2890 jours : ils ont fait Montpellier (IV) Cordes sensibles

Après les épisodes I (piano), II (Scarlatti 555), III (17 opéras), je poursuis la remontée dans les souvenirs du Festival Radio France Montpellier, que j’ai dirigé de 2014 à 2022. En égrenant les noms de ces dizaines de violonistes, altistes, violoncellistes, violistes, guitaristes, qui ont fait le bonheur des dizaines de milliers de spectateurs d’un festival qui fêtera l’an prochain son quarantième anniversaire ! À nouveau, je remercie ces merveilleux musiciens qui restent pour longtemps inscrits dans nos mémoires.

Violon

Dorota Anderszewska, 1er violon de l’Orchestre national Montpellier Occitanie, est un pilier du Festival

Kristine Balanas (16)

Marc Bouchkov (16)

(Marc Bouchkov, Christian-Pierre La Marca, JPR, Philippe Cassard)

Julien Bouclier (15)

Renaud Capuçon (17) (21)

en 2017 Renaud avait inscrit, à ma demande, le concerto de Khatchaturian à son répertoire, aux côtés de l’Orchestre national de France dirigé par Emmanuel Krivine, en 2021 il était revenu jouer avec Michel Dalberto les sonates de Fauré (N°1) et de Richard Strauss.

Marina Chiche (19)

Amaury Coeytaux (16)

Alexandra Conunova (15)

Johan Dalene (21)

Nicolas Dautricourt (17)(19)

Kristi Giezi (19)

Tatiana Grindenko (19)

Maxime Grizard (22)

Gidon Kremer (19)

C’est sans doute à Gidon Kremer que je dois le souvenir le plus bouleversant du Festival 2019 : avec sa partenaire de l’époque, Tatiana Grindenko, ils ont redonné à Montpellier l’oeuvre d’Arvo Pärt Tabula Rasa qu’ils avaient créée à Tallinn en 1977 !

Theotime Langlois de Swarte (22)

Geneviève Laurenceau (18) (21)

Maité Louis (21)

Daniel Lozakovich (19)

C’est un prodige de 18 ans, le violoniste suédois Daniel Lozakovich, qui a ouvert le Festival 2019 avec l’orchestre national d’Estonie dirigé par Neeme Järvi. Nul n’a oublié le fabuleux concerto de Beethoven qu’ils ont donné ce soir là.

Daniel Matejča (22)

Le grand vainqueur incontesté du concours Eurovision des jeunes musiciens, qui se tenait pour la première fois en France, à Montpellier, est le Tchèque Daniel Matejča (17 ans) phénoménal dans le concerto n°1 de Chostakovitch

Clara Mesplé (15)

Deborah Nemtanu (16)

Solenne Païdassi (15)

Tedi Papavrami (19)

Alena Piorunska (22)

Nemanja Radulovic (18)

C’est peu de dire que le violoniste d’origine serbe Nemanja (prononcer Ne-ma-nia) Radulović a reçu l’ovation due à une rock star en jouant le concerto de Tchaikovski.

Mohammed Sami (16)

Tatiana Samouil (18)

Il est resté un très beau disque du récital qu’ont donné ma chère Tatiana Samouil et David Lively :

Mari Samuelsen (19)

Vikram Sedona (19)

Alma Serafim Kraggerud (22)

Alexandra Soumm (17)

Gabriel Tchalik (16)(19)

Veriko Tchumburidze (17)

Jordan Victoria (21)

Daniel Vlashi (15)

Eva Zavaro (22)

Alto

Violaine Desqueyroux (22)

Nils Monkemeyer (16)

Timothy Ridout (19)

Violoncelle

Nicolas Altstedt (19)

Emeraude Bellier (15)

Xavier Chatillon (17)

Gaspar Claus (15)

Marc Coppey (16)

Marc Coppey jouait la superbe pièce concertante d’André Caplet – Epiphanie – avec l’orchestre national de France dirigé par John Neschling, oeuvre qu’il avait enregistrée à Liège sur la recommandation d’Henri Dutilleux lui-même !

