Les Anglais ne font rien comme tout le monde (cf. la situation politique actuelle !), c’est d’ailleurs pour cela qu’on les aime. Et pour cela qu’on leur consacre un Festival (lefestival.eu).
Mais contrairement à mes billets précédents (A Sea Symphony, La mer qu’on voit danser), je ne vais pas parler d’oeuvres ou d’artistes programmés à Montpellier ce mois de juillet, mais d’un label britannique, Alto, qui recycle, réédite des enregistrements parus sous d’autres étiquettes, souvent disparues, et dont le catalogue semble inépuisable et accessible à petit prix sur des sites britanniques (comme prestomusic.com).
Il y a peu, Jean-Charles Hoffelé signalait (Nuits de pleine lune) la réédition d’un disque Falla par Alicia de Larrocha naguère paru chez Hispavox, avec la première version enregistrée par la pianiste espagnole des Nuits dans les jardins d’Espagne
En prévision de l’été, j’ai bien sûr commandé ce disque et une palanquée d’autres, parmi lesquels je recommande aujourd’hui des « produits » typiquement britanniques, qu’on n’imagine simplement pas sous les labels français ou allemands.
Un programme parfait pour le Tea Time…
Plus original encore cette compilation qui donne à entendre les orgues des grandes cathédrales d’Angleterre et leurs titulaires. Suivez le guide !
Heureux d’entendre le Carillon de Westminster de Louis Vierne sur l’instrument de la célèbre cathédrale londonienne de… Westminster
Originalité encore avec le compositeur Samuel Coleridge-Taylor, né à Holborn en 1875 d’un père originaire de Sierra Leone et d’une mère anglaise, mort à Londres en 1912.
Je ne suis pas sûr qu’à part son fameux « pont », synonyme de long week-end et d’éventuels congés, l’on sache encore ce qu’est l’Ascension et le pourquoi d’un jour férié un jeudi !
Le calendrier chrétien
Rappelons donc que l’Ascension est une fête chrétienne célébrée le quarantième jour à partir de Pâques. Elle marque la dernière rencontre de Jésus avec ses disciples après sa résurrection et son élévation au ciel. Elle exprime un nouveau mode de présence du Christ, qui n’est plus visible dans le monde terrestre, mais demeure présent dans les sacrements. Elle annonce également la venue du Saint-Esprit dix jours plus tard et la formation de l’Église à l’occasion de la fête de la Pentecôte. Elle préfigure enfin pour les chrétiens la vie éternelle.
Le jeudi de l’Ascension est jour férié dans plusieurs pays et célébré chaque année entre le 30 avril et le 3 juin pour le calendrier grégorien. Pour les catholiques et les protestants, en 2022, l’Ascension est le jeudi 26 mai et en 2023 elle aura lieu le 18 mai. Pour les orthodoxes, c’est respectivement le 2 juin et le 25 mai. (Source Wikipedia).
L’Ascension en musique
De manière certes moins abondante ou spectaculaire que Noël ou la période pascale, l’Ascension a inspiré les compositeurs.
On pense en premier lieu à Jean-Sébastien Bach et à sa cantate BWV 11 Lobet Gott in seinen Reichen, souvent nommée Oratorio de l’Ascension (17 mai 1735)
L’un des fils Bach, Carl Philip Emanuel (1714-1788), écrit un oratorio qui réunit deux épisodes : la Résurrection (à Pâques) et l’Ascension du Christ (1774)
Le prolifique Telemann (1681-1767) avait fait de même en 1770, quelques années avant C.P.E.Bach, sur le même livret de Karl Wilhelm Ramler.
et écrit plusieurs cantates pour ces fêtes religieuses du printemps.
