18 mai : Arming, François, Bâle

Le centenaire de Samson

Je l’avais anticipé le 17 mars dernier – Rédécouvrir Samson – c’est aujourd’hui le centenaire de la naissance du pianiste Samson François. On ne manquera pas le nouveau Portrait de famille que Philippe Cassard lui consacre aujourd’hui sur France Musique

Il y a dix ans (II) : halte à Bâle

Comme je le rappelais dans le premier épisode de la série Il y a dix ans, l’Orchestre philharmonique royal de Liège entreprenait au printemps 2014 une nouvelle tournée en Suisse et en Autriche, qui avait commencé à Bâle le 18 mai.

A propos de cette belle ville frontalière de la France et de l’Allemagne, je ne peux m’empêcher de raconter à nouveau une anecdote vécue sur l’antenne de France Musique, il y a heureusement bien longtemps. Un présentateur devait annoncer puis désannoncer un disque enregistré par Armin Jordan dirigeant l’orchestre symphonique de la ville suisse. En anglais comme en allemand, Bâle se dit Basel. Et la dénomination allemande de l’orchestre est : Basler Sinfonie-Orchester. Ce qui donna sur France Musique : « Armin Jordan(e) dirige l’orchestre Basler » ! Rien de grave franchement, juste amusant.

Donc, le 18 mai 2014, l’OPRL était à Bâle, et j’en avais profité pour dresser le portrait d’une personnalité exceptionnelle liée à l’industrie pharmaceutique qui a fait la fortune de la cité suisse, Paul Sacher. Lire Le mécène musicien.

On pourrait suggérer à Warner de rééditer le legs discographique passionnant de ce monument du XXe siècle :

La fidélité à un chef

Il y a cinq ans, j’avais assisté à Liège au dernier concert de Christian Arming en sa qualité de directeur musical de l’OPRL (lire Fidélité). C’est lui qui très logiquement dirigeait la tournée de l’orchestre au printemps 2014, j’en reparlerai dans quelques jours à propos de l’étape viennoise.

C’est encore Christian Arming que j’accueillerais plusieurs fois à Montpellier (voir Ils ont fait Montpellier : Top chefs), notamment en 2018 avec les Liégeois et en ouverture de programme le chef-d’oeuvre du compositeur Guillaume Lekeu (1870-1894)

Quatorze ans après

J’évoquais dans mon dernier billet – Des hommes bien – la belle figure du musicien Bruce Richards, cor solo de l’Orchestre philharmonique royal de Liège, décédé le week-end dernier.

J’ai emprunté à Emilie Belaud, aujourd’hui à l’Opéra de Paris, alors violon solo de l’OPRL, cette photo prise à Rio de Janeiro (le pain de sucre !) en août 2008, où l’on voit à gauche Bruce Richards (et à droite son collègue trompettiste Philippe Ranallo)

La fête à Sao Paulo

Ce soir, l’OPRL donne le premier concert de sa tournée en Amérique du Sud, à Sao Paulo.

Les photos des musiciens, à l’aéroport et à l’hôtel (le même qu’en 2008!) ne font que raviver les souvenirs de la précédente tournée sud-américaine que j’avais eu la charge et la chance d’organiser.

Fort heureusement, les circonstances dramatiques qui avaient marqué l’arrivée de l’orchestre il y a quatorze ans ne se sont pas reproduites. Récit et photos à voir ici : Un début en catastrophe.

Les Liégeois seront en bonne compagnie, ils ont choisi le magnifique Nikolai Lugansky qui jouera le premier concerto de Chopin.

Et comme il se doit, le programme des concerts de l’OPRL s’ouvre avec un chef-d’oeuvre, l’Adagio pour quatuor d’orchestre du compositeur belge Guillaume Lekeu, emporté par la fièvre typhoïde à 24 ans..