Christoph Croisé (19)

Thaïs Defoort (22)

Henri Demarquette (16)

Sol Gabetta (21)

Ophélie Gaillard (19) (22)

Harriet Grijgh (15)

Charles Hervet (16)

Victor Julien-Laferrière (18)

Anssi Karttunen (19)

Anastasia Kobekina (22)

Christian-Pierre La Marca (16) (21)

Edgar Moreau (17)

Aurélien Pascal (21)

Bruno Philippe (16)

Raphaël Pidoux (15)

Antoine Pierlot (16)

Maxime Quennesson (19)(21)

Philip Schupelius (22)

Lev Sivkov (17)

Camille Thomas (15)

Cyrille Tricoire (15) (21)

Michiaki Ueno (22)

Contrebasse

Edouard Macarez (21)

Guitare

Juan Manuel Canizares (15)

Thibaut Cauvin (22)

Thibaut Garcia (17) (21)

Thibaut Garcia = la guitare et la grâce

Quito Gato (21)

Sebastien Llinares (15)(19)

Raul Olivar (16)

Quatuor Eclisses (17)(21)

Christian Rivet (17)

Laura Rouy (22)

Kevin Seddiki (15) (22)

Serge Teyssot-Gay (15)

Cyprien N’tsaï (19)

Mathieu Varnerin (16)

Luth

Thomas Dunford (15)

Violes

Louise Buedo (16)

Barbara Hünninger (15)

Robin Pharo (19)

Philippe Pierlot (21)

Myriam Ropars (15)

Christian Sala (15)

Iris Tocabena (15)

Quatuors/Trios

Parce que la musique de chambre a toujours occupé une place essentielle dans la programmation du Festival Radio France, les duos, trios, quatuors avec cordes, ont été nombreux à être invités, souvent pour leurs premiers concerts publics.

Agate (22)

Akhtamar (17) (21)

Alborea (21)

Armida (15)

Arnold (21)

Atanassov (15)

Busch (17)

Cambini (17)

Diotima (16)

Duo Coloquintes (17)

George Sand (16)

Gerhard (18)

Hadès (16)

Hanson (20)(21)

Je n’oublie pas que grâce au quatuor Hanson et quelques autres musiciens, le Festival 2020, annulé pour cause de pandémie, a tout de même pu proposer à un public restreint de beaux moments de musique

Karénine (15)

Messiaen (19)

Metral (21)

Mettis (17)

Notos (19)

Quennesson (19)

Söra (22)

Tchalik (19)(21)

Van Kuijk (16)

Varèse (16)(19)

Voce (15)

Wanderer (15)(18)

Zadig (18)

Hauts et bas

Indifférence

L’écrivain Christian Bobin est mort, et je ne sais qu’en penser. Si ses livres ont fait du bien, ils auront rempli leur office. Comme ceux de Paolo Coelho… Et puis j’ai lu sur Facebook ce portrait qu’en fait Augustin Trapenard, le ci-devant animateur de Boomerang sur France Inter, aujourd’hui aux manettes de La Grande Librairie sur France 5 : « Je me souviens de ses éclats de rire qui faisaient trembler le studio tellement ils étaient forts. Ce rire si contagieux, si communicatif, qui semblait surgir de nulle part et qui prenait tout le monde de court, jusqu’à ma réalisatrice de l’autre côté de la vitre du studio. Je me souviens que dans ce rire, il y avait de la bonté, de la générosité, mais aussi une bonne dose d’autodérision. Il s’amusait surtout de lui : d’une repartie, d’un bon mot ou de son incapacité à répondre dans le temps imparti. Ce rire était si sonore qu’il rendait plus intenses, étrangement, les moments d’émotion. Il y en avait eu à foison. Quand sa voix s’était brisée en parlant de ces tableaux qui nous regardent autant qu’on les observe. Quand elle s’était mise à trembler en évoquant la ville de son enfance qu’il n’a jamais vraiment quittée et qui a changée plus vite que lui. Quand elle avait carrément trébuché en commentant une variation de Bach interprétée par Glenn Gould. Je me souviens qu’il disait que notre mission sur terre était peut-être de devenir des anges. J’avais trouvé ça d’autant plus beau qu’on avait commencé et terminé en parlant de résistance.« 

Je vais peut-être réessayer Bobin.

Dérives

J’avais, il y a un an ou deux, écrit ici même un article, que j’ai finalement supprimé, parce qu’il avait été surabondamment relayé par des gens qui ne l’avaient pas lu, et que j’étais alors « en responsabilité ». J’y défendais plutôt deux frères savoyards, Renaud et Gautier Capuçon, que j’ai connus et invités l’un et l’autre à leurs débuts. Aujourd’hui, ils ne jouent plus ensemble, ils font carrière chacun de leur côté, mais en usant et abusant de toutes les armes du marketing, quitte à dévier de l’idéal artistique qu’ils ont toujours brandi comme étendard.