Incontournable Messiaen
Au XXème siècle, le plus religieux des compositeurs français, Olivier Messiaen (1908-1992) consacre à l’Ascension deux recueils, en 1932 pour orchestre symphonique, puis en 1933 pour orgue, composés de quatre mouvements :
Majesté du Christ demandant sa gloire à son Père
Alleluias sereins d’une âme qui désire le Ciel
Transports de joie d’une âme devant la gloire du Christ qui est la sienne
Prière du Christ montant vers son Père
Deutsche Grammophon a eu la bonne idée de réunir en un coffret anniversaire (Olivier Latry vient de fêter ses 60 ans) les enregistrements de l’organiste à la tribune de Notre Dame de Paris, en particulier une intégrale de l’oeuvre d’orgue de Messiaen qui fait référence.
J’en profite pour rappeler qu’Olivier Latry est l’un des invités prestigieux de l’édition 2022 du Festival Radio France pour un récital sur les orgues de la Cathédrale Saint-Pierre de Montpellier le 20 juillet prochain, qui rendra, entre autres, hommage à César Franck à l’occasion de son bicentenaire : lefestival.eu.
On n’oublie pas l’Ukraine loin de là (Unis pour l’Ukraine), on a parfois honte de certains débats ou de certaines prises de position (lire à ce sujet l’excellent billet du jeune musicologue Tristan Labouret sur Facebook)
Mais on vient de passer deux soirées bienfaisantes, l’une au théâtre, l’autre à la Philharmonie de Paris. Récit.
L’inconnu d’Agatha C.
Cela fait un moment que j’avais repéré ce spectacle qui se donne depuis le 24 janvier dans un théâtre – une salle moderne du 11ème arrondissement – où je n’avais jamais mis les pieds, l’Artistic Athévains
Je suis depuis mon adolescence un lecteur et un fan d’Agatha Christie, on connaît ses « recettes » pour nouer des intrigues policières et dérouter ses lecteurs jusqu’à la fin. Ses pièces de théâtre sont moins fréquentes. Raison de plus pour assister à ce Visiteur inattendu.
Le « pitch » est simple, trop simple pour être honnête évidemment ! Un soir de brouillard, un homme survient dans une maison isolée, sa voiture ayant versé dans le fossé, il arrive sur une scène de crime, un homme tué par balles dans une chaise roulante et lui faisant face une femme tenant un revolver et expliquant qu’elle vient de tuer son mari. On se doute que, comme dans tous les romans et les pièces d’Agatha Christie, tous les personnages qui vont intervenir ont tous une raison d’être impliqués dans ce crime, on ne dira évidemment pas qui est le coupable !
Je n’avais pas encore eu l’occasion de voir et d’entendre le nouveau directeur musical de l’Orchestre de Paris, le jeune Finlandais Klaus Mäkelä qui vient de fêter ses 26 ans ! Le programme de cette semaine était, de surcroît, d’une originalité rare dans les concerts parisiens : l’Ebony concerto de Stravinsky, le Premier concerto pour piano de Rachmaninov et le Requiem de Maurice Duruflé.
Philippe Berrod ouvre le bal à la clarinette et s’amuse bien avec ses excellents collègues dans ce faux concerto faussement jazz mais vraiment Stravinsky sous la houlette élancée et élégante du jeune chef.
Puis vient le moins joué des quatre concertos de Rachmaninov qui servit – les moins de quarante ans ne peuvent pas connaître – d’indicatif à la mythique émission de Bernard Pivot Apostrophes (dans la version de Byron Janis).
Quel bonheur de voir entrer, moulée dans une robe jaune (l’Ukraine?), la pianiste chinoise Yuja Wang, une artiste qu’on tient pour véritablement exceptionnelle depuis qu’on l’a entendue notamment en 2014 à Zurich dans le 2ème concerto de Prokofiev, et un an plus tard avec Michael Tilson Thomas dans le 4ème concerto de Beethoven, c’était à la Philharmonie ! (Les surdouées).
Yuja Wang a cette sorte de charisme, de personnalité hors norme, qui emporte l’adhésion et la sympathie immédiates du public, elle manifeste une telle joie de jouer, se défiant de tous les obstacles techniques – son deuxième bis hier soir, les redoutables variations sur Carmen de Vladimir Horowitz, elle s’en amusait, elle s’en régalait, comme si aucune difficulté ne pouvait lui résister -, son contrôle du clavier est proprement sidérant.
