Le voyage d’Ouzbékistan (IV) : Sur la trace de Tamerlan

Tout ou presque à Samarcande parle de lui, Timour, plus connu sous le nom de Tamerlan (du persan تيمور لنگ, Timur(-i) Lang, qui signifie littéralement « Timour le Boiteux »); voir Samarcande la magnifique.

Le livre de Jean-Paul Roux me semble constituer une bonne approche d’un personnage devenu mythique, comme Alexandre ou Gengis Khan, guerrier, bâtisseur d’un immense empire, et d’une dynastie qui a essaimé dans toute l’Asie.

« Tamerlan a laissé dans l’histoire un souvenir qui rivalise presque avec celui de Gengis Khan et qui est plus précis parce que moins lointain. Ce Mongol turquisé régna trente-cinq ans, de 1370 à 1404, à Samarkand, et mena inlassablement des campagnes militaires, toutes victorieuses, qui le conduisent de Delhi à la mer Egée, de Damas au Turkestan chinois. Entreprises au nom de la guerre sainte musulmane, par un étrange paradoxe, elles eurent pour résultat essentiel la ruine ou l’affaiblissement des plus grandes puissances de l’Islam.

Il y a un mystère Tamerlan et même un véritable mythe, né sans doute de ses retentissants succès et aussi de la complexité du personnage. Imprégné des traditions païennes de l’Asie centrale, il se posait en musulman fervent. Boiteux, infirme du bras et de la main, il avait une énergie et une résistance physiques sans égales. Ne pouvant supporter qu’on évoquât devant lui les horreurs de la guerre, il laissait publier, souvent avec une exagération manifeste, le récit de ses innombrables meurtres, et faisait édifier, partout où il allait, des minarets de crânes. Destructeur de villes millénaires, il construisait en même temps dans sa capitale les plus somptueux édifices et jetait les fondements de la Renaissance timouride, l’un des plus beaux fleurons de la civilisation musulmane.

Son époque fut, comme lui-même, au confluent de deux cultures _ celle de l’Asie centrale, chamaniste et nomade, et celle de l’Iran, musulmane et sédentaire. Avec ses incroyables raids équestres s’achève le temps où les cavaliers armés d’arcs et de flèches imposaient leur loi dans toute l’Eurasie » (Présentation de l’éditeur)

La carte des conquêtes de Timur donne le vertige.

La gloire de Tamerlan

Samarcande et sa région portent le témoignage architectural de la grandeur de la Renaissance timouride (voir Samarcande la magnifique et les albums photo Le Reghistan, Le mausolée de Tamerlan, La nécropole de Shoh-i-Zinda).

On visitait hier l’ensemble le plus monumental de Samarcande : Bibi Khanun, du nom d’une femme de Tamerlan. Les deux façades dépassent les 40 m de hauteur, la taille des mosquées est impressionnante. Mais comme beaucoup d’édifices de la période timouride, ils ont failli disparaître, en particulier pendant la période soviétique.

Partout dans la ville des travaux considérables de restauration, de reconstruction ont été entrepris dès le début des années 1990. Le classement de Samarcande en 2001 par l’UNESCO au patrimoine mondial de l’humanité a accéléré le processus, certainement encouragé par le tout-puissant président de l’époque, Islam Karimov, natif de Samarcande.

Voir l’album photos sur Facebook : Bibi Khanum

La ville natale

Ce n’était pas prévu au programme, mais la visite s’imposait : la ville natale de Tamerlan, Chakhrisabz, est à une centaine de kilomètres au sud de Samarcande, sur la route de l’Afghanistan. On franchit un col à 1650 m d’altitude au milieu d’un paysage de montagnes nettement plus sec que ceux qu’on a pu traverser au Kirghizistan.

On ne peut bien sûr pas comparer la magnificence de Samarcande avec Chakhrisabz, mais les vestiges de la puissance de Tamerlan dans sa cité natale, notamment les restes du Palais blanc, dont la façade dépassait les 70 m de hauteur, témoignent de la gloire passée.

Voir l’album photos sur Facebook Chakhrisabz

Tamerlan en musique

Spontanément, pensant à la figure de Tamerlan dans la musique classique, me viennent à l’esprit les noms de Vivaldi et Haendel.

Mais en cherchant un peu je vois que le personnage avait déjà inspiré Alessandro Scarlatti (Il gran Tamerlano) en 1706, Francesco Gasparini (Tamerlano) en 1710

L’opéra de Vivaldi – Bajazet ou Il Tamerlano – est créé en 1735

Il suit l’ouvrage de Haendel (1724) qui a eu plus de chance avec la postérité que celui de Vivaldi. J’ai depuis toujours une préférence pour la version de John Eliot Gardiner

Je trouve cette rareté sur YouTube… Placido Domingo dans le rôle de Bajazet sur la scène du Teatro Real de Madrid