Le gamin de Paris

On ne pourra jamais lui faire le reproche – et on ne le lui a d’ailleurs jamais fait ! – de ne pas savoir bien parler le français. D’être parfois trop long oui, un bavard impénitent oui. Mais quand on aime, on accepte (presque) tout..

Je viens de terminer Une minute pour conclure de l’ami Ivan Levaï.

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Pas vraiment des mémoires, quoique l’échéance – redoutée ? -de ses proches 80 printemps ait sans doute incité celui qui restera pour moi et quelques millions d’auditeurs « la » voix de la revue de presse quotidienne de France Interà livrer bien des souvenirs intimes, sa naissance à Budapest, une enfance de migrant, le gamin de Paris, de la rue des Pyrénées à la rue François Ier et aux studios d’Europe 1.

https://www.youtube.com/watch?v=C684BtPLR9U

Orphelin d’une femme libre et d’un père inconnu, Ivan Levaï commence sa vie en France, sous Pétain. Il a 7 ans quand le général de Gaulle s’écrie, du balcon de l’Hôtel de Ville :  » Nous sommes ici chez nous dans Paris levé, debout pour se libérer, et qui a su le faire de ses mains.  » C’est là, près de la Seine, que l’enfant caché venu du Danube décidera d’être français et plus tard journaliste, afin de raconter ce qu’il entend et voit. 
Pendant plus d’un demi-siècle, le chroniqueur, plus européen qu’austro-hongrois, interrogera tous les acteurs de la vie publique, politiques, artistes, créateurs, grands patrons, magistrats et personnalités étrangères… 
Mais c’est aujourd’hui qu’il dit tout des bons et des méchants qu’il a pris le temps d’observer durant sa carrière. En effet, pour Ivan Levaï, c’est à l’heure de conclure une longue et belle vie qu’il convient d’être gai et de chanter. Même si la musique diffusée garde son parfum de nostalgie, prix à payer d’une authentique sincérité.  (Présentation de l’éditeur).

Moi qui croyais connaître un peu Ivan Levai, ses amitiés éclectiques, sa fidélité à Mitterrand, Montand, Signoret, j’ai découvert dans ce bouquin des aspects de sa personnalité qui finalement ne me surprennent pas : une très grande culture, nourrie d’une insatiable curiosité, une vraie connaissance de la musique et des musiciens. Bref tout le contraire d’un conteur d’anecdotes superficiel.

Et en ces temps de grand remue-ménage électoral, certains candidats à la magistrature suprême seraient bien inspirés de lire ce témoignage de première main d’un observateur affûté qui fut aussi un acteur discret de l’histoire de notre République française du demi-siècle écoulé.

Pour Ivan, ces échos des bords du Danube :

https://www.youtube.com/watch?v=uryxnRmuABI

https://www.youtube.com/watch?v=UNxFm7_XTyA

Retour au calme

On pouvait en être sûr, il ne suffisait pas à certains que François Hollande déposât les armes, il leur fallait tirer sur l’ambulance et décréter que le Président.. n’avait jamais été Président ! Des éditorialistes qui appliquent à la lettre la définition qu’avait faite Jean-François Kahn du journalisme : Lécher, lâcher, lyncher.

Heureusement on a lu quelques analyses plus pertinentes comme celle-ci : La non-candidature de l’Elysée ou le dossier que Le Monde consacre à l’événement dans son édition du week-end. Et puis le feuilleton présidentiel est loin d’être écrit. Attendons la suite…

J’ai profité de mes derniers voyages – Montpellier, Bruxelles – pour lire et voir. D’abord le dernier Blake et Mortimer

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« Nos héros les plus british mènent l’enquête sur le plus british des dramaturges : William Shakespeare of course !
Mais qui est-il vraiment ?
Entre l’Angleterre et l’Italie, Philip Mortimer et Elizabeth, la fille de Sarah Summertown, résolvent des énigmes plus ardues les unes que les autres.
Entre-temps, Francis Blake enquête sur une bande organisée de Hyde Park.
Une course contre la montre et des révélations en série : un très grand Blake et Mortimer signé Yves Sente et André Juillard ! »

Un bon cru, un peu lent peut-être, quelques intrigues secondaires peu utiles. Mais les héros créés par Edgar P. Jacobs n’accusent pas la fatigue de leurs 70 ans d’existence !

