grâce auquel on peut aujourd’hui, plus d’un siècle après sa mort, apprécier le jeu de Camille Saint-Sans jouant sa Valse^Caprice :

(Camille Saint-Saëns jouant sa Valse Caprice en 1905 !)

Le jeu n’est pas d’une régularité parfaite, mais le procédé de « gravure » ne l’était pas non plus, loin de là !

Quant à cette boîte à musique, il s’agit d’une perroquette du XVIIIe siècle, un petit orgue à cylindre.

Je découvre, en écrivant cet article, qu’il existe un orgue à cylindre beaucoup plus imposant dans l’église d’Airvault (dans mon département natal des Deux-Sèvres) :

Autre instrument de la collection Tagliavini, un métallophone ou Glockenspiel Naumann à clavier.

Pour ceux qui comprennent l’italien, laissons le presque dernier mot au maître lui-même :

Les disques cachés de Riccardo Muti

Depuis que je suis à Bologne, j’ai cherché – en vain – un magasin de disques classiques. Ce n’était pas mon objectif premier certes, mais je m’étais résigné à repartir bredouille, quand, par le plus grand des hasards, sortant ce matin d’un bien décevant musée d’art moderne, je passai devant une librairie de type Gibert, du neuf et de l’occasion, qui disposait d’un petit bac de CD. Bien m’en a pris de m’y arrêter : j’y ai trouvé des enregistrements dont j’ignorais même l’existence, réalisés dans les années 90 pour une banque italienne et ensuite diffusés aux abonnés de La Reppublica. Riccardo Muti dirige les symphonies de Beethoven à la tête de l’orchestre de la Scala, rien de moins ! Il n’y avait que trois sur six des CD de l’intégrale. En cherchant celle-ci sur le Net, je l’ai dénichée sur un site de revente… à un prix dix fois supérieur à celui que j’ai payé pour mes trois CD…

La découverte de Bologne (III) : Rossini, Respighi, Pasolini et tutti quanti…

Pour prolonger la visite du Musée international et bibliothèque de la Musique de Bologne, et de quelques autres lieux chargés de musique de la capitale de l’Emilie-Romagne – avant une grande surprise demain pour le dernier jour de l’année – évoquons quelques célébrités locales ou assimilées.

La salle du Stabat Mater

Pour les fétichistes de Rossini, cette robe de chambre et ces objets pieusement conservés au musée de la musique valent le détour.

Ils pourront être plus surpris encore en visitant l’Archiginnasio, siège de l’Université de Bologne depuis le XVIe siècle, et la salle dite Stabat Mater parce qu’y fut donnée la création italienne de l’oeuvre éponyme de Rossini en 1842 sous la direction de Donizetti, un an après la première parisienne. Le succès est tel qu’on raconte que plus de 500 personnes envahirent les rues de Bologne pour raccompagner Rossini à son hôtel.

Je n’ai pas une passion dévorante pour l’oeuvre, mais je ne déteste pas la seule version que j’ai dans ma discothèque : Pavarotti ça ne se refuse pas !

Natifs de Bologne

Il paraît qu’on peut voir une plaque sur la maison natale de Pier-Paolo Pasolini – je ne l’ai pas cherchée – tandis que j’ai fait le détour pour voir celle d’Ottorino Respighi (lire L’axe Rome-Rio)

A quelques mètres, une autre plaque rappelant la mémoire d’un grand chef d’opéra italien, Francesco Molinari-Pradelli, né en 1911 et mort en 1996 à Bologne !

Je trouve sur YouTube cette absolue rareté qu’est l’opéra La Fiamma de Respighi, dirigée en 1955 par son voisin de rue !

Les souvenirs de Martucci

Dans la dernière – petite -salle du Musée de la musique, à côté de quelques photos de Respighi, un portrait moustachu intrigue :

Je connais bien le compositeur, mais je n’en avais jamais vu de portrait : Giuseppe Martucci (1856-1909) a été le professeur de Respighi, le directeur du Liceo Musicale de Bologne de 1886 à 1902, et présente la particularité rare pour un Italien de n’avoir jamais composé d’opéra alors qu’il en a souvent dirigé – c’est lui la création italienne de Tristan et Isolde en 1888 ! – mais il a écrit de la musique d’orchestre et de chambre d’un raffinement inouï. Des artistes comme Riccardo Muti ou Mirella Freni n’ont pas été les derniers à le promouvoir !

La découverte de Bologne (II) : Mozart adolescent

J’évoquais hier la figure du Padre Martini, personnalité centrale de la vie musicale à Bologne au XVIIIe siècle, prodigieux animateur de l’Accademia Filarmonica di Bologna, fondée en 1666 et toujours bien vivante aujourd’hui.