Requiem pour la paix
En dehors du disque (Michel Plasson) je n’avais jamais entendu en concert le Requiem de Maurice Duruflé (1902-1986), le chef-d’oeuvre choral de celui qui fut jusqu’à la fin de sa vie l’organiste de Saint-Etienne-du-Mont à Paris. La filiation avec Fauré est évidente (comme le couplage des deux oeuvres au disque). Le requiem de Duruflé a été créé à la fin de la Seconde Guerre mondiale en 1947
Hier, au-delà de la confirmation que Klaus Mäkelä est un chef très inspiré, en osmose avec son orchestre, on a vécu l’un de ces moments forts dans la vie d’un mélomane, dans une vie d’homme tout simplement. La puissance, la beauté, la cohésion des forces musicales – magnifique choeur de l’orchestre de Paris -, la présence de deux solistes ukrainiens, Valentina Plujnikova et Yuri Samoilov, le très long silence recueilli à la fin du requiem, avant que n’éclate un tonnerre d’applaudissements dans le public de la Philharmonie, particulièrement adressés aux deux interprètes ukrainiens, et au-delà d’eux, à tout un peuple martyr.
L’Orchestre national de France et son chef Cristian Măcelaru – ainsi que le Choeur de Radio France – ont bien fait les choses pour commémorer le centenaire de la mort de Camille Saint-Saëns : ce soir à 20h à l’auditorium de Radio France, en direct sur France Musique, ils donnent du très connu – la Troisième symphonie avec orgue – Olivier Latry étant à la console des grandes orgues de l’auditorium – et de l’inconnu, le Requiem, composé en huit jours à Berne , dédié à un généreux donateur, Albert Libon, et créé le 22 mai 1878 à l’église Saint-Sulpice de Paris.
Pour notre part, nous allons clore ici une série commencée en septembre dernier (Saint-Saëns #100) avec quelques pépites discographiques (qui s’ajoutent à toutes celles qu’on a dénombrées dans les articles précédents !)
Avec ou sans S ?
Mais d’abord une interrogation musicologique et linguistique de la plus haute importance : faut-il ou non prononcer le « s » final du nom Saint-Saëns ? Aujourd’hui tout le monde prononce « sens », et pas « cent ». Pourtant le propre père de Camille tenait, semble-t-il, à ce qu’on ne prononçât point cette finale. À cause de l’histoire !
La très jolie petite ville normande deSaint-Saëns, aujourd’hui située en Seine-Maritime, doit son nom au moine irlandais Saen (en gaélique ancien, il correspond au prénom « Jean ») qui, vers l’an 675, fonda un monastère sur les rives de la Varenne, en lisière de la forêt d’Eawy, d’où naquit le bourg qui porte depuis son nom. Le « S » final est une adjonction récente apparue au XVIIème siècle. Et malgré ladite adjonction, jusqu’au XIXème siècle, on a continué de dire « cent », et non « sens ».
Le Carnaval de Karl B.
Pour être inattendue, cette version n’en est pas moins ma préférée, et Dieu sait s’il y a d’excellentes versions du Carnaval des animaux.
Oui Karl Böhm lui-même n’a pas craint d’enregistrer avec l’Orchestre philharmonique de Vienne, la version de référence de cette plaisanterie musicale, de même qu’un fantastique Pierre et le Loup de Prokofiev.
Le récitant de la version française est Jean Richard.
Dans la monumentale réédition des enregistrements symphoniques de Karl Böhm chez Deutsche Grammophon, on a laissé deux versions, en anglais, et en allemand – c’est le fils du chef d’orchestre, l’acteur Karlheinz Böhm (1928-2014), qui en est le récitant. Mais pas de version française, ou, ce qui eût été infiniment préférable, SANS récitant !
