Les joies de juin

D Day #80 : Félicitations

Félicitations à France 2, à la télévision publique en général, pour cette journée très réussie de commémoration des 80 ans du Débarquement. De Télématin à la cérémonie de fin d’après-midi, j’ai appris beaucoup de choses, de détails historiques, que j’ignorais, et cela sans le recours à d’incessants micro-trottoirs qui tiennent trop souvent lieu de reportages. Musicalement, la cérémonie internationale d’Omaha Beach avait l’allure et la carrure nécessaires : tout et tous étaient à leur place. Lambert Wilson, magnifique récitant, Alexandre Tharaud et son piano poétique, le choeur de l’Armée française préparé par sa cheffe Aurore Tillac, et peut-être surtout la Maîtrise populaire de l’Opéra Comique qui nous a profondément émus.

Chantilly sans crème

En septembre dernier, j’avais bien aimé le rendez-vous festif qu’Iddo Bar-Shai propose à Chantilly (Double crème). Je me réjouissais de retrouver le cadre imposant des anciennes écuries royales, en ce premier jour de juin, pour les Coups de coeur de Steven Isserlis.

Déception, frustration de ne pas plus et mieux entendre des musiciens que j’admire, comme je l’ai écrit pour Bachtrack : Frustrations à Chantilly

Oslo à Paris

Mardi dernier en revanche, l’affiche a tenu ses promesses. Un programme tout Brahms proposé par l’Orchestre philharmonique d’Oslo en tournée, dirigé par un chef qu’on connaît bien à Paris, Klaus Mäkelä, jouant aussi la partie de violoncelle du double concerto de Brahms. En compagnie d’un violoniste, Daniel Lozakovich, qui ne cesse de nous impressionner, concert après concert. Compte-rendu enthousiaste à lire sur Bachtrack : Klaus Mäkelä voit double avec l’Orchestre philharmonique d’Oslo

En marge du concert, deux brèves rencontres inattendues. Dans le métro de retour d’abord, une vieille dame un peu voûtée, le regard pétillant, s’adressant à deux jeunes hommes qui venaient manifestement d’assister au concert, et une voix que je n’ai reconnue qu’au dernier moment avant qu’elle ne sorte à la station Stalingrad, l’une des productrices emblématiques de France Musique, Martine Kauffmann, que je n’avais plus revue depuis près de trente ans.

En revanche, je savais d’avance que j’apercevrais au pupitre de clarinettes, Pierre Xhonneux (prononcer O-noeud), un musicien que j’avais engagé tout jeune – il avait 18 ans ! – à l’Orchestre philharmonique de Liège, et qui avait rejoint les rangs du philharmonique d’Oslo en 2015. Impossible de le retrouver dans le dédale de couloirs et de salles qui forme les coulisses de la Philharmonie, au milieu des « flightcases » de l’orchestre. Le lendemain matin, sortant du Café Charlot, rue de Bretagne où j’ai mes habitudes pour le petit déjeuner, je tombe sur Pierre et deux de ses collègues norvégiens. Ou comment le hasard fait bien les choses…

Sawallisch inconnu

Je l’ai longuement évoqué il y a un mois (Sawallisch ou les retards d’un centenaire) à propos de deux publications récentes. Je n’avais pas encore reçu le premier des deux coffrets que Warner consacre au chef allemand, né en 1923, disparu en 2013. Par rapport à un premier coffret EMI, acheté naguère au Japon, qui était limité au répertoire symphonique et concertant, il y a bien sûr l’œuvre chorale (Schubert) et de nombreux disques de Lieder où Sawallisch est au piano, mais aussi quelques pépites que je n’avais jamais vues en CD parmi les premiers enregistrements du jeune chef avec le Philharmonia.

ou encore une complète découverte pour moi que ces mélodies de Pfitzner avec Dietrich Fischer-Dieskau

Et puis, last but not least, l’excellent texte de Remy Louis, qui est une mine d’informations de première main sur l’art de ce chef.

