Oublier l’encombrant, le navrant, l’accessoire, ne garder que l’exceptionnel, le singulier, l’essentiel. C’est ainsi que je fais mon bilan d’une année musicale dont je ne veux retenir que les moments de grâce.
Ces souvenirs de concert, j’ai la chance de les avoir consignés pour Bachtrack.
Le bonheur d’avoir entendu le jeune chef portugais Dinis Sousa – découvert à l’été 2023 au Portugal – diriger une quasi intégrale des symphonies de Beethoven
Pas de toccata de Widor pour la réouverture de Notre Dame, mais je la livre ici dans la version jubilatoire du légendaire Pierre Cochereau, pour conclure cette année en beauté.
Je ne suis pas un grand spécialiste de Haendel, mais les années passant, je vais de surprise en découverte notamment dans son oeuvre lyrique qu’en dehors des ouvrages les plus connus (Giulio Cesare, Alcina, Ariodante..) je connais peu et mal.
Pour Bachtrack, j’assistais mardi soir à la Seine Musicale à une version de concert d’Agrippina, l’œuvre d’un jeune homme – Haendel a 24 ans ! – créée et jouée 27 fois de suite à Venise le 26 décembre 1709. J’ai beaucoup aimé, même si tel ou tel chanteur m’a moins convaincu. Lire ma critique ici : L’Agrippina impériale d’Ottavio Dantone.
Après une succession d’airs, parfois de duos, il faut attendre la toute fin pour entendre toute la troupe réunie ce soir-là autour de l’Accademia Bizantina, chanter quelque chose comme « Tout est bien qui finit bien » !
De gauche à droite, Marco Saccarin (Lesbo) Federico Fiorio (Nerone), Sophie Rennert (Agrippina), Luigi De Donato (Claudio), Lucia Cortese (Poppea), Filippo Mineccia (Ottone), Margherita Sala (Narcisse), Federico Benetti (Pallas), Ottavio Dantone assis au clavecin devant l’ensemble Accademia Bizantina
Lalo estonien
On croyait que Neeme Järvi avait enregistré à peu près tout le répertoire symphonique enregistrable ! Le chef estonien trouve encore le moyen, à 86 ans, de nous surprendre avec un disque qui me fait un plaisir immense. Mes lecteurs savent l’intérêt que je porte à Edouard Lalo, l’éternel second, dont tout le monde a oublié de célébrer le bicentenaire de la naissance le 27 janvier 1823 ! Lalo dont j’avais découvert la Symphonie en sol mineur grâce à la légendaire version de Thomas Beecham… et de l’Orchestre national !
En juillet 2019, j’accueillais à Montpellier, pour ouvrir l’édition 2019 du festival Radio France, Neeme Järvi et l’Orchestre National d’Estonie. Souvenir impérissable (lire Opening nights)
Etonnamment, le numéro de février de Diapason n’évoque pas cette sortie, alors que l’Indispensable du mois du magazine est consacré tout entier à Lalo, avec trois versions mythiques du concerto pour violoncelle (Pierre Fournier et Jean Martinon), de la Symphonie espagnole (Leonid Kogan et Kirill Kondrachine) et de la 1ere suite de Namouna (avec l’incomparable Paul Paray)
La mémoire du siècle
Qui ne connaît Bruno Monsaingeon dès lors qu’on s’intéresse un peu à la musique et à des interprètes comme Glenn Gould, Yehudi Menuhin, Sviatoslav Richter et tant d’autres ?
« Violoniste et réalisateur, Bruno Monsaingeon a bâti une œuvre de 100 opus mêlant portraits d’interprètes et de chefs d’orchestre, récitals et concerts symphoniques, masterclasses… Un parcours émaillé de coups de foudre musicaux et amicaux, ponctué de deux rencontres virtuoses : Yehudi Menuhin et Glenn Gould. Sous le regard critique de son cousin Guillaume Monsaingeon, ces entretiens au long cours tiennent à distance biographie, monographie et catalogue raisonné. On y retrouve la verve d’un conteur, mais c’est aux films qu’il donne la parole en réalité. Porteurs d’un langage visuel autonome, ils offrent à l’auditeur ce à quoi il n’a pas toujours accès : le détail des notes et des gestes ; des images qui recréent l’énergie musicale et l’émotion qu’elle suscite pour mieux nous en rapprocher. Écouter, peser, choisir, façonner : autant d’interprétations que Bruno Monsaingeon revisite dans ce dialogue et qui structurent son œuvre, source d’archives pour le futur » (Présentation de l’éditeur)
L’ouvrage édité par la Philharmonie de Paris est évidemment passionnant, d’abord sur la question de comment filmer la musique, ensuite par les souvenirs que livre le réalisateur octogénaire de ses rencontres connues ou moins connues avec les grands musiciens du XXe siècle.