Du violoncelle à la trompette
J’ai encore un souvenir merveilleux de ma rencontre avec le trompettiste russe prodige Sergei Nakariakov – 44 ans aujourd’hui ! -. J’avais ses disques, je savais qu’il était fabuleusement doué, mais je ne l’avais jamais entendu en concert jusqu’à ces jours d’août 2008 où il avait été pressenti par les organisateurs locaux de la tournée de l’Orchestre philharmonique royal de Liège en Amérique du Sud. Il devait jouer une fois à Rio de Janeiro, une autre fois à Rosario, la troisième ville d’Argentine au nord-ouest de Buenos Aires. Nous fîmes route ensemble de Buenos Aires à Rosario – où il devait jouer le concerto pour trompette de Hummel, un grand classique – mais Sergei ne me parla que musique contemporaine, création, nouveaux répertoires. C’est au cours de ce trajet qu’il me fit entendre un extrait d’une oeuvre nouvelle, à lui dédiée, Ad Absurdum de Jörg Widmann. Je décidai de la programmer dès que possible à Liège, j’en parlai à François-Xavier Roth qui devait prendre la direction musicale de l’orchestre à l’automne 2009, et Nakariakov offrit aux publics de Liège et Bruxelles une version… soufflante de ce petit chef-d’oeuvre du surdoué Jörg Widmann.
Mais Sergei me parla aussi beaucoup de ses transcriptions d’oeuvres, de concertos écrits pour d’autres instruments. Dans le coffret anthologie publié par Warner (lire L’indispensable anthologie), il y a une version aussi réussie qu’inattendue du 1er concerto pour violoncelle de Saint-Saëns, mais aussi joué à la trompette !
Transcriptions
Le grand pianiste américain Earl Wild (1915-2010), outre ses dons de virtuose, était un transcripteur forcené. C’est à lui qu’on doit par exemple cette version pour le piano du poème symphonique Le Rouet d’Omphale de Saint-Saëns
J’en profite pour signaler une version peu connue du très connu Deuxième concerto pour piano due à Earl Wild :
Valses
Etonnamment, le virtuose qu’était Saint-Saëns a relativement peu écrit pour le piano solo, et pas de pièces d’importance. Il est d’autant plus émouvant de le retrouver jouant sa Valse mignonne, filmé par Sacha Guitry en 1914 (Saint-Saëns avait encore de sacrés doigts sept ans avant sa mort !)
Bertrand Chamayou donne la référence moderne de la Valse nonchalante
Le 18 décembre on commémorera le centenaire de la disparition de Camille Saint-Saëns (1835-1921) : avec le Carnaval des animaux, l’oeuvre la plus célèbre du compositeur français est sans aucun doute sa Troisième symphonie « avec orgue ».
Cette symphonie est une commande de la Royal Philharmonic Society de Londres, elle fait appel à un orchestre « classique » auquel s’ajoutent un orgue et un piano (joué à quatre mains) qui n’ont jamais un rôle soliste. La symphonie est créée à Londres sous la direction du compositeur le 18 mai 1886, elle est dédiée à Franz Liszt (qui meurt le 31 juillet 1886). La création française a lieu en janvier 1887.
Ces années 1886-1887 sont fastes pour la symphonie française : créations de la 3ème symphonie de Saint-Saëns, de l’unique symphonie en sol mineur de Lalo et de la symphonie sur un chant montagnard de Vincent d’Indy. La symphonie de Franck suivra de peu (en 1889).
J’ai consacré le premier billet de cette petite série dédiée à Saint-Saëns au corpus des cinq symphonies : Saint-Saëns #100 les symphonies.
Une discographie sélective
Il y a pléthore de versions de la symphonie « avec orgue » de Saint-Saëns.
Ce qui suit est une sélection personnelle, qui ne suit pas nécessairement les habituelles recommandations, les fameuses « références » établies une fois pour toutes sans qu’on prenne la peine de les réécouter, et donc de les réévaluer. Détail technique important : la plupart des disques du commerce font appel à des organistes connus… et à des instruments qui ne sont pas situés dans la salle ou le studio d’enregistrement. D’où montage et parfois petits problèmes de justesse !