Parmi les élèves de l’Accademia et du Padre Martini, le plus célèbre est sans doute un certain Wolfgang Amadeus Mozart.

Portrait de Mozart au Musée international de la musique de Bologne

On n’entrera pas ici dans un débat historique ni musicologique sur le point de savoir si le jeune Wolfgang, – il a tout juste 14 ans lors de son premier voyage en Italie avec son père – a été marqué par son séjour plutôt bref, trois mois, à Bologne. Auprès du Padre Martini, il travaille l’harmonie et surtout le contrepoint. Pour être admis à l’Accademia, il devra rendre deux « exercices », deux manuscrits précieusement conservés dans la bibliothèque du musée.

En même temps, on se demande si Mozart avait encore beaucoup à apprendre, quand on entend son opéra Mitridate re di Ponto, créé à Milan le 26 décembre 1770 (lire Ceci n’est pas un opéra)




Quand Vienne vient à Bologne

Comme si je n’avais pas eu assez de l’excellente version de concert de La Chauve-Souris dirigée par Marc Minkowski au théâtre des Champs-Elysées (voir sur Bachtrack : Une Chauve-Souris authentiquement viennoise), j’ai repris une dose de Fledermaus, en italien cette fois – Il Pipistrello – dans l’affreux palais des congrès de Bologne où se tiennent les représentations du Teatro Comunale, qui fait l’objet d’une complète restructuration/rénovation.

Comme je ne m’attendais à rien de particulier, je ne pouvais être qu’agréablement surpris. D’abord par le tout jeune chef ukrainien Sasha Yankevych, 32 ans, qui sans être ni Carlos Kleiber, ni Marc Minkowski, fait mieux qu’infuser à ses très belles troupes bolognaises l’esprit viennois. J’ai moins aimé le casting réuni ici que celui de Paris. La star de la soirée, c’était Désirée Rancatore, en Rosalinde un peu fatiguée, bien à la peine dans les graves. Bonne soirée pour terminer l’année !

La découverte de Bologne (I) : autour du Padre Martini

J’ai longtemps évité l’Italie. A part quelques incursions professionnelles à Florence ou Milan dans mes jeunes années, j’ai attendu la maturité pour rattraper le temps perdu, et depuis une vingtaine d’années je découvre, voyage après voyage, les inépuisables réserves de beauté de ce pays où je pourrais avoir mes origines.

Lors de vacances dans le nord-est de l’Italie, à peine déconfinée de la première vague du Covid, en août 2020 (lire Donizetti, Abbado et Ferrare), j’avais largement parcouru l’Émilie Romagne, mais évité Bologne, dont je pensais – à juste titre – qu’elle méritait un arrêt prolongé, et plus qu’une visite rapide d’une journée.M’y voici enfin pour y finir l’année 2023.

La ville, son centre historique, sont somptueux, mais j’y reviendrai plus tard.

Le hasard a fait que, tout juste arrivé hier, je passe devant le Palazzo Sanguinetti, siège du Musée international et Bibliothèque de la musique de Bologne. J’avais une heure et demie devant moi avant sa fermeture, et c’est peu de dire que je ne m’attendais pas à une telle richesse historique et documentaire. J’avais oublié combien Bologne avait été un centre musical exceptionnel, singulièrement depuis l’époque de Giovanni Batista Martini, dit le Padre Martini.

Je propose donc un petit feuilleton sur Bologne et la musique tels que je le découvre ces jours-ci.

Giovanni Battista Martini, dit Padre Martini (1706-1784)

Martini que ses fonctions ecclésiastiques attachaient à sa ville natale et empêchaient de voyager, assouvit sa curiosité sans limite, en invitant à Bologne tous les talents de l’Europe du XVIIIe siècle, en correspondant avec eux, en rassemblant près de 17.000 ouvrages exceptionnels !

On est évidemment saisi d’émotion et d’admiration quand on peut contempler, dans ce musée, non seulement des portraits familiers de ses contemporains – Vivaldi par exemple – mais aussi et surtout des partitions, des éditions uniques ou rares.

Amusant de trouver sur YouTube ce bref reportage tourné avec Jakub Jozef Orlinski à Bologne au printemps 2022.

Dans la bibliothèque du Padre Martini, des portraits saisissants de Jean-Philippe Rameau

de Jean-Chrétien Bach (1735-1782) peint par Thomas Gainsborough s’il vous plaît !

ou encore de George Frederic Handel

La suite pour les prochains épisodes …