Ravel #150 : Daphnis et Chloé

Nous y sommes : Maurice Ravel est né le 7 mars 1875, il y a très exactement 150 ans. Poursuivons la mini-série autour du compositeur basque et de ses oeuvres les plus connues.

Avec le Boléro et la Valse (on y reviendra), la 2e suite de Daphnis et Chloé est sans doute sa pièce symphonique la plus jouée en concert. Je préfère évoquer ici la partition intégrale de cette « symphonie chorégraphique pour orchestre et choeur sans paroles », comme est intitulée cette musique du ballet composé pour les Ballets russes et créé sur une chorégraphie de Michel Fokine, le 8 juin 1912, au théâtre du Châtelet sous la direction de Pierre Monteux. Pierre Monteux décidément abonné à toutes les créations importantes de l’époque (Petrouchka, Le Sacre du printemps…).

Les versions intégrales sont nettement moins nombreuses au disque que la seule 2e suite.

Je me rappelle encore une émission de « Disques en lice » – la défunte tribune de critiques de disques de la Radio Suisse romande – où, au terme d’une écoute à l’aveugle, la version qui dominait la confrontation était celle de… Pierre Monteux, magnifiquement enregistrée à Londres.

Charles Munch à Boston n’était pas loin…

Ernest Ansermet n’est pas à son meilleur dans cet ouvrage, mais ses héritiers – revendiqués ou non – les deux Suisses, Charles Dutoit et Armin Jordan, y sont admirables

Intéressant de confronter les versions de Jordan père (Armin) et fils (Philippe) :

La version la plus inattendue de la discographie, et peut-être la plus extraordinaire à mes oreilles, est celle du grand Kirill Kondrachine*, captée à Amsterdam en 1972, jadis rééditée dans une série devenue collector

*décédé le 7 mars 1981 à Amsterdam au lendemain d’un concert où il dirigeait la 1e symphonie de Mahler à la tête de l’orchestre de la radio de Hambourg (NDR)

Ravel #150 : le concerto en sol

Suite de cette série consacrée au sesquicentenaire de Ravel – né le 7 mars 1875.

Autre oeuvre célèbre s’il en est, son concerto pour piano en sol majeur, contemporain de son autre concerto « pour la main gauche« . L’oeuvre est créée le 14 janvier 1932 par sa dédicataire, Marguerite Long, le compositeur étant au pupitre de l’orchestre des Concerts Lamoureux.

On ne compte plus, depuis, les centaines de versions au disque et parmi elles, des références qui gardent leur statut au fil des ans.

Arturo Benedetti-Michelangeli (1920-1995)

Tout a été dit sur la perfection du jeu, la qualité du « pianisme » de l’interprète. En 1982, à Londres, avec Celibidache à ses côtés, il continue de fasciner.

Samson François (1924-1970)

L’autre miracle de cette époque, c’est la version plus fantasque, plus libre de Samson François.

Ensuite, il y a l’embarras du choix parmi les multiples versions de Martha Argerich. On l’avait entendue, admiratif comme toujours, au côté d’Emmanuel Krivine et de l’Orchestre national de France

Parmi les multiples versions qui existent au disque, la plus aboutie est aussi la plus récente, où Martha Argerich et Lahav Shani forment un duo de rêve

Réécoutant récemment la version ZImerman/Boulez, bénéficiaire de tous les éloges à sa sortie, j’ai été frappé par le statisme, l’immobilisme d’une version louée en son temps, qui paraît bien neutre, surtout en regard d’autres versions contremporaines

Me revient un souvenir, tard dans la nuit, sur une route de Belgique, nous revenions d’un concert, Louis Langrée et moi, et nous écoutions la rediffusion d’une émission de critique de disques de la RTBF, sur le concerto en sol de Ravel. Résonne alors une version magnifiquement captée – on pense justement à la récente version Zimerman/Boulez/Cleveland, et quand le producteur reprend la parole il annonce : « cette version qui recueille tous vos suffrages, c’est celle de Claire-Marie Le Guay et Louis Langrée avec l’Orchestre philharmonique de Liège ! »

Ravel #150 : le Boléro

Mars est le mois des anniversaires : Ravel né le 7 mars 1875 et Boulez né le 26 mars 1925. Comme en témoignent les couvertures des magazines musicaux – la dernière malheureusement pour Classica.

Je profite de quelques jours loin des réseaux et des connexions pour entamer une petite série sur Ravel. Je n’ai aucune prétention musicologique ou historique. Les bons ouvrages et les bons articles pullulent.

Plutôt mon parcours de découverte de l’oeuvre de Ravel et, partant, des souvenirs de concerts et des choix discographiques assumés.

Le Boléro

Le dernier souvenir que j’ai de la plus célèbre oeuvre de Ravel, c’est au cinéma il y a un an avec le film d’Anne Fontaine (lire Le Boléro d’Anne Fontaine)

Au concert, je n’en ai pas tant que cela finalement. Deux me reviennent, en total contraste. Le premier catastrophique, c’est le 18 juin 2000 dans ce qui tient lieu de salle de concert provisoire pour l’Orchestre philharmonique de Liège (l’église Saint-Martin). Louis Langrée que j’ai pressenti pour la fonction de directeur musical a souhaité un programme tout Ravel pour « tester » l’orchestre. Le régisseur de l’époque de l’orchestre a programmé à la caisse claire un charmant garçon qui fait office alternativement de garçon d’orchestre, chauffeur… et percussionniste. Ce qui devait se passer arriva : la caisse claire perdue en rase campagne au milieu du Boléro, heureusement rattrapée par un autre percussionniste, un vrai, un titulaire, de l’orchestre… Pas sûr que dans la touffeur de cette après-midi, le public se soit rendu compte de quelque chose. Mais comme entrée en matière, on était très mal partis…

L’autre souvenir, nettement plus agréable, se situe quinze ans plus tard, pour le concert d’ouverture de la 30e édition du Festival Radio France, la première issue de ma programmation (2015). A la tête de l’orchestre de Montpellier, j’ai invité un jeune chef encore peu connu en France, avec un programme particulièrement festif qui se terminait par le Boléro. Je l’ai dit le soir même à Domingo Hindoyan, et lui ai répété à l’occasion : il a donné ce soir-là l’une des meilleures exécutions que j’aie jamais entendues du Boléro.

Le génie de l’oeuvre tient à la tenue inexorable, imperturbable de la même formule rythmique soutenue par un crescendo orchestral de pure magie. Mais un tempo trop lent (cf. Celibidache par exemple), des variations – non écrites – de tempo (cf. l’épouvantable ralenti avant la modulation finale de Maazel avec le philharmonique de Vienne) ou, ce qui est plus rare, une accélération, compromettent absolument l’oeuvre.

Quelques exemples, pas forcément attendus, de belles versions du Boléro

Leonard Bernstein et l’Orchestre national de France

Günther Herbig avec l’orchestre de Berlin-Est, dans une prise de son admirable

Et Daniel Barenboim, qui fait le show, avec son orchestre de jeunes West-Eastern Divan.