Barenboim à Chicago
Les réussites de Daniel Barenboim comme chef symphonique, surtout dans la musique française, sont très inégales. Mais son enregistrement de la 3ème symphonie réalisé à Chicago en 1975 (avec Gaston Litaize enregistré à Paris !) avait été loué par la critique à sa sortie, et reste une grande version.
Saint-Saëns à Berlin
Il n’y a pas pléthore de disques berlinois d’une symphonie qui ne ressortit pourtant pas à une esthétique vraiment française.
James Levine a gravé, en 1986, l’une des plus belles versions de la 3ème symphonie, avec un finale en Technicolor où il parvient à éviter les lourdeurs auxquelles succombent nombre de ses confrères.
L’horrible couverture du disque (quel génie du marketing a bien pu avoir une aussi piètre idée chez Deutsche Grammophon ? ), ce vieillard qui ressemble à un spectre caché dans les tuyaux d’un orgue infernal, ne doit pas nous dissuader d’écouter une version surprenante : Karajan y fait entendre toutes les subtilités de l’orchestre de Saint-Saëns, avec une précision rythmique hallucinante. C’est lui qui avait expressément demandé à ce que la partie d’orgue soit enregistrée par Pierre Cochereau à Notre-Dame de Paris.
Les grandes orgues de Liège
J’avais eu le bonheur d’inaugurer, en septembre 2000, après complète rénovation, ce que les Liégeois appelaient la salle du Conservatoire, ou tout simplement le Conservatoire, et que nous rebaptiserions Salle Philharmonique de Liège. Cinq ans plus tard, c’était au tour des grandes orgues Schyven de la Salle philharmonique d’être inaugurées lors d’un festival qui avait mobilisé nombre d’organistes belges et français, l’Orchestre philharmonique royal de Liège bien sûr et Louis Langrée (lui-même fils de l’organiste Alain Langrée). Bien évidemment, la troisième symphonie de Saint-Saëns était au programme, et c’était Thierry Escaich qui était à la console.
C’est évidemment l’orgue de la Salle philharmonique qui a servi dans les deux enregistrements récents de la symphonie. Dans le dernier en date, Jean-Jacques Kantorow dirige l’OPRL, et Thierry Escaich fait sonner les tuyaux liégeois.
En 2006, c’était une autre star de l’orgue qui faisait entendre pour la première fois au disque l’instrument restauré de Liège, Olivier Latry, cette fois avec Pascal Rophé à la tête de l’orchestre philharmonique de Liège.
La référence Paray
Je pourrais citer plusieurs autres disques, dont certains plutôt « à éviter » – il y a quand même quelques ratages de cette symphonie, et des parfois célèbres -. Je préfère mettre en avant un disque qui n’a jamais perdu de son éternelle jeunesse, et qui reste un modèle de prise de son (ah les fameux Mercury Living presence !)
Les auditeurs de France Musique, et les Parisiens qui seront à l’Auditorium de Radio France mercredi ou jeudi prochain, pourront entendre en concert la Troisième symphonie : l’Orchestre national de France et Cristian Macelaru seront à l’oeuvre, au moment où sort leur intégrale des symphonies de Saint-Saëns
Le centenaire de la mort de Camille Saint-Saëns (1835-1921) va-t-il enfin donner lieu sinon à une édition discographique complète du moins à un élargissement substantiel du répertoire enregistré du compositeur français ? On attend de voir, mais on en doute un peu !
Ce week-end débat passionné, et passionnant, sur Facebook, à propos de la sortie prochaine d’une nouvelle intégrale des symphonies de Saint-Saëns par l’Orchestre national de France et son nouveau directeur musical Cristian Măcelaru.
Cinquante ans après la première intégrale réalisée par Jean Martinon à la tête de ce qui était alors l’Orchestre national de l’ORTF !
