Les meilleures notes de 2025

Oublier l’encombrant, le navrant, l’accessoire, ne garder que l’exceptionnel, le singulier, l’essentiel. C’est ainsi que je fais mon bilan d’une année musicale dont je ne veux retenir que les moments de grâce. Ces souvenirs de concert, j’ai la chance de les avoir consignés pour Bachtrack.

C’est ce que j’écrivais le 31 décembre 2024 (Les meilleures notes de 2024). Je n’attends pas le dernier jour de cette année, parce que j’espère le passer dans un lieu très emblématique pour célébrer un anniversaire dont j’ai beaucoup parlé sur ce blog.

J’ai fait le compte : 48 concerts ou représentations d’opéra chroniques pour Bachtrack au cours d’une année pas encore tout à fait terminée ! Des déceptions bien sûr, des avis mitigés parfois, mais surtout beaucoup d’enthousiasmes et de joies partagés. Ce sont ces temps forts que je veux rappeler aujourd’hui

Klaus Mäkelä exalte l’esprit français (Orchestre de Paris, 9 janvier 2025)

La petite renarde rusée à l’Opéra Bastille (Opéra de Paris, 15 janvier 2025)

Deux maîtrises pour Notre Dame (Notre-Dame de Paris, 5 février 2025)

L’intense poésie de Renaud Capuçon et Daniel Harding (Radio France, 27 février 2025)

« En quelques minutes, Éric Tanguy nous empoigne pour ne plus nous lâcher : la narration qu’il confie au violon, et l’espace qu’il dessine autour de lui dans l’orchestre provoquent toutes sortes de sentiments chez l’auditeur. On retrouve cette singularité du compositeur aujourd’hui quinquagénaire, qui se défie des modes, des dogmes, sans renier ses modèles – Dutilleux, Messiaen, Sibelius – et nous livre une musique libre, romantique au sens où Chopin ou Liszt l’entendaient. Comme un costume bien coupé, une robe bien faite, rien n’est de trop, tout est à sa juste place« 

Le Printemps des Arts de Monte Carlo (16 mars 2025)

« Un mot d’abord d’un festival qui porte bien et haut son nom, qui n’est pas juste une addition de grands noms et de tubes du classique, qui rempliraient à coup sûr le Forum Grimaldi ou l’Auditorium Rainier III, mais un patchwork astucieux de rencontres d’avant (les before) ou d’après (les after) concert, de soirées de musique de chambre, de récitals, de concerts symphoniques, et à l’intérieur de ces formats habituels, des surprises, des aventures, et toujours ce lien entre un directeur artistique, le compositeur Bruno Mantovani, aussi savant que pédagogue, et le public qui boit ses paroles introductives, rit à ses souvenirs croustillants ou admire sa capacité d’expliquer simplement des concepts bien complexes.« 
Dans la salle du Conseil National, un exemple de ces before entre Bruno Mantovani (à gauche) et Tristan Labouret (à droite)

Dusapin, Il Viaggio, Dante (Opéra Garnier, 22 mars 2025)

Après l’enthousiasme de la reprise à Garnier d’un spectacle créé à Aix, c’était une nouvelle création de Pascal Dusapin à la Philharmonie cette fois – Antigone – en octobre dernier (voir Pendant ce temps)

Le sacre des frères Jussen (Théâtre des Champs-Elysées, 2 avril 2025)

Trop glamour ? les deux frères blonds doivent en énerver plus d’un. Arthur et Lucas Jussen sont beaux et incroyablement doués. J’en avais déjà eu la preuve à l’automne 2009 à Liège, ça se confirmait en avril à Paris

La prodigieuse Voix humaine de Barbara Hannigan (Philharmonie de Paris, 3 avril 2025)

Qui n’aime pas Barbara Hannigan ? À jamais pour moi liée à une date définitivement impossible à oublier : Le silence des larmes

Les joyeuses Pâques musicales de Deauville (Deauville, 19 avril 2025)

À Deauville, il y a toujours de la musique, des musiciens… et des instruments à découvrir !

La noblesse du Chevalier à la rose de Warlikowski (Théâtre des Champs-Elysées, 21 mai 2025)

Personne n’a plus douté, après cette série de représentations, que Véronique Gens est une Maréchale idéale…

Herbert Blomstedt et l’Orchestre de Paris pour l’éternité (Philharmonie, 22 mai 2025)

Sonya Yoncheva enchante le festival d’Auvers (Auvers-sur-Oise, 12 juin 2025)

L’exultation de Sabine Devieilhe et Maxim Emelyanychev (Théâtre des Champs-Elysées, 27 juin 2025)

Fin août, ce furent Les miracles de La Chaise-Dieu

Vivaldi et Mozart avec Julien Chauvin (La Chaise-Dieu, 28 août 2025)

Le concert référence de Langrée et Degout (La Chaise-Dieu, 30 août 2025)

Le succès des Prem’s à la Philharmonie (3 septembre 2025)

Entente parfaite au festival de Laon (Laon, 11 septembre 2025)

L’éclatant succès du Chineke! Orchestra (Philharmonie, 26 septembre 2025)

