Normal, l’arrestation du « terroriste le plus recherché d’Europe » (ne chercher ni la nuance ni l’exactitude !), le dénommé Salah Abdeslam, a fait la une de tous les journaux télévisés de ce vendredi soir. Sur France 2, j’ai appris que Molenbeek (écrite Molenbeck !) qualifiée par Marie Drucker de « repère de djihadistes » (toujours le sens de la nuance et de l’exactitude), abritait, selon un expert auto-proclamé du terrorisme, des « appartements conspiratifs« .
Entendant cet adjectif, je me dis que j’avais loupé ou une séance du dictionnaire de l’Académie française ou une circulaire du ministère de l’Education nationale. En fait j’avais manqué cet article d’Emmanuelle Cossé dans La Croix du 3 février dernier :
Le 18 novembre dernier, au soir de l’assaut contre les terroristes retranchés dans un appartement à Saint-Denis, le procureur de la République a épaté le pays. Au cours de sa conférence de presse, cet homme éminent a parlé de l’« appartement conspiratif » de la rue Corbillon. La formule me turlupine. Qu’on me pardonne de relever ce détail des moments dramatiques qu’a vécus et que vit le pays. C’est que le fait n’est pas anodin. Car nous assistons depuis un moment à une épidémie d’adjectifs ainsi incongrus.
Pourquoi s’étonner ? on parle bien d’espace collaboratif, de table ou d’étape gourmande. Puisqu’on a oublié depuis longtemps ce que veut dire : adjectif qualificatif, un adjectif qui qualifie le nom auquel il est accolé. On voit bien que ce n’est pas l’appartement qui conspire, l’espace qui collabore, ou la table du restaurant qui manifeste sa gourmandise…
Mais il faut croire que l’actualité qui menacerait d’être répétitive impose l’invention lexicale, le néologisme qui fait mouche. Remettant du même coup au goût du jour des mots anciens, comme conspiration, qui avaient disparu du vocabulaire courant, au profit de complot ou d’entreprise (terroriste).
Réjouissons-nous que l’organisateur présumé des monstrueux attentats de Paris et Saint-Denis soit désormais sous les verrous. Manifestons une nouvelle fois notre compassion à l’égard des victimes, les morts et les survivants, blessés à vie dans leur chair et leur coeur. Et n’oublions pas qu’au moment même où Abdeslam était transféré de l’hôpital au parquet de Bruxelles, une attaque-suicide se produisait dans la principale rue commerçante d’Istanbul. Quelques jours après les attentats de Côte d’Ivoire et d’Ankara…