Le compositeur qui n’est pas l’auteur de son tube

Il est né le 8 juin 1671 et mort le 17 janvier 1751 à Venise. Et son nom a acquis une célébrité universelle au XXème siècle grâce à une oeuvre qui n’est pas de lui ! Peut-être même serait-il aujourd’hui oublié s’il n’y avait eu ce célébrissime Adagio et cet inoubliable sketch du couple Bedos-Daumier

Tomaso Albinoni est honoré par un coffret sorti ce printemps chez Warner, qui n’est jamais désagréable d’écoute, mais qui aurait tendance à confirmer une opinion prêtée à Stravinsky selon laquelle Vivaldi aurait écrit 500 fois le même concerto.

Des versions option tout confort – Claudio Scimone et ses Solisti Veneti sont à leur affaire, avec des solistes de haut vol, dans les séries de concertos pour hautbois (les Français Jacques Chambon et Pierre Pierlot).

Un mot tout de même de cet Adagio d’Albinoni qui n’est pas d’Albinoni. C’est l’oeuvre de Remo Giazotto (1910-1998) qui a établi justement le catalogue des oeuvres d’Albinoni et s’est pris au jeu de faire accroire qu’il avait trouvé un fragment de concerto, qu’il éditera en 1958, avec la postérité que l’on sait (et on l’imagine pour l’auteur des revenus conséquents !).

Je ne suis pas sûr qu’on parviendrait à établir la discographie de cet Adagio et de tous ses avatars. La palme du plus exquis mauvais goût revient sans doute à Herbert von Karajan, avec son orchestre wagnérien.

En tout cas, le thème principal de cet adagio n’est pas l’apanage du seul Albinoni ou de son « arrangeur ». Il n’est que d’écouter le mouvement lent du concerto pour alto (1774) de Carl Stamitz. Ici dans une vidéo émouvante à plus d’un titre : j’y reconnais tant de visages familiers de l’Orchestre de la Suisse romande, tel que je l’ai connu dans les années 80, et la toute jeune altiste Tabea Zimmermann, lors des épreuves du Concours de Genève en 1982. Quel chemin parcouru depuis par cette fabuleuse musicienne !

Il faut écouter à 14’32 :

Pour en revenir à Albinoni, on sait qu’il al aissé environ 300 œuvres. Il a composé environ quatre-vingts opéras dont il ne reste pratiquement rien. En effet, près de soixante-dix de ces partitions furent détruites pendant le bombardement de Dresde en février 1945. On sait cependant que ses opéras étaient fréquemment représentés hors d’Italie dans les années 1720, notamment à Munich. Outre une trentaine de cantates, dont une seule a été publiée (Amsterdam vers 1701), c’est son œuvre instrumentale qui nous est parvenue, grâce à une publication imprimée :

  • Op. 1 : 12 Suonate a tre, publiées à Venise en 1694 ;
  • Op. 2 : 6 Sinfonie & 6 concerti a cinque, publiées à Venise en 1700 ;
  • Op. 3 : 12 Balletti a tre, publiés à Venise en 1701 ;
  • Op. 4 : Sonate da chiesa pour violon & basse continue, publiées chez Roger à Amsterdam vers 1709 ;
  • Op. 5 : 12 Concerti a cinque (& basse continue), publiés à Venise en 1707 ;
  • Op. 6 : 12 Trattenimenti armonici per camera pour violon, violone et clavecin, publiés à Amsterdam vers 1712 ;
  • Op. 7 : 12 Concerti a cinque pour un violon solo (no 1, 4, 7, 10), deux hautbois (no 2, 5, 8, 11) ou un hautbois solo (no 3, 6, 9, 12) & cordes, publiés à Amsterdam en 1715 ;
  • Op. 8 : 6 Balletti e 6 Sonate a tre, publiés à Amsterdam en 1722 ;
  • Op. 9 : 12 Concerti a cinque pour un violon solo (no 1, 4, 7, 10), un hautbois solo (no 2, 5, 8, 11) ou deux hautbois (no 3, 6, 9, 12) & cordes, publiés à Amsterdam en 1722 ;
  • Op. 10 : 12 Concerti a cinque pour trois violons, alto, violoncelle & basse continue, publiés à Amsterdam (1735-36) chez l’imprimeur Michel Charles Le Cène