Certains estiment inutile cette nouvelle intégrale et souhaiteraient que les formations de Radio France explorent un répertoire moins couru…
Sans préjuger de ce que sera cette nouvelle publication, on ne peut pas non plus dire que les intégrales des symphonies de Saint-Saëns encombrent les rayons. Et pour avoir entendu Cristian Măcelaru et l’Orchestre national de France en concert dans trois des symphonies – pour le concert inaugural du chef roumain (Inauguration) il y a un an, en mai dernier toujours à Radio France (Le retour au concert), et en juillet dernier au Festival Radio France (La fête continue), je me réjouis de ce nouvel enregistrement !
Quels sont les autres choix ?
Marc Soustrot et l’orchestre de Malmö (Naxos)
Thierry Fischer et l’orchestre de l’Utah (Hyperion)
Le chef suisse Thierry Fischer a enregistré ces symphonies avec l’orchestre de l’Utah.
Mais le bonheur de revoir Jean-Jacques Kantorow mercredi soir a été ravivé, s’il en était besoin, par l’annonce qu’il m’a faite de la réalisation prochaine chez BIS d’un projet que j’avais nourri depuis plus de dix ans, dans la ligne éditoriale qui est la marque de la phalange liégeoise : l’intégrale des symphonies de Saint-Saëns, avec Thierry Escaichsur les grandes orgues Schyven de la Salle philharmonique pour la 3ème symphonie. Dejà impatient !
Je n’ai pas attendu la perspective du centenaire de sa mort pour m’intéresser à Saint-Saëns. Pendant mes années de direction de l’Orchestre philharmonique royal de Liège, j’avais imaginé trois projets : l’intégrale des poèmes symphoniques, l’intégrale des cinq symphonies, et l’oeuvre concertante hors piano. Deux des trois sont aujourd’hui réalité.
Le premier CD a été récompensé d’un Diapason d’or (sept.2021)
Hallucinant Prestissimo « pris sur les chapeaux de roue » comme l’écrit François Laurent dans Diapason. Des Liégeois plus valeureux que jamais !
On consacrera un prochain billet à la discographie de la seule 3ème symphonie « avec orgue » dont il doit exister plusieurs dizaines de versions !
J’ai quelques amis fous… de musique et surtout de disques, vinyles et CD. J’en ai d’autres qui ont numérisé toute leur discothèque. J’ai adopté, pour ma part, une position… centriste ! Tout est affaire de place et d’utilité.
J’ai donné l’essentiel de mes 33 tours, n’en conservant que ceux qui avaient une valeur affective ou un caractère de rareté et qui n’ont pas été reportés en CD. Quant aux CD, j’adopte la même attitude. Comme la mode est, depuis quelques années, chez les majors à la réédition en coffrets exhaustifs, en général bien documentés, je n’hésite pas à libérer les rayons de ma discothèque.
Passage culturel
Durant le « pont » de l’Ascension, je suis passé par Cholet, aimable chef-lieu d’arrondissement dont je ne connaissais que les… mouchoirs, où j’ai découvert, en plein centre ville, au rez-de-chaussée de l’ancien théâtre, une belle et grande surface culturelle, le Passage culturel
Et un rayon disques classiques qui en remontrerait à plus d’une FNAC…où j’ai trouvé, à prix cassé, quelques galettes qui m’avaient échappé.
Le disque d’Olivier Latry a un intérêt désormais historique, puisque c’est le dernier à avoir été enregistré sur les grandes orgues de Notre-Dame de Paris, avant l’incendie de la cathédrale le 15 avril 2019 !
Melomania
Les Parisiens, privés de leurs grandes « surfaces culturelles » pour cause de confinement, devraient être plus nombreux à fréquenter le seul disquaire spécialisé dans le classique dans la capitale, l’incontournable Melomania, situé au 38 boulevard Saint Germain, Paris 5ème.
On a toujours des chances d’y trouver le CD introuvable, des centaines de belles occasions, des imports japonais, des DVD jamais vus ailleurs.
Où l’on s’aperçoit que les chefs français ne sont pas les plus manchots pour diriger le répertoire classique viennois (mais Jean-Jacques Kantorow et Emmanuel Krivine ont en commun d’avoir été (EK) et d’être encore (JJK) des violonistes de premier rang… et d’avoir souvent enregistré ensemble !)