Gautier sort un nouveau CD – à grand renfort de passages télé et d’articles de complaisance (une page entière dans Le Monde : Violoncelliste populaire), enfonçant toujours les mêmes portes ouvertes : lui rend la musique accessible au plus grand nombre. Blabla habituel. On se demande si, avec les titres de ses « albums » – Emotions, Sensations, bientôt Vertiges ?, il ne se place pas dans la filiation d’un André Rieu plutôt que d’un Rostropovitch ?

Renaud, quant à lui, semble saisi du syndrome de Karajan, qu’on appelait dans les années 60 le Generalmusikdirektor de l’Europe, tant il cumulait de fonctions et d’honneurs (Vienne, Berlin, la Scala, Salzbourg). Musicien quasi-officiel – il est de toutes les cérémonies, hommages, réceptions à l’Elysée – créateur/animateur du festival de Pâques d’Aix-en-Provence, professeur à Lausanne et depuis peu chef de l’Orchestre de chambre de Lausanne, il s’occupe aussi du festival de Gstaad, et annonce maintenant s’occuper des Rencontres Musicales d’Evian. Le violoniste français, dans ce langage bienséant et formaté qui fait son charme, déclare à Sylvie Bonier, dans le journal Le Temps : «Plus j’en fais, moins je suis stressé, déclare le violoniste entrepreneur. C’est le grand paradoxe de ma vie. Je suis de plus en plus zen au fil des nouvelles aventures. La scène et l’organisation figurent dans mon ADN depuis toujours. Cela me donne un plaisir fou et je pense avoir acquis une certaine expérience, en plus de 25 ans de pratique. Pourquoi, alors, me priver d’élargir encore les partages avec les immenses musiciens qui jalonnent ma vie professionnelle et amicale, les jeunes qui vont faire la leur, dans ce métier exigeant, et le public qui les suit tous?»

Sauf que non, cher Renaud, on ne la fait pas à ceux qui ont connu les Rencontres d’Evian à leurs débuts, puis sous la houlette de Rostropovitch. Les découvertes, l’audace étaient de tous les programmes. Je n’aurai pas la cruauté de rappeler ceux des concerts auxquels j’ai assisté dans les années 80 et 90. Quand je vois ce qui est proposé l’été prochain et qui est présenté comme une « mutation », j’hallucine : Mozart et Beethoven pour les soirées les plus audacieuses ! Le Philharmonique de Berlin annoncé avec ce pauvre Zubin Mehta, 87 ans, qui ne tient plus debout, certes avec le soutien d’une mécène d’autant plus généreuse qu’elle dépense l’héritage de son mari mort l’an dernier. Et toujours les mêmes invités… Les petits jeunes ont droit aux concerts de 11h du matin.

S’ił fallait en rajouter, que penser d’un artiste qui, depuis le début de sa carrière, a été soutenu, supporté – dans tous les sens du terme – par Warner et son patron Alain Lanceron, et qui, en pleine « promo » d’un nouveau CD des Quatre saisons de Vivaldi, passe avec armes et bagages chez Deutsche Grammophon, sans même un mot à son mentor ?

Il ne faut pas oublier de lire le papier très argumenté d’Alain Lompech dans le numéro de décembre de CLASSICA

L’avenir du côté d’Alexandre

On oublie vite ces combines pas très glorieuses, quand on écoute, comme ce fut le cas jeudi soir à la Philharmonie de Paris, des musiciens à qui la – récente – célébrité n’a pas encore fait perdre le sens des réalités : le pianiste Alexandre Kantorow, le violoncelliste Aurélien Pascal – entendu trois fois dans trois formations différentes lors du Festival Radio France 2021 – et la violoniste Liya Petrova. Aujourd’hui musicienne reconnue et confirmée, la jeune Bulgare avait participé à l’un des derniers projets discographiques que j’avais conduits à Liège ; l’intégrale des oeuvres concertantes pour violon et violoncelle de Saint-Saëns

C’était dans le triple concerto de Beethoven, avec l’Orchestre de Paris, dirigé par Stanislav Kochanovsky. Et c’était magnifique !

La fête continue

La fête continue au Festival Radio France Occitanie Montpellier (voir Que la fête commence !) malgré les nouvelles mesures sanitaires, ou grâce à elles !

Je n’entrerai pas dans ce débat, nous ferons le bilan une fois l’édition 2021 terminée, mais je constate que l’enthousiasme des spectateurs ne faiblit pas, au contraire !