Les sans-grade (IX) : Georges Sebastian

Des photos échangées sur Facebook, et voici que remontent les souvenirs d’un personnage que j’ai un peu, trop peu, connu à la fin de sa vie, grâce à l’ami François Hudry (Disques en Lice) : le chef d’orchestre d’origine hongroise Georges Sebastian (1903-1989)

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(de gauche à droite François Hudry, Georges Sebastian, Jean-Charles Hoffelé, JPR)

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(Photos prises lors d’une soirée à laquelle ne participait pas la grincheuse épouse !)

Première rencontre au domicile de François, un dîner je crois, le vieux chef était arrivé au bras de son épouse, sans doute plus jeune que lui, mais tellement fardée, apprêtée, embijoutée, coiffée d’un  chapeau à plumes, qu’il était difficile de lui donner un âge. Elle s’appelait Noëlle, une ancienne comédienne ou chanteuse (de cabaret ?), une sorte de mélange entre Suzy Delair et la productrice de France Musique que je décrivais iciManifestement elle entendait que toute l’attention des invités se portât sur elle et des bouts de récits qui semblaient n’avoir ni queue ni tête, alors qu’évidemment nous avions mille questions à poser au musicien, qui avait été l’assistant de Bruno Walter, avait connu Puccini, Richard Strauss…, dirigé tant d’opéras et connu tant d’illustres interprètes, comme la Callas. Au milieu du repas, furieuse de constater qu’on s’intéressait plus aux récits hauts en couleur de son mari, elle se leva brusquement, prétextant un malaise, et demanda qu’on lui appelle une voiture pour la raccompagner chez elle. Nul ne songea à la retenir… Inutile de dire que le reste de la soirée, qui se prolongea fort tard, fut d’un coup beaucoup plus détendu et chaleureux…

J’étais d’autant plus impressionné de me trouver face à Georges Sebastian que c’est par lui et sa version légendaire gravée avec le Gewandhaus de Leipzig, que j’avais découvert La Nuit transfigurée de Schoenberg… et l’adagio de la 10ème symphonie de Mahler (un 33 tours EMI/Electrola). Je le lui dis timidement, essayant de trouver les mots pour décrire les très fortes impressions que m’avait faites ce disque. Incandescente, c’est ainsi que je qualifiai sa Nuit transfigurée, à quoi il me répondit en riant que l’adjectif était particulièrement bien trouvé, s’agissant d’un enregistrement qui avait été fait de nuit – ce qui arrivait très souvent, en Allemagne de l’Est, lorsqu’on voulait éviter les bruits parasites de la journée – par une température glaciale ! Tous les musiciens étaient gantés de mitaines ou de moufles, qu’ils ôtaient dès que les micros s’allumaient ! Pour éviter que la séance ne se prolonge, ils manifestaient une concentration totale, et toujours selon Georges Sebastian, cette version est le résultat d’à peine deux prises !

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Ce couplage Mahler/Schoenberg a été récemment réédité par le label Praga

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La discographie disponible de Georges Sebastian ne reflète que très partiellement la carrière de chef lyrique et symphonique qui fut la sienne. Sur les sites de téléchargement, on peut trouver, plus ou moins bien restitués, des enregistrements qu’un éditeur serait bien avisé de regrouper en un coffret hommage.

Il y a une dizaine d’années, une collection éphémère d’Universal France nous a rendu deux CD – maigre moisson – qui attestent de l’art très Mitteleuropa de Georges Sébastian

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Mais pour le grand public, si tant est qu’il l’ait jamais remarqué, le nom de Georges Sebastian est à jamais associé au légendaire concert des débuts parisiens de Maria Callas en 1958.

 

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Chez Audite, un double CD nous présente Sebastian accompagnateur – le mot est faible ! – de la grande Kirsten Flagstad.