Martinon et Mackerrras
Les mêmes amis que je citais au début de ce billet lancent volontiers des discussions, parfois interminables, sur les mérites comparés de tel chef, telle version d’un chef-d’oeuvre, tel incunable. Je rentre rarement dans la mêlée, et je m’amuse le plus souvent de ces échanges parfois vifs, tranchés, définitifs, surtout lorsqu’ils proviennent de gens beaucoup trop jeunes pour avoir jamais entendu « en vrai » les chefs qu’ils révèrent ou détestent. Mais c’est la grande vertu du disque, et aujourd’hui de tous les documents disponibles en numérique, que d’abolir le temps et de nous rendre familiers, voire intimes, des interprètes que nous n’avons jamais connus.
Et c’est la grande vertu de ces débats – en général sur Facebook – que d’attirer l’attention – la mienne en tout cas – sur des versions qu’on a sinon oubliées, du moins un peu négligées.
Tom Deacon nous lançait récemment sur les grandes versions des symphonies d’Elgar, et chacun de citer les évidents Boult et Barbirolli. Jusqu’à ce que T.D. nous signale les introuvables versions de Charles Mackerras gravées pour Argo.
Des disques que je me rappelle très bien avoir eus dans ma discothèque… et qui en ont disparu, conséquence probable d’un déménagement.
Autre débat récent, à propos d’un Boléro de Ravel dirigé par Riccardo Chailly, diffusé ce dimanche sur Arte. Soporifique, sans élan, j’en passe et de meilleures ! Et plusieurs de citer comme une référence, l’exact contraire de Chailly, la version que Jean Martinon a gravée à Chicago en 1966, republiée dans un coffret RCA/Sony où tout est passionnant (détails à voir ici)
Parmi les pépites que contient ce coffret, j’ai envie de distinguer une flamboyante 2ème suite de Bacchus et Ariane de Roussel et une véritablement « inextinguible » 4ème symphonie de Nielsen. Orchestre phénoménal, et prises de son exceptionnelles.
On évoque moins souvent les versions hyper-virtuoses confiées au piano : la plus connue intitulée Arabesques sur Le Beau Danube bleu est due au compositeur polonais Adolf Schulz-Evler (1852-1905). Je ne connaissais pas cette captation en concert du plus grand pianiste russe vivant, Mikhail Pletnev (prononcer Plet-nioff). Epoustouflant !
En revanche je connais depuis longtemps ce qu’en faisait Shura Cherkassky (à qui il faudra vraiment que je consacre tout un billet !).
Et puis, en réécoutant le beau coffret qu’EMI avait consacré au grand Georges Cziffra (1921-1994) – tiens un centenaire à célébrer ? – je suis tombé sur ceci, la transcription de Cziffra lui-même. Qui laisse sans voix !
Je n’ai jamais entendu Le beau Danube à l’orgue. Dommage ce qu’en fait Jonathan Scott à Manchester ne manque pas d’allure !
J’ai gardé pour la fin le piano à bretelles, le bayan russe, ce magnifique interprète qui achèvent de me plonger dans un état de nostalgie avancée (lire Capitale de la nostalgie)
PS J’apprends à l’instant la disparition d’Henri Goraieb, personnalité aux multiples talents, qui fut l’une des voix les plus singulières de France Musique et que j’eus le privilège de connaître à ce moment-là. J’y reviendrai.
Le triple assassinat de Nice, le reconfinement, l’incohérence des décisions gouvernementales (les librairies fermées, mais les magasins de moquette ouverts !), la mort d’Alexander Vedernikov, l’actualité nous bouleverse, nous révolte. Y revenir par temps plus calme !
Mariss Jansons : les jeunes années
Il y a un exactement – le 31 octobre 2019 – Mariss Jansons donnait son dernier concert parisien à la Philharmonie à la tête de « son » orchestre de la Radio bavaroise.
Un mois plus tard, le 30 novembre, il mourait chez lui à Saint-Pétersbourg à 76 ans, épuisé par une maladie cardiaque qui l’avait contraint, à plusieurs reprises, à faire des pauses dans sa carrière.