Relative déception en revanche pour un bouquin qui laisse le lecteur et accessoirement fan de la cantatrice sur sa faim…

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Je connais bien et admire Felicity Lott, depuis longtemps (1988), j’attendais encore plus de souvenirs personnels et professionnels,  des rôles qu’elle a incarnés et des personnalités qu’elle a côtoyées, de son travail avec Carlos Kleiber, John Pritchard, Armin Jordan, ses accompagnateurs en récital (Graham Johnson), les metteurs en scène, etc.. Frustrant mais bienvenu pour qui veut connaître une artiste incomparable !

Netflix ayant eu – enfin – la bonne idée de proposer le visionnage de ses films et séries hors connexion internet, j’ai pu, entre Montpellier et Paris, découvrir les premiers épisodes d’une série que la rumeur présentait sous le meilleur jour : The CrownLa réalisation est particulièrement soignée, les moyens largement déployés pour raconter l’étonnant destin et la longévité exceptionnelle de l’actuelle souveraine britannique.

 

 

 

Je suis venu vous dire…

Je n’avais pas prévu dans Primaire : effets secondairesune autre conséquence de la primaire de la droite : le renoncement de François Hollande. Et pourtant, je suis convaincu qu’en plus de toutes les raisons -impopularité, éclatement de la gauche – invoquées par les commentateurs, la manière dont Sarkozy a été sèchement éliminé a pesé dans la décision du Président de la République.

Les électeurs ne voulaient pas d’un match retour de 2012, ni Sarkozy… ni Hollande. Ils auront au moins eu droit à deux belles sorties. Tout le monde a salué le fair play de Sarkozy le 20 novembre au soir, tout le monde reconnaît ce soir la dignité et le courage d’un Président qui se retire pour laisser une chance à la gauche de concourir à la prochaine présidentielle.

Le temps viendra où l’on pourra faire sereinement le bilan – ombres et lumières, échecs et réussites – d’un quinquennat, d’un homme qui ne méritent à coup sûr pas l’excès d’opprobre dont ils sont couverts depuis des mois. C’est d’ailleurs ce qui transparaît dans le fameux livre – que l’ai lu – de Gérard Davet et Fabrice Lhomme, qui est infiniment plus intéressant que les citations qui en ont été extraites. Les deux journalistes du Monde reconnaissent que l’action de François Hollande a, dans beaucoup de domaines, été couronnée de succès, notamment dans les moments tragiques que le pays a connus, mais que le Président n’a jamais été capable d’en convaincre d’abord son camp, et surtout l’opinion…

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La décision de Hollande, le résultat de la primaire de droite rebattent toutes les cartes pour la prochaine présidentielle, et d’abord de la primaire de la gauche. Une chose est sûre : Et si rien n’était joué ?

Des hommes libres

Décidément, ce mois de juillet commence tristement. Coup sur coup, deux grandes figures, deux hommes libres, quittent la scène et nous laissent orphelins d’une pensée, d’une vision, d’un amour de l’humanité : Michel Rocard et Elie Wiesel.

Sur Rocard, tout a été et tout sera dit, avec une constante dans l’hommage : ce que nous pleurons avec sa mort, c’est la disparition d’une espèce devenue rare d’hommes politiques, les militants d’une cause juste, les intellectuels comprenant et expliquant le monde et la société, les visionnaires persévérants et capables de « mettre les mains dans le cambouis ». On a suffisamment brocardé l’ancien Premier ministre pour ses phrases à rallonge, son élocution débridée, ses formules péremptoires, on en regrettera d’autant plus ses apostrophes, ses interpellations, comme dans cette toute récente interview sur le Brexit

Faut-il dire que ce bouquin à deux voix, paru il y a cinq ans, n’a malheureusement rien perdu de son actualité ?