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Attendons d’autres rééditions, notamment plusieurs disques réalisés avec l’Orchestre Colonne, comme une Symphonie de Dukas et plusieurs Franck, et avec l’orchestre du Südwestfunk de Baden Baden…

Disques d’été (VIII) : Mauvais goût

J’ai toujours rêvé d’entendre, voire d’animer, une émission de radio qui serait consacrée aux musiques un peu honteuses, de mauvais goût, comme les gens qui disent regarder Arte et se repaissent en cachette de Dallas ou d’Amour, gloire et beauté (ça me rappelle un épisode authentique : Armin Jordan n’acceptait jamais de répétition qui commence trop tôt le matin pour pouvoir regarder tranquillement dans sa chambre d’hôtel  les épisodes du très mauvais feuilleton du moment !)

France Culture fait un tabac avec une émission qui s’intitule Mauvais genres. Je doute que le nouveau directeur de France Musique qui a pourtant été à bonne école et qui ne passe pas pour être orthodoxe, lance ou accepte un projet aussi « déviant ». Quoique…

De quoi s’agit-il ?

D’abord de ces musiques dites « légères », pas très sérieuses, un peu crapuleuses, qui sont juste très agréables à écouter… et très difficiles à bien jouer. Les Anglo-Saxons sont beaucoup moins coincés que nous dans ce domaine, les Anglais ont toute une ribambelle de compositeurs qui restent quasiment inconnus sur le Continent (voir quelques références à la fin de ce billet)

Quant aux Américains, à Boston, à Cincinnati, à Los Angeles, les soirées « Pops » ou du fameux « Hollywood Bowl » sont les plus courues (avec des chiffres de fréquentation à faire frémir tous les Cassandre de la musique classique). Depuis mon premier voyage aux Etats-Unis en 1987, j’ai collectionné à peu près tous les disques, souvent des « live », des mythiques Boston Pops et de leur non moins mythique chef de 1930 à 1979, Arthur Fiedler (références à la fin de ce billet)

https://www.youtube.com/watch?v=LiAhE9ya5OU

Une fois – en 1999 ou 2000 – j’ai eu la chance d’assister à une soirée du célèbre Hollywood Bowl. Musicalement décevant, un chef mollasson qui avait réussi l’exploit de nous endormir avec un Boléro de Ravel avachi, mais une première étonnante, la présence du mime Marcel Marceau ! Mais ce n’est pas la qualité musicale qu’on vient chercher, plutôt une ambiance unique de fête.

Les Berlinois ont leur célèbre Waldbühne, qui se termine immanquablement par le tube de Paul Lincke – une sorte d’épigone berlinois de Johann Strauss – Berliner Luft :

On continuera une autre fois ce petit tour du monde, qui ne passe malheureusement pas par Paris

Encore ceci sur un chef qu’on peut autant admirer que détester – Herbert von Karajan. Qui n’a jamais eu honte de diriger, et même d’enregistrer, Suppé, Lehar, Strauss, la Gaîté Parisienne d’Offenbach/Rosenthal : il aimait cette musique et la servait avec les mêmes soins que le grand répertoire classique, avec ce surcroît de chic, d’élégance, de raffinement, dont très peu de ses confrères étaient capables. Il avait même enregistré -son choix? ou à la demande d’un producteur ?- toute une série de marches allemandes et autrichiennes, un double album LP qui ne fut jamais disponible en France, partiellement édité en CD. Puis-je faire l’aveu ici que je n’ai pas écouté qu’une seule fois ces « tubes » de la musique de « divertissement » et puis les Berliner Philharmoniker là-dedans…!!

https://www.youtube.com/watch?v=FvezwQlCZlg

En revanche, le même Karajan pouvait se vautrer dans le vrai mauvais goût, par exemple dans un célèbre Adagio qui n’est pas d’Albinoni, ou dans d’impossibles menuets lentissimes de Bach, Haendel, Haydn ou Mozart (les plus mauvais Concertos brandebourgeois de Bach ou Concerti grossi de Haendel de la discographie, c’est lui !).

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