La politique du radio crochet

Le ministre démissionnaire de l’Economie, Emmanuel Macron, a eu une curieuse formule hier : « La présidence de la République ce n’est pas un radio crochet ». Pas sûr que ceux qui le regardaient sur TF1, sauf les plus âgés des téléspectateurs, aient compris l’allusion à une compétition radiophonique – le radio-crochet – qui date d’avant l’apparition du poste de radio à transistors, c’est dire…Mais s’il voulait faire mouche avec sa formule, c’est réussi, il faut d’ailleurs lui reconnaître une vraie habileté lexicale (Emmanuel Macron sur TF1)

J’ai appris la démission du proche collaborateur puis ministre de François Hollande en même temps que j’achevais la lecture d’un essai à tendance pamphlétaire d’un garçon que j’ai connu – et apprécié – durant les quelques mois où lui était au secrétariat général de la présidence de Radio France et moi à la direction de la musique de la Maison ronde, Pierre Jacquemain. Il sera sans doute très surpris, s’il me lit, que je trouve plus d’un point commun entre son analyse – pertinente, parfois excessive, mais jamais banale – de la politique telle qu’elle va ou ne va plus, ses propositions d’un changement radical…. et les propos d’Emmanuel Macron (alors que Pierre J. dit exécrer à peu près tout ce que représente Macron !).

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Présentation : « Ils ont renoncé à faire ce pour quoi ils ont été élus : mener une politique de gauche. Peut-être parce qu’ils sont devenus de droite. Version naïve. Peut-être l’ont-ils toujours été. Version éclairée. Nos gouvernants ont cessé de faire de la politique. Ils gèrent le bien public, l’État, comme on dirige une entreprise. Il ne s’agit plus de rêver ou d’améliorer la vie des Français. L’heure est au pragmatisme, au « laisser faire, laisser passer », au libéralisme.
Fort de son expérience de conseiller stratégie de la ministre du Travail de septembre 2015 à février 2016, Pierre Jacquemain raconte comment la technocratie a pris le pouvoir sur le et la politique. En dévoilant les coulisses de la loi El Khomri, il nous montre une ministre dépossédée de ses prérogatives, récitant les éléments de langage de Matignon, reléguée au rôle de figurante et condamnée – parce qu’elle le veut bien – à porter une loi qu’elle n’a ni pensée, ni rédigée. Pas même négociée. Une loi faite par et pour des technocrates hors-sol dans une France paupérisée. 
Ils ont tué la politique. Ils ont tué la pensée. Ils ont tué la gauche. »

La charge est d’autant plus lourde que la déception est profonde, jusqu’à un sentiment, largement partagé bien au-delà de ceux qui se revendiquent comme P. Jacquemain d’une gauche radicale, de trahison non seulement des idéaux traditionnels de la gauche, mais du sens de l’engagement politique.

Avec d’autres mots que l’ex-conseiller de Myriam El KhomriEmmanuel Macron décrit de la même manière l’état de désenchantement, voire de désespérance, d’une grande majorité de citoyens. Pas seulement parce que les promesses faites en période électorale ne sont jamais tenues – ce n’est pas nouveau ! – mais parce que le politique ne fait plus de politique, parce que ceux qui nous gouvernent ou prétendent nous gouverner n’expriment plus ni vision ni perspective. Et qu’aucun enseignement n’est jamais tiré des consultations électorales. Si l’on en croit certains, on est bien parti pour rééditer 2012 en 2017…À moins que…