Mon marché de printemps

J’ai une dilection particulière pour ces musiques qu’Armin Jordan qualifiait de « décadentes » avec une gourmandise non feinte, comme celles de Schreker ou Zemlinsky. Christoph Eschenbach nous offre une belle nouveauté avec ce double album enregistré à Berlin, et deux solistes splendides, Chen Reiss et Mathias Goerne.

Trouvé à petit prix sur jpc.de, je n’avais jamais repéré ce CD paru en 1998 de Stephen Hough (pour la prononciation, je renvoie à Comment prononcer les noms de musiciens ?) consacré à un compositeur singulier autant qu’admirable, Federico Mompou

Les battements de l’amour

Il y a une semaine, j’assistais aux 25èmes VIctoires de la Musique classique (lire Victoires jubilaires). Hier j’ai suivi une partie de la 43ème cérémonie des CésarPas plus dans un cas que dans l’autre, je ne sais comment s’opèrent la sélection des « nommés », puis le vote pour les récompensés, mais j’ai trouvé les deux palmarès également intéressants, et plutôt justes. De belles personnalités ont été distinguées, c’est l’essentiel.

On avait lu partout que le film de Robin Campillo, 120 battements par minute était l’un des grands favoris. Pronostic confirmé.

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Je ne peux que répéter ce que j’écrivais en septembre 2017 :

« C’est une histoire, celle d’Act Up, que ma génération a vécue en direct, tout ici est juste, sobre, magnifiquement filmé, rien n’est de trop, pas de mélo ni de caricature. Les acteurs sont parfaits. Sortant du cinéma de quartier où j’ai vu le film hier soir, je repensais intensément au printemps 1993 – il y a 25 ans ! – ces allers-retours Haute-Savoie Paris pour rendre visite à B. à l’hôpital Rothschild. Le corps ne suivait plus, mais l’esprit était encore vif, malgré le visage et les yeux creusés par l’inexorable maladie : « Tu leur diras bien que je les embrasse, et que je viendrai vous voir bientôt ». Il savait, comme moi, que jamais il ne viendrait plus embrasser son filleul et son frère, mes enfants. Il n’avait pas 40 ans…Combien sont-ils, connus ou inconnus, artistes, musiciens, danseurs, que j’ai eu la chance de rencontrer, fréquenter, pendant des jours heureux et des soirs de fête, qui ne sont plus qu’un long cortège de souvenirs… »

Je suis retourné au cinéma cet après-midi voir un autre film qui parle d’amour, de l’éveil, de la naissance, des battements de l’amour,  Call me by your name du cinéaste italien Luca Guadagnino.

J’avais beaucoup aimé Amoresorti en 2010 à Liège. Très forte et durable impression, renforcée par une bande-son due à John Adams, qui avait toujours refusé jusqu’alors que sa musique soit utilisée au cinéma. Déjà une histoire d’amour contrariée, transgressive.

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Luca Guadagnino réédite l’exploit d’Amore avec Call me by your name. Certains critiques y ont vu un excès de sophistication, d’esthétisme, là où il n’y a que de superbes plans, captant la douceur d’un regard, l’affolement des sentiments, la beauté de l’été italien.

imagesLes deux acteurs principaux, Timothée Chalamet (Elio)– à qui on promet un Oscar – et Armie Hammer (Oliver) jouent tout en pudeur et en finesse. Un très beau film, inspiré du roman éponyme d’André Aciman, qui évite autant la caricature que le manichéisme. Parmi bien des scènes magnifiques, l’une m’a tout particulièrement touché, lorsque, vers la fin du film, le père d’Elio se confie à son fils et lui donne le plus beau des conseils qu’un père puisse donner à son fils… Je sais pourquoi cette séquence m’a bouleversé, c’est un dialogue que je n’ai jamais pu avoir avec le mien (Dernière demeure)

La bande-son de ce dernier film de Guadagnino est particulièrement soignée, elle est due à Gerry Gershman et Robin Urdang. Avec un emprunt à Ravel et son Jardin féérique (Ma Mère l’oye) dans l’un des derniers plans, le jardin de la propriété familiale sous la neige comme un adieu aux bonheurs fugaces de l’été.

https://www.youtube.com/watch?v=DTSey_og_hk