Menu extrêmement copieux au programme de ces derniers jours. Témoignages en images, et comme tous les concerts du soir ont été diffusés en direct sur France Musique, ils peuvent tous être (ré)écoutés sur francemusique.fr

Avec Alexander Gurning
Après le concert de l’Orchestre philharmonique de Radio France : debout derrière une partie de l’état-major de la direction de la musique de Radio France, de gauche à droite JPR, Adriana Gonzalez, Santtu-Matias Rouvali, Jean-Marc Bador, Thibaut Garcia, Alex Gurning
Après la masterclass de Michel Dalberto
Le 20 juillet Bertrand Chamayou jouait Les Djinns et les Variations symphoniques de César Franck avec l’Orchestre national de France dirigé par Cristian Macelaru
Le maire de Montpellier Michael Delafosse et la coprésidente du festival et PDG de Radio France Sibyle Veil assistent au concert de l’ONF
Début de la masterclass de Françoise Pollet
Le trio Métral joue Beethoven
Un quintette de choc et de chic : Jordan Victoria, Thomas Enhco, Félicien Brut, Thibaut Garcia, Édouard Macarez pour un hommage survolté à Piazzolla
Le phénomène Yoav Levanon, comme une réincarnation de Liszt
L’Orchestre des Jeunes de la Méditerranée dirigé par Duncan Ward avec la mezzo Anna Stephany

Politesse ?

Une remarque qui n’engage que moi : que penser d’une ministre venue tout spécialement à Montpellier pour une visite du musée Fabre… et d’un nouvel hôtel de luxe certes situé dans un bâtiment historique magnifiquement restauré, qui n’a pas jugé utile de rencontrer les responsables des trois festivals (théâtre, danse, musique) qui font la fierté et la renommée de Montpellier la culturelle, ni à fortiori de rendre visite au festival qui s’y déroule actuellement ?

Que penser d’invités à un concert – parmi eux des responsables importants – qui ne prennent pas soin de prévenir – et de s’excuser – de leur absence ? Est-ce parce que le cocktail d’après-concert a été annulé ? On n’ose le croire…

Baudelaire en musique

A l’occasion d’un autre anniversaire, le centenaire de la mort du compositeur néerlandais Alphons Diepenbrock – le 5 avril dernier – Le Hollandais oublié -, j’ai évoqué incidemment Baudelaire qui a inspiré à Diepenbrock plusieurs très belles mélodies, comme cette Invitation au voyage magnifiquement chantée par Aafje Heynis.

L’un de nos plus grands poètes, Charles Baudelaire, est donc né le 9 avril 1821, il y a deux cents ans.

J’emprunte à Jean-Yves Masson, écrivain, éditeur, professeur, une partie du magnifique texte qu’il publie sur sa page Facebook. A défaut d’avoir sa connaissance encyclopédique de Baudelaire, je partage son admiration, son amour de l’auteur des Fleurs du Mal et de tant d’autres chefs-d’oeuvre

« J’ai aimé Baudelaire d’instinct, dès que j’ai commencé à le lire sérieusement, c’est-à-dire je pense au tout début de mes études. Je l’ai aimé comme un frère puisqu’il m’appelait son semblable, son frère, et que j’ai compris que c’était vrai. Rimbaud l’avait déclaré « le premier voyant, roi des poètes, un vrai dieu « /…./ mais qu’il était évidemment Baudelaire est probablement le plus grand poète chrétien (je ne dis pas catholique) de toute la langue française, en tout cas le plus grand depuis les poètes baroques qu’il aimait tant.

Je me suis nourri de Baudelaire, j’ai vécu avec Baudelaire, je l’ai emporté partout en voyage, il est l’intelligence suprême faite poésie, jusque dans sa critique d’art….

. « Baudelaire est une origine », a dit Pierre-Jean Jouve, ce que le romantisme français n’a pas su être (ailleurs en Europe, oui, mais pas en France). Jouve a raison: ce qu’on appelle la poésie a révélé avec un lui un visage nouveau dans notre langue et personne ne peut l’ignorer…

Hugo serait bien surpris s’il revenait et découvrait que l’œuvre de Baudelaire pèse aussi lourd sur la balance de l’Esprit que les dizaines de milliers de vers de la sienne, et sans doute même plus lourd. Je sais ce que vaut quelqu’un au jugement qu’il porte sur Baudelaire et à la manière dont il en parle. S’il n’y avait pas Montaigne et Rimbaud, il est clair que, sur une île déserte, j’emporterais Baudelaire. Il est vrai que comme je le connais presque par cœur, autant que Rimbaud, le dilemme serait vite résolu. » Bon anniversaire, souverain maître ! (Jean-Yves Masson, 9 avril 2021)

L’invitation au voyage

C’est incontestablement L’invitation au voyage dans le recueil des Fleurs du Mal (1857) qui a eu le plus de succès chez les compositeurs : près d’une dizaine se sont essayés, avec des fortunes diverses, à parer ces vers de mélodies.