L’apothéose de Daniel Barenboim (Philharmonie, 16 octobre 2025)

Un trio radieux à la Fondation Vuitton (24 octobre 2025)

Lahav Shani et l’orchestre philharmonique d’Israël (Philharmonie, 6 novembre 2025)
Je ne peux pas ne pas mentionner ce concert comme étant un des événements de mon année musicale, mais tout ce qui s’est passé avant, pendant et après continue de me navrer (La haine, la honte et finalement la musique)

L’heure exquise du duo Ancelle-Berlinskaia (Musée d’Orsay, 25 novembre 2025)

Les mélodies du bonheur de Lea Desandre (Opéra-Comique, 14 décembre 2025)

L’accomplissement ravélien d’Alain Altinoglu (Philharmonie, 17 décembre 2025)

Latino

De La Nouvelle-Orléans à Rio

Le duo de pianistes Ancelle-Berlinskaia avait inscrit à son programme mardi dernier (lire sur Bachtrack : Une heure exquise au musée d’Orsay) une rareté – La jota aragonese – du compositeur Louis-Moreau Gottschalk (né en 1829 à La Nouvelle Orléans, mort en 1869 à Rio de Janeiro).

La vie de Gottschalk est un roman, et si son oeuvre n’est pas impérissable, elle s’écoute avec plaisir : « Il est impossible de méconnaître une individualité très accusée dans ces compositions, où le charme de l’idée, l’élégance des harmonies se marient à des rythmes d’une allure toute particulière, d’une persistance opiniâtre ; ces langoureuses mélodies créoles, ces danses nègres d’une mesure cadencée donnaient aux compositions de Gottschalk un goût de terroir, un parfum spécial, un accent de couleur locale d’une authenticité incontestable[» (Marmontel, Les pianistes célèbres, 1878)

Quelques disques recommandables :

Une jota universelle

Sur les origines de la jota (prononcer khota !) on en apprendra beaucoup en lisant l’article de Wikipedia. Celle qui nous intéresse aujourd’hui est la jota aragonaise qui, outre Gottschalk, a inspiré un nombre assez intéressant de compositeurs du XIXe siècle : Glinka, Liszt, Saint-Saëns, Massenet.

On n’est pas très surpris que celui qu’on présente comme le père de la musique symphonique russe – Mikhaïl Glinka (1804-1857) ait été sensible à l’exotisme des espagnolades (comme le sera après lui Rimski-Korsakov avec son célèbre Capriccio espagnol). Glinka, d’un séjour de deux ans en Espagne, rapportera deux pièces d’orchestre, son Caprice brillant sur la Jota aragonese et son Souvenir d’une nuit d’été à Madrid

On sait l’amitié qui lia le grand violoniste Pablo de Sarasate au compositeur français Camille Saint-Saëns. Celui-ci, au cours d’un séjour à Madrid en 1880, compose sa propre Jota aragonese qu’il dédie à Paquita de Sarasate, la soeur de Pablo, romancière, écrivaine, dramaturge réputée.

Pour rester dans la musique française, Massenet ne sera pas avare d’emprunts à la culture espagnole. Ainsi de cette Aragonaise tirée du ballet de son opéra Le Cid.

Quant à Franz Liszt, on sait qu’il faisait son miel de toutes les inspirations possibles. Dans sa virtuosissime Rhapsodie espagnole la citation et les variations autour de la Jota aragonese sont époustouflantes surtout sous les doigts de l’un des pianistes français les plus remarquables de la jeune génération, Rodolphe Menguy (à partir de 4’56)

Du piano latino

Le chic, le charme, l’élégance c’est tout ce qu’il y a dans les pièces de piano du Cubain Ernesto Lecuona (1895-1963), que j’avais déjà évoquées il y a quelques mois à l’occasion d’une intégrale parue chez Bis

On écoute ici un compatriote de Lecuona, l’excellent Mauricio Vallina (que j’avais accueilli à Liège en 2001 lorsque Martha Argerich était venue jouer à l’Orchestre philharmonique de Liège avec son ami Armin Jordan)

Une musique qui ne pouvait que séduire le Hollywood Bowl Orchestra et son chef Carmen Dragon (lire Carmen était un homme)

Gabriela Montero fait mon admiration depuis des lustres, pour son talent de virtuose et d’improvisatrice et aussi pour son courage dans un combat qu’on a bien oublié en Europe, la résistance des Vénézuéliens à la dictature de Maduro succédant au catastrophique Chavez

Je ne connaissais pas ce Latin concerto créé à Leipzig par la pianiste elle-même et Kristjan Järvi

Carlos Guastavino (1912-2000) est sans doute le compositeur argentin le plus connu.. et le plus joué.

Du côté du Brésil, il faudrait bien plus d’un article pour évoquer la richesse musicale d’un pays-continent, mais quand on évoque le piano latino, il est impossible de faire l’impasse sur le plus grand pianiste brésilien du siècle, notre si cher Nelson Freire, et l’un de ses derniers disques

(On reconnaît ici l’un des thèmes utilisés par Darius Milhaud dans son Boeuf sur le toit!)

Et toujours humeurs et réactions sur mes brèves de blog