A l’occasion de ce triste anniversaire, Warner publie un coffret bienvenu, du connu et de l’inédit, reprenant en 21 CD et 5 DVD, les enregistrements réalisés pour EMI par le chef letton avec l’Orchestre philharmonique d’Oslo dont il fut le tant aimé directeur musical de 1979 à 2002.
Il m’est arrivé d’écrire, ici ou dans tel magazine, que les remake ultérieurs de ce qui constituait le coeur de répertoire de Jansons, à Amsterdam (avec le Concertgebouw) ou à Munich (avec la Radio bavaroise) gommaient, amoindrissaient, alentissaient l’énergie vitale, l’élan irrésistible, qui caractérisaient la direction du chef dans ses jeunes années (c’est particulièrement net par exemple pour la Deuxième symphonie` de Sibelius : Oslo 1992, Amsterdam 2005, Munich 2016 – entre Oslo et Munich, le 3ème mouvement vivacissimo passe de 3’57 » à 5’56 » !!)
On est donc très heureux de retrouver ce qui nous avait tant séduit chez ce chef découvert dans les années 80 – lire Mariss Jansons : la grande tradition.
En premier lieu, Sibelius – les symphonies 1,2,3,5 – dont on regrettera longtemps que Jansons n’ait pas enregistré une intégrale, des Dvorak (5,7,8,9) de grande allure, Stravinsky bien sûr, des Respighi plus latins que nature, mais aussi des raretés qui sont des coups de maître – Saint-Saëns, Honegger, Svendsen –
La belle surprise de ce coffret ce sont 5 DVD inédits, de captations réalisés en concert à Oslo entre 1985 et 1999. Notamment une symphonie de Franck, qui semble être une prestation unique dans la carrière du chef. Et des Sibelius absolument prodigieux !
Sitôt reçu l’alerte sur mon smartphone, j’ai assisté, impuissant, envahi d’une insondable tristesse, à l’inimaginable, Notre-Dame de Paris en proie aux flammes…
Comme le 11 septembre 2001, impossible de se détacher de ce spectacle morbide, jusqu’aux premières heures de la nuit, et l’assurance que le bâtiment et les tours resteraient debout.
Chacun de nous a une histoire, son histoire avec Notre-Dame.
Le piéton de Paris que je suis a ses parcours familiers, obligés (Paris autour de Notre-Dame). Je suis si souvent passé tout près d’elle, évitant le plus souvent le parvis et ses milliers de touristes, préférant le pont de l’Archevêché à l’arrière du square Jean XXIII, avec une vue imprenable sur le chevet, la flèche, la toiture… qui ne sont plus que cendres ce matin.
(Vue du pont de la Tournelle sur Notre-Dame et le quai d’Orléans)
Le 30 janvier 2018, Notre-Dame semblait surnager au milieu de la crue de la Seine
Et en novembre dernier, « ma » Notre-Dame resplendissait dans la nuit de l’hiver…
J’ai un autre souvenir très particulier. Le 30 mai 1980, première visite à Paris du nouveau pape Jean-Paul II, messe solennelle à Notre-Dame. Les parlementaires y avaient été invités; le député avec qui je travaillais n’était pas à Paris ce jour-là et j’avais pu profiter de son carton d’invitation pour assister à l’événement sur le parvis de la cathédrale. À mes côtés celle qui allait donner naissance six mois plus tard à notre premier fils… Lorsqu’à la fin de l’homélie du pape, le ciel de Paris s’entrouvrit, illuminant la façade de Notre-Dame du soleil couchant, l’émotion nous étreignit.
Mais Notre-Dame, pour moi, ce sont tant et tant de souvenirs liés à ses grandes orgues, à ses organistes. Personne n’en a parlé depuis hier, mais on peut imaginer, craindre, que l’instrument n’ait pas survécu à l’incendie…
Pensées pour l’ami Olivier Latryqui venait d’enregistrer ce disque Bach sur ces grandes orgues Cavaillé-Coll rénovées.