Mon enfant, ma sœur,
Songe à la douceur
D’aller là-bas vivre ensemble !
Aimer à loisir,
Aimer et mourir
Au pays qui te ressemble !
Les soleils mouillés
De ces ciels brouillés
Pour mon esprit ont les charmes
Si mystérieux
De tes traîtres yeux,
Brillant à travers leurs larmes.

Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté
.

Des meubles luisants,
Polis par les ans,
Décoreraient notre chambre ;
Les plus rares fleurs
Mêlant leurs odeurs
Aux vagues senteurs de l’ambre,
Les riches plafonds,
Les miroirs profonds,
La splendeur orientale,
Tout y parlerait
À l’âme en secret
Sa douce langue natale.

Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.

Vois sur ces canaux
Dormir ces vaisseaux
Dont l’humeur est vagabonde ;
C’est pour assouvir
Ton moindre désir
Qu’ils viennent du bout du monde.
— Les soleils couchants
Revêtent les champs,
Les canaux, la ville entière,
D’hyacinthe et d’or ;
Le monde s’endort
Dans une chaude lumière.

Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.

Léo Ferré

Benjamin Godard

Emmanuel Chabrier

Mais c’est pour moi définitivement Henri Duparc qui donne sa perfection musicale à cette sublime Invitation

J’avoue aimer autant la version orchestrale que la version avec piano, surtout avec des interprètes de la qualité de Françoise Pollet et de José Van Dam !

Impossible d’être exhaustif quant aux multiples « mises en musique » de Baudelaire (on renvoie à une page Wikipedia très bien faite)

Encore quelques exemples, parfois inattendus.

Fauré : Chant d’automne

Chausson : L’Albatros

Harmonie du soir mise en musique par Debussy, donne aussi Harmonie des Abends sous la plume de Zemlinsky

Plus étonnant encore, le premier des trois Lieder que compose un Karlheinz Stockhausen de 22 ans, en 1950, Der Rebell / Le rebelle

Le Vin selon Berg

Alban Berg compose, en 1929, Der Wein, pour soprano et orchestre. Il choisit trois des poèmes des Fleurs du Mal parmi les cinq que contient la section intitulée Le Vin, dans la traduction du poète allemand Stefan George : L’âme du fin/ Die Seele des Weines, Le vin des amants / Der Wein der Liebenden, Le vin du solitaire / Der Wein des Einsames

Tout un monde lointain

L’oeuvre la plus célèbre d’Henri Dutilleux, dédiée à et créée par Mstislav Rostropovitch en 1970, Tout un monde lointain, emprunte son titre à un vers du poème La Chevelure :  Tout un monde lointain, absent, presque défunt.

Dutilleux cite Baudelaire en exergue de chacun des cinq mouvements enchaînés de son concerto pour violoncelle :

Énigme (Très libre et flexible)…Et dans cette nature étrange et symbolique… , Poème XXVII

Regard (Extrêmement calme)…le poison qui découle
De tes yeux, de tes yeux verts,
Lacs où mon âme tremble et se voit à l’envers
… , Le Poison

Houles (Large et ample) …Tu contiens, mer d’ébène, un éblouissant rêve
De voiles, de rameurs, de flammes et de mâts…
 , La Chevelure

Miroirs (Lent et extatique) Nos deux cœurs seront deux vastes flambeaux
Qui réfléchiront leurs doubles lumières
Dans nos deux esprits, ces miroirs jumeaux.
 », La Mort des amants

Hymne (Allegro) …Garde tes songes:
Les sages n’en ont pas d’aussi beaux que les fous!
La Voix

Ici dans une version enregistrée en 2013 à Helsinki par le tout jeune Aurélien Pascal, 19 ans à l’époque, Aurélien Pascal qui sera l’un des invités de marque, en duo avec Alexandre Kantorow le 24 juillet prochain à Montpellier (voir lefestival.eu

Ceux qui me connaissent ne seront pas étonnés que je recommande ces deux disques, de la plus francophile et francophone des chanteuses britanniques, la chère Felicity Lott