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D’Elie Wiesel je retiens ce témoignage universel, essentiel pour nos consciences, nous la génération de l’après-Shoah :

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Je me rappelle aussi m’être précipité sur ce livre paru quelques mois après la mort de François Mitterrand, il y a vingt ans.

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« Lorsque le mandat s’achève, que l’oeuvre s’accomplit et, qu’avec l’âge, l’horizon se rapproche, le besoin naît, souvent, de rassembler des pensées éparses et de confier à l’écriture le soin d’ordonner sa vie. Arrivé là où je suis, j’éprouve, moi aussi, maintenant, la nécessité de dire, en quelques mots trop longtemps contenus, ce qui m’importe. Tel est l’objet de ce livre. C’est pourquoi j’ai entrepris, avec Élie Wiesel, ce travail de mémoire. » (François Mitterrand).

On sait que, depuis lors, Elie Wiesel avait pris ses distances avec Mitterrand, lorsque furent mis au jour les comportements pour le moins ambigus de l’ancien président de la République à l’égard de Vichy, de René Bousquet et des lois anti-juifs de Pétain…

Devoir de mémoires

Un long voyage est toujours propice à la lecture, surtout depuis qu’on peut recourir au livre virtuel (mais, me concernant, c’est l’exception). Trois bouquins, un pavé pour l’un d’eux, en lien direct avec l’actualité de ce début janvier.

D’abord une somme absolument passionnante, que les auteurs ont mis quinze ans à accoucher, les souvenirs d’un personnage qui n’évoque plus grand chose pour les jeunes générations, sauf pour les adeptes de Canal Plus : André Rousselet

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Vingt ans après la mort de François Mitterrand, le 8 janvier 1996 (j’y reviendrai après-demain), c’est sans doute le témoignage le plus complet, le plus attendu aussi – Rousselet, choisi comme exécuteur testamentaire par l’ancien président de la République, ne s’était encore jamais exprimé ni sur l’illustre défunt ni sur sa vie d’aventurier des médias et de la politique. Toute la saveur et l’ironie du personnage sont dans le titre, À mi-parcoursMême s’il les porte fièrement, l’intéressé a tout de même 93 ans ! Vraiment passionnant, souvent drôle, et de toute première main notamment pour qui veut revivre la fabuleuse explosion médiatique que la France a connue dans les années 80,90.

Et puis, autant l’avouer, on était un peu en manque depuis que Patrick Rambaud avait cessé ses chroniques du règne de Nicolas Ier. Son orientation politique notoire  allait-elle le et nous priver de passer François Hollande au tamis de son humour ravageur et salutaire ? On est rassuré :

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On sent bien l’affection de l’auteur pour son sujet, mais le trait fait mouche, et l’entourage en fait souvent les frais. L’ex-compagne du chef de l’Etat porte plutôt bien le surnom de Madame de Pompatweet…

Autre livre rappelant la tragique actualité de ces jours de janvier 2015. Oui, certainement, Philippe Val est de parti pris, oui il écrit, il décrit Charlie Hebdo, comme lui l’a vécu et dirigé pendant plusieurs années. Mais Philippe est devenu un ami et son témoignage, ses emportements, ses tortures intérieures, nous livrent un personnage complexe, et une situation, celle du journal satirique des vingt dernières années, qui l’est tout autant. Ce matin, à l’arrivée de l’avion, j’ai acheté le numéro spécial de Charlie Hebdo, j’adorais Cabu, mais je n’ai jamais été un lecteur régulier. Mais qu’on aime ou pas, qu’on trouve que c’est trop ceci ou cela, rien n’excusera, n’expiera jamais la tuerie du 7 janvier 2015, et même si Voltaire ne l’a jamais dite ou écrite, je reprends cette citation à lui, à tort, attribuée : « Je n’aime pas tout ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le dire »

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